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Citations de Caroline Hinault (153)


Dans le fond, je savais que je crèverai là, jamais je reviendrai chez les terriens, c’était convenu comme ça.
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J’ai pas pu m’empêcher de penser au jour où l’hélico reviendrait chercher le gamin. Qui pouvait dire si je serais encore là quand le bourdonnement de l’appareil reviendrait briser la coque du silence pour hélitreuiller en sens inverse la recrue qui serait plus vierge mais transformée sévère par le froid et la grande Nuit, un jour ou l’autre, forcément ?
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Dans l’air soufflé par rafales, il avait fallu se remuer avec Grizzly et Roq, affronter les gifles du vent en se protégeant de l’avant-bras, avec le froid qui en profite toujours pour vous faire ses baisers d’aiguilles rouillées. Dépoter, empoter à rebours. On avait fait sauter les clenches, les gants s’étaient activés pour ouvrir les portes, sortir les caisses, ça pèse une tonne ces machins-là, une année de repas en boîtes, peut-être quelques fruits frais si l’intendant a bien voulu nous accorder une dose de fibres avant l’enfilade de haricots et de soupes qui nous bouchent le trou pire que du ciment frais, tout ça pour garder un drapeau quand on y pense, et que d’autres troufions puissent pas claironner au monde que leurs bottes sont prioritaires, ce morceau-là est à nous, rien qu’à nous. Au bout d’un moment, le bazar a été déchargé. Faut avouer, le ravitaillement c’est un événement qui tend son cou de dindon à la surface des jours, ça fait toujours son petit effet dans nos caboches tièdes.
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On attend. Attendre, c’est mille petites bouches de froid qui vous entament le corps sous la parka. Le container décolle du sol en grinçant pour s’envoler à la suite de l’hélico. Il plane léger en direction du brise-glace qui mouille à l’horizon et qu’on reverra plus avant des mois. Seul comme une mouche écrasée, le gosse se tient au milieu du terrain où les herbes commencent tout juste à redresser la tête.
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Il nous fait signe, se met à l’écart. On se précipite dans l’enfer de bourrasques, nos capuches sur la fente du regard, on saisit les câbles, les pinces, on réattelle tout le merdier, le container tout juste accouché de son précieux chargement dans lequel on a calé comme on a pu le cercueil d’Igor. On recule loin pour observer le troc de mort-vivant. On fait signe là-haut que c’est bon. On attend. Attendre, c’est mille petites bouches de froid qui vous entament le corps sous la parka.
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Un autre câble en l’air, une langue qui se déplie depuis la gueule de l’hélico et une silhouette de gamin qui descend laborieuse, c’est pas bon signe, bordel. Il va pas rester coincé entre ciel et terre ce couillon-là qui jette des regards dessous lui ? Il doit être en train de se demander ce qu’il est venu foutre dans cet enfer qui se passait très bien des hommes, mais il faut bien qu’il y ait un lieu, c’est celui-là.
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La lame s’enfonce dans la chair de l’abdomen comme un sexe d’homme dans un sexe de femme, c’est doux, ça glisse beurré dans les plis de l’autre, une caresse lente qui perce l’envers jusqu’à l’abîme offert où la colère tombe et implose.
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Dans un endroit comme Solak où on est quatre bonshommes obligés de frayer ensemble sur un bout de presqu'île glacée, y a un contrat tacite pendant la grande Nuit. On frôle les autres, mais on cherche pas à entrer vraiment en contact avec eux. Faut surtout pas péter la fragile bulle que chacun a soufflée autour de lui et dans laquelle il s'est enroulé pour supporter l'égouttement des jours sans lumière et du froid indescriptible qui ont plaqué la vie au sol.
Tout est suspendu, cotonneux, si bien que même quand on se parle, on essaie de pas être trop pointu, histoire que la parole soit raccord avec le duvet de pénombre dehors et que nos conversations forment un tapis le plus doux possible, du nécessaire sans aspérités. (P.80)
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On a beau vivre sur la banquise, s'il y a un truc qui gèle jamais, c'est l'orgueil des hommes.
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C'est une douleur qui vous caresse, un deuil qui vous glisse dessus sans jamais vous pénétrer vraiment, le jour qui se lève plus.
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Si les hommes avaient un peu de jugeote, ils essaieraient pas d’être heureux. Ils auraient plus besoin d’être consolés. Ils seraient comme moi, barbe grise sur neige blanche, vieille peau collée au permafrost, c’est bien suffisant. Oublier le monde, les autres et soi, avancer dans les traces invisibles du silence qui se répercute dans l’espace, oublier le monde, les hommes, leur folie, marcher dans le froid cinglant, chercher ce néant-là qui monte comme la jouissance qu’on sent venir, la pointe de l’oubli toute proche, à portée de pieds, de jambes, tout l’être soulevé, emporté, un pas puis l’autre dans la neige, rien de plus simple ni de plus complexe. Y parvenir sans penser, ne plus chercher à parvenir, se rassembler tout entier sous l’abri du vide. Oublier d’être un homme.
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Alors bordel Grizzly, nous fais pas chier avec ta pureté piégeuse, parce qu’il y a rien qui appelle plus au crime, rien qui déclenche plus l’envie de répandre le sang, de profaner et d’anéantir, qu’une étendue immaculée. Toute cette blancheur, crois-moi, ça réclame la déchirure. Ça implore la souillure. »
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Mais la pureté c’est rien qu’une saloperie d’idée qu’il faudrait exterminer, un mirage dangereux, une flaque d’eau givrée dans laquelle les hommes aiment à se contempler et croire en leur innocence possible, leur noblesse d’âme, leur propre élévation, par le terrien est comme ça, il a toujours besoin de croire qu’il peut s’élever. Alors il travaille dur à sa propre extraction, trime à se faire neuf, divin faut croire, en tout cas à se hisser hors-corps, hors-terre, pour finalement mieux détruire, mieux s’abaisser et tout souiller y compris la banquise qu’est tentante comme une jeune vierge avec sa promesse d’absolu.
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L’horreur. Sa pureté, c’était une belle anarque. Tous les clampins qui débarquaient ici, pas souvent c’est vrai, mais depuis vingt ans j’en ai connu quelques-uns quand même, finissaient toujours, cette bande de guignols, à un moment ou à un autre c’est inévitable, par s’émouvoir devant la banquise et éructer une bonne grosse connerie sur la pureté. A quel point c’est beau, impressionnant, désirable même, tout ce blanc merveilleux qui nous remet bien à notre petite place de virgule sale, ce genre de bavasseries que les poètes à la Grizzly enfilent comme des perles sur leur collier de naïveté à la con.
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Je lui ai craché qu’il nous emmerdait avec sa pureté bordel, qu’il se fourrait le doigt dans l’œil jusqu’à l’os avec sa pureté qu’existe pas, parce que là, sous nos pieds, c’est rien que de dizaines de cadavres de sous-marins, un vrai petit cimetière nucléaire. Rien n’est jamais ce qu’il paraît, c’était pas à lui que j’allais apprendre ça quand même, à tout endroit son envers, sous la pureté, la noirceur, le métal, la rouille.
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J’ai pas parlé de ça le soir, aux autres, dans la Centrale. Après le poisson séché et les fruits en boîte, Grizzly nous a demandé comment s’était passé notre sortie sur la banquise. Le gamin s’est renfrogné, j’ai sifflé un peu de vodka du bout des lèvres. Pour une fois, Grizzly a insisté et comme il se fait lyrique parfois à cause de l’embâcle tout neuf, de ses grandes idées et aussi de l’espoir qu’il a encore pour les terriens sans doute, il a lâché le mot pureté. Quelle pureté quand même, ou quelque chose comme ça. Je sais pas si c’est parce que j’étais crevé d’avoir galopé après le gosse toute la matinée sur cette saloperie de banquise instable, ou cette impression pénible que ça m’avait laissé, cette tension qui me lâchait pas depuis, mais j’ai gueulé mauvais sur Grizzly pour la première fois.
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...ce qui est certain, c'est que sur Solak, le temps on le voit mieux passer qu'ailleurs, chaque l'unité ressort bien nette à l'angle droit, pas comme chez les terriens avec leur rempart d'activités qui leur bouchent la vue.
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On a beau vivre sur la banquise, s'il y a bien un truc qui gèle jamais, c'est l'orgueil des hommes
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Il nous a expliqué tout son bazar en arrivant, ses mesures soi-disant déterminantes, comme quoi personne n’y prêtait attention pour l’instant mais que ça deviendrait vite une préoccupation majeure de l’humanité, carrément, et le pire c’est qu’il disait ça sans un copeau de vanité, comme si lui n’existait pas là-dedans, que ça le dépassait comme dans un de ces bons gros mythes à la con où tout est plus grand que nous.
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Aucune révélation, si bien que je frétille pas non plus de la queue, mais ça donne une chance à cette crevure d’illusion qu’on croit toujours avoir bien écrabouillée au fond de soi et qui palpite encore parfois comme quoi, saleté d’espoir...
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