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Critiques de Chinua Achebe (120)
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Okonkwo est un homme respecté au sein de son clan. Il a trois épouses et 9 enfants. Sa prospérité, il la doit à son seul courage et à sa détermination; non à l’héritage d’un père qu’il méprise tant pour sa paresse que pour sa couardise. En toute circonstance, Okonkwo veille à ne montrer aucune faiblesse. Comme celle des autres membres du clan, son existence est régie par un ensemble de rites et de croyances figés auxquels il obéit aveuglément. Même lorsque ces règles le conduisent à poser des gestes qui vont à l’encontre de son inclination personnelle, jamais il ne les remet en cause....



(lire la suite)...



http://coupsdecoeur.wordpress.com/2010/02/23/le-monde-seffondre/
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

EX-CEP-TION-NEL !

Waouh ! Ce n'est pas si fréquemment que je me laisse aller à un tel enthousiasme, mais là, là, il faut bien reconnaître que c'est un très, très grand livre, de l'ordre de l'exception. Par siècle, très peu d'endroits du monde sont capables de produire un livre comme celui-ci, car il faut une conjoncture d'événements particulière, et parmi ces endroits, encore faut-il avoir la chance d'avoir un Chinua Achebe sous la main.



Par exemple, nous autres Français, aussi orgueilleux que nous puissions être de notre littérature et de son histoire, nous ne pouvons pas nous targuer d'un Chinua Achebe. Les Islandais le peuvent, éventuellement les Grecs et les Italiens le peuvent, et encore, c'est assez discutable pour ces deux derniers, mais nous, non. Les Anglais, les Allemands ou les Espagnols non plus.



Comment vous dire ? Pour avoir un Chinua Achebe en France, il aurait fallu que la conquête des peuples gaulois par les Romains nous ait été décrite dans un récit riche et structuré par un écrivain du cru, un Éduen, un Arverne ou un Rème, par exemple. Il aurait fallu qu'il nous décrive de l'intérieur ce qu'était la (les) société(s) gauloise(s) et comment s'est effectuée la conquête, étape par étape. Là, nous aurions eu un Chinua Achebe, mais tel n'est malheureusement pas le cas.



Oui, en fait, le seul livre tant soit peu comparable que je connaisse est la Saga de Njáll le Brûlé, l'une des sagas islandaises du Moyen Âge qui nous conte l'implantation du christianisme en Islande et de la perturbation que cela a causé dans toute la société d'alors. Elle aussi avait son héros, c'était Gunnar en Islande, c'est Okonkwo au Nigéria. D'ailleurs, ces deux-là ont un destin très similaire.



Waouh ! Je le redis car j'ai peine à le croire tellement c'est fort. Quel témoignage ethnologique exceptionnel ! Merci monsieur Achebe d'avoir sauvé de l'oubli dès 1958 — c'est-à-dire avant l'indépendance du Nigéria — toute cette culture, toute cette tradition aujourd'hui disparue pour l'ethnie des Igbos. Imaginez si nous avions un livre qui nous parlait de la société néolithique qui a élevé les menhirs de Carnac, imaginez si nous avions un témoignage écrit du mode de vie à l'époque des pèlerinages de Stonehenge. Imaginez le bonheur que serait le fait de pouvoir lire de la main d'un Aztèque l'arrivée des Espagnols ou bien l'implantation de l'Islam en Asie centrale vue par un Ouzbek d'alors. Eh bien c'est ça qu'il nous offre, rien de moins. Ça et, évidemment, comment cela s'est terminé, d'où son titre.



La quatrième de couverture cite un proverbe africain qui colle merveilleusement au propos du livre et qui m'évoque immanquablement La Guerre Des Gaules de César : « Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, l'histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur. »



En somme, nous suivons donc le destin d'un homme au caractère bien trempé, Okonkwo, un homme qui a envie de s'élever dans son clan et qui est attaché à la tradition des ancêtres. Dans la première partie, l'écrivain nous dresse le tableau de cette société traditionnelle disparue et, ce qui est remarquable, sans angélisme aucun. Il montre tant ses bons que ses mauvais aspects. Il n'hésite pas, par exemple, à nous montrer le rituel d'un sacrifice humain en réponse à de supposés oracles, exactement comme ils devaient se dérouler en Europe au néolithique et à l'Antiquité.



C'est un tableau vivant et d'une richesse rare. Les parties deux et trois font le récit de l'implantation progressive des blancs, via la religion et les missionnaires dans un premier temps, mais aussi et surtout, par son bras armé ensuite.



Chinua Achebe, montre, démontre ou remontre s'il était besoin, que la religion — tout au moins les grandes religions monothéistes encore dominantes de nos jours — sont et ont toujours été des éléments de pouvoir et de soumission. Depuis l'empereur Constantin c'est particulièrement vrai de la religion chrétienne. Christopher Marlowe, un témoin d'époque, n'en pense pas moins au moment des guerres de religion du XVIème siècle en France. La radicalisation religieuse que nous vivons en ce moment n'en est qu'un autre et énième avatar.



Bref, j'ai adoré m'imprégner de la culture de l'igname, du mode de pensée et des structures claniques, avec leur fonctionnement propre qui, je me répète, me rappellent énormément le fonctionnement social de l'Islande pré-chrétienne.



Oui, c'est donc un immense coup de coeur que ce Tout S'Effondre, un livre que j'avais emprunté à ma bibliothèque fétiche mais que je vais me dépêcher d'acheter, car c'est un livre que je tiens à avoir sous la main dans ma propre bibliothèque ; un livre d'une rare valeur. Mais bien sûr, ce n'est que mon avis, c'est-à-dire très peu de chose.
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Ce livre raconte en trois parties l'histoire d'Okonkwo, un homme ambitieux et dur. Durant toute sa vie Okonkwo travaille à devenir un grand homme dans son clan. Mais il tue accidentellement un jeune homme et doit s'exiler pendant sept ans. Quand il revient d'exil, les Blancs ont pris le pouvoir dans son village.



J'ai beaucoup aimé ce livre et je le trouve très bien écrit. L'auteur prend vraiment le temps de décrire les coutumes et le fonctionnement du clan et cela souligne le clash entre le Blanc colonisateur et les membres du clan.
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Un petit village de cases dans la forêt équatoriale au sud-est du Nigéria. Deuxième partie du XIXe siècle.



Okonkwo est devenu chef de clan à la force des poignets. Travailleur infatigable, il a voulu compenser la paresse de son père qui faisait de l’ombre à son orgueil. Société patriarcale d’agriculteurs, les Ibos cultivent principalement l’igname, le maïs et le gombo et fabriquent un vin de palme fort apprécié. Au cours d’entretiens avec les sages des tribus voisines, les hommes partagent la noix de kola après leurs palabres interminables.



Le respect des traditions, le culte des ancêtres et la communication avec les nombreux dieux sont indissociables de leur vie hiérarchisée. Les us et coutumes ainsi que les superstitions sont évoqués dans une première partie qui m’a fait instantanément penser à ces « rendez-vous en terre inconnue », à ces tribus qui vivent loin de la civilisation – où qu’elles soient dans le monde – mais qui, tôt ou tard, disparaîtront ou seront absorbées par les villes.



Depuis qu’un jour, pour respecter la vision du sorcier, Okonkwo tue le meilleur ami de son fils, qu’il avait adopté et qui comblait son ambition, sa vie va changer irrémédiablement : les anciens l’avaient dissuadé de cette exécution, son fils fuit le village, Okonkwo tue le sorcier par maladresse et est condamné à un exil de sept ans, toujours selon la loi tribale. La séparation devient inévitable à tous les niveaux. Le village perd son chef, la famille est démantelée, les valeurs ancestrales prennent un coup dans l’aile et, pour ne rien arranger, des étrangers européens sillonnent le pays pour imposer leurs mœurs et leur religion.



Le début du colonialisme britannique désorganise l’ordre social, les missionnaires blâment les sacrifices humains – ces sauvages n’enferment-ils pas les nouveau-nés jumeaux dans des jarres pour les enterrer dans la forêt, ne font-ils pas appel aux incantations du représentant des dieux pour rendre la justice ? Ils dénigrent tout autant la polygamie, la violence entre clans, ridiculisent les coutumes ancestrales tout en vantant les merveilles des techniques et des outils européens qui facilitent la vie et apportent la richesse. Un dieu remplace tous les autres, il est bon et miséricordieux.



Les missionnaires sont rompus aux belles histoires de la Bible et les Africains adorent les contes.



Le titre du livre est extrait du poème de Yeats « The Second Coming » :

« Tournant, tournant en cercles toujours plus larges, le faucon n’entend plus le fauconnier. Tout s’effondre, il n’y a plus de centre. L’anarchie se déchaîne sur le monde »



Chinua Achebe est né en 1930 dans le Sud Nigeria, de parents chrétiens d’expression anglaise. Ses études universitaires le conduisent à travailler dans la communication (radio, rédacteur en chef, professeur d’anglais). Il voyage beaucoup en Afrique, en Angleterre et aux Etats-Unis. Il est professeur dans plusieurs universités. En 1960, le Nigéria obtient son indépendance mais n’évite aucunement les clivages ethniques et religieux. Chinua Achebe a toujours soutenu les sécessionnistes du Biafra (sa région natale) et il est le premier écrivain africain à raconter d’un point de vue africain les déboires de son peuple face à la colonisation.



Plusieurs fois, il a été pressenti pour recevoir le prix Nobel de littérature et les plus hautes récompenses dans son pays, prix qu’il a refusés en protestation à la politique dictatoriale du Nigéria.

Il est mort à Boston en 2013.



L’écriture de Chinua Achebe est très expressive et simple. Le traducteur a gardé des expressions de la langue ibo, ce qui rend hommage à la culture de ce peuple et donne au texte une sonorité ardente et énergique.



Lecture attachante proposée par NastasiaB que je remercie vivement.

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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

D’emblée, le style évoque une ambiance de conte. Une fable transmise par la tradition orale, telle qu’un griot aurait pu en égayer une assemblée au cours d’une veillée. Le héros se dresse au coeur du récit, droit, puissant, courageux, figé dans ses certitudes d’autant plus ancrées en lui qu’il est le fils d’un homme peu méritant, à l’aune des valeurs des tribus nigérianes de l’époque que l’on situe au début de la colonisation.



Les coutumes tiennent lieu d’armature sociale, les luttes tribales réaffirment si besoin la suprématie de tel ou tel groupe, l’animisme tient la population captive sans qu’une quelconque remise en cause ne vienne troubler les traditions. Mariage, justice, maladie, obsèques, tous ces temps forts d’une assemblée sont décrites avec précision , conférant une dimension ethnologique au récit.





Il en va autrement dans la dernière partie du roman, lorsque les blancs viennent troubler l’ordre établi, brandissant le vrai dieu, incompatible avec les croyances jugées primitives.



Le style simple est en accord avec le message passé et donne une couleur authentique au récit. Mais il n’empêche pas une réflexion argumentée sur la religion lors de la confrontation des idées.



C’est le premier volet d’une trilogie dont hélas les tomes 2 et 3 ne sont pas traduits. Il est tentant de les lire en anglais tant on a envie de découvrir la suite et les conséquences de l’invasion des colonisateurs. Ou de supplier Actes sud de donner une chance à ces romans.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Les peuples d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique qui ont eu la primeur, et l'immense et infini bonheur de voir de leurs propres yeux l'arrivée des Européens, ont eu le privilège, en même temps, d'assister à la fin d'un monde – celui qui rythmait leurs vies. En Indonésie, sur l'île de Bali, ils appelèrent cet épisode tragique du nom exotique de « Poupoutan » : la fin. (que Vicki Baum décrit dans son très beau roman « Sang et volupté à Bali », que je ne saurais trop conseiller, même si l'auteur, dans sa préface, considère la colonisation comme une œuvre... « civilisatrice » !).

Le célèbre roman de Chinua Achebe décrit ici un épisode similaire de la colonisation, en pays Igbo, au Nigéria, et qu'il a choisi de nommer, sans exotisme cette fois, « Le monde s'effondre ».

Le monde qui s'effondre, la fin du monde, voilà la sempiternelle conclusion de la rencontre entre les si gentils missionnaires et soldats envoyés de l'Europe, et ces communautés villageoises de paysans et d'artisans disséminés alors sur la planète. Mais pour les colonisateurs, pour ces officiers qui deviendront généraux (aussi bien un monarchiste comme Lyautey qu'un républicain comme Gallieni, décrivirent de ce point de vue la colonisation, dans de nombreux rapports et mémoires), on parle plutôt de « pacification des tribus primitives » !

Alors, certes, la vie de ces communautés villageoises n'était pas rose, vivant selon des coutumes tribales parfois violentes et injustes, rythmées par des croyances magiques sinon religieuses, en tous cas irrationnelles, ce qui n'est pas toujours idéal pour les hommes, et encore moins pour les femmes. Ces sociétés étaient rarement « pacifiques », certes, mais cela donne-t-il le droit à une société technologiquement plus avancée et politiquement plus structurée, d'imposer sa religion toute aussi intolérante, sa civilisation toute aussi violente, et son économie, beaucoup plus spoliatrice et exploiteuse ?

Chinua Achebe montre un peu tout cela, en filigrane. L'essentiel du roman est la description de la vie au village d'Umuofia, les histoires qu'on se raconte, les relations entre les villages, jusqu'à l'arrivée de ces européens. Ces européens qui ne font pas partie de la fraternité humaine, non, car ils sont manipulateurs, dominateurs, deviennent vite des ennemis, mais un ennemi si puissant qu'on ne peut rien contre lui, ni le raisonner, ni le chasser.

[C'est précisément le cauchemar décrit par tant d'auteurs de science-fiction : la rencontre avec une civilisation venue d'ailleurs, technologiquement surpuissante, mais qui ne vient pas pour être amis, non, ils ne sont pas là pour boire un coup et manger quelques amuse-gueules, pour causer, jouer ou écouter de la musique, chanter et rire, non pas du tout.]

Ceux qui viendront auront de plus en plus des rêves de fortune (même si certains des premiers arrivant « blancs » étaient parfois de gentils explorateurs inoffensifs, hommes de science ou curés bienveillants), et ils viendront pour dominer, asservir, piller, et tuer ceux qui résistent.

Le cauchemar des romans et des films d'anticipation n'a pas été une fiction pour des millions d'êtres humains, ce fut le quotidien de la colonisation, et c'est peut-être la raison du succès mondial de ce roman d'Achebe.

Cependant, à mon avis, ce n'est pas le meilleur que j'ai lu sur ce thème, et j'ai trouvé quelques défauts au roman. Par exemple, à partir de l'arrivée des européens, Achebe dit des choses, là où je préférerais qu'il les montre. (Par exemple, il dit que les blancs ont amené avec eux un gouvernement, mais cela reste abstrait, il ne montre pas concrètement ce qu'est ce gouvernement). Alors que la vie des africains était montrée de manière très concrète dans la première partie, soudain tout cela devient très vague à partir du moment où les européens sont là. Et les considérations sur ces colons sont vagues, générales, il n'y a rien de concret, ou si peu. Ce livre est présenté comme un chef-d'œuvre, d'où peut-être ma légère déception sur la fin.
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Ils sont rares les livres qui redonnent vie et dignité à tout un monde révolu.



C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai reçu cette formidable ouverture sur une culture disparue, méprisée, une culture jusqu'alors sans voix, celle des Ibos dans le Nigeria pré-colonial. Oui, l'Afrique est bien entrée dans L Histoire, à sa façon.



Les trois quarts des pages décrivent la société du peuple Ibo, bien organisée, ultra hiérarchique et autarcique, construite à son image, singulière, autour de cultes, de tabous, de rituels, de luttes et de danses traditionnelles, de la culture de l'igname, de titres d'honneurs et d'une forêt maudite où on enterre vivant les nouveaux-nés jumeaux. Une société où la puissance se mesure au nombre de femmes, de tubercules d'igname et à l'ardeur au travail.



Le regard est complètement «  déseuropéocentrée » et ça fait un bien fou ! D'autant plus appréciable que jamais l'auteur ne verse dans la nostalgie d'une Afrique exotique primitive perçue comme idéale. Cette société ibo n'est pas idéalisée, on sent toute sa violence, sa cruauté et sa rigidité à travers le personnage principal d'Okonkwo, notable dont on suit le destin jusqu'au choc culturel provoqué par l'arrivée des Britanniques à la fin du XIXème siècle sous le règne de Victoria.



Le dernier quart du livre décrit très finement le bouleversement des croyances traditionnelles à cause de l'irruption du christianisme. le flux et le reflux de l'Histoire, des civilisations rend humble.



On pourrait très bien lire ce roman de loin, comme un essai ethnologique, sans vibrer, mais sa portée est intensément universelle grâce à des personnages complètement incarnés et évoluant dans une tragédie au final très contemporaine. On y croise un héros certes peu aimable car enfermé dans sa dureté, mais surtout hanté par la déchéance de son père, obsédé par le fait d'apporter à ses enfants une situation sociale, adorant une de ses filles qu'il juge plus «  virile » que son fils ainé trop faible.



Remarquable et rare.
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Femmes en guerre et autres nouvelles



Les nouvelles de Chinua Achebe dans Femmes en guerre ont le mérite de nous montrer son évolution entre 1952, avant l’Indépendance du Nigéria, et 1972, après la guerre du Biafra, où l’auteur s’est impliqué (et Foccart envoyé par De Gaulle, aussi) en faveur des Igbos révoltés.

Récit de la force des féticheurs, qui excluent un homme jugé fou car poursuivi par un fou, mots d’ordre «  aujourd’hui nous appartient », recherche, monnayée, des votes, en un mot corruption électorale :

« Malgré une histoire de grossesse qui compromettait l’institutrice, … il était aujourd’hui le chef et ministre », en quoi Achebe parle avec acuité et cynisme, de l’humaine condition tout en présentant les particularités africaines.



Avant d’arriver à la nouvelle éponyme, « Femmes en guerre » le ton politique monte :



Voyons le chagrin d’un vieil homme qui voit son fils unique se marier avec une femme de la ville, qui hésite à le répudier, aidé en cela par toute la communauté, puis répudie ses propres idées pour faire la paix avec les siens.



Essayons de comprendre l’éducation chrétienne de Chike » selon les principes des Blancs », Qui doit refuser de manger de la nourriture des voisins » parce qu’ils les offraient aux idoles ».



Amusons-nous du portrait au vitriol de Mrs Emenike, digne d’un récit de Maupassant, en butte à la nouvelle loi du Ministre de l’Éducation : « l’école primaire gratuite », qui fait que les petits porteurs, les « petits boys » y compris la bonne d’enfant, un comble, prennent leur congé.

- Pars et ne reviens plus ici quand tu auras échoué, dit le mari.

- Moi pas choué, répond le jardinier, y en avoir un homme pour not’village, lui yena pus vieux que ma père.

« Ce qui prouve bien que ça ne servait à rien d’être bon avec ces gens-là. Après tout ce qu’elle avait fait pour eux. »

Digne de Maupassant, le cynisme des époux qui exploitent une petite fille en lui promettant qu’elle fera des études est vite compris par sa mère, qui comprend vite ce monde de riches.



Comprenons la force des interdits, dont celui qui frappe un directeur d’école, ayant posé des clôtures autour du jardin, acte jugé par l’inspecteur blanc « un zèle intempestif. »



Intégrons la présence des mami watta, ces déesses du fleuve, puisque nous sommes sur les berges du Niger et de la place du marché où tous les biens se troquent.



Enfin, dans Femmes en guerre, la transformation d’une révolutionnaire qui arrête Reginald Nwanwo, du ministère de la justice, au début de la guerre du Biafra en une poupée maquillée, des années après, montre qu’elle a été sûrement manipulée. Chinua Achebe salue le courage de ceux qui «  dans les camps de réfugiés perdus dans des endroits reculés, dans les haillons trempés, dans le courage de ceux qui, sans rien dans le ventre et sans armes, montaient en première ligne ».

Pourtant, l’humain étant humain, pour survivre, les compromissions avec les trafiquants de cigarette et autres qui envoient les jeunes se faire tuer sont monnaie courante. 

Ce qui est frappant chez Chinua Achebe, c’est qu’à partir de coutumes igbos, et plus généralement africaines, l’auteur nous conduit à l’humain, trop humain : envie, égoïsme, ignorance, attachement aux traditions, volonté de pouvoir.

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Les termitières de la savane

Après son génial « le monde s'effondre », le Nigérian Chinua Achebe saute quelques dizaines d'années pour retranscrire une (une !! ) dictature africaine inventée, n'est-ce pas.

« Son excellence », débonnaire, rappelle qu'il est militaire, voulant, dans l'approbation silencieuse la plus complète, laisser entendre qu'il est juste un homme qui a le pouvoir, mais pas plus que ça. Débonnaire, demandant cependant que ses ordres soient avalés, digérés sans contestation possible et ils le sont.

D'ailleurs, Son Excellence n'a pas le temps, il est en dialogue avec la Reine d'Angleterre ou le président des USA . Des commentaires?

Les requêtes, doléances ou autres pétitions de la région Nord touchée par la sécheresse ( on sait que Chinua Achebe a lutté en faveur du Biafra ) sont, qu'on se le dise, en réalité des racoleurs de passagers des gares routières, revendeurs de drogue et autres criminels.

Ce même débonnaire, pardon, Son Excellence a dans le même temps des doutes quant à la fiabilité de l'Honorable Commissaire à l'Information, qu'il finit par appeler Chris . L' Attorney Général s'empresse, à mots couverts, de rappeler le danger, certes pas certain, mais à prévoir de sa déloyauté. Son Excellence conclut, merci : il est de mes amis. de débonnaire, il devient Machiavel.

Le duo s'élargit, un journaliste, Ikem, assiste aux séances (obligatoires dans certains pays) de mise à mort et en ressort écoeuré, révolté contre le système.

Les trois ont étudié dans le même grand lycée classique de la capitale nigériane, puis en Angleterre dans une université prestigieuse. Celui qui est devenu Son Excellence, Sam, était de loin le plus brillant, comprenant tout avant les autres.

Enfin, vu de plus près, pas vraiment crétin.

Mais ayant une pente à suivre ce que les autres attendent de lui, surtout les Anglais, donc, il a choisi la carrière militaire.

« Pas très intelligent, mais pas méchant ».

Et avant tout, comédien.

On assiste donc, avec des africanismes dans la manière d'appeler « mon frère » un homme que l'on veut détruire, hop, une petite noix de kola ( noix extrêmement amère qui se mâche pendant des heures pour tromper la faim)et le recours aux contes animaliers , sortes de fables De La Fontaine tropicales, à l'évaluation à la baisse ou mieux dit à la descente en flèche d'un tyran.



Un clown sans importance.



Histoire universelle de coup d'Etat, mensonges d'Etat lorsque le journaliste révolté a, malgré ses menottes, menacé les policiers, qui l'ont abattu de bonne foi, corruption à tous les étages, le tout raconté dans un mélange de fables et d'ironie.

Réflexion aussi, qui pour moi donne toute sa profondeur aux « termitières de la savane » sur la préférence nostalgique du chauffeur opprimé qui roule en un tacot rafistolé pour le chef qui roule, lui, en Mercedes. Ce respect, « cette insistance de l'opprimé à vouloir que son oppression se fasse en grand style ! », cette acceptation de l'inégalité, doit être revu dans le sens de l'histoire, or c'est malheureusement une faiblesse humaine de tous les temps et de tous les régimes, nous dit Chinua Achebe.



Pourtant l'histoire progresse, dialectiquement. Dit en langage africain : « Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, l'histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur ».





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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Dépaysant. Factuel. Dérangeant.



Je viens de refermer le livre de Chinua Achebe, dégusté à petites goulées comme un vin de palme un peu fort. J'en ai encore la tête qui tourne.



Lentement, je me suis imprégnée de la vie d'un clan nigérian, régie par des règles et des traditions tout à fait étrangères à notre mode de vie et de pensée, et évoquées avec une grande clarté, un souci de la réalité quotidienne, un détachement objectif qui, curieusement, leur confère une étrangeté plus grande encore.



Okonkwo, le chef de clan, le héros – ou plutôt le « sujet »- de ce livre, est un homme dur et intransigeant, brutal avec ses femmes, sévère avec ses enfants, et vétilleux sur l’observation des règles et des codes d’honneur auxquels doit se plier, s’il veut rester respecté , un homme « titré « comme lui de trois bracelets à la cheville.



Il lutte contre toute faiblesse : celle de la tolérance envers un père jouisseur et bon à rien auquel il ne veut en aucun cas ressembler, celle de la tendresse pour un enfant pris en otage à une autre tribu, auquel il s’est attaché comme à un fils et qu’il lui faudra exécuter, celle de la préférence pour une de ses filles, fragile et forte à la fois, qui lui ressemble et qui est le fils qu’il aurait voulu avoir, celle, enfin, de la clémence envers ces missionnaires blancs, venus implanter leur église au sein de leur village, et qu’il soupçonne d’être les signes avant-coureurs d’une sujétion et d’un anéantissement de tout ce à quoi il croit et obéit.



Ce n’est pas un homme sympathique. J’allais dire : il n’est pas là pour ça.



Jamais Achebe ne tire sur la corde sensible, ni même sur celle du récit romanesque qui nous permettrait une quelconque identification. Tout au plus quelques figures moins entières, plus humanistes s’attachent à nous quelque temps comme les grattons des fleurs de coton à une étoffe : des vieux qui ne craignent plus rien et voient la mort venir avec sagesse, des jeunes hommes en plein désarroi et surtout de belles figures de femmes- la première épouse d’Okonkwo, qui a perdu tous ses enfants sauf une, et cette enfant rescapée, justement, sa fille, Ezinma.



Okonkwo, lui, est là comme un jalon rigide - terrible et pathétique, sur la route inexorable du basculement, de l’effondrement total d’un monde.



Celui du monde tribal, avec ses rites, ses dieux, sa magie, ses superstitions, ses codes, sa cruauté parfois, face à la prise de pouvoir insidieuse, d’abord, et faussement joviale d’un Dieu qui accueille les jumeaux au lieu de les exposer aux bêtes sauvages, qui ouvre ses bras aux exclus , les « osus », et les traite humainement, bref qui sape allègrement, au nom de l’humanisme, tout ce qui faisait le tissu social millénaire de la vie tribale…pour laisser la place, bientôt, à des missionnaires moins tolérants, à une administration britannique autoritaire avec ses lois, ses codes, ses prisons, ses châtiments, ses exécutions…



A tout l’appareil colonisateur, sorte de machine à broyer l’Autre. Tous les autres. Ceux qui ne nous ressemblent pas.



Sans argumenter, sans plaider, sans trancher, simplement en laissant, pour une fois, le lion parler de la chasse et non le chasseur, Achebe nous fait toucher du doigt le saccage de la colonisation.



Même si nous trouvons les rites barbares, les superstitions ineptes, le machisme et le patriarcat insupportables, la longue et patiente première partie nous fait sentir et comprendre que ce monde tribal avait tout en lui pour évoluer à sa mode, sans fracas, et pour corriger lui-même ce qui nous paraît, en lui, injuste ou cruel.



Et que provoquer son effondrement en lui imposant des lois et des règles qu’il ne comprend pas, en lui prenant ses terres, en bafouant ses croyances et en ridiculisant ses dignitaires, ce n’est pas civiliser, c’est ajouter la violence à la violence, ce n’est pas éduquer, c’est vouer un peuple à se perdre en perdant ce qui fait le sel de sa vie : sa culture.



Un très beau livre. Qui n’a pas fini de m’interroger et de me faire réfléchir..

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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

J'ai eu envie de lire ce roman (presque un témoignage) après avoir découvert le commentaire enthousiaste de MaggyM.

J'aimerais trouver les mots pour vous entraîner vers ce livre à cheval entre le roman et le témoignage, Nous sommes en Afrique, au Nigeria. Avant que tout ne s'effondre, c'est-à-dire avant l'arrivée des Blancs colonisateurs et missionnaires. L'auteur va raconter la vie d'un clan, ses rites, sa culture, ses codes, la vie quotidienne (repas, relations avec les autres clans...), ses fêtes religieuses. C'est passionnant de découvrir comment était l'Afrique qu'on qualifiait de "primitive".... Cette partie représente les 2/3 du livre. Je me suis attachée aux personnages, j'ai aimé découvrir et apprendre les rites pratiqués...

.

Et puis arrivent les colons, mais pire encore les missionnaires, avec leur nouvelle religion qui affronte les anciens rites. Tout s'effondre alors. En moins d'1/3 du livre, le clan, ses rites, ses habitudes, est détruit. C'en est impressionnant, triste, décourageant. Je ne m'attendais pas à une telle rapidité. Les dernières pages sont bouleversantes : on voit vraiment un monde disparaître sous nos yeux. Au nom de la "civilisation" !

Un roman exceptionnel. Je remercie MaggyM qui m'a permis de le découvrir . Je m'empresse de le conseiller autour de moi !
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La flèche de Dieu

" La Flèche de dieu", est le deuxième grand roman de l 'écrivain Nigérian ,Tchicua Achebe .Ce livre a pour contexte l 'entre-deux-guerres dans une contrée rurale igbo sous administration coloniale , les britanniques accentuent peu à peu leur emprise sur les populations de la région .Ce roman acquiert sa force et sa puissance tout d 'abord par la richesse de sa description de l'univers Ibo ( populations du sud-est du Nigéria ) au début des années vingt du siècle passé .L 'organisation familiale et sociale , les divinités ,les guerres tribales , le rôle des rumeurs et des palabres , les cérémonies de mariage ,de deuil ou du culte nous sont décrits dans leur complexité et leurs influences réciproques .Ces sociétés "indigènes" vont être confrontées à l 'arrivée des colons anglais . C 'est la fin d'un monde qui s 'accompli devant nos yeux , avec l'inéluctabilité d 'une destinée qui semble décidée par les dieux .Si Ezeulu ,le grand prêtre du dieu Ulu se voit

comme son messager , il se demande aussi si les "hommes blancs" eux-mêmes ne seraient pas les flèches d 'Ulu .Mais en choisissant de punir les villageois d 'Umuaro ,il a causé l'abandon du culte d 'Ulu par les villageois

et leur conversion au christianisme : ne serait-il donc pas malgré lui la flèche de dieu chrétien ?

On ne peut qu 'admirer tout le talent de Tcicua Achebe qui nous donne

à lire un très beau roman
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

" Tout s 'effondre"est un roman de l 'écrivain nigérian ,Chinua Achebe .Ecrit en Anglais , il est traduit au français par Pierre Girard .Il fut publié en 1958 .Son auteur jouit de l 'estime de ses pairs et des intellectuels africains .Nelson Mandela disait de lui :"Un auteur en compagnie duquel les murs de prison s 'écrouleraient ".Ce roman est une méditation sur la décomposition du monde Ibo au contact des institutions occidentales .

Ce roman retrace le destin d 'Okonkwa ,un notable de son clan .Okonkwa a trois épouses et neuf enfants .Il est courageux et fier .L 'auteur évoque le choc culturel qu 'a représenté pour les autochtones l 'arrivée des Britaniques à Igbos ,à la fin du XIXe Siècle et la colonisation du Nigéria par

les Britaniques .Avant l 'arrivée de ces derniers , les autochtones vivaient

paisiblement et en harmonie avec tout ce qui les entoure .Ils vivaient dans la

forêt équatoriale dans un monde à leur image , fait d 'une multitude de dieux ,de cultes des ancètres , de rites et de tabous .L 'arrivée des Européens et de leur religion , le christianisme ,bouleverseront les croyances traditionnelles :"Tout s 'effondre", le titre évoque bien cette rupture avec le passé , vécue comme un seisme .Malgré le reproche que fait

l 'auteur à cette intrusion étrangère , il n idéalise pas le passé .Chinua Achebe est ulcéré , touché par le sacrifice humain de son meilleur ami . Le fils d 'Okonkwa rompt avec les pratiques de son village ,ouvrant ainsi une brèche dans l 'unité du clan .

Cette lecture m 'a permis de découvrir un grand auteur : Chinua Achebe .











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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Je suis presque tombée amoureuse du héros, Okonkwo, fils d'un inutile paresseux, et qui se fait lui même, par sa propre ténacité ; il se forge, il veut s'en sortir et être reconnu comme le meilleur de son clan, comme un seigneur. Sa vie est « un combat acharné contre la pauvreté et l'infortune » Non, il n'a pas eu de chance, il a conquis sa chance à force, il a combattu pour devenir riche et puissant et il a réussi.

C'est un homme.

Avec plusieurs femmes.

Il est colérique aussi.

Avec ses champs d'ignames et de manioc.

Et ses nombreux enfants.

Mais voilà : son fils Nwoye n'est pas aussi combatif que lui, il ressemble à une femme, et fait penser à la faiblesse de son grand père.

Bien sûr, Achebe a pour but de conter au plus près sa culture, avec par exemple la polygamie, la division du travail familial,(chaque épouse a son propre logis, elles envoient chacune un pot de nourriture à leurs mari commun, il visite l'une ou l'autre à son gré), la signification mystique du nom des enfants et la suprématie incontestée des hommes sur les femmes.

(Rappelons nous l'Europe à cette époque, où Jane Eyre a été écrit soi disant par un homme)

Dans ce village nigérian de la fin du XIX siècle : la vie quotidienne, les mariages, les amitiés, les enterrements, les castes, le tout est réglé par les injonctions des esprits et par la coutume qui s'en remet souvent au monde supérieur des dieux.



Achebe nous plonge dans les contes qui se racontent le soir devant le feu, les proverbes animaliers et parsème, comme des herbes rares, les mots obi( case) , et chi : le chi , c'est l'âme, le Dieu personnel que chacun possède et qui le guide. Et plein d'autres mots igbos que nous comprenons intuitivement .

Achebe, tu es vraiment malin.



Le surnaturel est toujours présent dans la culture Igbo (en particulier), il s'agit non pas d'obéir à des croyances ancestrales médiévales, mais de souder l'accord entre les individus, le clan et les dieux.





Parmi les rites, celui d'abandonner les jumeaux à leur naissance, car ils portent malheur. Certains enfants reviennent sur terre avec un esprit maléfique, il s'agit de se débarrasser d'eux.

Chinua Achebe, merveilleux conteur, fait oeuvre d'anthropologue, et une babeliote Nastasia . B, souligne ce témoignage unique en son genre, écrit en 1958, soit avant l'indépendance du Nigéria. Je la cite, elle parle mieux que moi :



« Imaginez le bonheur que serait le fait de pouvoir lire de la main d'un Aztèque l'arrivée des Espagnols ou bien l'implantation de l'Islam en Asie centrale vue par un Ouzbek d'alors. Eh bien c'est ça qu'il nous offre, rien de moins. Ça et, évidemment, comment cela s'est terminé, d'où son titre.

La quatrième de couverture cite un proverbe africain qui colle merveilleusement au propos du livre et qui m'évoque immanquablement La Guerre Des Gaules de César : « Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, l'histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur. »



En tant que chef, Okonkwo recueille le fils d'un village ennemi, qui devient son fils adoptif et meilleur ami de son fils. Par excès de virilité mal placée, il se croit obligé d'écouter l'Oracle et tue cet adolescent.

Péripéties multiples font qu'après un exil de sept ans, il revient dans son village et le voit envahi par des missionnaires.

Le sabre et le goupillon, le goupillon en premier.

Il arrive, l'homme blanc, personne ne comprend ce qu'il dit et il ne comprend pas ce qu'on lui dit, de plus, parfois pour arrondir les angles, parfois dans l'ignorance où il est du langage particulier du village d'Umuofia, sud est du Nigeria, l'interprète ne traduit pas vraiment.

Avec une subtilité remarquable, dans ce livre culte de la littérature africaine, Achebe

fait allusion au massacre des prophètes de Baal, revendiqué par le second missionnaire, pour qui noir c'est noir et le noir doit être éliminé ou converti, aussi simple que ça. Des massacres au nom de la religion ont eu lieu partout, et pour lui, le missionnaire, ces massacres sont des modèles à suivre. (En fait, des menaces)





Après les premiers missionnaires, arrive un gouvernement au nom de la reine Victoria, des magasins et une école, un hôpital. C'est tranquille, cette invasion, pas agressive, mais inexorable.

La pacification de ces primitifs est mise en place.

Et comme nommer est à la fois une incantation et une promesse, le christianisme naissant rebaptise à tour de bras.

Nwoye , perturbé par son vécu sanglant, devenu chrétien , s'appellera désormais Isaac, celui qu'Abraham a failli tuer sur ordre divin. Les sacrifices humains ont souvent, malheureusement, existé, y compris dans la Bible. Et il accepte de s'appeler comme un enfant que l'on va sacrifier, alors qu'il a terriblement souffert du meurtre de son meilleur ami. Il va, de plus, faire doublement souffrir son père, comme si il acceptait le sort de son ami à sa place et faisait revivre le tourment de notre magnifique, merveilleux, héroïque Okonkwo.



Je vous dis, presque amoureuse je suis.

Incompréhension, accueil, escalade, invasion, manque de vigilance devant cette invasion (prônant de quitter père et mère, l'horreur pour les villageois!) puis conversions pour des raisons multiples.

Et dérapage vers le fanatisme d'un nouveau chrétien plus croyant que les croyants.



Voilà, le fanatisme inutile, voilà.



Et la réponse, déjà prête, la répression.



Magnifique livre, inoubliable Okonkwo.



Le titre originel : Le monde s'effondre" a été changé pour « Tout s'effondre » après l'épuisement du premier titre. le monde, ou le tout, ne sera jamais plus le même.

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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

« Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, l'histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur ».



Avec Chinua Achebe, les « lions » du Nigeria pré-colonial ont trouvé leur historien. Le lion, en l'occurrence, c'est Okonkwo, habitant du village ibo d'Umuofia. Valeureux guerrier dans sa jeunesse, il est aujourd'hui un homme mûr, bien établi, comptant trois épouses, huit enfants et une plantation d'ignames prospère. Dur à la tâche, machiste et brutal, il n'apparaît pas fort sympathique mais, respectueux des traditions, du culte des dieux et des ancêtres, il est autant écouté des sages du clan qu'il obéit lui-même envers et contre tout à la parole sacrée de l'oracle. Et lorsque celui-ci lui ordonne de tuer son fils adoptif bien-aimé, aucun commandement divin ni aucun scrupule n'arrêtera le bras exécuteur d'Okonkwo. Même si celui-ci ne paraît pas autrement affecté, ce drame semble bien être le premier grain de sable dans la dynamique séculaire des us et coutumes de la tribu, le premier des soubresauts qui mèneront à l'effondrement. En effet, quelque temps après cet épisode, Okonkwo tue accidentellement un jeune homme et est contraint à un exil de sept ans avec toute sa famille. A son retour au village après ces années de bannissement, les choses ont changé : les missionnaires et les colons britanniques posent les jalons du christianisme et de la bureaucratie de Sa Majesté. Un véritable choc des cultures, qui semblent vouées à ne pas se comprendre. Pourtant, peu à peu, certains se laissent convaincre par ces sirènes de la « civilisation ». D'autres sont indifférents ou se moquent de ces « albinos », et quelques-uns tentent de s'y opposer. Parmi eux – évidemment – Okonkwo qui, seul et jusqu'au bout, refusera de se soumettre. Et les derniers mots de son père prononcés des années plus tôt résonnent alors comme un présage : « Un coeur fier ne se laisse pas abattre quand tout s'effondre, car un tel échec ne l'atteint pas dans son orgueil. C'est beaucoup plus difficile et beaucoup plus douloureux quand on est seul à échouer ».



La première partie (les 2/3 du livre) ne comporte que peu d'action et consiste essentiellement en un récit à haute valeur ethnographique, où l'on en apprend beaucoup sur la vie quotidienne et les croyances des Ibos du Nigeria, à travers l'histoire d'Okonkwo, de son enfance à l'épisode qui cause son exil. La deuxième partie, beaucoup plus courte, porte sur la période transitoire pendant laquelle Okonkwo se reconstruit lui-même, ainsi que sa fortune. Dans la troisième partie, alors qu'il croit rentrer au village en quasi-héros, il s'aperçoit que les valeurs ont commencé à glisser. Les existences sont bouleversées, les traditions balayées par le rouleau compresseur de la colonisation, tout s'est accéléré, la catastrophe est imminente et la lutte vaine.



Tout s'effondre, un conte cruel, remarquable de par le point de vue à partir duquel il est raconté. Et, chose encore plus remarquable, écrit sans parti pris ni victimisation, dans une langue simple et imagée. Ce qui n'empêche pas de rester avec la question : de quel droit, de quelle légitimité une civilisation prétend-elle s'imposer à une autre ?
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

C’est la critique de Ladybirdy qui m’a donné envie de lire ce livre. Je suis depuis longtemps intéressée par l’histoire de l’Afrique et plus particulièrement par l’histoire précoloniale.



Publié en 1958, le roman a été traduit en français pour la première fois en 1966 (sous le titre Le monde s’effondre), puis il a été réédité chez Actes Sud en 2013 (sous un nouveau titre) à l’occasion du décès de l’auteur.



« A la fois roman historique et récit de critique sociale et politique, ce livre raconte le déclin et la chute de l’Afrique précoloniale sous la pression impérialiste occidentale.» (Tirthankar Chanda)



Dans la majeure partie du roman, on suit le parcours d’Okonkwo dans son village du Bas-Niger à la fin du XIXe siècle. Comme n’importe où dans le monde et à n’importe quelle époque, la vie n’y est pas parfaite mais poursuit son chemin.



On y découvre comment s’organise la vie de famille, l’importance de la culture de l’igname (le foufou d’igname est délicieux ^_^ ), les croyances, les règles de la vie en communauté, …



Et puis les premiers missionnaires arrivent pour imposer leur « vraie » religion sans même essayer de comprendre (et certainement pas de respecter) la culture et les croyances des natifs.



« Le Blanc est très habile. Il est arrivé avec sa religion, tranquillement et paisiblement. On s’est amusé de toutes ses sottises et on lui a permis de rester. Maintenant il a conquis nos frères et notre clan ne peut plus rien faire. Il a posé un couteau sur les choses qui nous tenaient ensemble et on s’est écroulés. »



La suite de l’histoire on la connaît… « … ce qui est bon pour certains est une abomination pour les autres. »



Excellent roman que je recommande à mon tour.





Challenge livre historique 2020
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Court roman qui montre l’effondrement de la culture ibo à l’arrivée des colons blancs à la fin du 19ème siècle. Le lecteur suit Okonkwo, qui s’est construit dans l’opposition à son père, paresseux, imprévoyant et même, selon lui, lâche ; Okonkwo est promis à un bel avenir et à devenir un membre important d’un clan. Avec lui nous découvrons un peuple dont l’existence est régie par un ensemble de rites et de croyances rigides. Il est travailleur, courageux, et il suit les règles aveuglément, sans jamais les remettre en cause.... On sent la solidarité et la chaleur de cette société, malgré des éléments épouvantables selon nos critères actuels et une misogynie archaïque (à peine atténuée par le rôle des mères). Le lecteur comprend le personnage d’Okonkwo, peut même parfois le trouver touchant, mais de là à pouvoir s’identifier à lui, c’est difficile tant il a un côté froid et distant en apparence, tant il peut être dur, violent et colérique. La peinture de cette société à la veille de la colonisation occupe les trois-quart du roman, elle est riche, détaillée et très fine, avec ce personnage à la personnalité complexes. C’est un témoignage inestimable (l’auteur parle d’une époque qui est probablement celle de ses grands-parents) Et la brièveté du récit consacré à l’arrivée et l’implantation des blancs accentue la rapidité avec laquelle ce monde s’effondre, en quelques années, sous les yeux effarés d’Okonkwo, réduit à l’impuissance devant la destruction des croyances et des traditions culturelles des siens. Le lecteur voit littéralement un monde s’effriter, se déliter sous ses yeux dans les dernières pages. Certes, le monde détruit n’était pas un paradis (ou en tout cas pas pour tous ses membres), mais de quel droit le détruire de l’extérieur ? Qui sommes-nous pour imposer nos croyances ou porter des jugements sans rien connaître du contexte ?

Un roman très efficace pour montrer le choc culturel, bien plus parlant qu’un essai historique sur la colonisation.
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Nous sommes quelque part dans le sud est du Nigeria, juste avant la présence coloniale britannique. Nous suivons le parcours de Okonkwo, un chef de clan. A travers les rites tribaux d'un village Ibo. Toute la vie se déroule selon ces schémas pérennisés par les Anciens. On ne revient pas sur les traditions ancestrales. Les Dieux et l'Homme Médecine ont défini les lois. Certaines choses se font, d'autres pas. Et tout le monde s'y plie. Et la vie s'écoule tranquillement à travers les histoires de guerriers, d'épouses, de préparation des repas, de réunions d'anciens, l'exil... Cela pendant à peu près les deux tiers du roman. C'est une vision réaliste de l'Afrique pré coloniale. Puis arrivent « les Blancs ». Ils occupent déjà le delta du Niger et remontent peu à peu le fleuve. Il finissent par arriver dans les villages les plus reculés avec les missionnaires et les administrateurs. Sans vraiment toujours s'en apercevoir les villageois vont être progressivement acculturés et adopter les coutumes des « Blancs ». Seul, Okonkwo s'en rend compte et veut éradiquer la présence anglaise du village. Mais sa proposition ne fait pas consensus.

C'est un livre très documenté sur les coutumes traditionnelles de la société Ibo. On peut le voir également comme un document ethnographique. Et l'auteur sait magnifiquement et tragiquement nous faire assister au grignotage des terres et des traditions Africaines par les Européens.
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Très bien écrit, on est immergé dans ce village africain et on est témoins impuissants de l'injustice.
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

C'est un roman. Un vrai. Avec un héros, dont on apprend à connaître les défauts et les qualités, les femmes et les enfants, les prouesses et les défaites. Mais c'est aussi un extraordinaire document ethnologique sur la vie dans un village de ce qui deviendra le Nigeria. Les Anglais apporteront le christ et les livres de loi qui détruiront les anciennes coutumes: par la force, certes, mais aussi avec l'assentiment de certains autochtones qui espéraient des dieux moins cruels. Le mythe se déploie dans un monde où les esprits sont chez eux et veillent aux difficiles équilibres qui assurent la stabilité de l’univers. À la fin du livre, le mythe rencontrera la modernité et s'y fracassera: cette rencontre impossible de deux logiques concurrentes et sans commune mesure serre le coeur. Un monde va disparaître, incompris des nouveaux maîtres; et cette tragédie est à la fois racontée et contenue par le livre d'Achebe qui, par ce qu'il nous dit, empêche justement sinon que tout s'effondre, du moins que la trace en soit perdue.

Bon, pour faire court, c'est génial.
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