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Critiques de Arthur Koestler (166)
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Le Zéro et l'infini

Roubachov, un ancien commissaire du peuple est emprisonné pour être jugé selon la technique en vigueur dans l’Urss de l’entre deux guerres. Selon la technique de l’arroseur arrosé, Koestler nous livre une vraie réflexion sur le pouvoir et la chose politique.

Sans vraiment s’en cacher, il critique le système soviétique poussé à sa plus absurde logique. Dictature du peuple, mais dictature tout de même.

Le propos peut se résumer à cette simple question : sacrifieriez-vous dix personnes si cela peut en sauver un million ? Posé comme cela, la réponse est évidente, tel un contre-feu obligatoire pour juguler l’incendie. Soit. Maintenant, je repose la question : accepteriez-vous de voir toute votre famille abattue si cela doit épargner toute la nation.

Non, évidemment, non.

On sera toujours plus touché par la mort d’un proche que par l’ensevelissement sous un tsunami ou l’anéantissement par un virus de milliers d’inconnus au bout du monde.



Roubachov reconnait ce crime aux yeux des soviets : il a placé un moment l’humain au-dessus de l’humanité. Sacrilège. Et d’écrire sa confession sous la forme d’une thèse sur la maturité politique des masses, passionnante par ailleurs, qui veut que le peuple ne peut jouir d’une réelle démocratie que s’il maitrise le progrès technique. Pure chimère depuis l’ère industrielle : l’évolution technique va si vite qu’il nous est impossible de simplement suivre le train en marche. Nous serions donc tous condamnés à vivre sous une dictature.

Seulement, nous sommes des mammifères supérieurs, placés tout en haut de la chaine alimentaire et notre mode d’évolution est la stratégie K, selon les écologues McArthur et Wilson, développée en 1967 (soit 22 ans après le bouquin de Koestler) qui s’oppose à la stratégie R.

Dans le premier mode de civilisation, l’espèce mise tout sur le développement dans un cadre un tant soit peu sécurisé : une grande part est donnée à l’éducation. Nous partageons avec les primates et les prédateurs cette façon de perpétuer l’espèce. Dans le second mode, tout est basé sur une forte reproduction, à la croissance rapide et à la maturité précoce. C’est le système mis en place notamment par tous les insectes. Ces sociétés finalement assez proche du système soviétique (fourmilière, ruche). Et cela marche parfaitement : certaines espèces n’ont plus évolué depuis des dizaines de millions d’années, preuve que leur société est parfaitement équilibré et insérée dans leur environnement. L’humain ne peut et ne pourra jamais fonctionner de cette façon. Koestler en donne une preuve sans détour : le besoin qu’ont les prisonniers de communiquer entre eux, par un système de code.

D’aucuns vont penser que cela est d’un autre temps et d’un autre pays. En êtes-vous vraiment sûr ? Le monde libéral et globalisé ne participe-t-il pas de la même logique ? Sous des dehors de totale liberté, nous sommes enfermés dans nos propres cellules en possédant même la clé mais ne pouvant s’en servir, ne le désirant même pas. A grand renfort de marketing et de publicité, ce monde libéral nous conditionne mieux que toutes les polices de Staline ou d’Hitler. Le constat est simplement moins visible. Mais il est là : afin de gouverner les foules, on doit faire abstraction de l’individu. Machiavel n’est pas loin.

Cependant, à l’heure où refont surface dans toute l’Europe des nationalismes érigés sur des idées nauséabondes, ce libéralisme destructeur n’est-il pas le seul rempart face à une douloureuse répétition de l’Histoire ? Serions-nous condamnés à devoir choisir entre la peste et le choléra ? N’y a-t-il pas de troisième voie possible, souhaitable ? L’humain ne peut-il triompher de l’humanité ?

Notons, au passage, l’excellente idée du titre en français – chose rare – puisque l’original (ténèbres de midi) ne fait aucunement allusion au dilemme central du roman et se concentre uniquement sur l’interrogatoire qui se poursuit, par tranches, sans plus aucune notion du jour ni de la nuit.



Outre qu’il nous est bien difficile de nous identifier à Roubachov (n’a-t-il pas ce qu’il mérite, après tout ?), on ressort de ce roman avec un désenchantement qui nous colle à la peau comme une chemise glacée.

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Les call girls

Dans sa constante recherche de la vérité, qu’elle soit politique ou scientifique, Arthur Koestler aura utilisé différentes formes, de l’essai à la fiction. « Les call-girls », publié en 1972 sera sa dernière œuvre de fiction après une interruption de plus de vingt ans depuis « Les hommes ont soif » publié en 1951.



« Les call-girls » est le compte rendu sur une semaine, du dimanche au samedi, d’un symposium directement issu de l’imagination d’Arthur Koestler où sont réunis une brochette de sommités, « les call-girls » du savoir pour débattre et porter un diagnostique sur la condition humaine et la démence suicidaire de l’homme…

Bien entendu, comme c’est souvent le cas dans ce genre de réunion-congrès-séminaire, les douze éminents savants réunis autours de ces questions ne manqueront pas de proposer des remèdes plus néfastes encore que les maux qu’ils sont censés guérir... Et nous sommes à deux doigts du déclenchement de la troisième guerre mondiale…



Un dernier roman d’Arthur Koestler qui ne vient pas démentir que dans son œuvre, la partie romanesque reste un peu faible. A recommander aux inconditionnels de l’auteur.

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Le Hasard et l'infini

Le discours de la science, sous-engeance du discours capitaliste et précurseur de la parlotte technologique, entérine le déni de la castration et le fantasme d’accès à une vérité pleine et unanimement déclinable à chacun. Il se gausse de tous les phénomènes qui ne se laissent pas capturer dans son champ. Lorsque le discours de la science se heurte à l’impossible de la méthode scientifique, aucun de ses adeptes ne remettra en cause cette méthode. En revanche, il tiendra la valeur du phénomène pour nulle ou proposera de ranger le phénomène dans la catégorie des expériences occultes, c’est-à-dire des expériences qui seront matériellement explicables lorsque les progrès du discours scientifique auront encore abrasé un peu plus la liberté des choses à ne vouloir rien dire.





Arthur Koestler a rédigé deux courts essais consistant en une interprétation philosophique d’expériences scientifiques dont l’objectif était de prouver statistiquement la télépathie. L’expérience est la suivante : des images sont projetées sur un écran devant des individus représentant des « émetteurs » tandis que, dans des cabines isolées, un échantillon de récepteurs doit essayer de reconstituer l’image projetée par des mots ou des dessins. Le tri des résultats est plus délicat. De premiers biais peuvent intervenir dans l’interprétation des dessins et des mots dont le degré de pertinence avec l’image réellement projetée peut être plus ou moins grande. L’évaluation statistique vise ensuite à estimer si le nombre de « réussites » est supérieur à celui qu’aurait pu donner le simple hasard. Dans ce cas, les « scientifiques » estiment que la télépathie est scientifiquement prouvée, donc qu’elle existe, évidemment. Tout phénomène à l’ère scientifique se trouve dans la même délicate situation que le chat de Schrödinger : inexistant tant que l’œil scientifique ne s’est pas posé sur lui.





Si Koestler introduit heureusement quelques interrogations sur le hasard dans les deux premières parties du livre (comment le distinguer de la chance, par exemple), le dernier chapitre rédigé par Robert Harvie s’y consacre plus complètement. L’orientation du chapitre reste malheureusement toujours portée par l’envie de résoudre, c’est-à-dire de faire entrer un phénomène dans une catégorie close pour ne plus avoir à y penser. Nous pensons alors à ce formidable passage des Shadoks :

« Pour les aider à se débarrasser de tout ce qu’il ne fallait pas savoir, les Shadoks avaient créé l’Antimémoire. C’était un grand machin à base de mécaniques subtiles, telles que poubelles à tiroirs, concasseurs de connaissances, broyeurs à savoir, etc. On le promenait de chaumière en chaumière et il récupérait tout ce que les Shadoks pour leur hygiène culturelle étaient obligés d’oublier. Quand par maladresse, paresse ou inadvertance, le Shadok, dans un moment d’oubli en quelque sorte, se souvenait de quelque chose, l’Antimémoire rappliquait dare-dare. On lui disait "je veux pas le savoir" et l’Antimémoire aussitôt jetait ça dans ses tiroirs. Le reste du temps, il vivait dans les champs où il ruminait de la mathématique et de la cybernétique, de la logique formelle et du calcul différentiel. La civilisation shadok grâce à ses soins allait bon train. L’Antimémoire grandissait en âge et en vigueur. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’il prit le nom d’ordinateur ».





Robert Harvie porte son espoir sur les dernières spéculations de la physique tutti quantique pour tenter d’intégrer les phénomènes qui échappent encore au discours scientifique. La tentative semblera réussir si le phénomène en est réduit artificiellement à des données quantitatives, au prix d’accommodements rendant la science toujours plus bancale. Ains, le discours scientifique continuera de perdre en crédibilité à mesure qu’il refusera d’accepter que son locuteur, le scientifique, ne puisse accéder à l’entière objectivité de son étude des choses, étant lui-même toujours séparé des choses par le langage qu’il utilise pour les décrire.

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Le Zéro et l'infini

Un roman, dense et complexe, sur l'écrasement des individus et sur l'échec des processus révolutionnaires.

Derrière la critique du régime de l'est dénoncé par Koestler, on peut faire un parallèle avec tous les systèmes totalitaires; non seulement politiques ou religieux, mais également ceux issus d'une idéologie institutionnalisée en organismes défenseur d'une cause quelconque.

En soi toute cause, même bonne, se radicalise par effet de groupe et d'institutionnalisation. L'intégrisme n'est jamais loin, et tout contradicteur, même pragmatique, sera à bannir.

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Face au néant

Comme le « Démon de Socrate » paru en 1970, « Face au néant » est un recueil – le dernier à ma connaissance – de textes : conférences, articles, essais, chroniques, prononcées ou publiés dans la période 1968 – 1973.

Regroupés par genre, lectures, sciences, voyages, une vingtaine de textes qui montrent bien combien les centres d’intérêt de l’auteur son variés… pour finir en beauté par une charge contre certains aspects méconnus , mais néanmoins désastreux de la vie et de la philosophie du Mahatma Gandhi…

J’ai lu ce livre dans les années 70… Peut-être que certains textes sont un peu datés aujourd’hui ; mais à feuilleter pour rédiger cette modeste présentation, tout reste, parfois malheureusement, d’actualité.



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La lie de la terre

Toute l’œuvre d’Arthur Koestler est empreinte des convulsions du vingtième siècle. Livre après livre il consolide son combat contre les démons idéologiques et les souffrances physiques et mentales qu’ils ont imposé à la quasi-totalité de la planète. "La lie de la terre " est le récit autobiographique d’un fait de la seconde guerre mondiale relativement méconnu : durant le conflit, certains étrangers de France jugés plus ou moins suspects, ont subi diverses vexations, voire persécutions qui ont fait d’eux « la lie de la terre ».

Arthur Koestler décrit une année de son existence (1940), symbolique de ce qu’ont vécu ces indésirables ; pour la plupart opposants aux fascismes européens. Arrêté dès la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, il va connaître toutes sortes de péripéties qui vont le mener au camp de concentration et de travail du Vernet, dans les Pyrénées Atlantiques.

Impossible de résumer ce foisonnement d’expériences et d’existences... C’est fort, très fort, poignant même… mais aussi intelligent et parfois simplement touchant.

Chaque fois, on est bluffé par l’intelligence du récit et sa précision, la profondeur de l’analyse psychologique et la justesse des réflexions ; le tout servi par l’efficacité d’un style sobre, subtil et digne malgré l’âpreté du propos.

Indispensable pour ceux qui veulent se faire une idée de quoi l'homme est capable en des temps troublés.
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La Treizième Tribu : L'Empire khazar et son h..

Au temps de Charlemagne, la partie de l’extrême est de l’Europe allant du Caucase à la Volga était dominée par un puissant état appelé l’empire Khazar, suzerain d’une vingtaine de petits royaumes bulgares, polonais, magyars ou rhus qui lui versaient tribu. À cette époque, les armées du califat, qui étaient parvenues à franchir les montagnes du Caucase, furent stoppées net par les armées khazars. Il s’ensuivit un conflit qui dura plus de cent ans. Ils permirent ainsi un certain répit à l’empire romain d’Orient en bloquant cette avancée à l’est pendant qu’à peu près à la même époque, Charles Martel en faisait autant à l’ouest du côté de Poitiers. Les Khazars étaient un peuple nomade. Ils avaient la réputation de ne jamais se laver, de porter les cheveux longs (blonds aux yeux bleus pour les « Khazars blancs » et bruns aux yeux sombres pour les « Khazars noirs ») et de pratiquer des sacrifices humains. Pris entre l’autorité de l’empereur byzantin chrétien et le calife musulman de Bagdad, la Khazarie finit par adopter la religion juive, histoire de conserver son indépendance. Mais la montée en puissance du peuple russe et surtout les grandes invasions mongoles signèrent la disparition de leur empire et leur éparpillement en Pologne et en pays magyar principalement.

« La treizième tribu » est un essai historique qui, s’il apprend pas mal de choses sur une des véritables origines du peuple juif, n’en demeure pas moins basé sur des sources peu fiables voire contradictoires (lettres de voyageurs, de diplomates, voire témoignages de seconde main…). Il reste certainement beaucoup à découvrir sur le sujet. Le lecteur y découvrira combien ces temps pouvaient être barbares. Ainsi les Khazars se débarrassaient-ils des gens qu’ils jugeaient trop intelligents. « Si tu en sais trop, on te pendra. Si tu es trop modeste, on te marchera dessus », disaient-ils. Il pourra revoir également pas mal d’idées reçues. À cette époque, le prosélytisme religieux était courant, la mixité aussi, tout comme les viols de captives. Résultat plus de peuple élu ni de race pure, mais une immense majorité de gens métissés. Koestler prouve ainsi que l’idée d’une « race » juive issue uniquement de Palestine est un leurre. Si les Séfarades (juifs d’Espagne puis du Maghreb peuvent se prétendre d’une lointaine origine moyen-orientale), les Ashkénazes (descendants directs des Khazars éparpillés en Europe de l’Est) sont d’ascendance turco-mongole, voire aryenne d’Inde. Rien n’est simple en ethnologie historique. Ouvrage intéressant pour une première approche du sujet.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Le Zéro et l'infini

J'ai dû lire ce bouquin à 17-18 ans, et je n'ai jamais oublié Roubachov, victime des purges staliniennes après en avoir été lui même l'instrument.

Dans sa geôle, les crimes et les trahisons qui lui reviennent en mémoire lui paraissaient nécessaires, quand il éliminait en toute bonne foi ses anciens compagnons d'armes, autant qu'elles doivent paraitre aujourd'hui à celui qui est chargé de lui faire avouer à lui, Roubachov, ancien dignitaire du parti, des crimes imaginaires.

J'ai toujours en tête la dernière phrase, une des plus belle fin jamais écrite, qui me flanque encore les frissons ...
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Le Zéro et l'infini

Cinquante ans après l’avoir lu, je me souviens de l’escadre de cargos soviétiques qui vient briser une grève, de Roubachof emprisonné, du système qui, obéissant à une logique qui échappe au militant de base, broie dans sa progression infernale les humains et leur enthousiasme (ceci me rappelle « les dieux ont soif », d’A. France, qui se déroule un siècle et demi plus tôt).

J’encourage les jeunes lecteurs à lire ce livre.
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Le Zéro et l'infini

La longue introspection d’un prisonnier politique. Pas dénué d’intérêt, mais habité de quelques longueurs tout de même. Elles servent peut-être le propos, d’ailleurs, reflétant une atmosphère d’oppression psychologique puis physique.



Ce qui est magnifique dans les livres, c’est que même sans vous happer, ils vous permettent de vivre mille autre vies et de prendre le temps de réfléchir à des situations que vous ne vivez pas et donc de vous enrichir d’expériences variées. La lecture reste un des rares moments où l’on peut se poser, ralentir le rythme et laisser libre court à des pensées qui ne seront pas squeezées par des fenêtres pop-up ou autres gifs ou que sais-je encore…



Le zéro et l’infini était un des premiers titres d’une liste des cent meilleurs livres du siècle dernier, ou quelque chose du genre. Comme je souhaite parfaire ma culture littéraire, j’ai pensé que l’occasion était belle. Mais à trop attendre d’un livre le risque d’être déçu est plus grand. Ce livre ne me laissera pas le même souvenir impérissable qu’à d’autres.

Au suivant !


Lien : https://chargedame.wordpress..
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Le cri d'Archimède

Arthur Koestler est né en 1905 . C’est dire qu’il a connu de près ou de loin, les grands drames qui marquèrent le XXème siècle ; et plutôt de près si l’on considère son engagement pendant la guerre d’Espagne et la deuxième guerre mondiale. Plus de 30 ans d’engagement politique qui se termineront en 1956, avec la publication de ce que d’aucuns considèrent comme son testament politique « L’ombre du dinosaure ». Une nouvelle ère commence... Qui sera passionnante, elle aussi... Et tellement différente.



L’ère nouvelle commencera par la publication d’un ouvrage majeur : « Les somnambules », où l’auteur développe la thèse que la connaissance humaine ne progresse pas en ligne droite, mais par tâtonnements faits d’explorations de multiples voies -certaines sans issue - qui demandent parfois un changement de direction, voire un retour en arrière pour en explorer d’autres, etc. Un ouvrage très documenté basé sur l’astronomie moderne débutante…

Un autre thème, vaguement évoqué sans le nommer dans « Les somnambules » est celui de « l’acte bisociatif », c’est à dire l’acte - à différencier de l’acte associatif - qui correspond à un bond novateur, qui, en reliant soudain des systèmes de références jusqu’alors séparés, nous fait vivre et comprendre le réel sur plusieurs plans à la fois, à la manière d’un Newton qui « bisocia » les travaux de Kepler, Copernic et Tico Brahé pour en faire la « Loi de la gravitation universelle »…



« Le cri d’Archimède » parcourt, analyse et généralise la notion d’acte bisociatif dans le cadre de la découverte scientifique et de la création artistique.



Un analyste de la pensée humaine vient de voir le jour. Après une activité politique intense, Arthur Koestler nous livre dans cette trilogie - parce qu’il s’agit bien là d’une trilogie quand on ajoute « Le cheval dans la locomotive » aux « Somnambules » et au « Cri d’Archimède » - le fruit de son expérience dans la compréhension de la condition humaine. Un texte d’une très grande originalité de la part d’un écrivain majeur, pas si connu qu’il le mériterait à mon goût…

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La corde raide

« En 1937, pendant la guerre d’Espagne, comme je me trouvais en prison avec la perspective d’avoir à affronter le peloton d’exécution, je fis un vœu, si je sortais vivant, d’écrire un autobiographie sincère ou je me ménagerais si peu qu’à côté d’elle " Les confessions" de Rousseau et " Les mémoires " de Cellini paraîtraient pure hypocrisie… » Ainsi s’exprime Arthur Koestler pour expliquer la parution précoce de son autobiographie – « La corde raide » et « Hiéroglyphes » - alors qu’il na pas cinquante ans.

On dit souvent qu’ Athur Koestler ne brille pas dans la partie romanesque son œuvre. C’est assez vrai, sauf quand il s’attaque au seul vrai roman qui vaille : celui de sa propre vie ; car pour un roman, c’est est un, et pas banal…

« La corde raide » nous montre son enfance en Hongrie et en Autriche. Vient l’heure de la première remise en question et le départ pour la Palestine où il participe à la fondation d’une colonie juive. Ce sera l’échec, mais un échec qui lui permettra de fourbir ses premières armes en matière de journalisme. De retour en Europe, il ira de succès en succès, mais éternel insatisfait, il adhèrera finalement , en 1931, au Parti Communiste ; deuxième remise en question, convaincu qu’il est que le Parti reste la seule alternative possible à la montée du fascisme.

A ce stade, on est surpris de constater qu’ Athur Koestler mène sa propre vie sur le même chemin que celui décrit dans un de ses plus grands succès, « Les somnambules » - postérieur à « La corde raide » puisque paru en 1960 – où il compare le cheminement de la pensée humaine depuis la nuit des temps à celui d’un somnambule, sans arrêt contraint, d’impasse en mauvaises routes, à rebrousser chemin pour repartir de plus belle.

Telle sera la vie d’Arthur Koestler, à l’image du XXe siècle : mouvementée, déchirée, peuplée de désillusions et de revirements, voire de renoncements, mais jamais de reniements dans son infatigable combat pour la dignité de l’homme.



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Spartacus

Arthur Koestler nous retrace ici l’histoire de Spartacus, le gladiateur thrace qui a provoqué une terrible guerre civile à la fin de la République Romaine. Écrit après la seconde guerre mondiale cette fresque semble retentir d’avertissements liés à l’histoire du XX° siècle.



L'intrigue est construite telle une tragédie classique : on sait tout de suite que l'affaire va mal tourner... Spartacus hésite entre plusieurs voies... Et finalement choisit celle qui consiste à faire le bonheur de ses "soldats" malgré eux ; ce qui n'est pas sans rappeler le stalinisme et que toute utopie mène, si on y prend garde, à la dictature.



Les mécanismes économiques et politiques qui mènent à la révolte sont parfaitement décrits de même que les agissements de César pour faire tomber la République. On apprend ainsi que les importations "gratuites" de blé et d’esclaves depuis les colonies romaines impliquaient un chômage massif et une grande misère pour les citoyens romains obligés de s’engager dans la légion...



Dans un style à la fois à la fois épique et didactique, Arthur Koestler nous livre ici un roman est d'une très grande modernité et très riche d’enseignements.
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La tour d'Ezra

La Tour d'Ezra / Arthur Koestler (1905-1983)

Comme des voleurs dans la nuit…

En cette nuit de 1937, une colonne de camions tous feux en veilleuse se dirige sur une mauvaise piste de Galilée vers une zone de collines non loin du lac de Tibériade. Dina et Joseph, installés inconfortablement sur une bâche recouvrant la benne de leur camion, plaisantent et se font rappeler à l'ordre par Siméon qui réclame le silence.

Partis à deux heures du matin de la colonie de Gan Tamar située à une vingtaine de kilomètres, ils sont 150 hommes et femmes dont 120 de la colonie de Gan Tamar les accompagnant pour l'installation du camp de base fortifié. Beaucoup sont des « sabras », des jeunes nés en Israël. Les autres viennent pour la plupart d'Europe centrale, ayant fui les pogromes et autres autodafés, notamment la jeune Dina qui est restée marquée à tout jamais. Des membres de l'Haganah dirigés par un certain Bauman, organisation paramilitaire juive assurant la protection des colonies rurales (kibboutzim), les accompagnent.

le pays sous mandat britannique depuis 1923 subit la révolte des Arabes et les Anglais ne se préoccupent pas vraiment du sort des Juifs en général ni du lieu de la future colonie hébraïque en particulier, que les nouveaux colons rejoignent, animés par le rêve romantique et romanesque du Retour pour réaliser une utopie sociale, après deux milles ans d'exil. L'endroit a été acheté aux chefs de villages arabes par le Fonds national et déjà, avant même d'être arrivés, ils ont la tête pleine de projets. La future nouvelle colonie s'appellera la Tour d'Ezra.

Il faut savoir que bien que légalement achetée, la zone est contestée par certains villageois et c'est aujourd'hui la troisième tentative pour s'y rendre, la première ayant échoué sous une volée de pierres, la deuxième, il y a trois mois, sous les balles avec deux futurs colons tués.

le Mukhtar de Kfar Tabiyeh et son fils n'en croient pas leurs yeux au petit matin quand ils aperçoivent sur la colline de l'autre côté de la vallée qu'ils surplombent, la tour de guet installée et les jeunes colons vaquant à l'installation du camp tels des fourmis. En effet, c'est vers cinq heures du matin, juste avant le lever du jour, que la colonne de camions arrive à destination. Aussitôt le chef des nouveaux colons, Ruben, distribue les tâches.

Les colons sont pour l'instant 25, vingt hommes et cinq femmes. 12 femmes et 3 bébés les rejoindront plus tard. Les membres de ce groupe se connaissent depuis des années, années au cours desquelles ils ont appris à vivre ensemble. Ils sont Polonais, Russes, Anglais…etc.

le soir venu, les colons prennent un peu de repos avant la veillée nocturne et les conversations vont bon train quand est évoquée l'éventualité d'une attaque par les Arabes. Pour Siméon, la seule réponse à la violence et la violence : oeil pour oeil, dent pour dent ! La morale n'a pas à intervenir ici, et pour des raisons purement logiques, ils doivent opposer la terreur à la terreur.

La soirée se termine au son de la cornemuse et la danse de la « horra », une « horra » débridée, sauvage et joyeuse. C'est vers minuit qu'éclate le fracas des premiers coups de feu tirés contre la palissade du camp. Branle-bas de combat, chacun à son poste au son des cris et ordres hurlés dans « cette langue ancienne qui n'avait jamais été aussi mélodieuse qu'ainsi criée à travers le vent et la pluie dans la nuit, une langue sauvage et tragique mal faite pour des propos frivoles. » Une phrase du livre restée célèbre et que j'ai souvent entendue.

Il est cinq heures trente du matin, le soleil se lève, on déplore la mort du jeune Nephtali touché par une balle. Une journée s'est achevée. La première.

Ainsi se résume cette première partie de 100 pages sur les 435 du livre, une présentation qui permet de comprendre la suite de ce roman passionnant, fascinant et émouvant, émouvant surtout lorsque l'on a connu la vie en kibboutz comme ce fut mon cas par deux fois en 1963 et 1967 durant les mois d'été au cours desquels j'ai pu également parcourir l'ensemble du pays du nord au sud, et notamment la Galilée dans la région où se passe l'action du livre, et également le Néguev.

Une année a passé et les tensions avec les Arabes voisins se sont calmées. Joseph, le savetier, tient un journal et nous relate la vie de la colonie en cette année 1938, comme la constitution de leur quatuor à cordes, la location du tracteur aux Arabes de Kfar Tabiyeh contre une somme modique, l'arrivée de nouveau colons pour arriver à 41 membres, le nombre de 200 étant prévu pour la fin de l'année, la construction en dur du pavillon des enfants et de l'étable, alors qu'eux-mêmes vivent encore dans des baraques en bois, les relations hommes femmes au sein de la communauté, les questions politiques animant follement les conversations quand il s'agit de considérer l'attitude des Anglais. Et puis les relations toujours incertaines et agitées avec le monde arabe en général, quand bien même les rapports avec le village de Kfar Tabiyeh se sont apaisés. de nombreux thèmes animent la suite de ce livre magnifique, comme l'histoire de la ville de Tel-Aviv, les racines du conflit israëlo-palestinien, la vie dramatique de Dina, l'épopée des Juifs de Boukhara en Asie Centrale, le rôle de l'Haganah et de ses branches spéciales clandestines, l'Irgoun et le groupe Stern, qui agissent en coulisse.

1939 : les colons de la Tour d'Ezra, sont à présent au nombre de 300. C'est une oasis hors d'atteinte des ouragans qui bouleverse le monde avec une furie sans cesse accrue. Leur hymne se veut être le Cantique des Cantiques.

Extrait :« Exilés en Égypte il y a des millénaires, puis à Babylone, puis sur tout le globe, entourés d'étrangers hostiles, il s'est développé chez le Juifs des traits particuliers…Ils formaient la cible naturelle de tous les mécontents parce qu'ils étaient si exaspérément si anormalement humains…Privés d'un foyer dans l'espace, il leur a fallu s'étendre dans d'autres dimensions…Un pays est l'ombre que projette une nation ; pendant deux mille ans, nous avons été une nation sans ombre. »

A travers ce livre, véritable témoignage, c'est toute l'histoire de la naissance de l'Etat d'Israël et d'un peuple qui retrouve enfin sa patrie perdue après une errance de deux mille ans que nous retrace Arthur Koestler (1905-1983). La communauté socialiste d'Ezra s'est peu à peu courageusement établie sur une colline aride et désertique de Galilée. Il a fallu lutter sans cesse pour conserver cette parcelle de terre " symbole ", contre les intempéries, la maladie, la solitude, enfin, le découragement. Il a fallu survivre pour montrer aux autres nations qu'un Etat nouveau peut resurgir de ce désert. Koestler n'était pas seulement un incomparable analyste du monde concentrationnaire. Romancier vigoureux de la taille d'un Malraux, témoin lucide de son temps, essayiste, ce fils de famille juive hongroise était aussi un prophète.En effet, l'État d'Israël est né après la guerre, en 1948.

J'ai lu ce livre pour la première fois en 1963 de retour d'un séjour en Israël, puis en 1973 et je relis en ces jours d'octobre 2023 marqués par la tragédie des kibboutzim proches de la bande de Gaza.

Il est dommage que ce beau livre d'Arthur Koestler qui a vécu dans une colonie agricole (kibboutz) dans les années 20, soit aujourd'hui complètement éclipsé par le reste de son oeuvre et notamment « le zéro et l'infini ». Un beau roman humaniste dont on retiendra l'appel à la paix et la coexistence pacifique entre les hommes.







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Le Zéro et l'infini

Livre un peu ardu à lire décrivant avec beaucoup de justesse un simulacre de justice sous une dictature… ces 2 mots étant par nature opposés! Les débuts de l’ère soviétique sont évidemment en filigrane derrière ce texte.



Le zéro de l’individu dans un régime totalitaire s’oppose à la vision humaniste dans laquelle l’individu est infini.



L’auteur détaille avec précision cette fiction grammaticale où le ´je ´ se perd au profit de la collectivité.



Un livre qui comptera dans mon parcours de lecteur.



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Le Zéro et l'infini

« Au bout de 48 heures, Roubachof avait perdu tout sentiment du jour et de la nuit ».... pendant les grandes purges staliniennes, Roubachof, responsable communiste haut placé est jeté en prison, torturé psychologiquement dans le but d obtenir ses aveux publics et de le juger comme traître et contre révolutionnaire . Il se remémore son passé, philosophe sur l’absurdité de cette situation: « La vérité, c’est ce qui est utile à l’humanité ; le mensonge, ce qui lui est visible… Que Jésus ait dit la vérité ou non lorsqu’il affirme être le fils de Dieu et d’une vierge, cela est sans intérêt pour un homme sensé ».

Tout cela semble d’un autre temps, malheureusement les dictatures continuent à utiliser toutes les mêmes outils: peur, tortures, manipulations, assassinats, disparitions, propagandes, absurdité, apparatchiks, négation de l individu qui est le zéro au profit de la collectivité qui est l’infini.... ce livre permet de ne pas oublier cela.
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Le Zéro et l'infini

Du lourd !!! Un roman qui ne court pas les rues et qui mérite une autre lecture...

J'avais toujours eu dans l'idée que 1984 de George Orwell, Le meilleur des mondes de Aldous Huxley et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury étaient les grosses pointures dans le domaine...

Absolument à lire !
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Le Zéro et l'infini

Un livre dans la lignée de 1984 d'orson Wells ou du meilleur des mondes d'Aldous Huxley mais concentré sur la partie procédurale dans un monde totalitaire. Complètement inspiré par l'URSS et la société construite dans le cadre de l'idéologie soviétique que l'auteur a fui, il dresse un portrait angoissant d'un monde où l'homme est broyé dans la poursuite d'idéaux le faisant passer après leur réalisation et cela en son nom. Un peu comme si on étudiait en détail le raisonnement de "1984" en faisant un arrêt plus précis sur la procédure judiciaire et les mécanismes mis en place pour maintenir un régime à tout prix.

Je dois l'avoir dans ma bibliothèque depuis plus de 20 ans, merci à Margaret Atwood, qui le citait dans une ITW, de m'avoir donné envie de le réouvrir!
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L'étranger du square

« J’aurais aimé terminer le récit de ma collaboration avec Arthur, une histoire quiu a débuté quand nos chemins se sont croisés en 1949, mais malgré des ressources intérieures certaines, je ne peux pas vivre sans lui. » Tel est l’ajout que Cynthia Jeffries, Madame Arthur Koestler - et sa secrétaire - qui fut trouvé sur le mot d’adieu de l’auteur des « Somnambules » quand , le 3 mars 1983, leurs corps furent découverts figés dans la mort, un verre de cognac à la main…



Les voici réunis, un an après leur décès dans ce récit à deux mains, très largement autobiographique, et qui présente un éclairage édifiant sur l’ œuvre et sa genèse, en deux parties : de 1940 à 1951, puis de 1951 à 1956, c’est à dire dans les deux périodes d’engagement politique de l’auteur.



Ajoutons à cela les commentaires éclairés de Cynthia, femme et secrétaire, imbriqués dans ceux de son mari… Un ouvrage touchant qui, outre les perspectives nouvelles apportées à la compréhension de l’œuvre d’Arthur Koestler par lui même, nous fait toucher du doigt la difficulté d’une vie commune avec un homme doté d’une intelligence supérieure…doublé d’un « homme à femmes »…

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Le cheval dans la locomotive : Le paradoxe ..

Dernier volume de la trilogie qu'on pourrait appeler "La trilogie de l'humain", après "Les somnambules" et "Le cri d'Archimède", "Le cheval dans la locomotive est la tentative d'Arthur Koestler d'appréhender la cause qui fait que l'homme pourrait se caractériser par sa démence et sa cruauté...

N'y aurait-il pas là le signe d'un conflit entre le cerveau ancien (reptilien, dit-il) et le néocortex ?

Quel accident probable dans l'évolution a bien pu donner à l'homme la prééminence qui est la sienne ?

C'est à des questions comme celle ci, mais aussi à des constations comme l'étrange équilibre entre adhésion (au groupe) et affirmation (de soi) qu'Arthur Koestler tente d'apporter une réponse, un point de vue parfois décalé...

Parfois critique par rapport à la théorie darwinienne de l'évolution, l'auteur nous propose un éclairage nouveau sur l'humanité à la lumière d'écrits comme ceux de Konrad Lorentz, sur lesquels il reviendra à plusieurs reprise dans les années qui suivent.

Un ouvrage important pour ceux qui considèrent que la science est un questionnement éternellement recommencé.
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