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Citations de Camille Froidevaux-Metterie (149)


Après des décennies d'exaltation du schéma masculin de conquête et de puissance, c'est l'archétype féminin d'empathie et de conciliation qui s'impose comme une ressource, que ce soit dans le monde de l'entreprise ou dans la sphère publique. Attention à autrui et proximité, sens de la réalité et pragmatisme, écoute et goût du dialogue, souci de l'efficacité et de la bonne gestion du temps : autant de vertus que les hommes pratiqueraient peu et dont les femmes seraient les heureuses propagatrices. Personne n'a encore osé le « management maternel » mais on en trouve une version déguisée avec le «happy management» qui vise à l'épanouissement des salariés (que l'on aide à grandir) et au bonheur des équipes (encouragées sans être trop contrôlées).
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Le problème se concentre sur ce point : la féminité n'est pas un concept, elle relève du champ des représentations, renvoyant à un ensemble d'images, de symboles et de signes destinés à servir de modèles. C'est ce doux mélange de dévouement maternel, de dépendance matérielle et sexuelle que l'on présente comme un absolu. Parler de féminité donc, c'est projeter un idéal sur la réalité et évaluer cette même réalité à l'aune de ses dérogations à l'idéal.
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J'ai compris que je vivais dans une société où les femmes continuaient d'être réduites à leur corps.
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Avoir connu ensemble, l’attente révoltée et longue, si longue, du résultat d’analyse, du diagnostic, du sourire en blouse blanche, leur avait fait éprouver dans les évidence le lien qui les unissait désormais tous les trous.
C’est ce qu’ils se disent dans ce drôle d’état qui n’est pas du bonheur, mais quelque chose de plus fort encore, né de l’éloignement du danger et de la faim de la peur. Ils se disent que cette nuit, quelques heures avant le moment prévu, ils sont devenus les parents d’Ève, sans témoin ni baratin dans l’intensité partagée de leur amour pour elle
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Le féminisme n'est pas un mouvement contre les hommes, il est une dynamique de libération des femmes et un projet de transformation de toute la société placé sous le signe de l'égalité. Nous avons besoin pour cela de toutes les énergies, y compris masculines. Alors devenez féministes !
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La notion de continuum des violences sexistes révèle que, de la blague sur le physique à l'agression sexuelle, il n'y a qu'une différence de degré, pas de nature. (23)
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Tout se passe comme si, pour accéder à tous les métiers et à tous les postes, les femmes devaient oublier quelles avaient un corps.
Elles n'ont pas de règles (#SPM #endométriose), pas d'utérus (#faussecouche #grossesse #postpartum), pas de seins (#allaitement #cancer). Je me suis toujours dit que c'était le prix quelles avaient dû payer pour leur émancipation sociale : puisqu'elles aspiraient à devenir des hommes comme les autres, il leur fallait gommer, nier, invisibiliser toutes les dimensions incarnées de leur existence. (15)
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(Les premières pages du livre)
« Ève
Il doit être tôt, «pourquoi si tôt?», me demande-t-elle parfois de sa voix endormie. Alors j’attends un peu, je reste là, tranquille, à regarder la nuée d’oiseaux immobiles qui flottent au-dessus de moi. J’aime particulièrement le rouge. D’ordinaire, quand le groupe reprend son vol circulaire et que ce beau rouge passe à l’aplomb de mon visage, j’agite frénétiquement les bras pour essayer de l’attraper. J’adore son œil noir et brillant, le renflement vermillon de son ventre et cet air un peu espiègle qu’il a en me regardant. C’est Greg qui m’a offert ce mobile, parce que se réveiller chaque jour en suivant les oiseaux des yeux, m’a-t-il promis, c’est l’assurance d’une vie légère et aventureuse. Grand-mère a fait la moue et l’a trouvé inadapté, s’inquiétant de ces plumes véritables que je pourrais suçoter, qui pourraient m’empoisonner. Maman a haussé les épaules.

J’aime le bruit de la clé mécanique qu’elle remonte après m’avoir précautionneusement déposée dans mon lit. Je fais en sorte qu’elle s’y reprenne, qu’elle y revienne, deux fois, trois fois, même si je sais que cela ne l’amuse pas toujours. Elle aimerait bien que je m’endorme vite, que je la libère de ce rituel usant, tourner, s’éloigner sur la pointe des pieds, tirer doucement la porte qui grince, rentrer à nouveau si je décide de pleurnicher, tourner, s’éloigner sur la pointe des pieds... J’en profite un peu, il est si doux ce petit manège.
Au réveil, c’est autre chose. Je me lasse vite de contempler les volatiles arrêtés et, pour tout dire, je ne serais pas plus heureuse s’ils se remettaient à voler. C’est le matin, j’ai faim. Je tente de me retenir d’appeler, je me concentre sur mon bel oiseau cramoisi, mais mon estomac se tord et me fait mal. Presque malgré moi, je commence à geindre, un son discret mais constant, une tendre plainte. Il ne faut pas longtemps avant que je l’entende se lever, je continue de chouiner quelques secondes, pour la forme, car elle arrive. La voilà qui pousse la porte d’un grand geste et s’approche, les yeux gonflés, les cheveux en pétard, le peignoir à peine noué. Je cesse sur-le-champ de gémir et lui présente gracieusement mes deux dents. « Je me lèverais toute ma vie aux aurores, m’a-t-elle dit un jour, si tu m’accueillais toujours avec ce si beau sourire », alors je m’applique.
Elle se penche et m’attrape avec une infinie délicatesse. Doucement, elle me serre contre elle et je plonge dans la chaude odeur de sa nuit. Nous ne faisons qu’une à nouveau, mon visage dans son cou, ses lèvres sur ma peau. Je l’entends murmurer son amour, je ferme les yeux un instant, bref, puis romps notre béatitude en gigotant. J’ai faim et les effluves de sa chair ne me comblent pas. Elle me cale alors sur sa hanche et nous allons ensemble dans la cuisine.
Elle a préparé la veille le dosage de lait en poudre et d’eau minérale qu’il va lui suffire de mélanger puis de réchauffer. Je m’agite, je halète bruyamment, remuant bras et jambes tel un pantin devenu fou. Ça la fait rire, elle dit « ça vient, ça vient... », s’allonge à demi sur le canapé, tire le plaid sur ses jambes découvertes, et puis ça vient, le liquide tiède dans ma bouche, dans ma gorge, qui déborde, elle a mal réglé la tétine et me l’arrache sans prévenir pour diminuer le débit. Je suis sur le point de hurler, le pis en plastique me rebouche le clapet. Je tête avec ardeur, cela produit une mélodie rythmée, monocorde et ronde qui la plonge dans la torpeur. Je la sens relâcher son étreinte, je vois sa tête s’incliner jusqu’à venir reposer sur le coussin jaune. Je m’étale entre ses bras, complètement relâchée, seules ma bouche et ma langue s’activent. Quand je suis rassasiée, je sombre à mon tour. »
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« Elles n’en peuvent plus des regards gluants, des remarques dégueulasses, de la peur qui accompagne si souvent leurs déambulations urbaines. » (p. 10)
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C’était en fait ma seule vraie passion. Être aimée des hommes, ces hommes qui me disaient que j’étais belle, qui me serraient dans leurs grands bras, qui me faisaient l’amour, ces hommes que je quittais. Ils se succédaient, oui, mais leurs départs n’étaient que des promesses, un autre allait surgir et, avec lui, un nouvel espoir.
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Chaque jour j’accomplis cette métamorphose ; longtemps je l’ai fait avec bonheur. Les yeux bleus à noircir, les lèvres à empourprer. Quand il s’agissait encore d’une pratique interdite, j’adulais ces artifices qui faisaient la nique à l’âge tendre.
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J’ai persévéré, j’ai choisi un métier d’homme et la vie qui va avec. Son visage glacial et âpre quand je lui ai annoncé que l’école, c’était fini pour moi. Je n’irais pas au lycée, je ne m’échinerais pas comme Laurence, qui en avait perdu toute joie de vivre, à tenter d’obtenir d’elle un demi-sourire pour une dissertation réussie, à attendre un compliment pour une mention obtenue, toujours en vain.
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Dix-huit mois qu’il l’attise, qu’il nourrit mes fantasmes, qu’il m’obnubile, et me voilà pantelante, le souffle court, le ventre brûlant, prête à m’offrir à lui. Il m’a rendue folle, littéralement folle, à perdre toute décence, à oublier toute promesse. Les mots et les photos échangés en pagaille dans le secret du monde virtuel m’ont chauffée à bloc. J’ai adoré me dévoiler, me livrer, jouir de lui à distance.
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Kenza pense que ce sont les hommes le problème, que la vie des hétéros est par définition un calvaire. Elle a sans doute raison. Je ne voudrais pour rien au monde endurer les charges immémoriales de la domesticité féminine, mais je ne suis pas pour autant lesbienne et je ne crois pas que cela puisse se décider.
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[l'autrice souhaite marquer] le profond écart de sens existant entre la "féminité" définie séculairement comme un mélange de disponibilité sexuelle, de dévouement maternel et de dépendance matérielle, et le "féminin" que je propose de définir comme un état construit et contingent du rapport des femmes aux autres et au monde qui passe par leur corps. (p. 202)
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Ainsi, au moment où les seins apparaissent, les filles entrent dans une conscience d'elles-mêmes qui ne cessera plus d'être incarnée. C'est en ce sens qu'elles deviennent des sujets féminins : tout dans leur existence sera désormais placé sous le signe de ce corps sexué qui les destine à la maternité et à la sexualité afférente. (p. 203)
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(...) les seins des femmes sont considérés comme des objets quelles que soient les circonstances. A leur apparition, c'est leur conformité au modèle prescrit qui est immédiatement exigée ; dans la vie sexuelle, c'est leur rôle d'appât d'abord surinvesti puis très vite délaissé qui se révèle ; au quotidien, c'est la nécessité de les enserrer dans des moules uniformes qui s'impose ; dans la maternité enfin, c'est leur intégrité et leur dignité même qui sont bafouées. (p. 200)
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Avoir des seins, c'est se trouver d'emblée projetée dans l'objectivation, c'est devenir un objet avant même que d'être un sujet. Leur apparition est synonyme pour les filles d'une entrée dans leur corps féminin qu'elles n'ont pas décidé et qu'elles peuvent ne pas vouloir. (p. 196)
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Car ceux qui ont intérêt à ce que le mal-être corporel des femmes perdure, ceux qui en font leur profit commercial, ceux-là ont solidement verrouillé le système et nous inondent d'idéaux esthétiques surnaturels en nous vendant à prix d'or les artifices supposés nous aider à y souscrire. (p. 169)
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Les seins sont le lieu d'une expérience vécue typiquement féminine : celle d'un rapport à soi et aux autres qui passe nécessairement par le corps. (p. 164)
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