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Critiques de Brian Wood (222)
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Sword Daughter, tome 1

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 3 (90 pages de bandes dessinées), initialement parus en 2018, écrits par Brian Wood, dessinés et encrés par Mack Chater, avec une mise en couleurs réalisée par José Villarrubia, et des couvertures réalisées par Greg Smallwood. Wood et Chater avaient déjà collaboré pour l'excellente série Briggs Land (2016).



Le récit est raconté par Elsbeth Dagsdóttir, une jeune adolescente (12 ans) au temps présent du récit. Au pied d'un arbre à un kilomètre d'un petit village situé dans une plaine, se tient un homme immobile adossé au tronc d'un arbre. Sa fille Elsbeth Dagsdóttir s'approche de son père Dag avec des pièces de tissus. Quelques semaines plus tard, elle s'approche de lui avec des lapins dans ses bras. Régulièrement elle lui rend ainsi visite, les mois, les années passant. Son père reste en état de catatonie avec une perte totale de toute activité motrice, une véritable catalepsie. Au bout de 10 ans de cet état, Dag s'éveille alors que sa fille avait tenté de lui retirer son épée. Il s'agenouille d'un coup et la repousse violemment. Elle a un flash soudain du jour où la bande des 40 Épgrassées a incendié leur village, pillé les maisons et massacré les villageois dont sa mère. Elle se reprend tout de suite, saisit une pierre et en assène bon coup sur la tête de son père. En 991, Dag Dagsdóttir a donc repris ses esprits. Il se lave dans le petit cours d'eau à proximité, puis mange les provisions apportées par sa fille. Il la regarde et constate qu'elle tient une pièce de monnaie dans sa main. Il lui demande où elle a trouvé ça ; elle désigne la direction du rivage.



Père et fille se dirigent vers le village, plus particulièrement vers le constructeur de bateaux. Le charpentier lui apprend que le groupe qui a massacré son village s'appelle les 40 Épées, et que le membre le plus proche se trouve à 2 jours de marche. Dag décide de se venger, seul, sans sa fille. 2 jours plus tard, il arrive devant la maison isolée de Black Tooth. Ce dernier en sort en courant et s'enfuit. Dag le poursuit. Le fuyard passe à côté d'un rocher derrière lequel était cachée Elsbeth. Elle lui enfonce son épée entre les côtés. Il saigne abondamment, parcourt encore quelques mètres et s'écroule inconscient. Elsbeth s'approche de lui avec son épée courte à la main. Son père lui crie de ne pas le tuer pour pouvoir l'interroger. Elle lui enfonce son épée en plein cœur. Elle récupère son épée, puis poursuit son chemin derrière son père.



Ce n'est pas la première fois que Brian Wood écrit une histoire de vikings. Il leur avait consacré une série publiée par Vertigo : Northlanders (2008-2012, 50 épisodes), ayant pour thème ce peuple, avec des récits se déroulant à des dates différentes, à des endroits différents, avec des personnages changeant à chaque histoire. À la fin de cette série, il avait indiqué qu'il écrirait encore des histoires de vikings, ce qu'il avait fait avec Black Road (2016, 10 épisodes) avec Garry Brown. Il récidive avec cette nouvelle série, ayant un personnage principal féminin. Le lecteur note que par rapport aux deux séries précédentes, le scénariste a diminué les anachronismes d'expression orale, et a également diminué la quantité de textes, qu'il s'agisse des dialogues ou des cellules d'exposition. Il devient vite sensible à la sécheresse de la narration dans son ensemble. La couverture semble annoncer l'histoire d'une demoiselle qui apprend à manier l'épée avec un bâton, encore dans l'enfance, peu menaçante. Il en va autrement à la lecture. José Villarrubia utilise une palette très restreinte de nuances marron boueuses, tirant parfois vers le gris. La végétation est brune, terne, semblant manquer de chlorophylle. Même le feuillage des arbres dans l'épisode 2 reste sombre, attestant également d'une faible luminosité. L'océan est également assez sombre. Du coup, lorsqu'une autre couleur entre en jeu, elle produit un effet plus fort sur le lecteur : le rouge sombre lors de la séquence de mise à sac du village, le sang des blessures, ou encore la robe pourpre d'Elsbeth adulte.



En première impression, les dessins de Mack Chater apparaissent tout aussi austères et parfois dépouillés. La scène introductive se déroule dans une vallée désolée, avec peu de végétation et peu de relief. L'épisode 2 se déroule pour partie dans une forêt dont le lecteur ne voit que quelques troncs, très peu de feuillage. Une partie de l'épisode 3 se déroule au milieu d'un grand cercle délimité par des mégalithes, à nouveau sur une plaine désolée. L'artiste investit donc surtout du temps pour représenter les costumes des personnages (avec une conception particulière pour ceux des membres des 40 Épées), pour un navire, et pour de rares habitations (surtout des huttes, et une vue extérieure du couvent). Les personnages présentent un aspect beaucoup plus âpre que sur la couverture. Les traits de contour sont secs et précis. Le dessinateur applique de courts traits à l'intérieur des formes détourées pour marquer les textures, les plis des vêtements. Il réalise également des aplats de noir, comme appliqués au marqueur, avec des contours irréguliers, un peu acérés. Sur les 90 pages de BD, 21 sont muettes dépourvues de tout texte, de tout dialogue. Le lecteur constate donc rapidement la qualité de la narration visuelle, aucune page, aucune séquence n'étant incompréhensible ou même juste difficile à déchiffrer. Mack Chater n'a pas trop de séquence de dialogue à mettre en scène, et il le fait avec des plans de prise de vue simples et efficaces. Il met en œuvre une direction d'acteurs de type naturaliste, avec des personnages aux gestes mesurés en dehors des scènes d'action, ce qui fait d'autant plus ressortir la soudaineté et la violence de leurs attaques. Il s'assure de bien montrer la logique de l'enchaînement des mouvements pendant les affrontements physiques, sans pour autant les transformer en ballet. Il ne s'attarde pas sur les blessures, ne dessinant pas dans un registre gore, mais montrant par d'autres moyens les conséquences des blessures.



Le lecteur s'immerge donc dans une nouvelle histoire de vikings, ayant l'information dès la première page que le personnage principal est Elsbeth Dagsdóttir, ce qui est cohérent avec ce qu'annonce le titre. Il comprend en cours de route que le massacre du village a eu lieu alors qu'elle avait 2 ans, et qu'elle s'est occupée de son père pendant 10 ans. Le lecteur ne s'attarde pas trop sur le comment de sa survie ou de celle de son père. Il voit l'animosité que manifeste Elsbeth envers Dag. Son comportement et son mutisme initial vis-à-vis de lui indiquent une colère et du ressentiment qui ne sont jamais exprimés en mot. Le lecteur en déduit une forme d'accusation muette et de punition pour ne pas l'avoir protégée, pour n'avoir pas su défendre sa mère. Dès que son père est en état de partir, elle lui fait comprendre par ses actes qu'il est hors de question qu'elle n'exerce pas elle aussi sa vengeance. De son côté, Dag ne pense qu'à la vengeance. Il ressent un fort sentiment de culpabilité de n'avoir pas pu défendre sa femme, mais encore plus de ne pas avoir élevé sa fille, de ne lui avoir rien transmis, d'avoir été absent pendant 10 ans. Son sentiment de culpabilité se trouve encore renforcé lorsqu'il apprend qu'il a été une charge pour sa fille, car elle s'est occupée de lui, inversant le schéma de responsabilité parent/enfant.



Sur cette base très simple de la dynamique relationnelle entre le père et la fille, Brian Wood fait débuter leur vengeance. La trame du récit est donc très linéaire : retrouver un premier membre des 40 Épées, l'éliminer, puis passer au suivant. Le scénariste écrit aussi de manière très sèche et factuelle. La mort du premier membre est rapide et sans émotion. Dans le deuxième épisode, le père et la fille doivent trouver le tueur de 12 personnes pour pouvoir bénéficier d'une traversée vers le continent. L'affrontement contre le coupable est à nouveau bref et sans affèterie, traité de manière factuelle, sans le transformer en spectacle. Il faut un peu de temps au lecteur pour comprendre l'enjeu pour la relation entre le père et la fille. L'affrontement contre le deuxième membre des 40 Épées a donc lieu dans le troisième épisode, un peu plus long, tout aussi pragmatique. À nouveau, le lecteur s'interroge sur ce qu'il apporte dans le récit. À nouveau, il lui faut faire l'effort de le considérer avec les yeux d'Elsbeth Dagsdóttir, de se demander comment elle l'interprète, les conséquences sur son développement personnel, l'exemple que donne lui donne son père. Peut-être conscient du caractère ténu de son récit, Brian Wood consacre une poignée de pages à la situation d'Elsbeth Dagsdóttir en 1003, pour montrer ce qu'elle est devenue. Cela oriente à nouveau l'esprit du lecteur sur le fait qu'il assiste à la construction et au développement de sa personnalité, que c'est là que se trouve l'enjeu du récit.



Le lecteur qui a suivi la carrière de Brian Wood a hâte de découvrir une nouvelle histoire de vikings imaginée par lui. S'il a lu sa première collaboration avec MacK Chater, il espère que celle-ci offrira le même niveau de qualité. Il peut être un peu décontenancé par la dureté et le dépouillement de la narration visuelle, tout en appréciant la manière dont José Villarrubia participe à cette impression. Il constate que la densité de la reconstitution historique n'est pas très élevée. Il observe Elsbeth Dagsdóttir réagir aux événements et prendre des initiatives, se demandant bien quel système de valeurs elle est en train de se construire avec une telle vie. Il apprécie le caractère tranché et rigoureux de l'histoire, tout en se demandant ce que Brian Wood va tirer de ce qui s'apparente à un long prologue.
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Northlanders, Intégrale 2 : Le livre islandais

Excellent ! plus court que le premier (d'une centaine de page) mais il reste correcte pour son prix et la qualité de ces récits. Brian Wood est un véritable amoureux de l'ère des Vikings, du moins c'est ce que l'on récent en lisant ses histoires, profonde et inspirer. La Trilogie Islandaise donne le ton à l'ouvrage en mettant en scène plusieurs génération différente d'une même famille installer en Islande au début de sa colonisation.

Trois récits, en trois chapitre chacun pour une même famille, ça donne un côté mafia pas déplaisant.

Les dessins sont assurées par plusieurs artiste différent, il y a du bon, du moins bon et du très bon comme le dessinateur de Sven le Revenant (histoire marquante du premier tome) qui revient pour un nouveau numéro sur le même personnage : Sven l'Immortel.

Le tout encore une fois dans une édition soigner de chez Urban.



Un bon moment de lecture et d'apprentissage sur l'univers des Vikings. Vivement la suite.
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Northlanders, Intégrale 1 : Le livre anglo-sa..

Pour amateur de vikings. Ce pavé ( on en a pour notre argent ) comporte 5 histoires ( 2 longues d'environ 200 pages et 3 courtes ) :

La 1 ère est celle d'un enfant Saxon qui se reconnaît plus comme un viking que comme un chrétien. Courte histoire qui nous met dans l'ambiance.

La 2ème raconte la guerre que mène 3 femmes vikings face au saxons. Bon scénario dommage que les dessins soient franchement horribles.

La 3ème et de loin la meilleure narre les aventures de Sven le viking qui après avoir voyagé assez loin rentre chez lui afin de reconnaître ses terres mais évidemment le Jarl en place ne le voit pas de cet œil. Superbe graphisme, beaucoup d'action et de violence. En un mot génial. De plus cette histoire dure au moins 200 pages.

La 4ème est très courte et sans grand intérêt. Avec la dernière nous vivons la traque a travers l'Irlande de vikings qui essaient de tuer un moine dangereux et assez retors. Bons graphismes et une fin surprenante.

Pour résumer un bon moment historique passé avec ce comics qui alterne le très bon, le bon et le moins bon.
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DMZ, tome 2 : Le corps d'un journaliste

Ce tome fait à suite à DMZ, tome 1 : Sur le terrain (épisodes 1 à 5). Il contient les épisodes 6 à 12, initialement parus en 2006, écrits par Brian Wood, dessinés et encrés par Riccardo Burchielli, et mis en couleurs par Jeromy Cox, pour les épisodes 6 à 10. Brian Wood dessine 3 ou 4 pages par épisodes. L'épisode 11 a été dessiné et encré par Kristian Donaldson. L'épisode 12 a été entièrement dessiné et encré par Brian Wood. Les couvertures sont réalisées par Brian Wood. Ces épisodes ont été réédités dans DMZ intégrale Tome 1 (épisodes 1 à 12).



Épisodes 6 à 10 - C'est l'été à Manhattan et la température est particulièrement élevée. Une distribution d'eau est organisée dans la rue, mais une bombe explose tuant tous les habitants présents. Au vu de la gravité de l'attentat, l'armée des États-Unis décide d'intervenir sur place. Dans un autre quartier un tireur d'élite a abattu six militaires à Staten Island. L'armée évoque également une explosion sale au pied de la Statue de la Liberté. Matty Roth contemple les restes du camion de distribution d'eau encore en flammes, alors que son téléphone de liaison avec la chaîne Liberty News se met à sonner Il le jette au loin dans une canalisation ouverte charriant des eaux usées. Il se prend la tête entre les mains. Quelques minutes plus tard, il va repêcher son téléphone dans les eaux immondes. Il rentre chez lui et contacte la chaîne Liberty News qui lui réclame un reportage dans un délai très court. Un peu plus tard, il est contacté par les représentants de l'armée des États Libres (Free States Armies). Ils viennent le chercher et l'emmène de l'autre côté de la rivière. Ils ont un journaliste en otage et vont s'en servir pour négocier.



Matty Roth s'est donc installé à Manhattan, territoire démilitarisé servant de zone tampon entre le gouvernement des États-Unis, et le gouvernement des États Libres. Le seul fait qu'il soit journaliste pour une chaîne du dehors fait de lui un individu crucial dans l'équilibre des pouvoirs. Il se retrouve donc impliqué dans des opérations effectuées par soit les États-Unis, soit les États Libres. Il lui faut un peu de temps pour se rendre compte que les uns comme les autres voient en lui un pion qui peut être manipulé, utilisé, instrumentalisé. Brian Wood sait ne pas noyer le lecteur sous un flot d'informations, et il prend bien soin de rester à un niveau humain. Matty Roth reste donc le centre d'attention quasi exclusif, pratiquement présent dans toutes les séquences. Il est nouveau dans ce territoire démilitarisé et le lecteur apprend par ces yeux de novice. Matty Roth perçoit inconsciemment qu'il est instrumentalisé et se défend de son mieux. Mais il doit faire face à d'autres priorités comme sa santé (une sorte de tourista aggravée), et être témoin de morts idiotes, dénuées de raison.



Riccardo Burchielli continue d'impressionner le lecteur en réalisant des planches qui donnent l'impression de véritablement se trouver à Manhattan, alors même que l'artiste n'y a encore jamais mis les pieds. Le lecteur retrouve bien l'urbanisme spécifique de ce quartier : les larges artères, les gratte-ciels, quelques façades d'immeubles identifiables, quelques vues touristiques. En cohérence avec la période de l'année, Jeromy Cox continue d'utiliser une palette de couleurs chaudes, parfois un peu vives. Enfin les décors sont représentés de manière très régulière, quasiment à toutes les pages. Le lecteur éprouve donc une sensation entre tourisme (grâce aux photographies de référence envoyées par Wood au dessinateur) et images de journal télévisée avec les impacts de balle, de mortier ou de bombe. De temps à autre, il peut voir comment les habitants ont récupéré et rafistolé des véhicules ou des objets du quotidien. Il est également visible de ci de là que les services de maintenance ne sont plus opérationnels, à commencer par ceux de la municipalité. À d'autres moments, le lecteur peut constater de visu que les habitants ont su faire preuve de débrouillardise et d'inventivité pour pallier le manque d'approvisionnement en objets du quotidien. À la demande du scénariste, le dessinateur reste dans un registre très proche de la réalité, sans intégrer d'éléments d'anticipation ou de technologie futuriste. La seule exception concerne le matériel de reporter de Matty Roth, parfois franchement bricolé (en particulier pour être indétectable), parfois un peu plus avancé (en particulier celui fourni par l'armée).



Riccardo Burchielli continue de donner une gueule à ses personnages. Parfois, un visage évoque la manière de dessiner d'Eduardo Risso, les aplats de noir en moins. Le lecteur ne peut pas s'empêcher de remarquer, par exemple, la dame obèse en bikini qui attend pour récupérer de l'eau. Il regarde les grimaces sur le visage de Matty Roth qui souffre d'une infection, ou quand il ressent des sentiments intenses. Il apprécie la variété des visages et des tenues des personnages qu'ils soient de premier plan ou de simples figurants. Il note que la direction d'acteurs comporte une petite touche d'emphase pour mieux faire passer les états d'esprit, tout en restant dans un registre normal. Le dessinateur sait également donner la sensation de mouvement, que ce soit pour les véhicules ou pour les personnages en train de courir. À plusieurs reprises, le lecteur est frappé par une situation rendue visuellement mémorable : le petit groupe d'individus faisant la queue pour acheter de l'eau stérile, Matty Roth se faisant enlever en pleine et mettre un sac sur la tête par un groupe d'individus très professionnels, Eve Lindon passant en revue le matériel étalé sur une table, qu'elle confie à Roth, Zee Hernandez affalée dans son fauteuil, Roth hurlant sur un toit désert sous un soleil de plomb, le sourire de Kelly Connolly, etc.



Alors qu'il continue à découvrir son environnement, Matty Roth sert d'intermédiaire dans les négociations pour délivrer un journaliste retenu en otage par l'armée des États Libres. Bien sûr personne ne joue franc jeu, et Matty Roth s'interroge sur ce qu'il peut croire. Wood et Burchiellli montrent très bien ces doutes, avec une montée de paranoïa vis-à-vis d'Eve Lindon, le lecteur se demandant où se situe la vérité, les auteurs jouant aussi avec lui. Au fur et à mesure, Matty Roth se rend compte qu'il peut trouver des ressources auprès des quelques amis qu'il s'est fait, mais aussi qu'il n'est pas du tout un élément neutre dans cette société. Bien que n'étant là que depuis peu de temps, le simple fait qu'il soit observateur et que ses reportages soient vus à l'extérieur de Manhattan fait qu'il modifie les événements qu'il observe. Il ne choisit pas de devenir moteur des événements, mais il y participe de manière incidente, et parfois de manière directe. En cela il est devenu un citoyen à part entière de Manhattan. Le lecteur se retrouve vite pris également par l'intrigue, Brian Wood ayant conçu un thriller à haut risque, avec des répercussions significatives pour le personnage principal, mais aussi pour l'otage (bien sûr) et pour la situation globale de Manhattan, avec le risque très réel d'une nouvelle intervention militaire.



Épisode 11 - Zee Hernandez n'a pas toujours été blonde. Comment se passait ses études de médecin avant la guerre civile ? Où était-elle pendant les premiers échanges armés à Manhattan ?



Cet épisode est l'occasion pour Riccardo Burchielli de prendre un peu de repos (ou d'avance pour dessiner les épisodes suivants), et pour Brian Wood de développer un personnage secondaire, enfin pas si secondaire que ça puisqu'il s'agit du premier rôle féminin. Kristian Donaldson est dans un registre graphique assez proche de celui de Burchielli, avec de discrètes touches d'exagération comique qui évoque parfois Simon Bisley dans la deuxième moitié des années 2010, par exemple sur la série Hellblazer avec Peter Milligan. Les décors sont parfois un peu moins consistants et crédibles que ceux de Burchielli, mais l'urgence et l'inquiétude sont bien là. Le scénariste montre comment Zee Hernandez a vécu l'assaut donné sur Manhattan, ainsi que son évacuation et la désinformation organisée par l'état. Du coup le lecteur se familiarise avec elle, en même temps qu'il apprend des bribes d'information sur le début du conflit qui a mené à faire de l'île une zone démilitarisée.



Épisode 12 - Au travers de ses articles et de ses notes, Matty Roth fait découvrir d'autres quartiers de Manhattan, ainsi que des habitants qu'il a interrogés.



Un épisode qui sort de l'ordinaire : pas d'intrigue, mais un mélange de brèves interviews d'habitants (2 ou 3 phrases maximum), de courts papiers (2 ou 3 paragraphes synthétiques) sur l'état de plusieurs quartiers de Manhattan, sur l'anatomie d'une bataille de rue, sur la culture, la mode, quelques restaurants, illustrés par des dessins mi photographies au contraste poussé à fond en noir & blanc, mi dessins au trait épais. Brian Wood donne ainsi de la consistance à la population, aux quartiers, à la société qui s'est adaptée à cet environnement bouleversé.



Ce deuxième tome confirme la dimension politique du récit, la narration visuelle vive et naturelle, le commentaire sur la réalité de la guerre pour la population civile, ainsi que les stratagèmes des factions en conflit pour justifier leurs actions militaires. En filigrane, Manhattan devient un personnage omniprésent, ainsi que sa population. Le lecteur se rend compte que l'auteur éprouve une réelle fierté vis-à-vis de la population de l'île, fierté pour ceux qu'il met en scène, mais également fierté pour ceux au temps présent dont la vitalité et l'entrain se retrouvent dans leurs homologues de fiction et d'anticipation.
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Aliens - Defiance, tome 1

Je remercie avant tout Babelio pour cette Opération Masse critique, ainsi que la Maison d’édition Vestron pour l’envoi du livre. « Aliens : Défiance » se situe entre « Le huitième passager » et « Aliens : le retour ». À la manière du livre audio « La sortie des profondeurs » situé à la même époque, on reprend les mêmes ingrédients qui ont fait le succès des deux premiers livres. Rien de très nouveau sous le soleil des xénomorphes, mais on appréciera toujours de replonger dans cet univers connu et qui semble inépuisable. N’étant que peu coutumier des bandes-dessinées et autres comics, je ne peux pas apporter d’œil réellement critique sur le travail graphique si ce n’est que les créatures sont extrêmement bien dessinées et que l’héroïne aurait mérité un plus beau traitement même si j’imagine à quel point ça ne doit pas être évident. On se laisse porter par l’histoire, convaincante et dans l’ordre d’idée de ce que proposent les deux premiers films de la saga. J’y ai en tout cas trouvé plus de plaisir dans la lecture de cette bande-dessinée que dans le visionnage des deux derniers films pondus au cinéma (Prometheus et Covenant pour ne pas les citer). Le rythme est très bien maîtrisé et les personnages ont un background travaillé et intéressant. Les thèmes de la tolérance, de l’évolution et de l’être humain dans sa nature en contradiction avec les monstres sont abordés de manière forte et critique. On a là une bonne oeuvre qui vous fera passer un agréable moment, surtout si vous aimez nos amis xénomorphes, le temps de 140 pages entre actions, intrigues, flash-backs et démembrements sanglants comme on aime. Si vous êtes amateur, tentez le coup.
Lien : https://evasionimaginaire.wo..
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DMZ, tome 8 : Coeurs et esprits

Ce tome fait suite à DMZ, Tome 07 : Les pouvoirs de la guerre (épisodes 35 à 41) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 42 à 49, initialement parus en 2009/2010, écrits par Brian Wood, avec une mise en couleurs réalisée par Jeromy Cox, et des couvertures réalisées par John Paul Leon. Il contient deux histoires.



Épisodes 42 à 44 : dessins et encrage de Ryan Kelly. Dans une grande pièce déserte, dans un haut étage d'un gratte-ciel, Tony M. participe à un groupe de parole, avec neuf autres hommes, tous d'anciens policiers, avant le déclenchement de la seconde guerre civile américaine. Il raconte comment il a perdu sa femme Maribeth et leur fille quand la cité a été évacuée. Les autres l'écoutent en silence le visage fermé, mais avec de la compréhension et de l'empathie dans leur regard. Au temps présent, en plein cœur de la zone démilitarisée de Manhattan, Tony est debout au milieu d'une rue où se tient un marché, sous la pluie. Son imperméable en cuir est entrouvert et il est visible qu'il porte une ceinture d'explosifs. Le groupe de parole se tenait 6 fois par semaine, conformément aux ordres de l'organisation et chaque participant racontait son histoire à tour de rôle. Ils dormaient le jour et réalisaient des opérations de terrain la nuit à partir de 16h00, par rotation.



Régulièrement, Brian Wood quitte Matty Roth le temps de quelques épisodes pour s'intéresser à d'autres personnages dans la série. Le lecteur sait que ces respirations permettent à Riccardo Burchielli d'avoir le temps de dessiner les épisodes suivants, sans les bâcler, mais il sait aussi que le personnage principal est bel et bien présent dans ces histoires qui ne peuvent pas être réduites à des interludes de circonstance. Dès la cinquième page, le lecteur découvre quelle est la finalité de la progression de Tony dans cette organisation dont le récit ne dit pas grand-chose. Le lecteur suit donc les pas d'un individu physiquement costaud, traumatisé par la phase de transition entre Manhattan, quartier de New York comptant environ 1.600.000 habitants, et une zone démilitarisée ne comptant plus qu'entre 200.000 et 400.000 habitants, à la suite de l'institution de la zone et son évacuation brutale. Le titre est également sans appel : pas de futur. Pour autant, la narration n'est pas larmoyante ou désespérée. Tony continue de vivre sa vie, de se plier au rituel du groupe de parole, de respecter le rythme régulier des journées, de suivre les ordres, d'entraider ses compagnons avec qui il partage des épreuves communes. La hiérarchie n'a rien de caricaturale : ni invisible, ni tyrannique ou sadique. Il mène une existence structurée, régulière, avec des amis, des tâches qui ont du sens, un traumatisme lourd à porter mais pas incapacitant.



Ryan Kelly est un artiste qui a régulièrement collaboré avec Brian Wood, pour des histoires comme Local, New York Four, New York Five, Northlanders et Star Wars. Ses dessins sont précis et détaillés : les étals du marché découvert, les façades des gratte-ciels, les armes à feu, les pièces très fonctionnelles dans lesquelles les membres de cette milice vivent. Il représente des individus ordinaires et normaux, sans qu'ils n'en deviennent génériques ou interchangeables. Éventuellement, le lecteur peut sourire en relevant les points de similitude entre Tony et Frank Castle : sa carrure, son long imperméable noir, la perte de sa femme et de sa fille, son visage fermé et son quotidien cadré par une discipline rigoureuse. Il semble évident que Ryan Kelly fait des efforts pour éviter que ses dessins ne soient trop doux, sans pour autant donner l'impression de se forcer, juste de faire un effort conscient. La narration visuelle est claire, les cases sont denses et restent facilement lisibles, inscrivant l'histoire de Tony dans une forme de reportage descriptif, ancré dans une réalité normale et tangible, totalement en phase avec la nature de l'histoire. Du coup, le lecteur accompagne Tony M. en le regardant comme un individu plausible et presque banal, unique et doté d'une solide constitution, clair dans sa tête et de nature posée, capable de passer en mode action de façon efficace et réfléchie, l'opposé d'un fou furieux incontrôlable. Ayant tourné la dernière page, le lecteur prend un peu de recul et constate la nature de ce qu'il vient de lire : un individu normal et intelligent, qui se fait sauter, ce que les médias présenteront comme un terroriste suicidaire. Une histoire racontée de manière prosaïque, une humanisation évidente, débarrassée de tout cliché, à l'opposé d'une histoire bouche-trou bâclée.



Épisodes 45 à 49 : dessins et encrage de Riccardo Burchielli. Matty Smith est venu recruter le tireur d'élite qui veille sur tout un quartier de Manhattan. Il retourne ensuite dans son appartement à Chinatown et récupère ses affaires, sans oublier son fusil automatique. Son chauffeur est venu le chercher et lui fait observer qu'ils sont 5 minutes en retard par rapport à l'ultimatum. Une fois sur place, Matty Roth effectue sa déclaration publique devant les médias en cinq minutes : la nation de Parco Delgado dispose de l'arme atomique. Il ne répond à aucune question. L'animateur de la radio libre de la DMZ commente ensuite, en rappelant qu'il y avait avant 1,6 millions d'habitants à Manhattan, qu'il en reste au mieux quatre cent mille. Il évoque le fait que l'élection de Delgado a permis de dépasser une société clivée par des questions de race. Il espère que l'annonce de Roth permettra de dépasser l'âge de la bombe atomique. Peu de temps après, Matty Roth a un entretien avec le maire Parco Delgado. Ce dernier lui demande de se mettre au boulot sur deux choses : tout d'abord instaurer un média au sein de la zone démilitarisée, ensuite éviter que les gardes du corps de Matty n'occasionnent trop de dommages collatéraux.



Dans le tome précédent, Matty Roth avait quitté la position neutre du journaliste pour s'engager politiquement. Il s'agissait d'une évolution cohérente du personnage, lassé de se faire manipuler par toutes les factions magouillant au sein de la zone démilitarisée, révolté de voir la population instrumentalisée par les deux pouvoirs s'opposant dans la guerre civile, ainsi que par les différents groupes armés, et les grosses entreprises faisant tout pour mettre la main sur le marché de la reconstruction, pour des questions de profits, sans aucun égard pour la population, sans aucune notion d'intérêt public. Bien évidemment, Matty Roth ne souhaitait pas non plus devenir le jouet du chef élu de la DMZ, et avait dû batailler pour se faire reconnaître comme un membre de son équipe, et acquérir un degré d'autonomie réelle. Au début de ce chapitre, il est presque là où il voulait : il est un collaborateur direct de Parco Delgado, il bénéficie d'une autonomie suffisante pour prendre des initiatives, et il dispose d'un groupe d'individus armés à ses ordres. Il parvient à recruter Angel, le tireur d'élite, ainsi que sa copine Claire, membre des Forces Spéciales. Il peut enfin commencer à agir pour l'intérêt de la population (traquer et éliminer les trafiquants de drogues) et un peu pour les siens (venger Kelly Connolly).



Bien sûr ce changement de positionnement (de journaliste neutre à un poste de responsabilité au sein du pouvoir en place) a eu des répercussions en particulier sur son entourage proche, à commencer par Zee Henrnandez qui a préféré prendre du recul en passant de l'autre côté de la frontière de la DMZ, mais aussi sur Angel qu'il a recruté comme subalterne. Riccardo Bruchielli est de retour pour ces 5 épisodes, ses dessins étant toujours complétés par les couleurs de Jeromy Cox. Le lecteur observe que ce dernier maîtrise de mieux en mieux les différentes possibilités de l'infographie, nourrissant les surfaces détourées avec des nuances de couleurs rehaussant les reliefs, et apportant également des textures. De temps à autre, il donne l'impression de trop en faire : les informations de la mise en couleurs passant au premier plan, et reléguant les dessins encrés au deuxième plan, ce qui donne une impression plus chargée, diminuant le degré de spontanéité de la narration visuelle. Burchielli semble avoir gagné dans sa maîtrise de l'utilisation des variations d'épaisseur des traits de détourage, donnant une sensation plus organique à ce qu'il représente. Les rues et les gratte-ciels de Manhattan sont toujours aussi réalistes et concrets, donnant une présence plausible et palpable à la DMZ comme personnage. Son talent de costumier se déploie en toute discrétion, avec des tenues vestimentaires adaptées aux conditions climatiques, reflétant la condition sociale de chaque protagoniste, avec des touches personnelles. Le lecteur sourit à chaque fois en découvrant une nouvelle tenue de Parco Delgado, un mélange d'influences au goût discutable. L'artiste réalise des dessins avec un bon niveau de détails, intégrant des éléments conférant à la fois une unicité à chaque plan, et montrant des éléments informatifs sans être génériques. La solide densité d'informations visuelles concourt à ce que le lecteur éprouve la sensation d'évoluer dans un environnement urbain chargé et compact.



Le précédent tome avait franchi un palier : Matty Roth ne se cantonne plus à effectuer une mission après l'autre, en réaction aux événements. Ce nouveau chapitre continue dans cette lancée : il concrétise son engagement auprès de Parco Delgado en utilisant les moyens à sa disposition au profit du peuple, avec l'amélioration des conditions de vie comme objectif, dans le principe du bien de la communauté. Riccardo Burchielli donne à voir une ville dense et des individus s'étant adapté à leur environnement. Le lecteur plonge dans un roman noir avec une touche d'anticipation (la seconde civile des États-Unis), en suivant un personnage faisant de son mieux, avec des résultats catastrophiques.
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DMZ, tome 7 : Les pouvoirs de la guerre

Ce tome fait suite à DMZ, Tome 06 : Un jeu sanglant (épisodes 29 à 34) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il comprend les épisodes 35 à 41, initialement parus en 2009, écrits par Brian Wood. Les couvertures ont été réalisées par John Paul Leon, la mise en couleurs par Jeromy Cox.



Épisodes 35 & 36 : dessins et encrage de Kristian Donaldson. Cette fois-ci, Matty Roth va effectuer un reportage sur Staten Island : il a pris place à bord d'un canot pneumatique militaire qui l'emmène de nuit sur l'île où est affectée une garnison de l'armée des États-Unis. À bord du canot, un soldat dirige l'embarcation, un autre a perdu connaissance et s'est vomi dessus. Le premier indique que le canot a été baptisé George W. Bush. Une fois débarqué à Staten Island, Roth se demande ce qu'il va y trouver : il s'agit en effet d'un territoire avec une forte concentration de soldats inexpérimentés et d'armes à feu. Il entend une sono de boîte de nuit : des soldats sont en train de s'éclater dans un bar avec un DJ. Il voit d'autres soldats en tenue décontractée, s'amuser à tirer en l'air, d'autres défoncés allongés par terre sur une couverture, d'autres faire l'amour, d'autres parier sur un match de combat à main nue. Que se passe-t-il sur Staten Island ?



Le scénariste continue de transposer des situations réelles de guerre, à l'environnement très particulier de cette guerre civile sur le sol américain, en plein Manhattan. Bien évidemment, il y a des troupes stationnées de part et d'autre de la zone démilitarisée, pour pouvoir intervenir au cas où, mais surtout pour pouvoir surveiller le camp militaire de l'autre armée. Wood a conçu une intrigue très surprenante : Matty Roth ne découvre pas du tout ce à quoi il s'attend. L'esprit de détente semble incompatible avec la mission prioritaire de surveiller l'ennemi. Qui plus est, il se produit un vol dans la base, d'un objet au fort potentiel de destruction. Du coup, l'ambiance change du tout au tout quand le commandant de la base décide de rétablir une discipline teintée de paranoïa. Donaldson avait déjà illustré les épisodes 11 & 20, le lecteur est donc déjà habitué aux particularités de ses dessins. Ceux-ci sont plus doux et moins détaillés que ceux de Burchielli, pour autant, il retranscrive bien les lieux, les comportements des soldats, l'irréalité de la situation initiale, la dangerosité du comportement imprévisible du commandant de la base. Le lecteur ressent bien la déstabilisation de Matty Roth, l'instabilité de la situation qui peut dégénérer d'un instant à l'autre. D'un côté, il s'agit d'une parenthèse dans l'intrigue globale : de l'autre c'est une illustration déconcertante de la manière dont des êtres humains peuvent trouver une plage de liberté et de bon sens là où il n'y en a aucune a priori.



Épisodes 37 à 40 : dessins et encrage de Riccardo Burchielli. Un taxi s'arrête à un point de contrôle pour accéder au nord de Manhattan. Le garde armé se montre tatillon, jusqu'à ce qu'il reconnaisse le passager : Matty Roth. Ce dernier est rentré chez lui il y a quelques jours pour s'apercevoir que Zee Hernandez est partie, en laissant ses armes à feu dans les toilettes. Parco Delgado a commencé à prendre son administration en main, et il a exigé le retrait de toutes les troupes armées de Manhattan, à commencer par les mercenaires de l'entreprise Trustwell. Zee Hernandez est sortie de la zone démilitarisée, juste avant que Delgado ne fasse fermer les frontières. Matty Roth n'est pas content : il n'arrive pas à avoir un rendez-vous avec Parco Delgado en personne, et il constate des brutalités policières perpétrées par le service d'ordre de Delgado. Ce dernier continue de louer les services de directrice de communication politique de Madeleine Mastro, la mère de Matty. Finalement, le rendez-vous a lieu : Delgado assure à Matty qu'il fait toujours partie de ses conseillers de premier rang. Il a une mission à lui confier : mettre la main sur l'or de Chinatown. Il sait que Matty entretient de bonnes relations avec Wilson, le chef de la triade qui gère ce quartier de Manhattan.



Retour à l'intrigue principale de la série : en fait le lecteur se rend compte que le scénariste a établi une continuité, un fil conducteur initié dans le tome précédent : le gouvernement provisoire avec l'élection de Parco Delgado. C'est du sérieux et Matty Roth voit l'occasion de continuer à faire un journalisme engagé, et plus seulement pour contrer ceux qui le manipulent et l'instrumentalisent. Dans le même temps, Wood sort du chapeau un McGuffin en provenance d'une histoire d'aventures du siècle passé : l'existence d'un trésor. Le lecteur n'est pas au bout de sa surprise, car l'auteur continue de plus belle avec deux rebondissements énormes. C'est vraiment surprenant et déstabilisant de se retrouver face à des rebondissements en provenance directe d'œuvres de divertissement, plutôt que de rester dans cette politique fiction si réaliste. D'un autre côté ça fonctionne bien parce que c'est en phase avec l'environnement de la série. Effectivement, cette idée d'un magot planqué quelque part est en phase avec des gardes de sécurité à la provenance douteuse, avec une cité dévastée, avec des énormes 4*4, avec un homme politique nouvellement élu qui a désespérément besoin de fonds pour faire vivre son mouvement. En fait une fois passé le moment de surprise, le lecteur se rend compte qu'il n'a pas besoin de faire un effort supplémentaire de suspension consentie de l'incrédulité : c'est cohérent avec le reste.



Le lecteur retrouve avec plaisir l'artiste en titre sur la série. Les personnages sont visuellement consistants. Matty Roth s'est laissé pousser la barbe et l'a conservée. Il a les traits du visage de plus en plus marqués, ce qui est cohérent avec les épreuves qu'il traverse et son investissement dans le maire, ce qui l'oblige à gérer un conflit psychique interne entre sa neutralité de journaliste, et son implication pour améliorer la situation des habitants de la zone démilitarisée. Parco Delgado reste un personnage doté d'un fort charisme, et d'une tenue vestimentaire originale. L'artiste s'amuse bien avec l'apparence de Wilson, en décalage avec la réalité de sa position dans Chinatown. Le commandant de la FSA est toujours aussi insupportable dans sa manière d'être, dans ses postures. C'est bien sûr un très grand plaisir de retrouver des personnages marquants du tome 1. Comme dans les tomes précédents, le personnage qui apparaît dans le plus de pages reste Manhattan elle-même. Le lecteur se retrouve à regarder le pont de Brooklyn par en-dessous dès la première page. Il regarde les façades d'immeubles que ce soit en marchant dans une rue, ou en les voyant à l'horizon depuis l'autre côté de la rivière. Il regarde comment les gardes de Delgado assurent un périmètre dans une voie non fréquentée, comment un chien sauvage erre dans la rue. Il lève la tête pour regarder un hélicoptère de surveillance passer dans le ciel. Il baisse la tête lorsqu'il y a une vue de dessus d'un quartier. Il lève à nouveau la tête pour regarder les hauts gratte-ciels qui dominent les êtres humains, les rendant minuscules et insignifiants. Il peut vraiment se projeter aux cotés de Matty Roth et des autres personnages dans cet environnement à nulle autre pareil.



Avec cette histoire, Brian Wood augmente la composante espionnage et mission secrète de son récit, sans que cela ne nuise à sa dimension politique. Les dessins sont toujours aussi immersifs et directs. L'intrigue réserve de nombreuses surprises, avec plus d'effets en provenance de l'industrie du divertissement, tels que des coups de théâtres qui prennent la forme de révélations. Le résultat est haletant, sans rien perdre de son regard pénétrant sur la nature humaine, sur le pouvoir, le capitalisme, la souffrance des êtres humains en temps de guerre.



Épisode 41 : dessins et encrage de Nikki Cook. Zee Hernandez a réussi à franchir le point de contrôle et à sortir de la zone démilitarisée pour se rendre au nord. Elle s'installe dans un immeuble encore en bon état où elle a trouvé un appartement inoccupé. Elle déroule son tapis de sol et son sac de couchage. Elle installe son réchaud et se fait chauffer un café. Elle contemple les feux dans le lointain qui atteste de combats. Au petit matin, les habitants de l'appartement au-dessus du sien reviennent : un groupe de 4 soldats de l'armée des États Libres, dont Martel, une jeune femme grièvement blessée à la jambe droite. En entendant ses hurlements de souffrance, Zee finit par monter, entrer dans l'appartement et s'occuper de la blessure de Martel.



Zee a été déçue par l'attitude de Matty Roth, par les choix qu'il a faits : s'engager pour soutenir Parco Delgado, accepter les avantages qui vont avec le fait de côtoyer le pouvoir, comme de pouvoir voyager en limousine. Elle décide donc de changer d'air. Pour autant elle ne peut pas laisser mourir quelqu'un sans lui apporter de l'aide. Brian Wood force un peu la main de son scénario avec la coïncidence bien pratique des soldats en infiltration qui logent juste au-dessus de l'appartement choisi par Zee. L'artiste dessine dans un registre descriptif et réaliste, sans les exagérations de Donaldson. Elle rend bien compte de l'environnement urbain, en reproduisant des rues de New York. Ses personnages sont un peu moins convaincants : des visages trop jeunes, des silhouettes aux postures manquant de naturel. Cet épisode permet à Burchielli d'avoir assez de temps pour travailler sur les suivants, et au scénariste de se focaliser sur un personnage secondaire, mais aussi le premier rôle féminin. Il la confronte d'une autre manière à la réalité d'une zone en situation de guerre civile, ce qui l'amène à reconsidérer l'engagement de Matty Roth sous un autre angle. Le lecteur voit bien qu'il s'agit pour Wood de développer ce personnage pour le positionner là où il le souhaite, mais dans le même temps c'est aussi une progression organique et Zee est toujours aussi attachante.
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Rome West

Une uchronie intelligente mais très frustrante qui imagine les Romains en tant que premiers colons des Amériques.

Le principe est intéressant et malgré une première partie plus poussée car il s'agit de celle d'introduction, les autres sont trop rapides et la succession des différentes époques se fait trop rapidement. La saga de la famille Valerius aurait mérité plusieurs tomes au lieu d'être compressée de cette façon.
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DMZ, tome 2 : Le corps d'un journaliste

Très bon tome ou nous découvrons un Matty Roth de plus en plus charismatique. Viktor Ferguson que l'on croyait mort dans le 1 er est en vie et retenu par l'armée des États libres. Notre jeune journaliste devient malgré lui l'intermédiaire entre ces séparatistes et les forces armées des États Unis qui ne reculerons devant rien pour mettre un terme aux agissements de ces opposants. Une histoire mature et passionnante que nous offre l'auteur. De bonnes planches graphiques, un scénario digne d'un très bon film, un anti-héros attachant ayant maintenant de réelles convictions et des personnages secondaires haut en couleur, de l'action, du sentiment... Tous les éléments sont réunis pour faire de ce tome une très belle réussite. En conclusion, cela m'a donné envie de continuer cette série qui a pris une envergure a laquelle je ne m'attendais pas.
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DMZ, tome 3 : Travaux publics

En Résumé : Ce troisième tome quitte un peu le monde de la guerre et des médias pour se concentrer sur les à-côtés de cette guerre avec les entreprises qui se font de l'argent sur les conflits, le terrorisme, ainsi que les sociétés de sécurité privé qui s'offrent souvent un maximum de libertés. Un tome à l'histoire vraiment intelligente et soignée, porté par des personnages construits et efficaces, malgré un Matty un peu indestructible. Les graphismes sont toujours aussi soignés malgré quelques ratés à sur certaines cases, par contre il n'évite pas certaines caricatures sur la représentation de certains personnages. Par contre il est légèrement dommage que la conclusion se révèle si rapide, en à peine deux pages Matty va réussir à tout changer, ce qui est surprenant. Au final un tome toujours aussi intelligent et captivant mais un léger ton en dessous que les deux premiers.



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DMZ, tome 1 : Sur le terrain

DMZ offre la vision d'un futur inquiétant en partant d'une assez bonne idée : la seconde guerre civile frappant les Etats-Unis de l'Amérique du futur. On se rend compte que le véritable danger qui a fini par achever cette brillante civilisation dominatrice venait de l'intérieur et non de l'extérieur. Cette vision cauchemardesque a été souvent réalisée dans l'Histoire entraînant la disparition de certains Etats puissants.



DMZ, c'est également une lecture qui procure la peur à chaque instant qu'une balle perdue d'un sniper puisse zigouiller les personnages principaux qu'on va petit à petit apprécier avec une bonne dose de psychologie et d'humanité dans un monde aussi cruel. Il y a quelque chose de vraiment inquiétant et d'oppressant. Et pourtant, cela rappelle bien des conflits réels comme celui qui a frappé l'ex-Yougoslavie. C'est intéressant de voir New-York sous cet aspect ultra-réaliste et pourtant apocalyptique.



DMZ est un bon comics à la fois palpitant et intelligent. de l'anticipation à l'état pur... Cependant, la suite qui allonge la sauce n'aura plus le même acabit que le début qui partait sous les chapeaux de roues. Cela devient lassant et cela laisse un amer goût de déception. Que s'est-il passé ? Les auteurs n'ont pas su s'arrêter quand il le fallait.
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Northlanders, Intégrale 3 : Le Livre européen

Ce troisième et dernier tome de la série Northlanders s’intéresse cette fois aux histoires ayant trait à l’Europe après un premier tome intitulé Le livre Anglo-saxon, et le second Le livre islandais. Le second était je pense le plus intéressant car il dépeignait la manière de vivre des vikings sur leurs terres et certains passages étaient très émouvants. Ce troisième volet est pour moi moins bon que les 2 premiers pour 2 raisons: les dessins hormis ceux de la dernière histoire sont en deçà et les histoires sonnent un peu trop déjà vues. Ce volume est composé de 3 histoires principales : Métal, Le Siège de Paris et La Veuve et la peste. À cela s’ajoutent 2 interludes sans grand intérêt: L’art viking du combat singulier qui narre un duel à mort entre deux seigneurs, et La Chasse qui expose les étapes d’une chasse au milieu d’une forêt.



Métal raconte l’histoire d’un forgeron appelé Kétel, ah non mince Erik. Il habite en Norvège (pays splendide) en 700. C’est un grand et fort guerrier, comme on imagine bien les vikings. Son village accepte de commercer avec les chrétiens et de construire une église au sein du village, ce que refuse totalement Erik. Et on le comprend bien, d’autant plus qu’en 700, il ne me semble pas que les chrétiens étaient bien vu en Norvège. Les vikings étaient certes motivés par le commerce mais n’auraient pas accepté à cette période la construction d’une église sur leurs terres. Les grandes invasions vikings datent du IX ème siècle et à cette période le christianisme était mal vu. Passons outre ce fait, pour revenir à notre forgeron qui va décider de s’en prendre physiquement aux moines et sauver par la même occasion Agnès, une sœur albinos bien heureuse de finir dans les bras d’un grand et fort mâle. La trame n’est pas très originale et n’est pas vraiment sauvée par les dessins trop anguleux et brouillon sur les visages des personnages. Au niveau des paysages et des scènes d’action, c’est beaucoup plus réussi, avec une dynamique qui rend les passages très lisibles. Autre bémol dans cette histoire: l’utilisation du surnaturel qui pour moi n’a rien à faire là, il aurait été mieux de laisser planer le doute sur les visions d’Erik. Bref, je n’ai pas beaucoup accroché à ce récit, heureusement que les suivants sont de meilleure qualité.



Le Siège de Paris, comme son nom l’indique si bien, raconte comment en 885, 30 000 vikings ont fait le siège de la ville française. Parmi tous ces guerriers, il y a Mads, un danois, et d’Abbo Cernuus, un abbé. Abbo Cernuus est un personnage ayant existé, auteur d’un poème intitulé à l’origine De la guerre de Paris, mais plus connu sous le titre Histoire du siège de Paris par les Normands. Ce texte est la principale source sur cet événement. Seulement, le moine n’était pas du côté des vikings mais des parisiens. Revenons en au récit, Mads vit intensément le siège et ne supporte pas la résistance des soldats de Paris. L’aspect de Paris donné dans ce tome fait penser à la série Vikings où la ville est dépeinte de la même manière. Le fait de se concentrer sur un personnage principal rend l’histoire particulière et on la suit avec plaisir même si on n’échappe pas à un côté répétitif, ceci dit le siège a duré un certain temps! La représentation de la ville et des combats est réaliste et le fait de mettre le rouge en avant, montre la violence du siège. Ce récit remonte le niveau du tome mais c’est surtout le dernier qui vient le relever de très belle façon.



La dernière histoire, La Veuve et la peste, porte elle aussi bien son nom et situe son action en 1020, sur les bords de la Volga. Une colonie viking, convertie au christianisme, subit de plein fouet les ravages de la peste. Hilda voit son mari mourir de la maladie et se retrouve seule pour s’occuper de sa fille, Karin. Le chef du village est conseillé par un moine, qui a de solides connaissances en médecine. On trouve également Gunborg qui aimerait avoir plus de pouvoir et n’hésite pas à profiter de la situation du village. La vie dans le village n’est pas facile pour Hilda à la mort de son mari, elle perd beaucoup et sa situation confortable tourne au drame mais elle se bat pour sa fille et refuse d’être une victime. Hilda est un personnage fort et admirable qui essaye de s’opposer à Gunborg et à la loi du plus fort qu’il veut imposer. Ce récit est de loin le plus réussi du tome, il est touchant sans tomber dans le larmoyant et offre un beau portrait de femme. Les illustrations des paysages sont très belles, mettant en avant la dureté du climat en hiver et les paysages sauvages du Nord.



Ce dernier tome de la série met donc l’accent sur une ambiance glaciale et glauque avec beaucoup d’adversités pour ses personnages. Il est dommage que la première histoire soit très moyenne, cela rend le tome moins intéressant que les précédents. Le dernier récit est cependant, un des meilleurs de toute la série et conclue en beauté ce tome consacré aux récits européens.



Brian Wood a vraiment fait un travail considérable avec cette série où il cherche à nous éclairer sur la culture et l’histoire des vikings. Beaucoup d’aspects de ce peuple sont exposés au travers de récits riches et bien menés. L’action est présente et nous tient en haleine, mais aussi l’émotion avec des récits comme La jeune fille dans la glace ou La Veuve et la peste. On se rend bien compte de la dureté de la vie à cette période et des difficultés liées au conflit entre les religions. Les illustrations sont assez inégales selon les histoires. Cette série est un très bon divertissement que l’on soit amateur de la culture nordique ou non et pour les amateurs de récits épiques.
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Northlanders, Intégrale 2 : Le livre islandais

Ayant beaucoup apprécié la lecture du premier tome de cette série, je continue sur ma lancée avec le second volume consacré cette fois à l’Islande. Le but de cette série Northlanders est de donner un aspect plus rigoureux à l’histoire des vikings. Pour cela, Brian Wood a décidé de raconter des histoires se déroulant sur plusieurs siècles et plusieurs zones géographiques afin d’avoir une vision globale des épopées nordiques. Le premier tome était centré sur les conflits anglo-saxon, et c’est avec plaisir que l’on découvre la vie dans le grand froid avec ce tome constitué de plusieurs récits. Il y a tout d’abord 3 récits plutôt courts et un dernier beaucoup plus long en 3 parties. Ces récits balayent l’histoire de l’Islande sur de nombreuses années (entre 760 et 1260) et de divers points de vue.



La première histoire, « Sur aucune carte » raconte le destin de Dag et son équipage perdus en mer et finissant par arriver sur les terres arctiques. Dag est mené par son envie d’ailleurs, de découvertes, de voyages qui était central chez les peuples nordiques. Au travers de son histoire, c’est l’histoire de peuple de conquérant, de nomades qui nous est contée. C’est un récit assez dur montrant les difficiles conditions des voyages en mer. Les illustrations le mettent bien en valeur.



Le second récit, « Sven l’Immortel », nous permet de retrouver un personnage du premier tome, le fameux Sven qui a pris de l’âge. Sven n’est plus aux Iles Orcades mais habite maintenant aux îles Féroé (entre l’Islande et la Norvège) avec femme et enfants. Malgré lui, son histoire attire ceux qui sont désireux de se faire un nom et pour cela le provoquent en duel. On retrouve le même dessinateur que dans le premier tome pour cette histoire où les combats sont très bien mis en scène.



Le troisième récit, « La jeune fille dans la glace » est le plus émouvant du recueil. Le personnage principal, Jon est un vieil homme, vivant en ermite, en Islande. Un jour, il découvre par hasard le cadavre d’une jeune fille sous la glace. Intrigué autant qu’ému par elle, il décide de la ramener chez lui. Ce récit permet à Brian Wood d’aborder la vie sociale en Islande dominée par un clan et une justice plus que douteuse et rapide.



Le dernier récit, « La trilogie islandaise » raconte une guerre entre 2 familles dominantes en Islande de 871 à 1260: le clan Hauksson contre celui des Belgarsson. Cette guerre des clans dure des années, marquée par de violents combats, et de nombreux morts et la religion a son rôle à jouer. On peut voir les évolutions du pays au travers de l’histoire de ces deux familles. Les dessinateurs ne sont pas les mêmes dans toute l’histoire et la qualité de l’image varie assez. Certains passages sont un peu confus et les traits des personnages peu nets. Les couleurs mettent plus en valeur les paysages avec des tons glacés.



Ce tome est assez différent du premier qui était centré sur des conflits et des conquêtes. Celui-ci s’attache à montrer la vie en Islande et à parler de l’esprit de ses habitants et de leur honneur. La rudesse de la nature et de la vie à cette époque marque chacun des récits ainsi qu’un mode de vie sans concession. Les combats passent au second plan au profit de récit de vie des personnages. Pour autant, on ne s’ennuie pas du tout à la lecture de ce tome qui raconte des histoires dures mais émouvantes. De nombreux thèmes sont abordés comme l’importance de la famille, le conflit entre les religions et cela contribue à la richesse de ce tome. On retrouve également une préface de Patrick Weber, comme dans le premier tome, très instructive.
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The Massive, tome 1 : Pacifique noir

Ce tome comprend les épisodes 1 à 6 d'une nouvelle série indépendante, initialement parus en 2012, ainsi que 3 épisodes de 8 pages parus en prologue dans l'anthologie "Dark Horse presents". Tous les scénarios sont de Brian Wood, et la mise en couleurs de Dave Stewart.



Épisodes 1 à 3 (dessins et encrage de Kristian Donaldson) - Quelques années dans le futur, après le grand Crash (une série de catastrophes naturelles), Callum Israel est le commandant d'un vaisseau "Kapital" affrété par une association écologiste "The ninth wave". Il mène son équipage à la recherche du deuxième navire de l'association : "The Massive". Durant ces épisodes, le lecteur découvre quelques unes des catastrophes ayant mené à ce nouvel ordre, ainsi que les principaux personnages Mary, Mag Nagendra, Lars, Georg, Ryan Porter, tous faisant partie de l'équipage du Kapital. Alors que le Kapital est sur la trace du Massive, en suivant les émissions d'une balise de ce navire, il est pris comme cible par des pirates à bord de Zodiac



Épisodes 4 à 6 (dessins et encrage de Garry Brown) - Callum Isarel se livre à de dangereuses négociations en Somalie pour acheter du carburant pour le Kapital, où il retrouve Arkady avec qui il avait accompli quelques missions en tant que mercenaire. Mary et Ryan Porter effectuent une mission sur le continent antarctique pour essayer de se réapprovisionner en eau potable. Mag Nagendra et Georg montent à bord d'un porte-conteneurs pour s'approprier quelques biens.



"The Massive" est la série que Brian Wood a créé après avoir terminé DMZ. Sa narration est des plus déconcertantes. Le lecteur est tout de suite installé dans le contexte : après des désastres de grande ampleur, les nations se sont effondrées, le réseau de satellites est hors service, la Terre a subi de grandes secousses telluriques, et les des lames de fond ont ravagé les côtes, sans parler de quelques éruptions volcaniques. Le point d'ancrage du récit est donc la demi-douzaine de membres d'équipage du Kapital qui disposent d'un nom et d'une histoire, le reste de l'équipage restant invisible mais bien présent. Il y a de fréquentes évocations des bouleversements occasionnés par les catastrophes lors du grand Crash, ainsi que quelques retours en arrières relatifs à l'histoire des personnages principaux ou à un aspect des voyages du Kapital.



Au départ, l'enjeu semble être de retrouver le deuxième navire "The Massive" qui donne son nom au titre de la série. Mais rapidement, cette recherche ressemble à une chasse au dahu, ou à un McGuffin hitchcockien. Le lecteur doit donc se raccrocher à un autre aspect de l'histoire. Il y a Mag Nagendra et Mary, 2 combattants chevronnés, dont les actions fournissent le quota d'action souhaité pour entretenir le rythme au récit. Malgré les quelques scènes qui leur sont consacrées pour étoffer leur histoire personnelle respective, ils restent des individus assez génériques auxquels il est difficile de s'attacher. Il y a la situation de Callum Israel, un peu plus génératrice d'empathie puisqu'il souhaite poursuivre la mission de l'association (s'interposer pour éviter une dégradation de l'écosystème marin) sans recourir à la force ou à la violence dans un monde où la loi du plus fort a repris le dessus. Mais là encore, la narration est tellement morcelée entre les différents personnages, les différentes actions et les retours en arrière (partagés entre ceux dévolus aux personnages et ceux dévolus aux catastrophes naturelles) que l'attention du lecteur se retrouve divisée, sans disposer du temps nécessaire pour s'investir suffisamment dans ce personnage.



Le lecteur doit alors approcher différemment son immersion dans le récit, et repérer d'autres éléments récurrents. L'une des constantes principales est le Kapital en lui-même, et le point de vue majoritairement maritime. Les expéditions des différents partent du Kapital, et y reviennent. Les déplacements du Kapital constituent le lien entre les différents endroits visités. Mag Nagendra et Mary entretiennent un rapport très particulier avec la mer. À partir de ce point de vue, il est alors possible de rattacher une partie des retours en arrière dans cette optique, ceux qui concernent les catastrophes maritimes : les tsunamis, les traumatismes subis par les baleines, la montée des eaux à Hong Kong, l'assèchement du canal de Suez, etc., et la vague scélérate. Ce phénomène maritime est appelé en anglais "Ninth wave", le nom de l'organisation écologiste menée par Callum Israel. Ce nom évoque la croyance que cette vague apparaissait en neuvième position d'une série. Il évoque également une célèbre toile La neuvième vague d'Ivan Aivazovsky. Étrangement, Brian Wood ne transforme pas son récit en un pamphlet écologiste. Il insiste plus sur le fait que ces catastrophes naturelles ont eu un impact aussi désastreux sur les sociétés humaines que sur les écosystèmes. Il n'y a donc pas d'approche culpabilisatrice ou moralisatrice sur l'activité humaine et son incidence sur la planète. Par contre, ces catastrophes ont produit l'effet dévastateur d'une révolution sur les sociétés humaines, obligeant les individus à repenser leurs modes vie et de gouvernance.



Au final, le lecteur doit donc accepter une narration imprévisible à la direction générale indiscernable, avec des morceaux d'action, des situations complexes, une découverte kaléidoscopique et fragmentée de l'environnement de cette série, au gré des escales du Kapital. Brian Wood prend bien soin de situer chaque scène par sa latitude et sa longitude. D'un côté, il consolide l'approche maritime de la narration, de l'autre le lecteur vient rapidement à regretter qu'il n'y ait pas de carte récapitulant les déplacements du Kapital.



Les 3 premiers épisodes sont mis en image par Kristian Donaldson qui avait déjà réalisé Supermarket avec Brian Wood, ainsi que quelques épisodes de DMZ (par exemple dans War Powers). Il avait également illustré l'un des tomes de la série Vertigo Crime : 99 Days. Les dessins de Donaldson ont une apparence réaliste, photoréaliste pour plusieurs éléments de décors, ou bâtiments. Pour partie ces derniers semblent avoir été dessinés avec un logiciel spécialisé délimitant les contours avec des traits très fins (sans variation d'épaisseur), aboutissant à une impression de maquette minutieuse ou de modélisation infographique constituant la dernière étape avant mise en production. Le résultat est un peu froid et clinique. La mise en page est fluide et vivante, contrebalançant ces environnements détaillés et immaculés. Donaldson dessine des personnages d'apparence normale, dans des postures ordinaires, sans aucune influence des exagérations propres aux superhéros. De page en page, le lecteur finit aussi par remarquer que cet artiste n'est pas très à l'aise pour représenter les différents états des flots des océans, ces derniers semblant étrangement uniformes et dépourvues de vie (un comble pour un récit aussi centré sur la navigation).



La mise en couleurs sophistiquée de Dave Stewart assure la continuité des ambiances de la série lors du passage d'un dessinateur à l'autre. Il utilise des teintes dominantes pour chaque type de séquence (en particulier des teintes orangées et ocre pour le passé), avec des nuances pour créer des camaïeux discrets et sophistiqués.



Garry Brown utilise un encrage plus brut, avec des variations d'épaisseur des traits, quelques petites hachures ou griffures qui rendent compte de l'empreinte du temps sur les individus et les objets. Le lecteur retrouve des marques familières qui rendent les cases plus vivantes, moins froides. Il n'a pas recours à l'infographie pour modéliser les navires ou les bâtiments. Sa représentation des masses d'eau reste basique et conventionnelle, mais avec de légères variations qui évitent l'uniformité installée par Donaldson. Brown dessine pour des adultes, dans une approche relevant du récit d'action, mais sans exagération anatomique ou cinétique, installant une atmosphère légèrement inquiétante, sans être étouffante.



Les 3 histoires courtes présentent une mission de Callum Israel sur une plateforme offshore lorsqu'il était mercenaire, la première fois que Mag Nagendra a blessé un homme en l'agressant, et quelques catastrophes naturelles. Ces pages sont dessinées par Kristian Donaldson dans un style un peu plus vivant que les épisodes 1 à 3.



Voilà un début de série qui défie toute attente. Brian Wood développe un point de départ original, avec un mode narratif qui ne l'est pas moins, facile à appréhender, sans jamais donner au lecteur ce qu'il attend, chaque nouvelle scène s'avérant inattendue et déstabilisante. Kristian Donaldson effectue une mise en images au diapason de la narration de Wood, factuelle et précise, mais déstabilisante par ses aspects présentant une forme légère d'incohérence avec ce qui est raconté (eaux identiques quel que soit l'endroit du globe, ustensiles et navires en parfait état malgré leur utilisation et les contraintes qu'ils subissent. Les dessins moins déconcertants de Garry Brown permettent au lecteur de mieux se concentrer sur la narration, pour mieux apprécier ce qu'elle a d'original. Navigant à vue, le lecteur éprouve des difficultés à s'enthousiasmer pour un récit qui reste simple à lire, mais qui sollicite une confiance totale dans le guide qu'est Brian Wood pour ce voyage sans repère classique. Ce voyage au but incertain se poursuit dans Subcontinental (épisodes 7 à 12).
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Northlanders, tome 6 : Thor's Daughter

Ce tome comprend les épisodes 37 à 41 parus en 2011. Les 3 histoires sont indépendantes entre elles, et indépendantes des tomes précédents. Le tome précédent est Metal and other stories (épisodes 29 à 36).



Épisodes 37 à 39 "The siege of Paris" (illustrations de Simon Gane) - En 885, les normands assiègent Paris. Leur armée est forte de 30.000 hommes. Parmi eux, se trouve Mads, un danois, accompagné d'Abbo Cernuus, un abbé. Cela fait plusieurs années qu'ils servent ensemble cote à cote dans les mêmes guerres. Mads prend comme un affront personnel le fait que les 200 soldats de Paris réussissent à les tenir en respect.



Au sein du siège de Paris, Brian Wood s'attache à un individu en particulier dont la guerre est le métier depuis l'âge de 14 ans. Il n'éprouve aucune difficulté à obéir aux ordres, mais il prend la résistance de la ville comme un affront personnel. Il sait pertinemment que prendre Paris ne fait pas partie de l'objectif de la campagne, toutefois, il refuse de capituler psychologiquement devant cette place forte. Wood réussit à mêler les actions de l'armée avec la détermination de cet individu et ses actions propres pour trouver le défaut de la cuirasse.



Simon Gane a un style assez intéressant, fait de dessins détaillés, avec un sens sûr de l'exactitude historique, sauf pour la ville de Paris. La vision complète qu'il en donne la limite à l'île de la Cité et l'île saint Louis, ce qui semble un peu juste pour abriter la population de l'époque. À cette unique image, le reste rend bien compte des armes individuelles, des vêtements et des engins de guerre. Il apporte également un grand soin à la nature environnante, et à ses différents états en fonction des saisons. 5 étoiles.

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Épisode 40 "The hunt" (illustrations de Matthew Woodson) - En Suède, vers l'an 1.000, un homme est seul dans les bois. Il traque un cerf à travers les étendues enneigées. Il en fait une affaire personnelle. Cela fait plusieurs années que sa femme l'a quitté avec ses enfants pour aller vivre dans une ville. Il a préféré une vie au contact de la nature.



Brian Wood propose au lecteur de partager la chasse que donne cet homme à ce cerf élusif. Cet épisode se lit facilement. Il suit au plus près le chasseur grâce à ses pensées concises. Wood sait faire ressortir en phrases brèves la personnalité du chasseur, son choix de vie et ses convictions. Les dessins de Woodson sont un peu rugueux, un peu trop aérés. Il a du mal retranscrire de manière convaincante la texture de la neige. Au vu de la température en plein hiver en Suède, il est aussi assez difficile de croire à son accoutrement qui semble un peu léger. Par contre, le cerf est crédible, le langage corporel du chasseur transmet ses états d'âme, et la mise en page est fluide. 4 étoiles pour des illustrations pas toujours convaincantes et une fin trop stéréotypée.

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Épisode 41 "Thor's daughter" (illustrations de Marian Churchland) - En 990, Birna Thorsdottir est une adolescente (14 ans), la fille du chef d'une petite communauté implantée sur une île de l'archipel des Hébrides extérieures. L'un des habitants de l'île vient de tuer son père dans un guet-apens pour prendre sa place. Quel avenir peut-il y avoir pour cette jeune femme seule ?



Brian Wood aime bien prendre le contrepied des clichés des histoires d'époque pour parler de la condition féminine et rappeler que toutes les femmes ne sont pas réductibles à un stéréotype d'épouse soumise ou de jeune vierge effarouchée. Il exige un peu plus que de raison quant au niveau de crédulité du lecteur, pour le comportement et le sort de Birna. Mais il est impossible de ne pas succomber à l'empathie se dégageant de ce récit. Les dessins sortent de l'ordinaire avec un coté un peu esquissé et des visages un peu frustes. Dave McCaig adapte sa palette de couleurs pour des tons plus pastel qui se marient parfaitement avec le style graphique. 4 étoiles pour la personnalité de la jeune demoiselle.



D'une manière générale, Dave McCaig continue d'être un metteur en couleurs hors pair, doté d'une grande sensibilité, capables de se restreindre à une palette limitée, sans rien perdre en nuances et en ambiance. Il sait aussi recourir à des teintes plus vives pour souligner la brutalité des affrontements lors du siège de Paris.



Ce tome constitue une lecture agréable qui permet de vivre quelques moments intenses auprès de différents types de vikings, dans différents pays, à quelques années d'intervalles. Brian Wood sait faire ressentir la personnalité de ses personnages, et il raconte des histoires collant à la réalité historique, et sortant des clichés. Les illustrations sortent du moule des comics traditionnels avec une vraie personnalité à chaque fois, malgré quelques maladresses de ci de là.
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Northlanders, Intégrale 1 : Le livre anglo-sa..

Je suis tombé par hasard sur cet ouvrage, au début je n'ai fait que le feuilleté, comme j'ai l'habitude de le faire à chaque gros pavé que je croise en magasin et puis je me suis rendu compte qu'il ne coutait que 28 euros (ce qui reste chère) pour plus de 450 pages. Et puisqu'il est question de Viking (personnages que j'adore mais que je ne connais pas bien) j'ai céder.

La lecture du livre m'a conforté dans l'idée que ce comics est génial ! La collection comprendra trois tome (aussi gros que celui ci j'imagine) et chaque tome aura pour thème un lieu précis ou les Vikings on débarquer. Ce premier tome retrace l'invasion des Anglo-Saxons par les Vikings. On retrouve différent point de vue dans chacune des petites ou grosses histoires. Chaque histoire à son propre dessinateur. Ainsi Brian Wood (le scénariste) à pu mieux diversifié chaque approche des différents récits.



On retrouve ainsi les épisodes de ; Sven le revenant, La croix et le Marteau, la fille de Thor... Autant de récits tous aussi intéressant les uns que les autres.



J'attend avec impatience la suite, car on apprend beaucoup sur les Vikings tout en dévorant de bonne histoires.

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Northlanders, Intégrale 1 : Le livre anglo-sa..

Le personnage principal de Sven, le prince exilé, ne m'est pas apparu très sympathique. C'est un viking qui a soif de vengeance et qui ne fera pas dans la concession. La trame n'est pas très originale non plus avec l'oncle félon qui s'empare du pouvoir.



L'auteur Brian Wood a voulu rendre contemporain par son langage cette épopée viking. J'avoue ne pas avoir été séduit totalement par le résultat. Cependant, cela se laisse lire avec un deuxième tome qui parvient à clore le récit de manière honorable. A noter que cela se rapproche beaucoup de la série Conan le barbare réalisée par le même auteur.



J'aime cet univers viking mais je dois bien avouer que je préfère nettement la série Vinland Saga dans le même genre.
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Rebels : La naissance du rêve

Il est vrai que je m'étais un peu réjoui de lire ces épisodes sur la fameuse guerre d'indépendance dont je ne sais finalement pas grand chose. C'est un sujet assez peu évoqué dans la bd et même au cinéma. Je sais simplement que les colonies se sont rebellées contre l'Angleterre pour gagner la guerre d'Indépendance et devenir plus tard les Etats-Unis d'Amérique à savoir la première puissance économique mondiale. Quelle revanche tout de même sur son histoire.



Il est intéressant de voir comment les familles vivaient à cette époque entre une nature hostile où il fallait bien survivre et l'occupant anglais qui les dépossédait de leurs richesses et de leurs terres. Il est vrai que ces colonisateurs n'avaient pas l'air de commettre un crime contre l'humanité. Il n'est guère question des indiens mais plutôt de la lutte fratricide avec les anglais.



Je n'ai pas été séduit au fil de ma lecture car les récits ne sont pas linéaires. C'est comme des petits bouts de puzzle au milieu d'une histoire générale à savoir le conflit. Cela aurait pu être autre chose de plus palpitant. Oui, c'est assez aride comme lecture.
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DMZ, tome 9 : Coeurs et esprits

Ce tome fait suite à DMZ, tome 08 : Coeurs et esprits (épisodes 42 à 49) qu'il faut avoir lu avant pour comprendre l'état d'esprit de Matty Roth, même si les principaux faits sont rappelés. Il comprend les épisodes 50 à 54, initialement parus en 2010, écrits par Brian Wood, dessinés et encrés par Riccardo Burchielli, avec une mise en couleurs réalisée par Jeromy Cox, et des couvertures réalisées par John Paul Leon, à l'exception de l'épisode 50 qui a été dessiné et encré par Rebekah Isaacs, Fabio Mooon, Ryan Kelly, Burchielli, Philip Bond, John Paul Leon, et des illustrations en pleine page réalisées par Jim Lee (Matty + Zee), Lee Bermejo (Soames + The Ghosts), Eduardo Risso (Wilson), Dave Gibbons (Decade Later). Ces épisodes ont été réédités dans DMZ, Intégrale Tome 4 : qui contient les épisodes 45 à 59.



Épisode 50 : 6 histoires courtes. Matty Roth partage un taxi avec un individu venu de l'extérieur de la zone démilitarisée, représentant des intérêts privés et souhaitant acheter des immeubles. Ils l'emmènent à l'adresse qu'il souhaite voir, tout en lui expliquant comment fonctionnent les gangs. Un enfant dort avec son jouet bien serré contre lui : il ne se rend pas compte qu'il s'agit d'une bombe à fragmentation. Matty Roth a été invité par un riche propriétaire un peu âgé : il ne lui reste que quelques semaines ou mois à vivre et il souhaite confier ses œuvres d'art à Matty. Matty Roth a droit à une sortie à la campagne, les yeux bandés. Il va rencontrer le commandant Townes, dans un mobil home dans les bois pour une interview riche en informations, en particulier sur l'allégeance de Chicago à l'Armée des États Libres. Matty Roth est invité par Wilson pour déguster un met raffiné dans un de ses restaurants.



Il est de coutume dans les comics américain de considérer les numéros 50, 100, et d'autres comme des occasions de réaliser une histoire spéciale, et un épisode plus long. Brian Wood en profite pour raconter des histoires coutes s'attachant aux personnages principaux de la série, soit pour une anecdote (Zee sauve un enfant), soit pour un développement significatif (les révélations effectuées par le commandant Townes). Ce numéro anniversaire est donc également l'occasion de faire participer d'autres dessinateurs, pour que Burchielli puisse s'avancer pour les épisodes suivants. Rebeckah Isaacs réalise des planches dans un registre descriptif agréable à l'œil et détaillé, avec des expressions de visage un peu moqueuse pour le représentant des investisseurs. Fabio Moon apporte une touche un peu plus douce, tout à fait adaptée à cette histoire sans parole, avec un point de vue sur un enfant, montrant bien son incompréhension. Le lecteur retrouve ensuite Ryan Kelly le temps de 4 pages, dans un registre également descriptif, un peu moins ensoleillé que Isaacs, ce qui correspond bien à cette demeure peu éclairée pour protéger les toiles de maître, et pour montrer que l'hôte de Matty sait ses jours comptés. Suivent 8 pages en noir & blanc réalisées par Burchielli, permettant d'apprécier la qualité de ses cases sans l'apport de Cox, pour un résultat impeccable. Pour les 4 pages suivantes, John Paul Leon semble s'être retenu, pour rester ans un registre graphique où ses idiosyncrasies ne sont pas apparentes. Les dessins en pleine page sont accompagnés d'un texte de Matty Roth évoquant le personnage évoqué, plus une sorte de rappel qu'une analyse très parlante. Même s'il n'est pas en mode superhéros, Jim Lee met trop en avant une forme d'héroïsme. Bermejo n'arrive pas à rendre compte de la personnalité de Soames et de ses équipiers. Le dessin de Kelly par Phillip Bond est sympathique, mais pas mémorable. Le dessin de Gibbons pour Decade Later est trop descriptif et manque d'un point de vue émotionnel. Le portrait de Wilson par Risso est savoureux à souhait.



Épisodes 51 à 54. Les informations à la radio indiquent que le vent continue à être favorable aux habitants de Manhattan, emmenant les retombées de l'explosion vers le large, évitant ainsi que l'île ne soit touchée. Celle-ci a entériné le fait que Parco Delgado soit qualifié de terroriste, : il reste cependant introuvable. Après la terrible erreur de jugement qu'il a commise, causant la mort de plusieurs civils, Matty Roth a choisi de s'isoler dans un quartier de Manhattan peu fréquenté du fait de sa dangerosité. Son seul lien avec le reste du monde est la radio qu'il écoute. Il sort brièvement pour aller récupérer des nouilles préparées dans une supérette pillée, et rentre rapidement. Alors qu'il les mange sur son échelle d'incendie, il il voit un individu passer en marchant dans la rue avec une pancarte sur laquelle est marqué Changer. Une bombe explose : le passant est pulvérisé. Deux hommes armés arrivent : des coups de feu sont échangés. Le seul survivant se fait sauter le caisson sous les yeux de Matty Roth qui n'a rien pu faire, même pas prendre une photo ou filmer car son appareil a refusé de fonctionner correctement.



Le lecteur sait qu'il peut compter sur le scénariste pour l'emmener là où il ne s'y attend pas : il lui suffit de se souvenir du dernier épisode du tome précédent, doublement étonnant. Il découvre la suite directe de ces 2 événements majeurs. Wood a choisi de développer les éléments de politique extérieure de la DMZ sous la forme de commentaires de journalistes radio, tout d'abord de Liberty News, radio officielle dont l'inclination politique est clairement établie, puis de la radio libre installée dans la DMZ qui suppute beaucoup sur les causes réelles de certains faits, sur les circonstances des faits, n'hésitant de temps à autre à s'aventurer sur le terrain de la conspiration. En alternance, le lecteur a également accès aux pensées de Matty, permettant ainsi de découvrir ses préoccupations prioritaires, ainsi que ses réactions émotionnelles aux événements, son état d'esprit. Il s'attend donc à suivre l'ex-journaliste devenu membre du cabinet du maire élu, et à voir ses réactions en errant dans la zone démilitarisée, et en regardant ses habitants. Bien évidemment, l'intrigue prend une direction différente : des événements échappant à Roth continuent de survenir avec des conséquences directes pour lui. Il découvre le cadavre de deux militaires et récupère leur plaque d'identification pour les ramener. Il est confronté à un membre de la famille de Parco Delgado, une personne pas commode avec un objectif très clair. Il se retrouve lui-même face à un membre de sa propre famille, ce qui ne se passe jamais bien.



Riccardo Burchielli est de retour pour dessiner ces 4 épisodes. Le lecteur prend son temps pour savourer les différents décors, intérieurs et extérieurs de Manhattan : un grand appartement vide de meuble sauf pour un canapé rouge, les murs du quartier où se trouve Matty Roth, recouverts de graffitis, les larges artères totalement désertées, avec des carcasses de voitures et des nids de poule, un diner à la vitrine défoncée et aux tabourets encore parfaitement alignés et rivés au sol, un cour intérieure avec la carcasse inattendue d'un engin militaire, un toiture terrasse elle aussi graffitée, des bâtiments dont il ne reste que la structure, les façades ayant été détruites, des devantures éventrées colmatés avec des planches et des cartons, la fontaine Bethesda de Central Park isolée au milieu d'un terrain défoncé par les bombes. L'artiste sait donner la sensation de se trouver dans ce Manhattan abîmé et défiguré par la guerre civile.



Les traits de contour et les aplats de noir continuent d'être irréguliers ce qui confère une impression d'usure générée par des conditions de vie difficiles et dures. Le lecteur peut le voir sur les visages des individus qui sont marqués par les combats ou l'inquiétude, dans leurs vêtements pas repassés et parfois pas assortis, dans les expressions de visage. Il sourit en découvrant le portrait du membre de la famille Delgado, très expressif, qui en dit long sur sa personnalité. Il voit aussi que Burchielli sait manier l'exagération visuelle avec pertinence pour augmenter l'impact d'une case, d'une action. Ainsi dans l'épisode 51, une case est en noir & blanc, pour obtenir un contraste choquant avec le rouge du sang projeté par la balle tirée dans le crâne. L'artiste tire le meilleur parti possible d'un dessin en pleine page pour l'effet choc de ce que découvre le lecteur, mais aussi d'avoir un dessin en hauteur pour accentuer l'exiguïté de la cour d'immeubles. Le dessinateur place le lecteur au milieu d'un groupe de soldats armés de fusil, qui se font tirer dessus par des hélicoptères, pour générer la tension de prendre une balle perdue. La narration se fait silencieuse quand Roth est pris en chasse par deux chiens sauvages, pour une course-poursuite haletante. Il allonge la perspective d'un hangar pour souligner le nombre de cercueils recouverts d'un drapeau américain qui y sont stockés.



À la fin de l'épisode 49, le lecteur savait bien que les choses n'allaient pas pouvoir continuer comme avant, et que le temps était venu pour Matty Roth de réfléchir à son positionnement. Après les histoires courtes de l'épisode 50 très bien réalisées, le lecteur est content de reprendre le fil de l'intrigue principale, avec la narration visuelle toujours impeccable, transcrivant la sensation de danger éprouvée par les habitants de la zone démilitarisée, les dommages infligés aux bâtiments et aux infrastructures, la précarité des conditions de vie. En revanche, il pensait trouver un chapitre plus introspectif. La réflexion sur l'engagement et ses conséquences a bien lieu, mais elle s'accompagne de nouveaux événements qui n'ont rien d'anecdotiques, faisant avancer le récit de manière significatives.
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DMZ, tome 6 : Un jeu sanglant

Ce tome fait suit suite à DMZ, Tome 05 : La guerre caché (épisodes 23 à 38) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il comprend les épisodes 29 à 34, initialement parus en 2008, écrits par Brian Wood qui a également réalisé les couvertures, dessinés et encrés par Riccardo Burchielli, et mis en couleurs par Jeromy Cox.



Un hélicoptère de l'armée est en train de survoler un quartier de Manhattan où des manifestants défilent avec des banderoles portant la mention : Delgado Nation. Un coup de feu est tiré dans la foule, plusieurs hommes armés apparaissent portant es teeshirts violets et des bérets assortis. En première ligne se trouve Matty Roth, avec un fusil mitrailleur, et derrière lui deux hommes en soutiennent un autre avec un bob qui lui couvre le visage. Plusieurs semaines auparavant, Zee Hernandez se réveille dans l'appartement de Matty Roth après une nuit passée ensemble. Elle lui dit qu'il pourrait rendre son appartement et venir habiter avec elle. Les informations annoncent que les négociations pour un traité de cessez-le-feu vont bientôt commencer. Roth n'est pas dupe des images qui accompagnent l'annonce : elles montrent un quartier tranquille, mais en fait il a été pacifié peu de temps auparavant et les coups de feu se font entendre quelques pâtés d'immeubles plus loin. Le commentateur continue en indiquant qu'autour de la table se trouvent des représentants des États-Unis, ainsi que des Armées des États Libres, des Nations Unies, de l'entreprise Trustwell Inc, et des factions armées opérant dans Manhattan. Matty Roth arrive devant l'immeuble où se tiennent les négociations et accepte et signer un nouveau contrat avec Liberty News pour avoir un accès presse aux négociations.



Avant d'entrer dans le bâtiment, Matty Roth papote un peu avec un Casque Bleu : il lui demande où ils ont parqué les manifestants. Le soldat lui dit d'aller se faire voir. En attendant l'allocution officielle, Roth se demande si ces négociations vont vraiment changer quelque chose, s'il en sortira un processus de paix viable : ça ne lui parait pas complètement impossible. Un général des États-Unis prend la parole et annonce un cessez-le-feu d'une durée de quatre semaines, qui s'achèvera par des élections pour avoir une assemblée gouvernante de la zone démilitarisée. Un premier participant intervient pour indiquer que sa faction armée ne soutiendra que la vraie Amérique. Un autre participant prend la parole et attire tout de suite l'attention de tous les présents. Il s'agit de Parco Delgado, représentant de la population au Nord de Central Park : il remet en cause l'élection à venir car les candidats ne sont pas représentatifs de la population de Manhattan. Le général le remercie de son intervention et met fin à la discussion. Matty Roth se dit qu'il lui faut absolument parler à ce Parco Delgado. À la sortie, il le retrouve, entouré de ses gardes du corps. Delgado le traite immédiatement d'instrument et d'idiot. Puis il l'invite à le suivre, indiquant qu'il ne faisait que le chambrer, ce qui amuse beaucoup un de ses gardes du corps. Les informations relaient la mise en place du cessez-le-feu, ainsi que la création d'une liste de candidats, et les alliances qui se forment, pendant que Matty Roth discute avec Delgado dans l'appartement de ce dernier.



D'un côté, c'est facile pour le scénariste : il n'a qu'à reprendre les informations relatives à l'occupation de territoires par les États-Unis, par exemple en Irak, et à relever les principaux événements qui y sont survenus. Il a ainsi une liste d'histoires toutes prêtes pour sa série. Le lecteur peut lui aussi relever ces éléments dans cette histoire : un processus de cessez-le-feu, la présence incongrue d'une entreprise privée américaine à la table des négociations, le mécontentement de la population du territoire occupée, la participation d'individus au passé douteux comme candidats aux élections, la formulation très orientée des informations par la presse et les journalistes qui appartiennent plutôt à la nation occupante qu'à la nation occupée, l'arrivée d'experts en politique pour manipuler l'opinion publique, l'allégeance incertaine de la population, l'utilisation de la force armée de manière officieuse que ce soit par l'occupant, ou par des factions antagonistes indigènes, sans oublier une tentative d'assassinat sur un candidat gênant pour faire bonne mesure. Le pire est que Wood n'a pas besoin d'exagérer et que le lecteur a la conviction qu'il est encore en-dessous de la réalité qui dépasse de loin la fiction. Comme dans les tomes précédents, le fait que tout ça se déroule sur le territoire des États-Unis pendant une guerre opposant deux camps américains, change complètement le ressenti. Le lecteur américain et européen se sent tout de suite beaucoup plus impliqué par le fait que ce soit des intérêts qui s'opposent au sein d'un même pays occidental. Cet éclairage rend le lecteur beaucoup plus concerné.



Riccardo Burchielli assure la mise en images de tout ce tome. Le lecteur remarque que la collaboration entre lui et le scénariste est beaucoup plus organique, beaucoup plus fluide. Brian Wood se repose plus sur lui dans des pages avec très peu de texte, pour que la zone démilitarisée prenne la dimension d'un personnage à part entière. Le lecteur observe la silhouette de gratte-ciels en arrière-plan, la façade reconnaissable de l'immeuble Cooper Union dans East Village, la structure métallique du pont de Brooklyn, les rives de la rivière Hudson, l'arc de triomphe et la colonnade du pont de Manhattan, le quartier de Washington Heights, Madison Square Park, une grande artère de Chinatown. Il ne s’agit pas simplement de se servir de photographies pour référence : l'artiste sait montrer des endroits habités, fréquentés, souvent marqués par les impacts, voire partiellement détruits ou en reconstruction. De même, il suffit de regarder les personnages pour savoir à quelle partie de la population ils appartiennent, et même dans quel quartier ils vivent. Le dessinateur a travaillé pour concevoir un registre de vêtements pour les habitants de la DMZ, avec des différences notables en fonction de leur appartenance ethnique. Les uniformes militaires sont réalistes et montrent bien la distinction entre les différents grades. Le tailleur chic de Madeleine Mastro indique au premier coup d'œil qu'elle vient de l'extérieur. Le choix de vêtement de Parco Delgado est très étudié, reflétant à la fois son origine populaire et ethnique, une vraie déclaration en soi, sans parler de sa manière de tenir un micro.



Riccardo Burchielli sait tout aussi bien insuffler une personnalité à chaque personnage, que de la vie. Dans ce tome, Matty Roth a gagné en assurance et en agressivité : il suffit de le voir répondre à un journaliste ou prendre part à l'action pour le comprendre. En regardant Zee Hernandez, le lecteur perçoit qu'elle est toujours aussi autonome, mais aussi qu'elle attend une forme d'engagement de la part de Matty Roth, et il le voit sans avoir besoin de lire les dialogues, grâce à son langage corporel, à la direction d'acteurs de l'artiste. Madeleine Mastro est impressionnante dès sa première apparition : tirée à quatre épingles, très maîtresse de son image, très professionnelle, quasiment impossible à déstabiliser. Bien sûr, Parco Delgado est un spectacle irrésistible. Le dessinateur a dû concevoir un personnage charismatique, populaire, ambigu, sans être démagogue. C'est une extraordinaire réussite visuelle : son apparence combine un mixte entre un rappeur et des touches hispaniques, avec un cynisme né de l'expérience, sans verser dans une opposition de principe sans rien à proposer. Le lecteur voit un adulte d'expérience, rompu à l'exercice politique, à la rhétorique, à l'exhortation des foules : un charisme convainquant, avec une part d'ambiguïté qui fait planer un doute sur son objectif réel, sur son passé. Parco Delgado n'est pas simplement plausible comme chef politique : il est évident et naturel, une réussite visuelle extraordinaire.



Il n'est pas possible de réduire cette histoire uniquement à une transposition du processus d'instauration d'un cessez-le-feu copié à partir des articles de journaux dans une région réelle. Comme à son habitude, Brian Wood insuffle lui aussi une personnalité crédible et complexe à ses personnages. Matty Roth continue d'être un journaliste avec des convictions, sans risque d'être blasé. Il a pu constater dans les épisodes précédents comment les États-Unis et les armées des États Libres manipulent l'information pour leur avantage, et accomplissent des missions aux objectifs souvent inavouables. Il n'a donc pas grand espoir que la promesse d'élection aboutisse à un gouvernement provisoire bénéfique aux habitants de Manhattan. Dans le même temps, le discours bien rôdé de Parco Delgado comprend une saveur populiste, mais semble honnête dans sa démarche. Roth décide donc de prendre parti, de s'impliquer pour un candidat, quittant la zone plus ou moins confortable de l'impartialité journalistique. Bien évidemment, il se retrouve au milieu de conflits d'intérêt, que ce soit ceux de son père sur lequel ses employeurs de Liberty News font pression, ceux de sa mère qui arrive sans être annoncée, des États-Unis, des armées des États Libres, mais aussi de Parco Delgado. Il sait bien que les dés sont pipés qu'aucune partie ne joue franc jeu. Son idéalisme se heurte à cet état de fait : son engagement pour le candidat Delgado repose sur la franchise et l'honnêteté de ce dernier. Or ses actions montrent qu'il utilise les mêmes techniques que les autres, les mêmes subterfuges, les mêmes stratégies de manipulation. Est-ce que cela signifie pour autant que ses objectifs ou ses intentions ne sont que de la poudre aux yeux ? Dépourvu de tout angélisme, le propose du scénariste est pragmatique et adulte, à l'opposé d'un cynisme de pacotille.



Trop facile pour les auteurs : il leur suffit d'aller piocher dans les articles de journaux sur la vie dans un territoire occupé pour tenir un nouveau chapitre de leur série. Certes, c'est bien de ça qu'il s'agit, mais aussi de beaucoup plus. L'artiste donne vie aux différents quartiers de New York, et aux personnages, avec une véracité remarquable. Le scénariste sait mettre en scène les différents niveaux de réalité, les enjeux des différentes parties, les jeux de pouvoir complexe qui sont à l'œuvre, sans tomber dans la facilité du tous pourris. Il va encore plus loin en questionnant le principe même du vote démocratique dans de telles conditions. Remarquable.
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