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Critiques de Blandine Rinkel (170)
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Vers la violence

J'ai découvert Blandine Rinkel (également comédienne, danseuse et musicienne au sein du groupe Catastrophe) et son livre en regardant La Grande Librairie…. mais l'émission n'a même pas eu besoin de me convaincre. Étrangement, avant qu'elle ne prononce le moindre mot ou que le nouveau présentateur ne parle de son troisième roman, je savais déjà que j'allais le lire. Juste le titre de l'ouvrage et cette prestance alliant douceur et rébellion sur le plateau télévisé ont suffi à me convaincre. Une nouvelle faiblesse de ma part, que ma PÀL déjà débordante ne voyait probablement pas d'un bon oeil, mais un choix finalement judicieux car je l'ai lu d'une seule traite et refermé en étant fan de tout ce qui m'a été proposé : le style, le contenu, la réflexion… voire même cette violence dont il est question dans le titre et qui n'a heureusement pas tout détruit !



« Vers la violence » est le chemin emprunté par la petite Lou, qui voue un amour immense à son papa, tout en vivant dans la crainte de ce patriarche certes lumineux et drôle, mais qu'un rien fait basculer vers les ténèbres. Une violence plus psychologique que physique, mais une menace constante qui invite à marcher sur un fil, balançant entre le bonheur et ce que certains nommeront une « éducation à la dure ».



Blandine Rinkel dresse donc le portrait d'un père, Gérard, ancien militaire devenu flic, qui tente de transformer sa petite princesse en guerrière aguerrie, capable d'affronter la douleur et ses peurs sans broncher. Une gamine qui joue à je te tiens, tu me tiens par la barbichette, bien décidée à ne pas rire, sachant que la tape qui suivra pourrait bien faire mal. Si celui qu'elle tient par la barbichette a l'art de faire rire n'importe qui, ce sourire carnassier dissimule en effet un loup solitaire et imprévisible.



L'ambiguïté de ce portrait livré par l'autrice dérange autant qu'il fascine. Une dualité qui contribue à entretenir une tension permanente tout au long du livre et qui se retrouve ponctuée par une superbe lettre de Lou à son père, déclarant toute l'admiration qu'elle voue à ce père…tout en lui tournant définitivement le dos. Une violence et une ambiguïté dont héritera cette petite fille devenue danseuse, passion qui allie grâce et féminité, tout en faisant violence au corps.



L'écriture sensible, sincère et incisive de Blandine Rinkel m'a cueilli dès les premières lignes. La première moitié du roman, où la relation père-fille est omniprésente, m'a totalement bouleversé. La phrase d'une violence insoutenable « Je ne veux pas te voir à mon enterrement ! », balancée par un père à sa fillette de cinq ans, m'a mis totalement KO. La deuxième partie du roman, proposant la reconstruction de Lou loin du père, dans les bras de Raphaël, est certes moins intense, mais permet au lecteur et à l'héroïne de se relever tout en constatant les dégâts.



Un roman intense, puissant, profond et percutant, porté par une plume dont je suis dorénavant fan !
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Le nom secret des choses

Océane, 18 ans, issue de classe moyenne quitte Saint-Jean-des-Oies en Vendée pour venir poursuivre ses études universitaires à Paris. Elle se retrouve confrontée à un monde différent, à côtoyer la bourgeoise et n'arrive pas à être elle-même. Elle essaie de calquer ses gestes et ses pensées sur les autres, notamment deux étudiants Paul et Aurélien qu'elle essaie d'imiter pour tenter de leur plaire et de s'en faire des amis.

Alors qu'eux ne se posent jamais de questions et ont toujours l'air de savoir, il n'en est pas de même pour elle qui se sent idiote et doute sans cesse. Elle sait pourtant que "les gens préfèrent mentir plutôt qu'avouer qu'ils ne savent pas".

Cette période de vie, teintée de souffrance et d'imposture, Blandine Rinkel la nommera L'imposture puis viendra alors La rencontre, la rencontre d'Elia. Océane est subjuguée, dès le premier regard par cette grande séductrice beaucoup plus affirmée qu'elle. Une grande amitié va naître, elles vont vivre une relation passionnée extrêmement forte et tumultueuse et Elia donnera à Océane le goût des métamorphoses. Elle va la convaincre de changer d'identité pour qu'elle puisse avoir ainsi la possibilité de choisir qui elle veut être vraiment, et en fera autant. Blandine Rinkel a elle-même entrepris cette démarche dans le passé en changeant de prénom.

Mais arriveront-elles à se trouver ?

Le nom secret des choses transcrit très bien cette période de la vie où l'on se cherche et le dédoublement qui peut être ressenti, ces contradictions que l'on porte en soi, que l'on retrouve également chez les autres. Il me semble que le "tu" employé par la narratrice pour se parler à elle-même comme s'il s'agissait d'une autre personne renforce ce sentiment de double. de même, Blandine Rinkel aborde cette dualité dès le début de son roman avec Paris, ville terrifiante la nuit par ces bruits, ces cris, ces hurlements, mais grisante et bigarrée le jour.

C'est un roman dans lequel tout est multiple et contradictoire, un roman que je n'aurais sans doute pas connu si je n'avais assisté à sa présentation en septembre aux Correspondances de Manosque par Blandine Rinkel elle-même : une belle histoire d'amitié et de quête d'identité.


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Le nom secret des choses

Il en faut du talent pour écrire pareil livre, pareil roman, sorte d’introspection narrative exprimant un mal être, une recherche de personnalité !

Blandine Rinkel se parle à elle-même, se tutoie, et cela donne un style direct qui m’a bien accroché, même si l’intérêt de la lecture n’est pas entretenu artificiellement par quelque suspense que ce soit.

Bac en poche, Océane, 18 ans, se retrouve seule à Paris pour poursuivre ses études. Son père, un homme attentionné, à l’écoute et sachant s’effacer pour laisser sa fille vivre sa vie, lui paie un petit 10 m2 parisien et elle découvre la ville.

Elle dit venir du village imaginaire de Saint-Jean-des-Oies, près de La Roche-sur-Yon, et elle trouve beaucoup de différences entre la capitale et son lieu d’origine. C’est l’été et elle en profite pour s’habituer à sa nouvelle vie.

La rentrée l’amène à Tolbiac, Paris-Sorbonne. Elle rencontre Paul et Aurélien. Ils parlent histoire, culture, politique, sexualité et elle découvre un nouveau vocabulaire, se heurte au snobisme et doit cacher ses manques de références en musique, elle qui adorait la téléréalité.

Elle s’aperçoit même que sa voix change. Cela lui donne l’impression d’être doublée, comme au cinéma. Elle qui avait un blog, n’ose pas en parler et enfin, se lie avec Elia qui a des yeux vairons, l’un vert, l’autre marron. Commence alors une histoire d’amitié profonde, pleine de surprises, certaines très inattendues.

Dans Le nom secret des choses, l’auteure glisse doucement d’un « tu » pudique et sévère vers un « je » plus franc et direct. Elle se permet certaines digressions fort instructives comme lorsqu’elle parle de l’imposture et constate qu’il n’y a pas de féminin à imposteur…

J’ai trouvé aussi très original cette volonté de changer de prénom, l’une comme l’autre. Elia devient Safiah alors qu’Océane privilégie son second prénom : Blandine. Cela donne des chapitres très personnels, de réflexions intimes qui font de ce livre un ouvrage inclassable d’une écrivaine rencontrée aux Correspondances de Manosque où Blandine Rinkel qui est aussi journaliste et chanteuse dans le groupe Catastrophe, a été en résidence d’auteure.

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Vers la violence

Violence familiale, que l’on regrette de qualifier d’ordinaire, pour ne pas la cautionner, centrée sur la figure du père.



Le roman est construit autour d’un secret de famille qui n’en est pas un, car si lui, le père, esquive les circonstances précises, les faits sont révélés : la narratrice est le fruit d’une deuxième union, elle sait que son frère et sa soeur sont morts dans un accident.

De son boulot de flic, elle n’ignore rien non plus, et de son caractère imprévisible, elle a appris à se méfier lors d’épisodes qui marquent la vie d’une petite fille.



Ce caractère violent, elle s’y est faite, connaît les codes qui permettent de désamorcer le plus souvent les choses, d’autant que ce père sait se faire compagnon de jeu, chef d’orchestre d’histoires fantastiques. Mais on sent malgré tout une souffrance permanente, une souffrance nécessaire qui se sublime par la danse, un art exigeant où la douleur du corps fait partie du contrat.



Hors, à l’adolescence, les premiers signes de quelque chose de bien plus terrifiant lui apparaîtront.



Toute la première partie, qui relate l’enfance, restitue l’ambiance angoissante d’un univers familial dominé par une être caractériel, dont l’humeur changeante nécessite de s’adapter en permanence pour ne pas déclencher l’orage destructeur. Même si on découvre peu à peu l’importance des drames qui ont jalonné sa vie, on comprend la fuite de la fillette devenue adulte.



La dernière partie est sans doute nécessaire mais elle oscille entre la haine persistante et un apaisement sur suggère l’écriture, moins mordante, moins incisive.



Le poids d’une enfance qui oscille entre angoisse et émerveillement constitue le coeur de ce roman sombre et fort.



379 pages Fayard 17 Août 2022

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Vers la violence

J'ai trouvé beaucoup de similitudes entre l'histoire de Lou et celle de Turtle de My absolute darling, deux petites filles « dressées » par leur père pour n'avoir peur de rien ni de personne. Pleines d'admiration et d'amour autant que de crainte pour un père abusif et manipulateur, des jeunes filles marquées à vie qui parviennent néanmoins à l'âge adulte à se sortir de cette emprise.



Pour moi, le constat est le même pour les deux livres, des clichés, des situations improbables, et ici l'impression générale que l'auteure n'a pas grand-chose à dire, même si elle le dit avec une certaine élégance. Mais si cette lecture m'a déçue, je pense que c'est surtout en raison d'une impression de déjà lu.
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Vers la violence

Je découvre l’autrice, Blandine Rinkel, grâce à la présentation de son dernier roman à « La grande librairie » « Vers la violence » parle, comme son titre l’indique sans ambiguïté, de la violence exercée par un père abusif sur sa fille.

Même si ce roman prend racine dans la vie de l’auteure, elle tient à préciser qu’il n’est pas autobiographique.



Lou, petite fille unique, voue une admiration pour ce père énigmatique et drôle que son métier de flic oblige à s’absenter souvent. Elle l’admire et le craint à la fois car il règne avec autorité sur sa femme et sa fille. Capable de violences psychologiques, ce solitaire élève la fillette à la dure. Il l’isole des autres et distille le chaud et le froid, tantôt tendre et drôle, tantôt tourmenteur jaloux.

« De manière générale, Gérard n’aimait pas que je m’amuse avec d’autres enfants. »

Cet ancien militaire fasciné par les armes se rêvait en héros, il va inculquer à sa fille qu’il appelle moussaillon ce goût pour l’aventure et les situations extrêmes :

« L’éducation globale que Gérard m’inculqua tenait moins à savoir comment vivre en société qu’à apprendre comment survivre en forêt ou près des océans, sur une zone de guerre ».

Pourtant, ce carnassier au cuir épais, ce mythomane qui sait charmer, a eu une autre famille avant Annie et leur fille. Lou tourne autour de cette famille fantôme, découvrant peu à peu leur histoire violente.

En grandissant, Lou va approcher d’une vérité cachée, tout en essayant d’apprivoiser cette peur qui s’immisce dans leur famille.

« A partir de quelle année la peur s’est-elle définitivement installée dans notre maison ? »

Il y a une grande ambiguïté des sentiments entre le père et sa fille. C’est en devenant adulte que Lou arrivera à prendre conscience de cette violence rampante, sournoise de ce père qu’elle nomme Gérard dans son récit, mettant une distance comme si elle lui refusait ce rôle paternel.



La seconde partie du roman, celle où Lou, qui part à Londres pour y pratiquer la danse et s’émancipe de l’emprise de son père, m’a moins convaincue. La jeune femme qui cherche sans cesse la souffrance rencontre Raphael.

« Je vivais, je rencontrais. Je me croyais capable de tomber amoureuse. A Gérard, je ne pensais plus. »

Elle va enfin faire le chemin vers la résilience. Elle n’en a pourtant pas terminé avec ce père qu’elle reverra vieilli et malade. C’est la danse qui lui permettra aussi de dépasser cette emprise psychologique dévastatrice.

La danse, qui est aussi un exutoire pour Lou afin de se réparer dans la souffrance du corps et de surmonter l’influence de cette filiation morbide, est juste évoquée tout au long du récit. Il me semble qu’elle aurait mérité une plus grande place car son rôle, comme celui de Raphaël, est prépondérant dans l’évolution de la fillette devenue femme.



Ce roman à l’écriture précise, sans affèteries, nous livre une histoire puissante et sombre mais aussi porteuse d’espoir, celui d’une reconstruction.



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L'abandon des prétentions

Jeanine n'est pas abonnée à l'ennui. C'est certain.

Retraitée de l'enseignement, elle se retrouve seule.

Son mari a quitté le navire. Sa fille a quitté le nid et vient souvent la rencontrer. Oui, la rencontrer et pas seulement lui rendre visite distraitement.

Elle observe sa mère au point d'en dresser un portrait chapitre par chapitre.

Jeanine a une personnalité riche intérieurement. elle note des phrases, des formules à creuser, en post-it sur son frigo ou ailleurs.

La plus importante qui revient en fin de récit : "Qu'est-ce qu'une vie réussie"...

Jeanine marche aussi, longuement en regardant les gens, en laissant traîner ses oreilles, en leur parlant, en les ramenant chez elle et leur cuisine des crêpes quand ils éveillent son intérêt ou quand ils en ont besoin. Ils sont décrits dans les chapitres et certains sont très colorés ou craquants avec parfois un passé, un présent bien lourds.

Le dernier chapitre, très important dresse la conclusion de cette vie remplie d'écoute des autres, des siens.

Une vie toute simple mais qu'elle a su rendre très riche, très agréable, heureuse intérieurement et extérieurement.

C'est le récit de sa fille mais...une mère ne ment pas à sa fille . On peut donc la croire.

J'ai noté 3,5 étoiles et pas plus car j'aurais voulu que les faits soient plus liés mais j'ai lu un livre qui apporte une vraie réflexion.

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Vers la violence

Des textes effrayants sur la cruauté parentale, j'en ai lu beaucoup - de 'Hansel & Gretel' au roman d'Adeline Dieudonné 'La vraie Vie', via Poil de Carotte (Jules Renard) et Vipère au poing (Hervé Bazin).

Celui-là me semble frôler l'absolue perfection.

Tout y prend vie avec les mots justes, une précision redoutable, et sans chichis : ce père terrifiant, la mère douce & aimante mais beaucoup trop passive, le chien, leur coin de Vendée où se mêlent mer et forêt. Et bien sûr la narratrice, Lou, prise au piège de cet environnement aussi fabuleux que toxique. Comme tous les enfants, elle ne peut pas se rendre compte qu'une famille, ça ne devrait pas être ça : marcher sur un fil, au-dessus d'un gouffre, tandis que la main du père se tend ou se dérobe de manière imprévisible (quand elle ne menace pas de pousser vers le vide).

Son père est son héros : il lui invente un monde, lui raconte des histoires, ils sont complices. Et l'enfant ne mesure pas la violence des jeux & défis qu'il lui impose. Elle souffre en silence, se pince en douce pour ne pas pleurer, attend de se retrouver seule pour se laisser aller.

Alors oui, elle épousera Gérard, son père, comme ils se le sont promis. Non, elle ne sera pas une 'fillette', et préférera le judo à la danse. Elle comblera des deuils, remplacera des défunts, reprendra la "rage ancestrale" (contenue ou non) de la lignée paternelle, imposant à son corps une discipline de fer, etc.

.

Terrible récit d'une emprise, celle d'un "fou" sur sa propre fille, d'un doux dingue dangereux aussi lumineux qu'obscur.

Un soleil noir, un ogre, un loup, un prédateur, dont Lou découvre peu à peu, à mesure qu'elle grandit, les faiblesses sous la cuirasse - mais le mal est fait, cette jeunesse l'a aguerrie mais aussi brisée.

En regardant la biographie de l'auteure, je découvre un parcours proche de celui de Lou, ce qui ne manque pas d'inquiéter.

.

Brillant ! Mais tellement sombre, aussi, parfois insoutenable.

En tout cas époustouflant de maîtrise : Blandine Rinkel n'avait que trente ans lorsqu'elle a écrit ce texte.

Encore sous le choc, je vais m'empresser de lire 'L'abandon des prétentions'.
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Le nom secret des choses

Une fois le bac en poche, Océane quitte sa province vendéenne pour aller à Paris, suivre des études de lettres.



C'est dans la ville lumière aussi magique qu'effrayante, qu'elle va rencontrer des jeunes gens issus d'un milieu social bien plus aisé qu'elle et notamment, une jeune fille, dont la liberté et l'audace vont rendre Océane aussi admirative que fascinée: jeune fille prénommée ( mais plus pour très longtemps) Ellia.



Entre elles, va alors se tisser une relation aussi ambigüe que passionnelle dont le dénouement semble inéluctable...



Une écriture douce et heurtée , qui commence par la seconde personne du singulier avant d'aller investir le "je" cinquante pages avant la fin une fois que la narratrice prend du galon et de la distance sur cette histoire.



Le nom secret des choses est un peu comme l'était "Respire" d'Anne- Sophie Brasme (mais en plus érudit et en moins organique), une histoire d'amitié toxique entre deux jeunes filles, donnant lieu à un beau et fort roman d'initiation et d'émancipation

Un récit qui va essayer de montrer jusque à quel point une jeune provincial est prête à aller pour se faire accepter dans cette ville et dans cette amitié où elle n’est pas sûre d’avoir sa place .



Un récit d'apprentissage aussi cinglant et doux amer..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Vers la violence

Lecture terminée hier et complétée par B.Rinkel dans la nouvelle saison de « La grande librairie ».

C'est un roman qui paraît doux , agréable à lire et beau comme son autrice, mais plein de violence .

Celle ci n'est pas physique, mais intimidante pour une petite fille, Lou, qui adore son papa Gérard.

Celui ci est un grand malabar à moustache, tonitruant, vantard, qui appelle sa petite fille « moussaillon. Il veut l'aguerrir, en faire un fac-similé de lui-même. La maman, beaucoup plus réservée, aimante aussi ne fait pas partie de leur club.

Mais là, cette violence dans les propos de cet homme policier d'ailleurs cache un énorme désarroi,un grand vide , il avait une autre vie « auparavant » une autre famille anéantie par un drame affreux.

Mais Lou insidieusement va être imprégnée tout doucement par cette violence rampante , elle aura du mal à se fixer, à faire confiance, à aimer vraiment, à se libérer enfin.Elle sera danseuse et supportera la violence faite au corps par cette pratique intensive. Pouvoir se détacher définitivement de ce père , mais continuer à l'aimer quand même, ce n'est pas facile, mais vital.

B.rinkel pratique cette discipline du corps, hier soir , c'était visible dans son intervention.

J'ai vraiment beaucoup apprécié ce roman qui explore les sentiments souterrains avec force et sans avoir l'air d'y toucher. Un beau roman et une belle rentrée littéraire en fait.
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Le nom secret des choses

Comment Océane est devenue Blandine

Dans une nouvelle version de l’histoire de la provinciale qui découvre Paris, Blandine Rinkel confirme les espoirs suscités par «L’abandon des prétentions». Et nous raconte comment elle est devenue Blandine.



Océane n’est plus la même depuis son arrivée à Paris. Bac en poche et toute la vie devant elle, elle est fascinée par la capitale et ses habitants. Même si elle est encore bien loin d’en apprivoiser tous les codes, elle sent la vibration, l’énergie et les opportunités qui s’offrent à elle: «Les premiers mois, tu habites dans le quartier d’Odéon. Dix mètres carrés, dégotés sur un coup de chance grâce au bagout de ton père. Tu n’as aucune idée de la portée symbolique de ce quartier. Tu n’es pas au fait de l’ancienne rivalité entre rive gauche et rive droite. Tu n’as pas même conscience d’être chanceuse de loger là. Tu trouves ça tout simplement beau.»

Même «la fosse de Tolbiac» ne lui fait pas peur, cette fac où pourtant elle doit se préparer un avenir. Il s’agit, consciemment ou non, de faire quelque chose de cette nouvelle vie, de se transformer, de se métamorphoser. Et pour cela toutes les expériences comptent, y compris sexuelles. «Tu suçais sans y penser. Le sexe te semblant être un moyen comme un autre de te changer en quelqu'un d’autre. Une façon d’accélérer ta métamorphose. C’était comme un processus chimique de transformation de soi. Se faire pénétrer, comme la pâte à laquelle on ajoute un ingrédient, deux cerises, du beurre fondu.»

La route d’Océane va alors croiser une jeune fille qu’elle n’avait jusqu’alors pas vraiment considérée, même si cette collègue semblait venir de loin, comme son regard vairon, le même que David Bowie. Une rencontre comme une évidence, une découverte et la naissance d’une amitié fusionnelle, presque télépathique.

De la seconde personne du singulier, le récit passe alors à la seconde personne du pluriel : «Vous partagiez une amitié incandescente qui, tout extatique qu’elle fût, n’était en rien sexuelle, ne l’avait pas été, ne le serait jamais, et cette impossibilité de toucher, cet interdit tacite entre vous, rendait votre relation d’autant plus dérangeante.»

C’est à ce moment du roman que la romancière nous offre ce moment où tout bascule, ce rite de passage qui fait que toute la vie d’avant se fige et que désormais l’autre vie prend la place. Ce moment, c’est celui où on transforme la réalité pour qu’elle soit conforme à ce que l’on voudrait qu’elle soit. Un mensonge, une imposture dont Blandine Rinkel nous cite les exemples les plus emblématiques comme par exemple avec Jean-Claude Romand. «La mise en branle de l’imposture, c’est une tâche indélébile qu’on étale de plus belle en espérant la résorber. Et l’imposteur ajoute en permanence, de l’eau au moulin de son propre naufrage.»

Pour Elia et Océane, ce dédoublement de leur personnalité doit trouver sa légitimité dans un changement de prénom. Un petit jeu aux conséquences loin d’être anodines, comme vous vous en rendrez compte.

Voilà comment Océane est devenue Blandine. Et voilà comment, après L’abandon des prétentions, Blandine Rinkel confirme son talent.




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L'abandon des prétentions

Quand on abandonne toute ambition, toute prétention au pouvoir ou à l’emprise sur autrui, on n’en est que plus heureux.

La simplicité aide à vivre. La maman de Blandine Rinkel est une femme simple, et par là-même, unique.

Elle est libre, aussi. Elle agit à sa guise, sans chercher à influencer quiconque, mais elle fait le bien. Elle regarde les gens, elle les écoute. Et ça, ce n’est pas fréquent !



Ce livre est un portrait, un beau portrait de femme dessiné par sa fille. A coup de chapitres très courts, l’auteure dresse l’image d’une petite bonne femme qui n’en impose pas, mais qui ne se laisse pas faire non plus. Professeure d’anglais à la retraite, elle accueille chez elle les étrangers, qu’ils soient « bons » ou « méchants ». Les vacances, pour elle, c’est rencontrer plein de gens, et pas visiter des pierres. Elle croit en l’être humain, dans sa bienveillance naturelle, qu’elle soit fondée ou non.



En fait, je m’attendais à un roman, et j’ai été surprise et un peu déçue au début. Mais je me suis laissée charmer par cette femme toujours guillerette et si libre. Ce n’est pas souvent qu’on rencontre des gens aussi purs et aussi dénués de prétention. Un beau modèle, vraiment !

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Vers la violence



Un titre frontal, disruptif. Une couverture qui intrigue avec ces quatre dessins qui représentent le loup. D’ailleurs la page en exergue est aussi centrée sur les loups.



N’est-il pas étrange d’associer la naissance du protagoniste principal, Gérard, avec le loup qui entra dans la légende le 12 janvier 1954 ?

Mais ne dit-on pas : L’homme est un loup pour l’homme ? La narratrice, Lou, sa fille ne va cesser d’en faire le constat dès son plus jeune âge.

Celle-ci brosse le portrait du baby boomer qu’elle appelle Gérard, et non «  mon père », façon de prendre de la distance avec ce personnage très complexe, aux nombreux secrets à élucider. Un homme autoritaire, à la voix terrifiante parfois.

Le lecteur sent très tôt l’emprise, la domination qu’il a sur sa fille. Admirative, amoureuse de son géniteur au point de vouloir se marier avec lui. L’amour est d’autant plus aveugle à cet âge. Pourquoi la laisse-t-il penser (à 5 ans) que cette union sera possible quand elle aura atteint l’âge légal ? Pourquoi lui fait-il une telle promesse ?! «  Seuls les adultes consentants peuvent s’épouser ».



Gérard, ex-militaire, flic de profession, possède des armes, ce qui impressionne sa fille Lou. Il est nimbé de mystère, passant des nuits dans son bureau ovale jaune. Pièce appelée ainsi car au centre trônait « une grande table en forme d’oeuf ». Lieu où son père travaillait, se ressourçait, mais où Lou ira fureter, transgressant l’interdit, ouvrant les tiroirs,ce qui ne pouvait que déclencher la furie de Gérard.

Pourquoi ce nom de code « Bruno » ? Aurait-il une double vie ?



Lou se remémore son enfance, son entrée en sixième, son amitié avec Jade, Victor, prenant conscience que Gérard préférait qu’elle ne fréquente pas ses camarades de classe ! Elle confie qu’« il voulait rester maître de son royaume, que son esprit lui appartienne ». Difficile de comprendre pourquoi il lui refuse de jouer avec les billes

découvertes au grenier pour lui donner la permission une semaine plus tard.

Il l’éduque à la dure, lui conseille d’apprendre à se battre pour être à la hauteur de son nom Meynier qui signifie « robuste guerrier », lui apprend à nager à deux ans. Dès ses 5 ans elle s’aguerrit, son père lui ayant inculqué la devise du mousse : «  Sois toujours vaillant et loyal » et « la sensation du couteau ». Adulte, elle définit Gérard comme « un monstre à deux têtes » qui « affabule, invente, ment », un moustachu «  psychopathe amusant », « un sorcier de l’univers » et « un ivrogne occasionnel ».

Elle souligne «  son sourire carnassier », son « rire bruyant », sa face obscure.Comment une enfant peut-elle se construire quand la menace est permanente ? Il lui faudra vaincre sa peur quand elle doit traverser un pont en pleine tempête !

Peu à peu le voile se lève sur le passé du patriarche au sujet du drame du naufrage , (ce qui explique qu’il vivait dans un huis clos de disparus) et de l’accident tragique impliquant Pluie, ce cheval qui les accompagnait lors de randonnées en forêt.



La figure maternelle, Annie Mercier, est une présence discrète, elle aussi subit les menaces de son époux. Quand celui-ci rentre alcoolisé, agressif, il sème la terreur. Il hurle, il beugle, il gueule contre les connards qui salope la mer, la plage. Quel contraste entre les mots affectueux que le père emploie à l’adresse de sa fille : «  moussaillon », « Loupiote », et la violence de ses gestes (Ne l’a-t-il projetée d’un coup de pied en bas d’un escalier ?) et certaines de ses paroles ( injures). L’épouse est traitée de connasse, de « vioque ». Pas de smartphone à l’époque, la mère consignait tout sur un post-it.



L’écriture de l’écrivaine est très visuelle, d’une précision inouïe , on croit voir les scènes se dérouler sous nos yeux. Par exemple quand elle revisite les moments de bonheur partagés avec le père, leur « lien de la mer » ( «  les souvenirs bleus »), le jeu de la barbichette, les tours de magie, leurs partages de mondes imaginaires ou quand elle évoque leurs marches, les paysages traversés, empruntant « des routes jouxtant le jaune des champs d’orge et de colza, le vert du maïs, des blés, le bleu des pavots…. », «  des départementales bucoliques ».

Ou tout simplement quand elle s’achète une gaufre liégoise, «  ornée de perles de sucre ».



Blandine Rinkel a le don de happer son lecteur par les accroches de certains chapitres, comme «  il y eut un épisode terrible ».

La maltraitance animale évoquée révulsera tous ceux qui luttent contre ce fléau.

La romancière reconnaît qu’adolescente, elle aussi s’est montrée « infecte »

envers Ardent, ce chien attachant que son « bourreau de père » a failli défenestré. Et elle fustige « l’injustice de sa cruauté », de sa méchanceté causée par mimétisme.

Elle sait attiser notre empathie pour ces bêtes sans défense, tel ce cheval qu’il a abandonné dans le fossé où il avait chuté. Au contraire Lou, devenue végétarienne, montre son attachement aux chevaux et rejette la consommation de viande chevaline. Nourriture que son père lui a imposée dans son enfance. Pour elle : « La magie des chevaux ne réside pas dans leur viande, mais dans leurs mouvements. Dans leur crinière et dans leurs muscles. Dans la manière qu’ils ont d’être libres quand ils courent ».



Au cours du récit, Lou s’interroge sur la misogynie de Gérard d’autant qu’il disait «  aimer les femmes, les vraies », les femmes guerrières , pourtant dans ses notes autobiographiques, on lit les déclarations suivantes : « les femmes sont des couteaux » ou «  se méfier des femmes ». Aurait-il été attiré par ces « femmes féroces, indifférentes, hermétiques à la séduction », ces femmes écrivaines en lutte comme Virginie Despentes, Constance Debré à qui Lou rend hommage ?



A la fin de la lecture de la première partie, le lecteur est comme abasourdi tant la violence s’est intensifiée. A 18 ans, la narratrice, quitte sa Vendée aimée pour rejoindre à Londres une compagnie de danse. « La danse, une technique de survie » pour Lou, un exutoire, qu’elle pratique d’une façon militaire, «  un sport exigeant une autodiscipline ». Elle développe une longue réflexion sur la danse : «  la danse comme stratégie animale pour esquiver les corps prédateurs ». Cette décision convoque une pensée de Colette : «  Il n’y a de réel que la danse, la lumière, la liberté, la musique ». Rappelons que l’écrivaine chanteuse pratique elle-même la danse au sein du collectif Catastrophe.

Liberté qui se traduit pour Lou sur le plan sexuel ( jeu du foulard) jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse de Raphaël, qui rallume sa féminité, alors qu’elle avait éduquée, en soldat, comme un petit monstre de virilité », quand elle était sous la coupe du paternel. Un père peuplé de blessures, « de cicatrices et de deuil ».

Un épisode déstabilisant la marque : «  la tache » au plafond de son logement londonien. Laissons le mystère.



Un mot interpelle dans la dernière partie, celui de « meute », qui renvoie à l’illustration de la couverture. La famille est considérée comme « une horde de cohortes », les voitures sont vues comme une meute. « Meute », le nom de la compagnie de danse qu’elle formera. Et le prénom Lou, qui résonne comme loup !

On quitte le jeune couple se préparant à un réveillon forestier avec les animaux. Ils se tiennent à l’affût, sachant ( comme Sylvain Tesson) qu’il leur faudra de la patience, cette «  vertu suprême » et rester silencieux pour espérer entrevoir une meute ou un loup solitaire. Et fantasmer de «  danser avec les loups » ! La boucle est bouclée.





L’originalité de ce roman réside dans sa composition hybride, mêlant le récit de Lou, les notes autobiographiques du père qui révèlent une autre facette de cet ogre » et au final la bouleversante lettre confession de Lou qui montre la complexité de leurs liens. Et combien il l’a vampirisée. Une lettre qui dévoile sa réponse quant à un éventuel don de rein pour ce père condamné.

Un récit émaillé de citations, d’expressions en italiques, dont certaines en anglais ( « delay », «  fake news », «  larger than life »…) et de comparaisons. ( «  la vague immense se ruait sur nous comme un cheval piqué par une abeille »).





Blandine Rinkel signe un roman puissant, dense, scandé par le mot « violence » dont a hérité la narratrice Lou », et hanté par les spectres des fantômes. Un récit impressionnant, parfois glaçant qui laisse une durable empreinte chez le lecteur.





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Vers la violence

Ce roman est magnifique !

Ce roman m'est un gros coup de coeur.

Un roman avec un texte puissant, profond et très percutant.

Un roman presque animal qui oscille entre le chasseur et la proie, entre le l'amour et la haine, entre la fascination et le dégout.

*



Il est assez rare pour moi de lire une aussi belle écriture que celle de Blandine Rinkel.

Parce que l'auteure dégage une force, une sincérité, une authenticité, parce qu'elle m'a semblé maitriser en grande harmonie son sujet. Parce qu'elle marchait sur un fil, comme une gracieuse équilibriste, entre douceur et cruauté.

*



C'est un sujet difficile qu'aborde l'auteure, avec une grande sensibilité parfois à fleur de peau.

Celui de l'héritage familial psychologique, de son poids et de ses traumatismes générationnels qu'il crée dans un noyau familial.





Blandine Rinkel, qui écrit à la première personne du singulier, est Lou. Elle est cette petite fille. Elle est cette jeune fille. Elle sera aussi cette femme qui nous racontera ses sentiments paradoxaux qu'elle a vécu pendant toutes ses années d'adolescente.

Lou est cette petite fille qui voue une admiration démesurée et un amour immense pour son papa Gérard.

Mais à l'âge de comprendre et de raisonner en petite fille, Lou sera très vite traversée par ses sensations diverses et contraires devant la personnalité déroutante, et les attitudes parfois irrationnelles de son papa.

*



Mais qui est ce père, qui se conduit en loup toujours affamé, qui veut sans cesse capter l'attention de son auditoire, mais surtout avoir l'exclusivité de l'affection que lui porte sa fille ?

Blandine Rinkel nous brosse le portrait magistral d'un père magnifiquement ambigu. Un père meurtri par la vie et prisonnier de son passé.

Un homme qui cache de grandes blessures derrière son assurance, sa gouaille, son talent pour faire rire son entourage avec des histoires aussi mensongères que fantastiques.



Un père qui ne veut pas montrer ses faiblesses qu'il considère comme des tares. Un père toujours borderline. Si bien qu'à chaque page du roman, je craignais que ce papa déraille encore plus, qu'il puisse encore plus basculer dans ses névroses.

*



Alors comment une petite fille dans ces conditions, peut-elle se construire ?

Comment construire le socle de son être, si au-delà de l'émerveillement pour son papa, Lou a parfois des sentiments de doutes, de craintes et de peur qui la traversent.

Comment une petite fille puisse ériger les premières fondations de sa vie sur la confiance et ses vérités ? Alors qu'elle perçoit son papa en père mythomane, un père silencieux et secret lorsqu'il tait trop de choses surtout sur sa vie d'avant.

Comment une petite fille puisse ne pas s'identifier au père ?

A sa douceur mais aussi à sa violence, celle de ses mots brutaux qu'il crie parfois à son encontre.

*



Lou va alors s'interroger sur ses ressentis nouveaux de peur, d'humiliation et parfois de colère qui remplissent et troublent son coeur débordant d'amour.

L'image comme une icône religieuse de ce père tant adulé, va commencer à se craqueler et se ternir.

Les rapports « clairs-obscurs » qu'elle entretenait avec son papa, vont se tendre pour devenir de plus de plus conflictuels.





La lettre écrite par Lou à son père, qui termine ce beau roman, m'a fait mouiller les yeux.

J'ai ressenti combien les blessures de Lou alors femme, étaient vives. Et combien elles allaient pour longtemps balafrer l'âme de Lou.

*



Merci Blandine Rinkel pour m'avoir autant touché et fait vibrer en parlant de cet héritage filial que chacune et chacun de nous reçoit dès le plus jeune âge.

Car dans le processus naturel des choses, nos parents ne nous transmettent pas seulement une éducation, une morale, un héritage génétique.

Il y a un autre « bagage », celui d'une mémoire consciente ou inconsciente sur des évènements passés sous silence, des secrets de famille.

Une mémoire troublante et perturbatrice qui se transmet de génération en génération et constituent le socle et les fondations de ce que nous sommes.





Il y a en chacun de nous des vieilles morsures et leurs cris de douleurs, laissées par nos pères et les pères de nos pères.

Et c'est à chacun de nous en libérer.





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A-t-on encore le droit de changer d'avis ?

Dans ce tout petit texte très vite lu Blandine Rinkel argumente tout en finesse, à la fois sur le droit de changer d’avis et sur le droit de ne pas choisir son camp entre des amis qui ne s’entendraient peut-être pas entre eux. Par ses exemples elle s’adresse à tous, elle montre bien le risque de s’enfermer dans l’entre-soi, de refuser tout débat, toute discussion, prenant chaque conflit pour une agression. Elle montre l’intérêt d’écouter les autres même si c’est aussi prendre le risque de changer d’avis. Elle utilise beaucoup de citations, choisies très judicieusement, en particulier avec Victor Hugo. Un bel ode à la tolérance à méditer par ces temps de cancel-culture et de wokisme.
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L'abandon des prétentions

Portrait de Jeanine, "petite femme brune frisée" de soixante-cinq ans, prof d'anglais en retraite - la maman de la narratrice.

Et esquisses de ceux qu'elle accueille à bras ouverts dans sa cuisine rose fuchsia, autour de crêpes et de cidre, généralement après les avoir abordés dans la rue, curieuse de leurs langues & origines étrangères.

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La découverte récente de l'époustouflant roman 'Vers la violence' m'a donné envie de mieux connaitre son auteure, Blandine Rinkel. J'ai lu depuis 'Les abus gris', et 'L'abandon des prétentions', dont le sujet & le cadre m'attiraient particulièrement : des "voyages intérieurs suscités par des rencontres fortuites", ceci dans une commune voisine de celle où je réside.

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Le "pessimisme enjoué" de Jeanine m'a touchée, comme tous ses autres paradoxes, ses tâtonnements et ses manies (les paroles attrapées au vol et consignées sur des post-it). Fille de paysans finistériens de l'après-guerre, elle a vite 'abandonné ses prétentions' (ou celles de ses pairs devenus agrégés, par exemple), pour rester dans un sage entre-deux : elle a quitté son monde d'avant, certes, mais est restée à sa 'modeste' place de prof d'anglais en lycée.

J'ai aimé et admiré sa générosité et son ouverture, son embarras qui se mue parfois en bavardage maladroit et gaffeur - comme chez beaucoup de timides/complexés. J'ai évidemment été émue, aussi, de la percevoir comme une voisine que j'ai pu ou que je pourrais croiser - sans la (re)connaître -, car nous fréquentons les mêmes parcs et hypermarchés.

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L'auteure "trace [ainsi] des poignées d'anecdotes" autour de sa maman et des 'autres vies que la sienne' dont Jeanine a su solliciter le récit.

Moins rythmé qu'un roman, ce texte se lit plutôt comme un recueil de nouvelles à chutes, avec la formidable Jeanine en fil rouge et en chef d'orchestre discret de ces petites musiques tour à tour douces, cruelles, tragicomiques...

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NB : Blandine Rinkel n'avait que 25 ans lorsque cet ouvrage est paru.

Elle est également danseuse et chanteuse :

https://www.youtube.com/watch?v=HYn__3R_dAM
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Vers la violence

Lou est l'enfant unique de " Gerard" et "Annie" qu'elle nomme d'ailleurs ainsi,instaurant d'emblée une distance affective tout en rendant compte de la relation symétrique imposée par son père au déni de son statut d'enfant et de ses besoins essentiels. Gérard porte l'héritage d'une enfance à la dure, et d'un drame concernant une première union dont il a eu deux enfants. Excuse ou simple constat de ce qui l'a forgé ? Il est devenu la caricature de "l'homme ", " le vrai" à la virilité ridicule, mais surtout l'acteur d'une violence omniprésente avec Lou.

Lou raconte cette enfance et se raconte en tant que femme. Pas de larmoiement, encore moins de victimisation car elle revendique la force acquise et ne renie en rien l'admiration sans borne qu'elle vouait à " son sorcier de l'univers " qui avait créé une complicité sans faille entre eux en l'immergeant dans un imaginaire " plus important que le savoir".

J'ai eu de la tendresse et de la compassion pour la petite Lou sous l'emprise de son ogre. J'ai tremblé pour elle face au climat incestuel dans lequel elle baignait et la pression de son père pour en faire "un homme et non une fillette ".

Cependant je ne me suis pas attachée à la femme qu'elle est devenue. Sa résilience lui a permis de profiter de l'héritage de son père avec sa joie mais aussi avec sa violence. Il était, finalement faible, elle est forte et maîtrise sa vie comme son corps. Elle a rejoint " la meute" et derrière son armure elle observe son père déchu sans émotion, comme on jetterai un doudou dont on n'a plus besoin.

La vie et la mort se côtoient tout au long de ce roman dans une danse malsaine et perverse rendant le récit intéressant mais dérangeant.
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Vers la violence

Je continue ma découverte de l'univers de Blandine Rinkel après avoir lu son roman précédent « le nom secret des choses » paru en 2019. Et me voici tout à fait charmée !



Lou, fille unique, voue une admiration sans borne à son père, qu'elle appelle Gérard et non papa. Gérard est fantasque, joueur, expansif, il prend toute la place à la maison, quand il n'est pas parti en déplacement, laissant Lou et sa maman seules de longs mois. Mais Gérard est aussi prétentieux, menteur et mythomane, infidèle, grossier et carnassier, ce que la petite fille découvrira en grandissant. Bref, Gérard fait la pluie et le beau temps et souffle le chaud et le froid sur son entourage.



J'ai été très touchée par cette relation père-fille toxique. Vers la violence, mais jamais tout à fait, ou indirectement. Il élève Lou dans un contexte viriliste, à la dur, lui apprenant à se battre, à ne rien craindre. Tous les mercredis, ils partent à la boucherie et achètent du cheval, dont ils se régalent tous les deux.



Pourquoi autant de violence contenue chez Gérard ? Quel passé a fait de lui ce qu'il est devenu ?



Bien sûr, une telle éducation n'est pas sans conséquence. Mais Lou s'en sort tant bien que mal en devenant danseuse. Une autre façon d'infliger douleur et rigueur à son corps, mais également de lâcher prise et de vivre loin de tout conformisme.



Lu en deux jours, je n'ai pas vraiment lâché ce roman, si ce n'est pour dormir. J'ai trouvé la plume de Blandine Rinkel efficace, non dénuée de poésie avec ses métaphores animalières qu'elle file au fil des pages. Les personnages sont saisissants et tout à fait incarnés. Et j'ai trouvé ce Gérard crédible, bien qu'il n'ait pas convaincu tous les lecteurs.



Une réflexion pertinente sur les liens familiaux, la transmission et le deuil. Un texte psychologique puissant et brutal, qui frappe les mémoires.



Un grand oui !
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Le nom secret des choses

Lost in translation...

Histoire d'une étudiante de province "perdue sur l'échiquier des postures" lorsqu'elle arrive à Paris. Elle découvre un nouvel univers avec des copains de fac snobinards & nonchalants. Elle feint & feinte pour s'approprier un autre monde, d'autres codes, notamment dans le domaine du langage.

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Je me mords les doigts d'avoir péché par gourmandise. J'aurais certainement dû laisser passer un peu de temps avant d'enchaîner sur un troisième roman de Blandine Rinkel. Alors que j'ai éprouvé une grande admiration pour 'Vers la violence' et 'L'Abandon des certitudes', cette Blandine/Océane, la narratrice, m'a ennuyée et agacée.

Le récit est à la 2e personne. Parfois j'adhère, mais cette fois non, pas du tout. Elle se regarde et se décrit de l'extérieur, probablement pour exprimer ce 'complexe de classe' obsédant - changement de ville, de références, et même de prénom. Et revient au 'je' en rentrant chez son père.

Cet aspect m'a rappelé Annie Ernaux et Edouard Louis. La linguiste Laélia Véron en parle beaucoup, également, de façon plus douce et moins douloureuse/revancharde (donc plus efficace), notamment dans sa chronique hebdo sur France Inter ('Le grand Dimanche soir').

J'apprécie toujours le talent de Blandine Rinkel, mais l'histoire d'amitié ne m'a pas du tout embarquée, et je me suis perdue dans certaines de ses envolées.

Il est intéressant de constater que l'auteure tourne autour de certaines thématiques, y revient, les creuse : identité et mensonge (E. Carrère), violence familiale (le chien suspendu, XDDL), faim...

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Est-ce que je conseille ? Oui, à ceux qui

- s'intéressent aux 'transfuges de classe' et ne sont pas lassés par le sujet

- ne sont pas rebutés par les récits à la 2e personne

- n'ont jamais lu Blandine Rinkel, ou ont un peu oublié ses autres textes.
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Vers la violence

La violence ne se cantonne pas aux coups laissant des hématomes, aux saignements, aux os brisés. La violence peut aussi être plus insidieuse, à travers des mots blessants, des comportements mettant en danger, des humiliations. La violence nécessite d’être analysée et que des solutions concrètes, comme la fuite, soient trouvées, pour permettre aux victimes de s’en sortir.



C’est ce dont nous fait part Blandine Rinkel dans une écriture à la fois sensible et pleine de force, dans un roman écrit à la première personne du singulier, mais dont il est précisé que c’est une fiction.



Lou, la narratrice, est captivante, dans son ambivalence entre amour et rejet du père, dans son évolution de l’enfant à la femme, dans sa passion pour la danse comme exécutoire et torture du corps. La question du deuil impossible suite à la mort d’un enfant est également posée tant dans ses causes que ses conséquences.



Vers la violence a une place à part dans les romans contemporains sur les violences faites aux enfants, car la plongée dans l’horreur est plus limitée que dans d’autres titres, mais c’est bien ce qui donne tout le réalisme de ce roman et son impact.



Blandine Rinkel a écrit un livre nécessaire dont le message mérite une ample diffusion dans un monde où encore aujourd’hui « L’homme est un loup pour l’homme » et peut-être plus encore pour les enfants.



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