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Critiques de Carlo Emilio Gadda (25)
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L'affreuse embrouille de via Merulana

Il paraît que ce livre est un TRÈS grand roman du XXè siècle, un monument de la littérature italienne, un classique, un incontournable, que sais-je ? Les gens du Seuil n'ont d'ailleurs pas hésité à en rajouter une bonne louche lorsqu'ils ont promu la nouvelle traduction de Jean-Paul Manganaro, histoire de nous faire accroire au chef-d'oeuvre oublié... Mouais, bon, leur travail c'est de communiquer et de vendre du papier, pas forcément d'énoncer des vérités avérées, alors, tenez-vous-le pour dit.



La narration se présente sous la forme assez classique de l'enquête policière. Tout d'abord une ancienne comtesse se fait voler des bijoux dans un immeuble cossu de la via Merulana. Puis ça sent le truc louche à plein nez, elle ne veut plus porter plainte. Comme par hasard, quelques jours à peine après ce larcin, dans le même immeuble, une bourgeoise, Mme Liliana Balducci, se retrouve égorgée, et on se demande pourquoi...



Il s'avère que l'inspecteur chargé de l'enquête, Ingravallo (qu'on appelle aussi Don Ciccio ou le " dottore ", histoire de rendre l'identification plus facile) connaissait un peu les Balducci, et des relents de coup foireux, on passe au parfum de l'histoire bien glauque, avec des domestiques qui servaient de dessert au mari, bref, une affreuse embrouille, et dont le déroulé proprement policier fut globalement très bien restitué dans le film réalisé en 1959 par Pietro Germi avec Claudia Cardinale et intitulé en français, Meurtre à l'italienne.



Mais en fait, toute cette histoire proprement policière et qui soutient la tension de l'intrigue n'intéresse nullement l'auteur : elle n'est qu'un prétexte à nous faire des pages et des pages de bavardages " avec accent " et des descriptions, des descriptions et encore des descriptions ; et quelles descriptions !! Imaginez la manière pléthorique d'un Zola dans le Ventre de Paris, faite dans une langue incompréhensible, rognée, déformée, pleine d'allusions à d'autres choses et qui, sans le secours des notes en bas de page, seraient totalement absconses. Pour moi, ce fut un calvaire à lire.



En effet, après un début à peu près acceptable, quoique déjà bien noué et hermétique, ce livre devient au fur et à mesure pratiquement illisible : on suffoque, on manque d'air, on ne comprend plus rien et puis, fatalement, on décroche. Ce sont des entortillements à n'en plus finir, des allusions de ceci ou de cela, des néologismes, des mots sur des mots, jusqu'à l'overdose, des surnoms à gogo, des déformations langagières, des fautes de langue répétées à l'infini, aucune longueur ou redondance épargnée. Bref, selon mes critères, c'est chiant à mourir, et on ne sait même plus de qui l'on parle exactement dans les pages que l'on lit.



Alors si l'on considère comme un acte héroïque de tailler des costards à Mussolini en 1957 comme le fait Carlo Emilio Gadda, alors c'est très bien, mais j'ai comme dans l'idée que cela aurait été un poil plus héroïque en 1927 ou 1937, au moment même des forfaits du Duce, plutôt que vingt ans après, mais bon, c'est ma façon de voir.



En somme, d'après moi, un livre pénible, dont je ne garderai aucune impression de plaisir à la lecture, ni même d'un quelconque intérêt plus général sur la connaissance qu'il m'aura procuré à propos de l'Italie de cette époque-là ou du phrasé romain passé à la moulinette de la traduction. Moralité : grosse déception et impression d'avoir perdu mon temps, mais, vous savez que ça n'est que mon avis, affreusement embrouillé, c'est-à-dire, bien moins que le chant d'un merle par un matin d'avril.
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L'affreuse embrouille de via Merulana

Cela faisait longtemps que je voulais m'atteler à la lecture de L'Affreux pastis de la rue des Merles (1957) de Carlo-Emilio Gadda (1893-1993) mais jamais je n'avais encore trouvé le courage de l'aborder. Entre temps, le pastis est devenu l'embrouille et la rue a retrouvé son nom italien. Et là, à l'occasion de mon giro de la littérature italienne, je m'y suis collée.



Et  alors ?

C'est encore pire que je l'imaginais. Cette lecture, mes chers amis, est une épreuve physique et mentale, un col hors-catégorie réservé à une élite italianiste et érudite.



De quoi qu' ça cause ?

A priori il s'agit d'une double affaire policière. Dans un immeuble bourgeois de la via Merulana à Rome, un vol de bijoux puis un meurtre horrible ont été commis. le livre suit fidèlement le déroulement chronologique de l'enquête. On se retrouve dans tous les milieux, chez les bourgeois, dans les bas-fonds et même à la campagne. L'enquête sur le meurtrie de la belle Liliane Balducci, qui adoptait ses nièces pour pallier le désespoir causé par sa stérilité, ne sera pas élucidé. Le policier n'est qu'un prétexte.



De quoi qu' ça cause donc ?

Heu…..



Pourquoi qu' c'est dur à piger ?

Au lieu d'aller droit au but, d'éclaircir la réalité logiquement , le langage utilisé complexifie l'histoire ligne après ligne et fabrique une affreuse pelote embrouillée. Ce pasticciaccio est farci jusqu'à saturation d'odeurs, de puanteurs, de méchancetés, diverses et variées rapportées dans différents dialectes, idiomes ou niveaux de langue par l'ensemble des protagonistes. Au départ c'est « truculent », «  gouailleur »mais bien vite ça devient très pénible à lire, roboratif, lourdingue, indigeste. On étouffe !



Pourquoi qu' c'et'i donc lelitiste ?

Parce qu'il faut avoir le palais éduqué pour savourer le "pasticciaccio". Parler italien pour comprendre les jeux de mots, les inventions verbales et rire vraiment. Connaître la vie quotidienne à Rome durant les années fascistes. Il est souhaitable de posséder une connaissance populaire et intime de la langue italienne transmise par un aïeul par exemple mais aussi une connaissance érudite, historique et philosophique. On trouve également pas mal de références savantes à l'Antiquité romaine. Je n'ai pas compris la plupart des allusions, des parodies, des pastiches et mélanges. Sans ces références, c'est difficile de prendre plaisir à lire ce livre.



Gaddin.
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L'affreuse embrouille de via Merulana

Quel livre étrange et splendide!

Ce n'est pas un roman policier et pourtant les crimes sont au coeur du récit.

Ce n'est pas une description de Rome et pourtant quelques lieux de Rome et surtout de ses environs prennent une consistance forte.

C'est une oeuvre de Carlo Emilio Gadda, parue en 1957 sous sa forme définitive et dont une nouvelle traduction, due à Jean-Paul Manganaro, vient de paraître. Je découvre cet auteur à travers ce roman, et la découverte est belle, sombre aussi.

L'action se situe donc à Rome, en 1927, cinq ans après le début du fascisme mussolinien. Le crime perpétré est le point de rencontre entre la bourgeoisie et les milieux populaires. Entre les deux, les forces de l'ordre (on devrait dire de l'Ordre), divisées en policiers et carabiniers. Chaque lieu et chaque personnage possède une densité et une identité forte. Et comme une ombre tutélaire et grotesque, le dictateur que Gadda afflige d'une multitude de sobriquets dévastateurs avec une inventivité jouissive.

Car la prose que nous restitue Jean-Paul Manganaro est d'une richesse époustouflante, remplie de trouvailles, de détournements de sens, de mots inventés, de références littéraires ou picturales. L'accès à ce livre n'est donc pas très aisé. D'autant plus que le traducteur, pour rendre la diversité linguistique de l'original, recrée des parlers populaires auxquels il faut s'adapter.

Mais si l'on arrive à plonger dans cet écheveau et à en démêler quelques fils (il faut renoncer à tout comprendre à la première lecture), on est invité à un festin littéraire de très haut niveau. En tout cas, je me suis régalé.

Un conseil pour finir: ne lisez pas l'introduction de Jean-Paul Manganaro avant le roman, mais après.
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L'affreuse embrouille de via Merulana

Ce roman est sans aucun doute le livre italien dont la lecture en version originale a été la plus ardue pour moi jusqu'ici ! Et pour cause. D'une part, avec Carlo Emilio Gadda, tout est prétexte à de délicieuses digressions. D'autre part, ce roman n'est pas écrit en italien mais s'adapte au dialecte des personnages et donc essentiellement en "romain". Quel voyage ! On s'y croirait !

L'intrigue, par ailleurs, consiste en deux vols de bijoux dont le second associé à un meurtre, à via Merulana 219. Don Ciccio, qui était régulièrement reçu chez la victime, est chargé de l'enquête. L'histoire va donc nous emporter dans les méandres de la campagne romaine, le long de la via Appia. Si l'on n'aura aucune certitude quant à l'identité du coupable en refermant le livre, on n'en aura pas moins passé un excellent moment.



Challenge XXème siècle 2022
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La Connaissance de la douleur

C’est une lecture éprouvante que celle de La connaissance de la douleur. Comme la traversée d’un désert baroque que peuplent des mots dignes d’un trésor de la langue française et que hante une histoire de souffrance intime. Roman ou autofiction : le genre lui-même pose problème. Carlo Emilio Gadda l’a écrit à partir de 1938, peu de temps après la mort de sa mère. Son héros, Gonzalo Pirobutirro est une sorte de double littéraire de Gadda : perte du frère pendant la guerre, remords profond lié à cette mort, même origine sociale, et même environnement géographique, puisque le Maradagal décrit, Etat imaginaire sud-américain, rappelle fortement la Briance du nord de l’Italie.



Tandis que la première partie du roman s’attache à décrire le Maradagal et les us et coutumes qui y sont pratiquées, la deuxième et la troisième ressemblent davantage à un long portrait de cette figure torturée de Pirobutirro. Aristocrate désargenté, il vit avec sa mère et exècre absolument la tendance de cette dernière à mêler à sa vie les humbles, qui pourtant les soutiennent. Intellectuel que le bruit du monde effraie et repousse, Pirobutirro est l’un de ces héros littéraires que l’on imagine dégingandé, qui traversent le monde et le temps dans une furie dictée par les passions intérieures.



Le roman – adoptons une fois pour toutes ce terme – est truffé de références tantôt imaginaires, tantôt mythologiques et, surtout, issues de la littérature italienne des 18ème et 19ème siècles. Les notes de l’éditeur et celles de l’auteur sont donc bienvenues pour ne pas perdre le fil d’une lecture déjà rendue ardue par les trouvailles lexicales et les constructions syntaxiques complexes. L’effort intellectuel, toutefois, est récompensé par l’esprit cynique, mordant même, qui ponctue le texte. Cela ne suffit pas, cependant, à rendre de la vie au texte, qui s’englue dans des tournures qui laissent peu de répit au lecteur peu attentionné. Le style, en un mot, l’emporte sur le fond, rendant, malheureusement, le roman peu accessible.
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L'Adalgisa : le croquis milanais

Huit nouvelles , huit plongées dans la bourgeoisie milanaise sous le regard de Gadda aiguisé comme un scalpel , son ironie dévastatrice et sa capacité à emporter le lecteur dans les méandres et les tourbillons de sa narration si particulière .Et ce style inimitable , folie linguistique , arborescence de métaphores ,ivresse des mots (qui le rend pas facile en V.O. ) ,éclairs de poésie : l’aventure à chaque ligne.
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L'affreuse embrouille de via Merulana



Comme propos liminaire au roman j'aimerais m'attarder sur la traduction du titre Quer pasticciaccio brutto de via Merulana, rendu par l'Affreux pastis de la rue des Merles. le terme pastis est trop inusité dans l'acception présente, et traduire le nom de la rue en français est maladroit. Je préfère la nouvelle traduction, plus congrue, l'Affreuse embrouille de via Merulana. Ma critique a donc pour objet la traduction de 1963, une nouvelle ayant été éditée en 2018. Passons.



Rome. 1927. Dress code : chemise noire. C'est moins salissant. Au 219 via Merulana se dresse un immeuble bourgeois (escalier A pour les gens de condition, escalier B pour le reste) sans charme. Un jour une vieille dame est victime d'un cambriolage par une personne soi-disant missionnée pour vérifier le bon fonctionnement des radiateurs. Grand émoi dans le bâtiment. Plus incroyable encore, peu de temps après, on retrouve la voisine du même pallier atrocement assassinée, presque décapitée, lardée de plusieurs coups de couteau. La police enquête.



Mais là n'est pas le propos. Ceci n'est pas un roman policier, ce n'est pas la matière de l'oeuvre. Et matière il y a. Carlo Emilio Gadda va travailler, tel un potier son argile, la nature même du langage. Il emploi d'abord à sa fantaisie cinq ou six dialectes régionaux italiens (la traduction s'efforce d'en rendre les particularismes, mais c'est assurément plus savoureux dans l'original) et pas l'Italien académique toscan, ce qui exige peut être même plus d'effort pour les italophones. Il balaye toutes les formes langagières. L'argot alterne avec des mots savants, scientifiques - d'un pédantesque Joycien. Rassurez vous cependant, c'est lisible et articulé, vous n'êtes pas en présence d'une mouture transalpine de Finnegans Wake. le texte est parsemé de locutions latines mais aussi de grec ancien incompréhensible du commun des lecteurs, d’archaïsmes, sans oublier quelques assertions en langues européennes. Gadda oralise les mots, il phonétise des parties du discours; comme le fera après lui Raymond Queneau. Il n'est pas avare de néologismes, et a recours, avec bonheur, au pastiche, de Joyce donc, mais aussi de Rabelais et certainement d'autres auteurs, allez-y voir. Il n'oublie pas de ridiculiser allusivement le duce.



Ce texte est réputé comme un des sommets de la littérature italienne du XXème siècle. C'est une oeuvre baroque et protéiforme. Elle est la manifestation que tout est permis en littérature, hormis la médiocrité. C'était un roman dont j'attendais beaucoup. Il m'a fallu saisir la tournure d'esprit, jouer le jeu. Je penses que c'est une de ces oeuvres qui perd un peu de son sel à la traduction.
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La Connaissance de la douleur

Ce livre, je répugne presque à parler de roman, tant il est difficile à définir, est impossible à résumer. Les personnages se meuvent dans un pays imaginaire de l'Amérique du Sud, le Madragal. Au centre de la narration se trouve Gonzalo Pirobutirro d'Eltino,une sorte de Don Quichotte, mais sans l'idéalisme et la poésie de ce dernier. Il vit avec sa mère dans une villa, dans une sorte de misère décente, et semble d'après le propos général, sombrer progressivement dans la folie.



Le livre se contente en fait de brosser des portraits de personnages à différents moments, éventuellement à raconter des anecdotes isolées, difficile de parler d'une intrigue continue. Mais le livre est resté inachevé, même s'il semble qu'il ne manquait pas beaucoup de pages pour qu'il soit fini, et il se clôt sur un meurtre, qui reste du coup inexpliqué, même si une hypothèse vraisemblable traverse forcement l'esprit de tout lecteur.



Il semblerait que Gadda ait mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Gonzalo: comme lui il est ingénieur, alors qu'il aurait préféré se consacrer à la philosophie, son frère aîné et préféré de sa mère est mort à la guerre, il y a aussi cette villa à laquelle la mère est très attachée, elle a consenti de gros sacrifices pour la garder, alors que le fils l'exècre. La relation mère fils est à mon sens le sujet principal du livre, une sorte de lien très pathogène, source de souffrances et d'égarements, bâtie dès le départ sur une totale incompréhension de l'autre, comme s'il s'agissait de deux représentants d'espèces différentes, vivants dans des mondes totalement coupés l'un de l'autre.



Mais au delà des thèmes abordés dans le livre, ce qui est le plus essentiel, le plus original, le plus fort, c'est l'écriture de Gadda. Une écriture baroque, on pourrait presque dire que cet adjectif n'a jamais été aussi justement employé que pour définir cette écriture-là, mais aussi grotesque et grinçante. Une écriture pétrie de culture et de références, littéraires, philosophiques, concernant aussi la mythologie étrusque, truffée de mots précieux et rares. Une sorte de poussée de lave impossible à arrêter, qui semble surgir et se répandre dans tous les sens.



Pour résumer, il s'agit d'une expérience de lecture forte, rappelant pour moi, les impressions que j'ai pu ressentir à lire Ulysse de Joyce, ou peut être encore plus L'homme sans qualités de Musil, mais une expérience exigeante, qui demande de l'attention et une très concentration, à l'opposé d'une distraction facile et agréable.
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L'affreuse embrouille de via Merulana

Malgré la perte considérable que doit inévitablement causer la traduction en français de ce livre jouant avec la langue et les différents dialectes italiens, le chef-d'œuvre est parfaitement reconnaissable. Son audace et son inventivité prodigieuses en font l'un des plus grands romans que j'aie lu, tenant sans conteste son rang face à "Ulysse" ou à 'Voyage au bout de la nuit".
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L'affreux pastis de la rue des Merles

Je préfère la traduction de Louis Bonalumi, l'argot romain est mieux cadré, l'hésitation, la honte, l'ironie, comme un visage, ici est mieux retranscrit. La nouvelle traduction est plus exacte, dont le titre, embrouille, est approprié, mais Jean-Paul Manganaro, lui-même écrivain, cherche l'angle précis, ce qui distille un tant soit peu le côté baroque et profus.

Je crois que j'ai trop lu et relu Gadda...
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Lettres à Gianfranco Contini : [1934-1967]

Correspondance entre le grand écrivain et l'un des critiques les plus réputés d'Italie.A la fois amitié et collaboration , ces lettres commencent en 1934 et s'achèvent en 1967 à la veille de la mort de Gadda. On y retrouve son style si particulier , son invention lexicale et syntaxique .cependant la lecture demande une très bonne connaissance de Gadda et de la vie littéraire italienne.
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L'affreuse embrouille de via Merulana

Un vocabulaire qui fleurirait n'importe quel jardin abandonné. Une richesse d'observation surprenante, des comparaisons amusantes.

Dans tout ce foisonnement j'ai un peu perdu le fil, mais je le reprendrai volontiers un jour de pluie pour faire naître le soleil.
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La Connaissance de la douleur

La Connaissance de la douleur a paru en 1963 chez Einaudi et a été traduit en français en 1974, et de façon tout à fait remarquable, par Louis Bonalumi et François Wahl, qui du reste propose une intéressante lecture de ce roman en postface de l'édition du Seuil (1). Ce roman aussi magnifique que complexe et difficile, sobrescrito, surécrit comme eût dit Borges, puisant à une multitude de sources évidentes (comme Les Fiancées de Manzoni, Platon, la littérature latine, Dante) ou beaucoup plus discrètes (Joyce et, via ce dernier, Sterne), a en fait été rédigé entre 1938 et 1941, juste après que Carlo Emilio Gadda, en 1936, procède à la vente de la villa dans laquelle il vivait avec sa mère, décédée cette même année. Ce roman pourrait, à bien des égards, être compris comme une étrange cristallisation de haine, et la volonté, une fois le Mal emprisonné dans un réseau de mots, de l'observer et, qui sait, de tenter d'en comprendre la structure et peut-être même, folle espérance, en atténuer quelque peu l'absolue noirceur : «Une douleur sans espoir s'empara de l'âme du fils : la douceur lasse de septembre lui parut irréelle, une image fuyante des choses impossibles ou perdues. Il eût voulu s'agenouiller et dire : «Pardonne-moi, pardonne-moi ! Maman, c'est moi !» Il dit : Si je te trouve encore une fois dans le bran aux cochons, je vous égorge tous, eux et toi avec» (p. 223). Tâche impossible bien sûr, qui pourtant est toujours celle, ne peut toujours qu'être celle des plus grands romanciers.
Lien : http://www.juanasensio.com/a..
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L'affreuse embrouille de via Merulana

Je viens de mener à bien la double lecture de ce roman-monstre (en V.O. et en traduction) . Le lire en italien fut une ascèse et une dégustation raffinée : quelle fête du langage ! quel torrent de mots tour à tour grotesques et poétiques , scandé par des allitérations digne d’un slameur ! Tous les registres , tous les accents , tous les styles …. Attention , même si une enquête pour meurtre est au cœur du récit ce n’est en aucun cas un polar ! Chaque détail , les cheveux de l’inspecteur , le pantalon trop serré d’un carabinier , le rapport d’une poule et d’un train , est prétexte à digressions tourbillonnantes et musicales ; à considérations philosophiques, à satires ravageuses du Duce ( « le Douché » ) , à regards aigus sur la bourgeoisie et la misère romaines . Un chef d’œuvre qui pour moi évoque ce que fait Céline en français.
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L'Adalgisa : le croquis milanais

Bienvenue dans l'univers de Carlo Emilio Gadda, un univers centré sur la ville de Milan, son dynamisme et sa démesure de grande métropole du Nord de l'Italie! Ici, c'est cette ville qui est le personnage principal et c'est ensuite que vient l'Adalgisa, veuve s'occupant du cimetière Monumental. C'est aussi l'essor et l'omniprésence de la Bourgeoisie et de l'urbanisme, ajoutant à cela le dialecte milanais et la "milanesità", aspects typiques de la vie milanaise et de ses habitants. L'histoire aurait pu être intéressante, malheureusement la difficulté du dialecte associé à la langue italienne standard a rendu ma lecture très complexe :(
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L'affreuse embrouille de via Merulana

L'embrouille est à tous les étages dans ce livre paru pour la première fois au milieu des années 1950 et qui évoque irrésistiblement des images de films néoréalistes.

Embrouille dans l'histoire : deux jours après un vol de bijoux dont a été victime une comtesse résidant dans un immeuble de via Merulana (rue des Merles), c'est un meurtre qui est commis dans l'appartement d'en face. Cambriolage et crime ont-ils un seul et même auteur ?

Embrouille aussi dans les références : pour qui ne possède pas la culture de Gadda, c'est-à-dire la plupart des lecteurs, suivre le fil de sa pensée et comprendre ses allusions poético-scientifiques est assez ardu, malgré tout l'appareil critique déployé par le traducteur (longue présentation, qui n'est guère plus limpide, et notes).

Embrouille enfin dans l'écriture, et là je ne suis pas sûr que le traducteur ait fait du bon travail dans sa louable tentative de restituer le style de Gadda, qui utilise le langage parlé dans la plupart des dialogues mais aussi, sans crier gare, dans des paragraphes descriptifs ou narratifs. Je serais d'ailleurs curieux de comparer cette traduction récente à celle de la première édition française, du début des années 1960, qui rendait l'italien "pasticciaccio" du titre par le français "pastis" (depuis, la com de Ricard est passée par là et le mot fait davantage penser à la boisson anisée qu'au "sac de nœuds"). Autant la manière de Quadruppani dans la série des Montalbano me semble pertinente, autant les partis pris du traducteur de Gadda conduisent selon moi à un texte relativement indigeste – mais peut-être est-ce la prose de l'auteur italien qui est elle-même trop touffue pour engendrer autre chose qu'une adaptation rappelant un grand plat de spaghettis.
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La Connaissance de la douleur

Roman célèbre, que j'avais commencé à lire il y a... trente ans ? sans parvenir à l'achever (mon temps était alors mité par le métier), et que sous un prétexte fallacieux (je suis à la recherche d'un roman dont il ne me reste qu'une brève note dans l'un de mes carnets, dont la seule chose que je sais est qu'un personnage se nomme Efisio ; or, le chat de Geppetto m'a affirmé que ce roman est La Connaissance de la douleur : ce qui est faux), je viens enfin de lire dans son intégralité.



C'est un roman inachevé, de peu, (il ne lui manquerait qu'une dizaine de pages), et d'ailleurs inachevable, selon François Wahl, l'un des deux traducteurs : comment le personnage principal, Gonzalo Pirobiturro d'Eltino, qui a beaucoup de traits communs avec l'auteur, pourrait-il être coupable de l'action abominable que le roman tend à lui prêter ? Mais, par ailleurs, comment le coupable pourrait-il être un autre que lui ? Qu'on me pardonne ces formules contournées, qui visent à ne rien divulguer de l'intrigue... Nous sommes donc dans un pays imaginaire, au pied de la Cordillère des Andes, le Maradagàl (qui a toutes les apparences de la Brianza, la région de piémont au nord de Milan où la famille Gadda avait une villa, minutieusement décrite dans le roman), au début des années 30, au sortir d'une guerre victorieuse contre le Paradagàl (Mara contre Para : guerre de la mère contre le père ?). le héros, si l'on peut le qualifier ainsi, souffre des séquelles psychologiques de cette guerre, au cours de laquelle il a perdu un frère (comme Gadda lui-même), et aussi d'une humeur atrabilaire qui lui rend insupportable la fréquentation de ses semblables, qu'ils soient de la bourgeoisie ou du petit peuple de péons et de lavandières qui s'insinue chez lui avec la complicité de sa mère.



Mais l'intrigue, que Gadda conduit avec une grande désinvolture, importe assez peu. C'est un livre qui ne tient que par la langue. Elle est d'une extraordinaire invention, foisonnante, labyrinthique, mêlant tous les registres, tour à tour savante et triviale, claire et obscure, saturée d'allusions littéraires, historiques et personnelles, dont François Wahl, dans sa belle postface, nous donne quelques clefs. Je me suis souvent plaint de la piètre qualité des traductions de romans. Celle-ci, due à Louis Bonalumi et François Wahl, est admirable : somptueuse, d'une extrême richesse, et même d'une folle invention, créant des néologismes dans notre langue pour remplacer ceux, très nombreux, de l'original italien, ajoutant même à l'occasion, sans déparer aucunement, quelques réjouissantes « notes du traducteur » en bas de page, dans le ton de l'auteur. Presque tout le plaisir de la lecture réside dans la langue de Gadda – le seul, peut-être, des écrivains modernes à avoir su donner vie au vieux rêve de Faubert.



C'est aussi la limite de ce roman, ce qui fait que Gadda est inférieur aux grands écrivains du siècle, Claude Simon ou Faulkner par exemple. Car les tourments du personnage principal et sa dureté dans ses rapports avec sa mère ne suffisent pas à créer un monde. Mais c'est une expérience de lecture qu'il faut avoir faite, ou plutôt vécue, une fois dans sa vie.

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La mécanique

J’ai lu avec plaisir cette œuvre de jeunesse de Gadda . Ce n’est pas un auteur facile mais quelle puissance ! Il me fait penser à Céline ,par la virtuosité linguistique mais aussi l’ironie féroce avec laquelle il évoque la guerre de 14 et la société milanaise de l’époque. .
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La Connaissance de la douleur

On suit le docteur qui raconte ses discussions, s'épanche et discute encore, des ragots, des rumeurs, du colportage, des ouï-dire, tout le village y passe, le discours enfle, c'est l'univers sur une tête d'épingle: Gadda, c'est une épistémologie de l'enchevêtrement, une philosophie pour la plèbe à la manière de Chirico, une encyclopédie grotesque et furieuse; du docteur, de sa baguette - les cailloux qui virevoltent, les cigales qui chantent, le ver qui creuse - une tragédie en farce se met en place, cinglante, brutale: c'est toute la puanteur et la misère d'un péon en sabot, mâchonnant des brins d'herbes; toute la puanteur d'un fromage: la puanteur du fascisme. Sans oublier la gloutonnerie de ces filles qui conduisent dangereusement, la Peppa, ou la Peppinna, ou la Giuseppina, la pine qui se confond, s'enfonce, corne d'abondance refusée au fils: de ces poires-beurre en réceptacle, utérus inversé, suave, tant désiré, mais si peu protégé.





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Novella seconda

Différents récits des débuts de la carrière d'écrivain de Gadda où la préoccupation du romanesque l'emporte sur la "voix" singulière qui sera celle des récits ultérieurs. Le premier récit est accompagné d'intéressantes notes de travail qui permettent de suivre les progrès de son élaboration.
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