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Citations de Caroline Hinault (153)


Quand je pense que même une poule des neiges, une petite perdrix qui roule bêtement de l'œil comme celles qu'on croise depuis tout à l'heure, est capable de perdre sa collerette noire en hiver pour se rendre invisible aux prédateurs, je me dis qu'on peut y arriver aussi. À s'adapter. T'es pas plus con qu'une poule si ? Je me tourne vers lui, essoufflé parce qu'on marche d'un bon pas et que le gosse a de l'endurance malgré la parka, le poids du fusil et l'air froid qui nous rentre perpendiculaire dans les poumons. Il hoche la tête. Sûr qu'il était plus malin qu'une perdrix.
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Si le temps peut servir à une chose dans nos vies de cafards, ça devrait au moins être à ça, à y rouler les choses trop laides pour être racontées et en faire un grand cigare aller qu'on fumé seul, le soir, avant d'en faire retomber les cendres froides sur nos armes jaunies.
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Si on a la chance de ne pas crever de froid ou dans une crevasse, l'autre danger blanc, plus rare, mais qu'il faut pas oublier quand même, c'est le Pater. L'ours blanc. Mâle ou femelle, c'est pareil. Sur Solak, on sort jamais sans son fusil, jamais. Attention, ça veut pas dire qu'il faut forcément lui tirer dessus. Si tu le croises, t'attends de voir comment ça se passe. Parfois ils cherchent juste leur chemin, ils te regardent avec leur tête de faux nounours mais de vrais carnivores et puis ils font demi-tour, ils te snobent de leur gros cul dédaigneux.
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C’est à moi que le médecin de la base a donné les indications pour plâtrer, en plus du vieux manuel dans la caisse de survie. Heureusement pour Grizzly, y a pas de plaie ouverte et avec un peu de chance, mais comment savoir, la fracture est pas trop déplacée. Si on réussit à faire un plâtre correct, il sera immobilisé au moins six semaines. Roq a rigolé mauvais en entendant ça parce qu’on l’était tous, immobilisés, et plus que ça en vérité, y avait qu’à voir le grand beau plâtre impeccable que faisait la banquise autour de nous et qui nous tenait chacun jusqu’aux cheveux sans qu’on sache trop la nature de la blessure. Grizzly finalement, c’était le moins atteint. C’était temporaire. Au printemps, il s’envolerait vers le brise-glace et nous laisserait éternels convalescents dans les bandages souillés de la débâcle.
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Le gamin a posé son quart vide sur la table, s’est essuyé la bouche du revers de la main et a enfin ôté sa parka et son bonnet. Il a sorti de là-dessous comme une allumette de sa boîte un corps tout sec et cassant, une brindille de muscles fins et nerveux qui s’entortillaient autour de son squelette jusque dans son cou et finissaient de se nouer autour de sa jugulaire. Au-dessus de son visage d’accident se dressaient des cheveux ras très noirs qui allaient bientôt repousser vu qu’ici on est pas trop regardant sur la coupe militaire et que tout pelage est le bienvenu pour lutter contre le rasoir du froid.
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Les caisses contiennent pourtant jamais rien d’incroyable, aucune révélation, si bien que je frétille pas non plus de la queue, mais ça donne une chance à cette crevure d’illusion qu’on croit toujours avoir bien écrabouillée au fond de soi et qui palpite encore parfois comme quoi, saleté d’espoir. L’avantage de l’âge c’est qu’on le fait taire très vite et moi je suis trop vieux pour tout, y compris cette saloperie de froid qui me craquelle la bouche et me couperose tellement la gueule que j’ai l’air d’un lutin de papier mâché roulé dans le sucre glace.
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Des litres de vodka pour arroser notre solitude. J'ai souri à demi parce que j'étais content moi aussi, du ravitaillement des bouteilles et peut-être même de voir Roq dans cet état, même si dans le fond de mon estomac quelque chose remuait gluant et noir parce que je sais trop bien comment la vie finit toujours par vous glisser sa main froide dans la nuque avant de vous plonger la tête dans une masse sans air et bouche-espoir. (P.21)
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Faut avouer, le ravitaillement c'est un événement qui tend son cou de dindon a la surface des jours, ça fait toujours son petit effet dans nos caboches tièdes. Les caisses contiennent pourtant jamais rien d'incroyable, aucune révélation, si bien que je frétille pas non plus de la queue, mais ça donne une chance à cette crevure d'illusion qu'on croit toujours avoir bien écrabouillée au fond de soi et qui palpite encore parfois comme quoi, saleté d'espoir. L'avantage de l'âge c'est qu'on le fait taire très vite et moi je suis trop vieux pour tout, y compris cette saloperie de froid qui me craquelle la bouche et me couperose tellement la gueule que j'ai l'air d'un lutin de papier mâché roulé dans le sucre glace.
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La lame s’enfonce dans la chair de l’abdomen comme un sexe d’homme dans un sexe de femme, c’est doux, ça glisse beurré dans les plis de l’autre, une caresse lente qui perce l’envers jusqu’à l’abîme offert où la colère tombe et implose.
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Le faux espoir que si le temps peut servir à une chose dans nos vies de cafards, ça devrait au moins être à ça, à y rouler les choses trop laides pour être racontées et à en faire un grand cigare amer qu'on fume seul, le soir, avant d'en faire retomber les cendres froides sur nos âmes jaunies.
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On le voyait bien qu’il était loin de nous, qu’il voyageait dans la chair des mots, ça se sentait qu’il y prenait une saloperie de plaisir, il aurait fallu nous expliquer, à nous autres, comment on pouvait plonger comme ça dans des phrases écrites par d’autres et que ça vous injecte direct du sucre au cœur.
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Ça fait que j'avance droit vers le chenal maintenant, même si je dois l'avouer, tout au fond très profond, ça granule encore un peu vivant, comme si des saletés de grains de doute me sablaient minuscules l'intérieur.
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Mais la dernière constante, celle qui remplit des pages à la chaîne, bombe joli mes cahiers année après année, c'est l'argent. Alors là, j'ai usé mes ciseaux. J'aurais sans doute dû commencer par ça d'ailleurs, puisque c'est la constante reine, celle qui chevauche toutes les autres, qui leur dégouline dessus et leur coule poisseuse sur le visage comme du sang frais sur la grille d'une meute affamée. Y a pas grand-chose qui me console d'être sur Solak mais ça oui, j'ai quitté la horde.
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Le problème c'est que les gens comme Grizzly savent pas lutter avec les vraies brutes qui ont jamais touché une goutte de nuance de leur vie alors que Grizzly a appris à nager dedans depuis sa plus tendre enfance, à croire qu'il en avait toute une piscine à la maison.
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Le temps devenait physique. Il s’agrégeait en substance visqueuse et glissait sous nos peaux, dans nos artères, circulait jusque dans nos veines les plus fines.
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Des fois, je nous regarde et je pense qu’on est comme le bon, la brute et le vieux schnock, le gosse compte pas, c’est un intrus depuis le début. Grizzly non plus faut dire, qu’est là entre parenthèses, mais Roq et moi, on est ici pareil qu’en prison, les deux facettes d’une même pièce rouillée à laquelle les terriens voulaient plus se frotter. Y a vingt ans déjà, tout le monde me fuyait, écœurant à voir faut croire, et les terriens, ça craint trop la contagion. Alors un bref salut de tête, un petit sourire contrit pour les plus lâches ou les plus naïfs, mais personne se lançait dans de grandes phases, personne n’est à l’aise avec le naufrage des autres qui est comme une confiture qui poisse aux doigts. Alors on esquive autant que faire se peut, on s’arrange avec l’horreur en la maintenant dans un périmètre restreint, un petit pré carré où l’autre peut venir brouter une ration de réconfort de temps en temps à la limite, mais pas plus. Bien sûr que les terriens se sont débarrassés de moi comme de Roq, faut pas croire, à la benne arctique les boulets.
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On aurait dit qu’il voulait qu’on n’en parle plus jamais le gosse, de lui, du blanc, du monde, ça en devenait pénible à la fin de le voir marcher vers rien avec cette haine au cœur, cet en-avant de la rage qui collait à ses gestes, engluait la masse légère de son corps dans une soupe de noirceur alors que jamais le blanc lave le noir, j’aurais pu le lui dire. Ça s’annule pas, ça se mélange peut-être dans un gris sale qui laisse la gorge un peu plus étranglée par l’ampleur du désastre, mais pas besoin de s’épuiser comme un con sur la banquise ou de risquer de tomber dans une crevasse pour comprendre ça, que jamais rien rachète nos péchés.
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On est tous arrivés ici pour la même raison, l’espoir d’amnésie à moins que ce soit d’amnistie, c’est le problème des grands mots, à deux lettres près comment savoir ? En tout cas l’espérance vénéneuse qu’à force de bouffer de la banquise, y aurait un peu d’innocence ou un truc originel bien limpide qui viendrait nous laver d’être des hommes. Le faux espoir que si le temps peut servir à une chose dans nos vies de cafards, ça devrait au moins être à ça, à y rouler les choses trop laides pour être racontées et en faire un grand cigare amer qu’on fume seul, le soir, avant d’en faire retomber les cendres froides sur nos âmes jaunies.
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En tout cas, quand il est arrivé sur Solak, j’ai tout de suite compris qu’il voulait pas se coltiner la partie militaire de notre identité, le moins possible. Ça le dérangeait nos vestes kaki alors que la sienne est bleue avec le sigle de son équipe scientifique. C’était pas son truc l’ordre, la hiérarchie. Et pourtant d’ordres, y en a pas beaucoup sur Solak, même si officiellement je suis le supérieur de tout le monde, de Roq et du gamin aussi maintenant, je sais plus si je l’ai dit. À quoi ça aurait servi de se sentir au-dessus de toute manière, par quels moyens j’aurais pu faire sentir que j’étais le chef ? Il faut du monde autour qui se laisse commander pour que ça existe, le pouvoir, c’est un mot qui démarre qu’à plusieurs, au carburant de l’obéissance. Et puis de toute façon ici, le vrai chef, le seul tyran, c’est la survie, cette chienne de survie qui nous tient par les tripes, les crocs bien plantés dans les intestins sans jamais lâcher son paquet de viscères. N’empêche, en cas de coup dur, les hommes aiment bien avoir un chef. Ça les soulage d’eux-mêmes.
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Mais Igor parlait seul avec nous, c’était ça le problème, c’est par le langage, toujours, que ça commence. Il avait trouvé refuge dans un coin de sa tête, le seul qui crachotait encore un peu de chaleur. Chaque jour qui passait, il se repliait un peu plus sur ce foyer minuscule qui brûlait dans sa boîte crânienne pour y réchauffer le ragoût de sa folie.
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