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Critiques de Bibhouti Bhoushan Banerji (35)
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De la forêt

Voilà un livre lu depuis quelques jours et dont il est difficile de parler sans édulcorer son propos...



Un jeune homme qui n'est autre que l'écrivain lui-même, tout juste diplômé de l'Université de Calcutta, ne trouve aucune embauche. Ses ressources s'amenuisent et voilà qu'endetté, désormais, on lui refuse l'accès au foyer où il pouvait prendre ses repas... Fortuitement, il croise un de ses anciens condisciples, plus fortuné, à qui la vie a davantage souri. Celui-ci, sans doute ému par la misère dans laquelle son ami se débat, lui propose un travail : partir, vers le Bihar, une des provinces les plus pauvres de l'Inde, aux confins des forêts sous le regard des sommets de l'Himalaya et devenir l'employé de son père, riche propriétaire. Sa tache sera d'accorder des parcelles à ceux qui demanderont à travailler la terre.

Le jeune homme quitte Calcutta pour rejoindre son poste, en pleine nature, en pleine jungle...

Le premier mois, la transition est tellement brutale, le dépaysement tellement déstabilisant, qu'il ne songe qu'à démissionner et retourner à Calcutta où la misère lui apparaît plus tolérable que la solitude et l'isolement qui sont désormais siens.



C'est compter sans le charme de cette forêt, de cette luxuriance de la végétation, sa beauté inconcevable toujours en variations de couleurs et de senteurs, de cette faune sauvage crainte et divinisée, c'est compter sans la rencontre de ceux qui connaissent les paysages depuis toujours, les peuplant de divinités souvent bienfaitrices, de tigres mangeurs d'hommes, d'oiseaux paradisiaques.

L'homme exilé se laisse envoûter, malgré lui, par tous et par ces paysages sur lesquels son regard s'ouvre. Cette forêt et ces terres sauvages deviennent pour lui un trésor à protéger et il essaye de dispenser les parcelles tout en respectant la jungle, ses vies enfouies, et les autochtones, dont il découvre que la pauvreté n'est même pas concevable pour un homme venant du Bengale qu'il est..

Il se blottit avec sérénité dans cette solitude offerte peuplée de bruissements et n'aspire désormais qu'à ne plus la quitter.





Ce livre, écrit dans les années 1930, et qui parle d'une existence que l'écrivain a réellement vécue, est un manifeste écologiste et une leçon d'humanité.

En plusieurs dizaines de rencontres, de nuits passées à contempler la canopée, les montagnes changeantes, les arcs-en -ciel, à craindre de faire face aux buffles sauvages ou aux serpents dont la morsure est mortelle, le narrateur se transforme, comme happé par ces paysages dont il ignorait l'existence, conquis par "gangotas" dont il comprend la philosophie de vie, avec une compassion sans misérabilisme pour leurs existences si démunies, dénuées de tout, comme cet homme âgé, qui réensemence la jungle de toutes sortes de végétaux prélevés lors de ses déplacements au sein de celle-ci ou recueillis à l'état de graines dans les jardins où il a travaillé, pour faire surgir la couleurs comme un peintre le ferait sur une toile , pour faire chatoyer les lieux, les rendre encore plus féeriques... Ou ce danseur qui ne vit que pour son art, et peu importe si la faim est sa seule compagne, pourvu qu'il puisse apprendre une nouvelle danse qu'il partagera - trésor de Culture qu'elle est – avec les villageois qui viendront le voir, conscients des symboles de ses gestes, comme un livre ouvert qu'on choisirait de lire à plusieurs...Ou cette jeune veuve rejetée de tous, puisque sans statut dans cette société, qui vole pour nourrir ses enfants, attend la fin du repas de cet homme qu'est devenu l'écrivain, respecté et craint, pour disposer des restes de son repas qui seront festin pour les siens, mais dont la compassion et l'humilité lui donnent l'écoute et la font s'occuper du malade que tous abandonnent..



C'est une parcelle de l'Inde chargée de légendes, d'identité fantastique qui jaillit de ces pages, une Inde de pauvreté, d'abstinence, de sourires et d'abnégation, de résignation souvent. Une lecture qui vous cheville et vous retient, vous faisant ressasser et toujours imaginer cette jungle vouée à disparaître, c'est une lecture qui colore l'existence, qui la peuple de vies sauvages, d'une flore flamboyante, qui redéfinit le mot « Humanité » au sein d'une société tant enclavée dans ses castes. Une lecture entre écologie – dans la richesse de ce mot, et mystère du respect des divinités qui accompagnent le quotidien.

C'est le récit du démantèlement d'une vision de paradis qui se fait petit à petit, au détriment des autochtones repoussés aux confins et oubliés, eux qui sont l'âme de ces lieux.





Quand le "Babu" se rendra compte de la disparition imminente des derniers vestiges d'une beauté effacée, il sera trop tard et il comprendra combien il est attaché à cette présence d'une vie où se mêlent religion, intolérance des castes, et surtout richesse d'un environnement toujours magnifique et changeant.

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La complainte du sentier

Apou et sa sœur grandissent dans un petit village du Bengale, au début du XXème siècle. Leurs journées se partagent entre les jeux, la pêche au bord du fleuve nourricier, la cueillette des mangues, pommes-cannelle ou prunes à sanglier, dans la forêt luxuriante … ou dans les jardins des voisins. Le soir, leur mère leur raconte le Mahabharata ou le Ramayna, les deux grandes épopées indiennes. Et surtout il y a ce sentier qui s’enfonce dans la forêt et la lointaine voie ferrée, qui emmène vers un Ailleurs, mystérieux mais tellement fascinant.



Avec ce roman, qui par ailleurs fait partie des œuvres étudiées du programme des études secondaires en Inde et y est donc considéré comme un « classique », l’auteur nous plonge dans son enfance de façon assez unique, car il a su préserver la simplicité et la naïveté de son regard d’enfant et raviver ses rêves d’alors, aussi fous soient-ils.



C’est écrit avec beaucoup de lyrisme, peut-être un peu à l’image de cette nature prolifique, et l’auteur n’est pas avare en allégorie. Le ton est parfois sentencieux, mais toujours le rythme est lent, peut-être comme le temps qui semble si long aux enfants …



Certes ce roman n’est pas ce qu’on pourrait appeler une lecture « facile ». Pour en profiter, le lecteur doit abandonner, autant faire que faire se peut, ses façons de voir et s’adapter à ce peuple si différent, mais tellement attachant, avec ses croyances et ses dieux innombrables, ses coutumes et son folklore, sa cuisine, son organisation sociale totalement inégalitaire, …



On est loin de l’exotisme moderne, ce simulacre de la différence dans notre « village » globalisé, où toutes les rues commerçantes alignent les mêmes enseignes, où il est possible de manger un hamburger ou une pizza dans un fast-food d’une chaine occidentale (vous me direz qu’on évite ainsi une tourista carabinée, certes !) ou de visiter un pays sans échanger une seule vraie conversation avec les habitants, où votre GPS vous évitera de vous perdre dans les petites ruelles, …



Avec ce livre, on est loin aussi du roman moderne qui tient en haleine au moyen d’une intrigue grossière, des mécanismes d’écriture qui tiennent parfois des slogans publicitaire. Non ici lire implique de faire un effort vers le texte, d’aller à sa rencontre mais la fin – ah et quelle fin, magiques dernières lignes - n’en sera que plus belle, et le plaisir plus intense …

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De la forêt

Un texte d'une grande beauté…



« Vous voyez cette forêt , cette jungle, c'est un endroit merveilleux. Depuis si longtemps, les fleurs s'y épanouissent, les oiseaux y chantent et les divinités, mêlées au vent, viennent y poser le pied sur le sol de notre terre. Elles ne demeurent pas là où l'on échange de l'argent, où l'on emprunte et où l'on prête, car l'air y est empoisonné. «



Encore un MERCI à l'amie isanne… qui par ses lignes enthousiastes … a attiré mon attention sur cet auteur bengali et cet ouvrage précurseur, toujours d'une actualité à peine croyable !



Trésor écrit entre 1937 et 1939, un des tout premiers romans écologiques, avec une large part autobiographique, que les éditions Zulma ont eu la très belle idée de nous faire connaître !!



Heureusement que je fais des recherches dans plusieurs bibliothèques… ce qui me permet de palier très vite aux curiosités et élans les plus urgents ; ce qui fut le cas pour cet écrivain bengali, dont je vais chercher de suite sa « Complainte du sentier » , adapté au cinéma par le grand Satyajit Ray ; rien que cela, Mazette… ! Cette « Complainte » rééditée chez Gallimard, dans la collection de l' »Imaginaire »…



J'ai, de surcroît, une sympathie et estime particulière pour Zulma, maison d'édition d'une très grande qualité, par ses choix et son exigence autant pour les textes que l' esthétique de ses maquettes !



Notre narrateur,Satyacharan [ un reflet troublant de l'auteur ], dans les années 1930, à Calcutta , jeune diplômé,perd brutalement son père, se retrouve sans travail, accepte un poste de régisseur aux confins du Bihar, dans le nord-est de l'Inde. Quittant Calcutta, ses commerces, ses théâtres, ses musées, son animation, se retrouve dans la jungle dans une solitude absolue, assez déboussolé !



« Au début, quand j'arrivai de Calcutta, la terrible solitude et cette vie presque sauvage m'étaient intolérables ; par la suite, elles me semblèrent préférables à toute autre. La nature rude et barbare m'a initié au mantra de la liberté et de l'indépendance ; serais-je à nouveau capable de me laisser enfermer comme un oiseau sur son perchoir, dans la cage de la ville ? Je chevauchais librement, rapide comme le vent, sous le ciel éclairé par la lune à travers les forêts de sal et de flamboyants et les rochers de cet espace désert. Je n'aurais voulu échanger cette joie contre aucune richesse de ce monde. »



Ce citadin , par cette mission professionnelle peu aisée, va transformer cette expérience en un miracle d'authenticité et d'apprentissage du REGARD, une parenthèse de remise en question de la civilisation et de la société… !



« Mes supérieurs m'écrivaient lettre sur lettre pour me presser de distribuer les terres à des fermiers. Je savais que c'était un des principaux devoirs de ma tâche, mais je ne me décidais pas à détruire la paix de ces bosquets secrets. Les métayers qui prendraient des terres en fermage ne le feraient pas pour conserver intacte la forêt, qu'ils défricheraient aussitôt pour y cultiver leurs récoltes, y construire des maisons où habiter. Cette belle étendue déserte, les forêts, l'étang, cette chaîne de collines, tout se transformerait en colonies humaines. « (p. 135)



Cela fait plus d'un mois que j'ai achevé cet ouvrage très étonnant, et j'ai beaucoup de mal à rédiger une chronique, tant ce texte est dense, et déploie de multiples problématiques, toujours d'une criante actualité !

Texte paru en 1938, et qui après tout ce temps ,continue à nous interpeller, à nous alerter, à nous questionner, sur notre planète que nous continuons à mettre à mal... !



Tout ce que je pourrais en dire ne ferait qu'affaiblir l'enthousiasme ressenti ; je laisse la parole à France Bhattacharya, qui a rédigé une postface très précieuse : « L'histoire que raconte le narrateur est celle de la transformation d'un chômeur pauvre, mais éduqué, de Calcutta en une sorte de seigneur qui rend la justice et distribue des terres à des individus démunis. Dans les premiers chapitres, le narrateur souffre de son isolement et regrette amèrement les amis, les distractions et les facilités de sa vie à Calcutta. Mais, peu à peu, il est comme envoûté par la beauté de cette immense forêt, vierge de presque toute présence humaine. Son roman prend des accents lyriques, et il insiste sur la nécessité de préserver cet élément naturel de toute mainmise humaine alors qu'il est payé pour la détruire .

Une autre question d'actualité que soulève Banerji est la place des peuples autochtones dans les sociétés dominantes. (…) L'auteur nous présente de très curieux et très attachants personnages qui viennent rendre visite à l'habitant solitaire de la forêt. le lyrisme de l'écrivain donne à son propos des accents romantiques. Ce roman est un hymne à la beauté d'une nature encore vierge, préservée des laideurs qu'y apportent bien souvent les humains.» (p. 299)



« Un jour viendrait, peut-être, où les hommes de notre pays ne pourraient plus voir de forêt. Il n'y aurait plus que des champs cultivés et des usines de jute. La fumée des usines textiles serait partout visible. Ils viendraient alors dans cette région reculée comme en pélérinage.Puissent ces forêts être préservées, inchangées, pour ces hommes du futur ! « (p. 288)



Un texte exceptionnel et un écrivain à découvrir , offrant une grande lumière et un sens profond de l'Humain…comme de cette belle Nature, dont nous sommes responsables, pour nous et les générations suivantes !

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La complainte du sentier

Voici un très beau roman qui nous plonge dans un village du Bengale au milieu des bois de bambous et des vergers de mangues. L’auteur s’est inspiré de son enfance. Aussi le ton est-il parfois un brin nostalgique surtout à l’heure du départ, des ruptures qui façonneront une vie. Il entend aussi célébrer la nature malgré l’omniprésence de la mort et de la pauvreté, car, dans cette Inde encore perdue et sauvage, la vie reste rude et fragile. Apou est le fils d’un brahmane désargenté et le plus souvent itinérant. Il est donc seul avec sa mère, qui se débat un peu plus chaque jour face au quotidien, et sa sœur Dourga, son ainée de quelques années. Celle-ci entraine son jeune frère dans ses vagabondages, à la lisière de la jungle, voire ses chapardages, car, pour ces deux enfants pauvres, l’essentiel est de pouvoir répondre à la faim avec quelques fruits dénichés ici ou là. Apou, cependant, s’émerveille facilement, en découvrant des livres, couverts de poussières et déjà rongés, dans une vielle malle appartenant à son père. Il rêve lors d’un voyage de voir passer le train. Il se précipite aux processions et aux fêtes, à moins que ce ne soit à un spectacle de théâtre, de chant et de danse. Les drames sont là pourtant… et on pressent à chaque page leur menace… Mais il semble aussi que Banerji ait voulu, avec beaucoup d’émotion et de poésie, rendre hommage, à cette nature et à ceux qu’il a vu partir.
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De la forêt

Que voilà une belle surprise. On m'a présenté et prêté un livre très original dont je n'avais jamais entendu parler. Pas plus que de l'auteur au nom de toute façon impossible à retenir. Un seul repère, le grand cinéaste indien Satyajit Ray a jadis adapté en un trilogie La complainte du sentier, dans les années cinquante. Bibhouti Bhoushan Banerji (1894-1950) est un auteur bengali, au nord-est de l'Inde, qui écrit en bengali. Issu d'un milieu très pauvre, ll passa son enfance dans un village du delta du Gange mais put faire néanmoins des études supérieures à Calcutta. Tantôt enseignant en milieu rural, tantôt exploitant forestier, il partagea sa vie entre Calcutta et sa région et l’État voisin du Bihar.



Jeune diplômé sans le sou, Satyacharan, mainfestement un double de l'auteur, trouve un emploi de régisseur au fin fond du Bihar. Il a pour tache entre autres d'administrer ces territoires ruraux éloignés de tout, et de distribuer des terres raisonnablement au nom du gouvernement de New Delhi, là-bas loin vers l'Ouest, ce qui n'est pas une mince affaire. Calcutta lui manque puis assez vite Satya (faisons court avec les noms indiens) tombe sous le charme, sous les charmes de ce pays et de ces habitants dénués d'à peu près tout. Ce n'est pas pour cela un monde angélique, les castes étant ce qu'elles ont toujours été, les haines et les rancoeurs n'épargnent pas ces paysans, ces éleveurs, ces chasseurs, ces laissés pour compte du gigantesque sous-continent. Ecrit dans les années trente mais l'Inde, devenue le pays le plus peuplé du monde, est encore loin d'avoir exorcisé tous ses démons, de l'ignorance, de la grande pauvreté.



On parle au sujet de De la forêt de Thoreau bien évidemment, et comme d'un premier roman écologique. Je ne prise guère cette appellation. Mais ce roman nous dépayse considérablement, offrant des perspectives d'une richesse incomparable. Il faudrait citer des paragraphes entiers.



Une minute plus tard le faon s'approcha comme pour mieux me regarder. Son regardétait curieux et vif comme celui d'un enfant. Il serait peut-être venu encore plus près mais mon cheval tapa du pied et s'ébroua brusquement. Surpris, le faon disparut dans les fourrés pour porter la nouvelle à sa mère.



Je restai un long moment assis sous les ombrages. Entre les branches j'apercevais l'eau de l'étang qui s'étendait en demi-lune jusqu'au pied des montagnes. Le ciel était d'un bleu sans nuage. Le peuple des oiseaux aquatiques était engagé en de longues disputes bruyantes. Une aigrette, sérieuse et avisée, postée sur une hauteur au bord de l'eau, manifestait son agacement par quelques cris soudains. Au sommet des arbres sur le rivage, des hérons ressemblaient de loin à des bousquets de fleurs blanches.



Peu à peu, le ciel de montagne se teinta de rouge.



En face, la chaîne de montagnes prenait des teintes cuivrées. Les hérons s'envolèrent, toutes ailes déployées. La lumière se réfléchissait sur les plus hautes branches.



Les piaillements et pépiements augmentèrent, le parfum des fleurs sauvages se ft plus entêtant. Une senteur plus épaisse, plus sucrée. D'un peu plus loin, une mangouste, tête dressée, m'observait.



Quelle paix secrète! Quelle extraordinaire solitude! Cela faisait plus de trois heures que j'étais là, je n'avais rien entendu d'autre que le ramage des oiseaux, le léger crépitement des brindilles sous leurs pattes, le froissement d'une feuille sèche ou le craquement d'un rameau qui tombe.



Ce livre est une merveille pour qui veut ainsi quelques heures d'une escapade contemplative et rêveuse. L'auteur sait si bien saisir un frémissement animal, une fragrance exotique, une couleur indéfinissable. Mais Banerji fait preuve aussi d'une belle empathie pour le genre humain. Tous ces humbles parmi les humbles, un roi miséreux héritier d'une longue lignée devenu berger, un jardinier imaginatif qui amplifie ces décors fabuleux, un danseur facétieux qui vit de son art et qui demande si peu. La violence est bien là, sous-jacente, le tigre mangeur d'hommes n'est pas une légende, les buffles sauvages sont souvent très dangereux, le riz, bien cher, est hors de leur portée. Les chemins chevauchés sont parfois semés de rencontres douteuses.Quant à l'éducation et à la santé, les écoles sont bien rares et les hôpitaux bien loin.



Seule lacune à ce bien beau récit-roman, l'absence d'un lexique zoologique et botanique. Hartit, hariyal, kullo, gurguri sont des oiseaux. Bakain, piyal, arjuna, saptaparna des arbres ou des fleurs grimpantes. J'aurais aimé voir des images. Après avoir lu De la forêt j'ai blogtrotté un peu été surpris par le nombre apparemment assez important de lecteurs. Un peu d'espoir.
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De la forêt

Calcutta - 1920, Satyacharan est un jeune diplômé mais sans le sou. Il accepte l’offre d’emploi d’un ami et part aux confins du Bihar, pour mettre en fermage une zone de forêt et de jungle.



Ce faisant, lui, le citadin va tomber sous le charme de la solitude et de la nature ambiante. Pourtant, son métier consiste à détruire cette beauté, cette nature dont il est tombé amoureux.



Ce roman, publié en 1930, est en partie tiré de l’expérience de l’auteur.



Fuyez si vous rechercher les rebondissements. Au contraire, ce roman est calme, contemplatif, il faut se laisser porter par les pages où l’on suit diverses rencontres du jeune homme avec les habitants de cette région pauvre.



Car les conditions de vie des gens de cette zone sont en complète opposition avec la beauté des paysages : la sécheresse, le choléra, la pauvreté faisant des ravages.



Certaines des personnes rencontrées ne sont là que pour quelques lignes, d’autres pour quelques pages mais ils révèlent attachants à l’image du danseur Dhaturiya, de Manchi ou Bhanumati.



Mais si notre narrateur noue des liens d’amitiés, c’est la nature qui est le personnage principal de ce récit.



Cette nature condamnée à disparaître au nom du profit.



Ce roman, considéré comme un des premiers romans écologistes, est une très belle occasion pour découvrir un monde à jamais perdu.

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De la forêt

Je ne veux pas raconter ce roman, ni même le re-situer dans un contexte quelconque, je ne veux même pas en parler en réalité !

J'ai juste envie de dire ce que j'ai ressenti en le lisant. Ce qu'il a provoqué dans ma tête, et aussi dans mon corps, tout cela étant justement lié.

Immédiatement, je suis partie en Inde , emportée par la jolie langue de B.B.Banergie, et j'ai ressenti une profonde justesse dans tout ce qui est raconté et décrit.

Un sentiment de merveilleux, de calme, d'énergie et de douceur mais aussi un soupçon de colère, d'incompréhension et de révolte m'ont accompagnée durant toute ma lecture. J'étais complètement dans la peau de Satyacharan, et c'est comme si, avec lui, je découvrais ma véritable place, là au plus profond de la jungle, entourée de magnifiques forêts, d'animaux dangereux et libres, de paysans incultes mais au cœur si grand!



Un retour au Paradis, avant que l'homme ne se gâche et qu'il abime.

Un bien être, une sérénité..

Et cela même si tout n'est pas rose dans cette histoire, loin s'en faut ! la misère, bien présente, et même omniprésente, la faim, constante, la peur toujours proche, et les larmes qui me sont montées aux yeux souvent, cependant atténuées par la profonde et vraie humanité de presque tous les personnages, leur naïveté, si belle , si pure, leurs vieilles croyances qu'il est impossible de contredire, car il est des rêves qu'il ne faut pas casser.

Une leçon de poésie, un baume pour mon être, un livre que j'ai reposé doucement près de moi après l'avoir terminé, pour le garder, encore, un peu...
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De la forêt

J’ai été bien surprise en découvrant que ce sont les éditions Zulma qui publient ce récrit écrit en bengali entre 1937 et 1939. Dit comme cela c’est assez obscur, mais les éditions Zulma ont le flair pour nous dénicher des petites pépites sur la scène littéraire internationale d’aujourd’hui ou d’hier, alors, face à quelques critiques élogieuses, face à cette couverture énigmatique, ma résistance a été de courte durée.

Les éditions Zulma font la promotion de ce livre comme le « premier roman écologiste ». Mais je pense que c’est un peu de la publicité mensongère…



D’abord, ce livre n’est pas vraiment un roman, c’est plus une longue description, une longue contemplation. Une belle évocation d’un homme habitué à la grande ville de Calcutta, et qui, forcé par les circonstances, se retrouve dans un coin perdu de la campagne du Bihar, un des Etats les plus pauvres d’Inde, sur les contreforts de l’Himalaya, et qui apprend à regarder autour de lui. Il regarde les gens, il les regarde vivre, sans toujours les comprendre, les trouvant souvent un peu frustres, mais aussi attachants. Mais surtout, il regarde les paysages, les arbres, les fleurs, la forêt, les montagnes. C’est un livre de contemplation, un livre au rythme lent, un livre plein de couleurs et de senteurs, un livre qui parle à tous les sens du lecteur.

Ensuite, je ne qualifierais pas ce livre d’écologiste. C’est un livre contemplatif, ça c’est certain. Mais il n’y a pas de thèse dedans. Le narrateur, qui n’est pas loin d’être l’auteur lui-même, admire et commence à apprécier ce monde, cette nature, puis il la regarde être détruite. Il est triste de cela, mais ne fait rien pour s’y opposer. Et pour moi, l’écologie, c’est voir la nature comme un système, ou plutôt comme la partie d’un système. Ici, il n’y a rien de cela. C’est un livre de paysage et de beauté, de beauté qui s’évanouit, effectivement, mais pas un livre militant pour trois sous. Je dirais même plus, la façon dont le sujet de la pauvreté est abordé, et le lien qu’il y a entre la pauvreté et le défrichement de nouvelles terres est parfois un peu perturbant. A remettre dans son contexte, celui de l’Inde et des années 30, certes, mais tout de même…



Alors, si j’étais responsable de la communication chez Zulma (si c’est eux qui sont à l’origine de cette étiquette) , je ne dirais pas que c’est le premier roman écologiste, mais plutôt que c’est un merveilleux livre contemplatif, d’un homme qui se transforme peu à peu par l’observation d’un arbre, la découverte d’une couleur, la surprise d’une senteur. Certes, c’est moins vendeur, mais c’est ce qu’est ce livre. Un petit bijou de verdure et de beauté, un joyau caché au pied de l’Himalaya.

Certes, c’est un peu plus long et moins vendeur. Mais c’est un livre que je suis prête à recommander, pour le bon lecteur, celui ou celle qui aime se plonger dans de belles descriptions, le scintillement d’un lac sous la pleine lune, l’éclat d’un feuillage sous le soleil, le parfum d’une fleur gorgée de nectar. Un livre qui se laisse déguster, qui se laisse apprivoiser, qui se lit par petites touches, qui met des images plein la tête, des noms exotiques dans les oreilles et plein de sérénité dans la tête.
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De la forêt

Sans argent ni perspective, le jeune Bengali Satyacharan accepte, plus par nécessité que par enthousiasme, un poste de régisseur dans un domaine forestier du Bihar.



Son rôle est d'attribuer la location des terres de cette jungle luxuriante à de modestes cultivateurs.

De l'expérience de ce citadin invétéré, largement inspirée par celle de l'auteur, naîtra un texte passionné. Sa rencontre avec la nature éblouissante, vierge de toute exploitation est une véritable révélation de la beauté suprême. De ces 6 années passées dans un environnement qui n'avait rien pour être le sien, Satyacharan rentrera changé : enrichi en son cœur d'une conscience écologique (bien que sa fonction l'ait lié directement à la déforestation), mais également d'une conscience sociale pour s'être peu à peu débarrassé de sa condescendance à l'égard des populations qui vivent en ces lieux reculés.



Ce texte hors du commun se situe à mi-chemin entre le carnet de bord et le  nature-writing, on y croise des personnages fabuleux, un peuple autochtone oublié, et des descriptions somptueuses d'une nature qui confine au divin, nous éblouissant de sa diversité. On s'y familiarise également avec le système totalement révoltant des castes et avec d'autant plus de réalisme et de sincérité que l'auteur indien vit lui aussi avec cette conscience de caste même si par bien des aspects elle paraît moins prégnante chez lui que chez les ruraux qu'il rencontre.



C'est un livre aussi beau par sa plume qu'intéressant par son propos, et finalement aussi exotique qu'universel qui donne à penser une fois de plus à la beauté perdue du monde et à celle qui peut encore être préservée. 
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De la forêt

De la beauté : sauvage et pauvre, la forêt affermée. Roman écrit entre 1937 et 1939, De la forêt chante un monde disparu plein de rencontres et de pertes, de contemplation de la musique d'une vie rendue à sa sylvestre solitude. Bibhouti Bhoustan Banerji signe ici un roman magnifique. Social et écologique, De la forêt happe le lecteur dans le destin d'un homme qui apprend à aimer ce coin du nord-est de l'Inde qu'il est chargé de livrer aux appétits des hommes. Un roman où le mystère affleure et où l'homme survient dans sa pluralité.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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De la forêt

Considéré comme le premier grand roman écologique, "De la forêt" est un manifeste de paix. La solidarité, préservée par la précarité rurale, s'étiole dans les villes indiennes surpeuplées - jetant sur la pauvreté une lumière criarde, ou dans les bidonvilles que sont condamnées à devenir les terres défrichées que le héros - un jeune bengali fraîchement diplômé employé comme régisseur forestier aux confins du Bihar - contribue à distribuer. Sa mission le plaçant dans la position insoutenable d'artisan de la destruction d'un écosystème préservé. Cette prise de conscience se fera, pas à pas, au contact de l'usurier millionnaire Dhaotal Sahu, du descendant d'une ancienne lignée royale, de Raju Panré, un poète philosophe passant ses journées à célébrer le culte des divinités ou encore d'un jardinier "adorateur de la beauté", consacrant sa vie à planter de nouvelles boutures sur les collines vallonnées. Bibhouti Bhoushan Banerji - ayant lui-même fui Calcutta après le décès de son épouse - signe un récit autobiographique savoureux, conçu comme un voyage initiatique et la chronique poétique d'un éveil écologique.
Lien : http://www.booksnjoy.com/de-..
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De la forêt

J'aurais pu passer à côté de cette histoire... Il n'a jamais été mis en avant chez les libraires, dans les critiques... C'est en le voyant dans une pile de livres dont mon ami Hugues se défaisait, que j'ai été attiré par lui! Sa couverture hyper colorée a attisé ma curiosité 😊. Pour le reste, j'avoue que le 4ème de couverture était assez neutre... Mon intuition allait il le porter chance et me permettre une belle découverte?... Je ne ferai pas durer le suspense... J'ai adoré à tous les niveaux! C'était le livre qu'il me fallait dans le contexte dans lequel l'actualité me mettait ( Je suis indépendante et tiens un commerce de jeux et jouets... Considéré comme non essentiel en Belgique, nous avons connu un mois le travail à distence et le mois de décembre ouvert avec des conditions drastiques à respecter )... Il me fallait m'évader le soir malgré la fatigue... Et j'ai fait plus que ça!



Bibhouti Bhousan Banerji qui est l'auteur De la Forêt, est dans son pays considéré comme un grand écrivain. Et je veux bien le croire! Son texte a été édité en 1938 et quel modernité tellement il arrive à toucher l'intemporel! Par ses mots j'ai été transportée dans un état de contemplation qui a nourrit au fil des pages mon Amour pour la Nature! Il a su nourrir un style et trouver les mots pour partager avec nous les merveilles de la nature, la jungle en particulier, sans tomber dans le mièvre, sans créer de temps morts... Tout au contraire! J'ai plongé dans cette nature, dans cette jungle et dans l'histoire de ses habitants qui ensemble m'ont fait toucher du doigts la grande Histoire de l'Inde avec ses coutumes!



On y suit Satyacharan et ses souvenirs où à une époque de sa vie où il était jeune diplômé de Calcutta, à la recherche d'un emploi et sans argent, il fit la rencontre lors d'une fête, d'un de ses anciens amis. Celui - ci ayant confiance, lui propose un emploi de régisseur pour les forêts du district de Purnea que sa famille possède. Satyacharan aura pour mission de créer des parcelles dans ces forêts et d'y installer des métayers pour les cultiver.



Arrivé sur les lieux, Satyacharan prend peur... Peur de ce monde coupé de toutes les distractions auxquels sa vie l'avait habituées! Peur de ne pas s'habituer à cette vie rythmée par la biodiversité de la jungle dont il avait la charge... Mais au fur et à mesure qu'il apprit à la connaître, à découvrir les trésors que celle - ci recèle en son sein, c'est tout le contraire qu'il vécut... Au point que son travail devint de plus en plus dur à assumer... Quitte à devoir le faire, quitte à devoir participer à la destruction de ce trésor, autant alors donner sa chance à ceux qui en ont besoin! C'est comme cela que nous rencontrons tout un ensemble d'hommes et de femmes qui vont marquer de leur empreinte Satyacharan et nous marquer par la même occasion! Nous marquer aussi à notre rapport au monde...



En refermant le livre, j'ai pleuré la fin de cette jungle... Comme si je perdais un être cher, une amie et avec elle, des proches! Pourtant je ne suis jamais allée en Inde... C'est vous dire comme Bibhouti Bhousan Banerji a su trouver les mots pour nous emmener là-bas, au coeur de sa jungle qui n'est plus.... Et en cela, je rejoins le 4ème de couverture, c'est un grand roman ecologique et paraît il le premier écrit!
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De la forêt

Cette année, au salon du livre de Paris, l'Inde était invitée. A cette occasion, Zulma avait prévu une série collector designée par le maître des -sublimes- couvertures de la maison David Pearson, à partir de créations originales de Roshni Vyam, peintre indienne. Le résultat est superbe et tant pis pour le salon annulé. Bibhouti Bhoushan Banerji (1894-1950) a écrit ce livre en 1937-1939 et il est traduit et publié pour la première fois en français, considéré pourtant comme l'un des premiers grands romans écologiques. Banerji a vécu cette vie de régisseur pendant quelques années à partir de 1925. C'est la description d'un monde disparu maintenant, une faune et une flore incroyables et formidables. Un écosystème qui fonctionne parfaitement bien sans l'intervention humaine.



Le romancier raconte au travers d'anecdotes, de rencontres de gens extra-ordinaires comment les gens vivent en harmonie avec la nature, sans la détruire ou la gêner. On y rencontre des gens pauvres voire très pauvres, souvent satisfaits de leur sort, ne demandant qu'à manger à leur faim. Il ne fait pas l'impasse sur les difficiles conditions de vie dès qu'un événement malheureux survient : la mort d'un homme et c'est toute sa famille qui est menacée de ne plus pouvoir manger. Un événement climatique et c'est toute la population qui peut mourir de faim, ou d'un incendie lorsque la sécheresse s'installe pour de longs mois. Tout est joliment dit, dans une langue emplie d'images, de légendes, de paraboles. B.B. Banerji parle tellement bien de la nature qui entoure son héros que l'on parvient presque à la voir, la sentir, l'entendre lorsqu'il s'agit des oiseaux notamment, la craindre lorsqu'il faut traverser la forêt la nuit...



Banerji s'interroge sur l'irruption de la modernité dans ce monde protégé, sur le sentiment de supériorité des citadins sur ces peuples qui vivent loin du confort. Jusqu'à quand résisteront-ils ? Et la nature jusqu'à quand restera-t-elle aussi belle, préservée ? Plus globalement, c'est l'éternelle question du mal que l'homme fait à la planète, à la faune et la flore et à lui-même. Presque un siècle -je compte mal, merci Alex (voir dans les commentaires)- et ce roman nous parle d'aujourd'hui.
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De la forêt

De la forêt

Bibhouti Bhoushan Banerji

2020 (pour la traduction française)

Écrit entre 1937 et 1939



Fortement autobiographique, Banerji ayant vécu entre 1925 et 1930 en tant que régisseur dans un domaine situé à une centaine de kilomètres de Purnea.



J'ai des collègues de travail sympas (enfin ... pas tous). Lors de mon changement récent de poste, ils ont eu le merveilleuse idée de m'offrir un abonnement à Kube, ce qui fait que périodiquement, je reçois une petite boîte avec plein de livres choisis par des libraires indépendants, sur un thème bien précis : le dernier en date concernait l'Inde. J'ai par conséquent allumé une des petites baguettes d'encens (fournie dans la boîte) et mis en fond sonore le Best-of des meilleures chansons de Bollywood avant de me lancer dans la lecture de ce roman.



C'est donc dans une atmosphère embrumée de temple bouddhiste (voire de bar à chicha) que j'ai fait la rencontre de Satyacharan (Satya pour les intimes), un p'tit jeune de la ville (Calcutta en l'occurrence) qui, malgré une licence en poche, galère à trouver du taf. Cela ne l'empêche pas de sortir avec ses potes, restos, d'aller voir des concerts, des cinés et de manger plus ou moins à sa faim mais il faut bien avouer que les thunes, ça pousse pas sur les arbres et que le fait de ne recevoir que des réponses négatives à ses candidatures commence à devenir problématique.



Un beau jour, à une soirée, il rencontre Abinash, un ancien étudiant de sa promo, issu d'une famille pleine aux as, et avec qui il avait sympathisé dans le temps. Ils décident de se revoir le lendemain pour papoter un peu plus longuement. Un thé et quelques souvenirs potaches plus tard, il fallait bien que la question fatale arrive : "et toi tu fais quoi dans la vie ?"



Difficile pour Satya de cacher la vérité et Abinash lui dit que sa famille possède des forêts dans le district de Purnea, au Bihar. Le trou du cul du monde. Autour de 400 hectares à gérer, à répartir entre des métayers qui déboiseront et exploiteront ces forêts, mais qui exploiteront aussi des hommes, des femmes et des enfants, de castes inférieures. Il cherche un manager de confiance et propose à Satya d'en parler à son père. Ni d'une, ni de de deux, l'affaire est conclue et la lettre d'embauche est signée aussi vite que descendrait un naan au fromage de ma bouche à mon estomac.



Satya aurait évidemment préféré un boulot à Calcutta, c'est clair. La perspective de vivre dans la forêt entouré de bouseux rachitiques, de buffles et de tigres affamés lui faisait quand même moins briller les yeux que la vie palpitante de Calcutta. Cela dit, parfois, nécessité fait loi et hop, le voilà engagé comme manager de cette forêt dont il ne connaît ni les codes, ni les usages, ni même la langue.



Une fois arrivé sur place, il s'installe dans un campement nommé la Katcheri. " Les gens de la katcheri étaient pour moi comme autant de sauvages, ils ne comprenaient pas ce que je disais, et moi, je ne les comprenais pas non plus. [...] Je me disais que ce travail n'en valait pas la peine ; plutôt que dépérir ici il aurait mieux valu jeûner à Calcutta. Quelle erreur j'avais faite en venant dans cette jungle déserte à la demande d'Abinash ! Ce n'était pas une vie pour moi."



Mais c'était sans compter sur le pouvoir magique de la forêt. Un autre collègue de la katcheri lui dit un jour : "Vous aussi vous comprendrez. [...] La forêt vous possédera. Petit à petit, vous ne supporterez plus l'agitation ni la foule. J'ai fait la même expérience. Le mois dernier, je suis allé à Monghyr pour un procès. Je n'arrêtais pas de me demander quand je pourrai m'en aller et revenir ici."



Cela dit, il rajouta : "Gardez toujours un fusil à portée de main quand vous dormez. Ce lieu n'est pas sûr. [...] Et puis, au milieu de cette forêt, si on tue quelqu'un pour le voler, qui le saura ?"



Délicieux !



Satya va donc entreprendre de découvrir cette forêt, cette jungle qu'il va avoir à gérer pendant quelques années. Il rencontrera des gens pauvres au-delà de tout ce qu'il pouvait imaginer, des gens courageux. Il y rencontrera des vraies crevures mais aussi des gentlemen qu'on ne rencontre plus vraiment de nos jours.



"J'éprouvais soudain pour eux une grande sympathie qui me surprit moi-même. C'était leur pauvreté, leur simplicité, leur capacité de résistance dans un combat si dur."



Au fil des jours et des nuits, Satya va petit à petit tomber sous le charme et sous la fascination de cette forêt grâce aux rencontres qu'il fera et surtout à la beauté sauvage et mystique des lieux.



Que dire de cette femme aux cheveux longs qui se balade la nuit en bordure de forêt et de ce chien qui aboit toutes les nuits mais dont on ne retrouve jamais la trace la journée.



Que dire de Dharuriya, un gamin qui vit tant bien que mal de sa passion pour la danse mais qui ne connaîtra jamais Calcutta.



Ou encore de Dharampur qui n'avait comme seule occupation de disperser et semer des graines dans les bois. Malgré son extrême pauvreté, "ses efforts et sa passion étaient uniquement consacrés à enrichir la beauté de la forêt".



Et c'est sans oublier Maruknath (faut bien l'avouer, on galère un peu avec les prénoms Indiens...), qui s'est mis dans la tête d'ouvrir une école à la katchiri. "La voilà ton école ! Maintenant, à toi de trouver des élèves !"



La gestion de cette forêt devient de plus en plus compliquée au fur et à mesure qu'il tombe amoureux de ce lieu. Il doit distribuer les terres pour qu'elles soient exploitées mais chaque parcelle détruite devient un véritable crève-cœur.



"Des lettres me parvenaient de temps en temps du bureau central me demandant pourquoi je tardais tant à donner en fermage les environs de l'étang de Sarasvati. J'avais trouvé toutes sortes d'excuses, mais cela ne pouvait plus durer. L'avidité humaine était trop grande, et je savais bien qu'on n'hésiterait pas à détruire cette somptueuse forêt pour quelques kilos de maïs et de millet."



Ce livre de la fin des années 30 résonne avec une puissance qui ne peut laisser insensible dans le contexte actuel où l'écologie émerge à peine du bruit de fond médiatique ambiant.



J'avoue faire partie de ceux qui pensent (ou qui espèrent) que le progrès scientifique et technologique permettra toujours d'apporter plus de bénéfices que de contraintes à l'humanité. Mais quoi que l'on en pense, une des dernières phrases du livre résume parfaitement le dilemme auquel on est tous confrontés : "Que veulent vraiment les hommes? Le progrès ou le bonheur? A quoi bon le progrès si le bonheur est absent? J'en connais beaucoup qui ont progressé dans la vie, mais qui ont perdu le bonheur. A force de jouissance, l'acuité de leur désir et de leur facultés intellectuelles s'est émoussée, et il n'y a plus rien qui leur apporte la joie. La vie leur paraît monotone, une grisaille dépourvue de sens. Leur cœur devient dur comme de la pierre, l'émotion n'y pénètre pas."



Au-delà du fait que ce livre, qui date d'une petite centaine d'années, est considéré comme un de premiers livres écologistes, il me vient en tête une citations issue du poète Dany Boon dans son œuvre Bienvenue chez les Chtis : "Quand tu vas dans cette forêt, tu pleures deux fois. Une fois en arrivant et une fois en partant"



scob
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De la forêt

De la forêt est considéré comme l’un des premiers romans écologiques venus tout droit d’Inde où il a été écrit en 1937. Son auteur et narrateur ont réellement vécu cette expérience : celle de passer 6 ans en tant que régisseur dans une immense forêt indienne reculée afin de donner des terres en fermage à des paysans.



Progressivement se produit la transformation de ce jeune homme de la ville éduqué et habitué des théâtres et sorties entre amis en une sorte de Robin des Bois qui distribue des terres à des personnes démunies. Il éprouve une grande admiration pour celles-ci à qui la vie n’a pas fait de cadeau et qui se contentent de bien peu. Si au début il souffre de solitude, il se laisse vite captiver par la beauté des paysages et les silences de la nature. C’est paradoxal car il s’émerveille devant l’immensité de la forêt et il est chargé, d’une certaine manière, de la détruire. Cet environnement le pousse à s’interroger sur des thèmes toujours incroyablement d’actualité près de cent ans plus tard.



Ce roman largement autobiographique est très poétique et lyrique. C’est un hymne à la nature libre et sauvage, dénuée du passage de l’homme, que j’ai beaucoup apprécié pour son immense sensibilité.
Lien : https://alinebouquine.fr/for..
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De la forêt

Laissez-moi vous transporter au Bihar, au Nord-Est de l’Inde, dans les années 20/30. Dans cette région au porte de la modernité c’est la nature qui domine. Aussi majestueuse qu’elle est dangereuse.

Satyacharan, jeune diplômé de Calcutta accepte un poste de régisseur/manager dans cette partie reculée de l’Inde. Lui l’homme de la ville habitué au bruit et aux nombreuses distractions se retrouve catapulté dans une atmosphère nouvelle. Quasiment seul en pleine forêt avec le silence comme compagnon quotidien . Si les premiers temps sont à la nostalgie, Satyacharan respectueusement appelé « Babuji » finira par tomber lui aussi amoureux de la forêt. « La forêt vous possédera. Petit à petit, vous ne supporterez plus l’agitation ni la foule » lui dit Goshta « babu » le jour de son arrivée.

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La forêt, sauvage et dangereuse. Cette faune hostile: les hommes, les buffles, les sangliers, les antilopes et les tigres mangeurs d’hommes... Mais la forêt c’est aussi ces rencontres inopinées : un usurier altruiste, un Raja vaincu, un poète, des danseurs et bien d’autres personnages singuliers semblant sortir tout droit d’un conte.

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Comme toujours les éditions Zulma nous propose des textes hors du commun. Si j’ai mis du temps à rentrer dans l’histoire m’approprier les noms, les mots j’ai fini par succomber moi aussi à l’appel de la forêt ! Cette envie d’ailleurs, d’oxygène, de retour à l’essentiel, de vie simple. Bien sûr tout n’est pas tout rose. L’auteur dénonce la société indienne de l’époque, avec son système de caste, la place des autochtones, leur extrême pauvreté.

J’ai vécu les débuts comme un journal intime/de voyage et la suite je l’ai ressenti comme un conte, le lyrisme et le romantisme prenant le dessus sur le factuel .

Un roman écologique, onirique, initiatique et spirituel à découvrir au moment opportun 😉.

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🌿 Quelques mots sur l’auteur 🌿

Bibhouti Bhoushan Banerji est une figure majeure de la littérature Bengalie. Il est né en 1894 au Bengale dans une famille peu fortunée appartenant à la caste des Brahmanes. Il se fait connaître en France à la fin des années 60 avec son roman « La complainte du sentier » adapté au cinéma une décennie plus tôt par Satyajit Ray.

« De la Forêt » , Aranyaka en bengali à été écrit entre 1937 et 1939 et est autobiographique.

🌙 Plus d’infos dans post-face de la traductrice 🌙
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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De la forêt

Une immersion verte en Inde...

L'auteur livre la chronique de son expérience vers 1925, pendant 6 ans au coeur d'une forêt et des communautés humaines qui la cotoient.

J'ai aimé pour la lenteur, la poésie, la plongée dans des mentalités passées et lointaines, l'humanité, et... La forêt.

Hypnotique roman.



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De la forêt

J’ai adoré ce livre ! Il m’a permis de m’évader pendant cette période de confinement. Avec De la forêt, j’ai voyagé, mais j’ai également rêvé, réfléchi, médité… bref, c’était la lecture parfaite pour la situation actuelle.

On apprend de nombreuses choses dès le prologue : il n’y a donc pas de surprise dans De la forêt. Un jeune homme, Satyacharan, fraîchement diplômé, ne trouve pas de travail à Calcutta. Grâce à un ami, il va trouver un travail dans une forêt du Nord-Est de l’Inde, afin de la partager en fermages auprès des paysans de la région pour le compte du propriétaire Bengali.

Regardant d’abord de haut les habitants du Bihar et méprisant les beautés de la forêt, il va tomber progressivement sous le charme de la région et des personnes qu’il va y rencontrer. Mais ce bonheur sera éphémère : son travail l’oblige à détruire cette forêt dont il est tombé amoureux pour la transformer en terres agricoles.
Lien : https://ledevorateur.fr/de-l..
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La complainte du sentier

Ce livre est tout simplement MAGIQUE, c'est un poème, c'est un conte, c'est à lire...



Dès la première phrase, le décor est planté "A la limite Nord du village de Nischindipour se trouvait la petite maison de briques qu'habitait Harihar Ray, chef de famille de condition modeste qui vivait chichement du revenu d'un carré de terre hérité de ses ancêtres et des dons annuels de quelques disciples" (Gallimard - p.15). Une famille pauvre donc, dans un petit village en pays bengali.



Dans la première partie du livre, nous faisons connaissance avec les membres de la famille : Indir Thakroun, tout d'abord, pauvre parente éloignée de la famille qui vit à leurs crochets. Elle a toujours espéré des jours meilleurs sans jamais les avoir... Elle entretient une relation très affective avec Dourga, la fille de la famille. Dourga, espiègle et très attachante Dourga au coeur d'or qui, dès la naissance de son frère Apou n'aura de cesse de satisfaire ses demandes. Apou, le fils, est le héros de l'histoire. Il y a aussi Sarvajaya, la mère qui paraît parfois cruelle, notamment avec Indir Thakroun mais cette rudesse est dictée, pour beaucoup, par la nécessité de préserver sa famille, de la nourrir et si, pour cela, il faut chasser une parente éloignée, et bien tant pis ! "Que les autres fassent l'expérience de son caractère ! Je n'en veux plus chez moi, elle qui n'a même pas pensé à mes enfants. Qu'elle ne mette plus les pieds ici ! Qu'elle aille mourir dans les ordures !" (Gallimard - p.41). Ray Harihar, le père, qui cherche en vain un travail stable.



Lire la suite :
Lien : http://loumanolit.canalblog...
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De la forêt

Paru en 1938 en Inde, en France en mars 2020, ce livre est qualifié par sa traductrice France Battacharya dans la postface de « premier roman écologique ».

Ce qualificatif me fait penser au livre de Romain Gary « les racines du ciel » lu il y a quelques années et qui m’avait donné cette impression, même s’il se passe dans les années 40. Trêve de comparaison un peu hasardeuse sans doute !

« De la forêt »est le récit, à la première personne, du rôle joué par le narrateur pour s’employer, sur ordre d’un grand propriétaire, à la déforestation d’une jungle du Bihâr (région indienne du Nord Est au pied de l’Himalaya).

Bengali de Calcutta, ce jeune homme qui ne s’appellera que « Maître » ou, familièrement « Babuji » tout au long du récit, arrive dans cette région sans rien connaitre de la nature, ni des habitants.

Il tombe sous le charme de cette jungle dont il fait des descriptions passionnées et jamais ennuyeuses. Sa mission étant de distribuer les terres à des paysans, souvent de basses castes, il les découvre, essaie de les comprendre, est étonné par leurs habitudes de vie précaire, s’attache à certains, et essaie sans exagération, sans apitoiement, sans condescendance aucune, d’améliorer leur vie.

Mais il regrette de voir la jungle disparaître au profit des humbles cabanes que se construisent les métayers, des champs de blé, de moutarde, de lentilles qu’ils cultivent pour survivre.

J’ai craint au début, d’avoir du mal à m’y retrouver avec les noms des lieux et ceux des personnages ; mais l’auteur, souvent resitue qui est la personne dont il parle et ces noms ne sont finalement pas si compliqués !

J’ai trouvé un charme fou à ce livre, édité chez Zulma qui a d’excellentes références en littérature étrangère et dont la couverture a attiré mon regard suffisamment pour que je le choisisse à la médiathèque.


Lien : https://poirson.marie-helene..
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