Citations de Christian Poslaniec (112)
Songez à l'éclairage des rues, soit ;
mais songez surtout à l'éclairage des esprits Victor Hugo p 34
Dans un livre sur Maurice Sendak et ses Maximonstres.
Un livre n'est certes pas un doudou, mais il partage avec cet "objet transitionnel" une caractéristique centrale : la capacité de médiation entre deux univers distincts. Et l'obstination du jeune enfant à se faire relire le même livre, sans en changer un mot surtout, sous peine de colère, a sans doute quelque parenté avec les nombreux voyages effectués, son doudou dans les bras.
À tes yeux de surprise matinale
je veux m’étonner le premier
À tes lèvres de verveine
je veux boire encore ce rire ailé de gazelle
À tes cheveux de poivre blond
je veux renouveler ma soif
À ton ventre de jeune pêche
je veux attendre l’été mûrissant
Oreille contre cœur
Merveille pour merveille
(Jean Orizet)
L’étrangère
Elle a les chevilles fines
et les mains gantées de rides légères
elle a les mains comme des poupées
Elle a des cheveux feuilles de houx
gerbe de blé or inflammable
elle a des cheveux de cuivre roux
Elle a l’ivresse de la démarche qui fait
pencher son corps vers les étoiles
elle marche comme les reines
Elle est venue de ce pays
où les femmes lavandières
ont des ailes sous leurs habits
Et des seins comme des abeilles
bourdonnant aux rumeurs de la nuit
des seins vivants comme des ruches
Elle est venue de ces rivages
où l’homme a les yeux de la mer
et le cœur comme un cheval sauvage
Elle c’est peut-être toi
qui emprisonne mes pensées
dans la grille de ses doigts
Toi qui emprisonnes mon regard
en ton regard de soie
Elle c’est peut-être toi
(Paul-Louis Rossi)
« On a construit
des gratte-ciel !
Comme si le ciel avait des démangeaisons ! » (Michel Bruneau)
En revanche, quand on a déjà vécu la lecture comme un dialogue entre l'imaginaire et le texte, lire devient une sorte de passion ; on dévore, on ne parvient pas à sortir du livre avant de l'avoir terminé, on a l'impression, comme l'écrit Nathalie Sarraute, qu'un "courant invisible" nous entraîne.
On sait que la lecture ainsi considérée est une façon d'explorer d'autres univers que celui de la réalité, de s'évader de cette dernière, et d'aller "rejoindre la vie", comme l'écrit Sartre, de se constituer une première réserve de songes, dit Jean Guéhenno, ou bien d'être "transportés dans un univers inconnu", écrivent Bettelheim et Zelan. Et c'est précisément en explorant ces autres univers que l'on parvient à relativiser la réalité, à la voir telle qu'elle est, par comparaison, que l'on arrive à y trouver sa place.
Longtemps, dans le domaine du français, le législateur a assigné deux missions à l'école : apprendre à lire aux enfants et les initier à la littérature. Ce n'est que récemment [...] qu'une troisième mission est apparue : donner aux enfants le goût de la lecture.
Les animations lecture sont des activités qui font lire les jeunes,
et les réconcilient avec les livres, si nécessaire.
Il ne faut pas les confondre avec ce qu’on appelle d’une façon générale
l’animation, dont la finalité est de rendre plus vivant un lieu de
lecture. Par exemple, quand on fait intervenir quelqu’un qui raconte
des histoires aux enfants, il s’agit d’un spectacle. En revanche, si l’intervenant,
après avoir raconté des histoires, montre aux enfants des
livres présents sur place et précise que toutes ses histoires y figurent,
les jeunes se précipitent sur les livres et, s’ils peuvent immédiatement
les emprunter, on peut être sûr que beaucoup seront lus. Dans
ce cas, il s’agit d’une animation lecture. Comme on le voit, il n’y a
pas de rupture entre l’animation en général et l’animation lecture;
encore faut-il prévoir la séquence qui provoquera le déclic, le passage
à l’acte de lecture personnel. La plupart des animations lecture sont
plus sophistiquées, mais elles s’appuient toutes sur une motivation.
•• Collecte
À la fin des années 1980, j’ai commencé à m’intéresser à ces activités
apparemment disparates, dont j’apprenais l’existence au cours
de mes nombreuses interventions, et qui avaient en commun de
donner le goût de lire aux enfants. J’ai été surpris de découvrir que
pareilles activités étaient nombreuses et inventées par des médiateurs
de lecture fort variés : enseignants, bibliothécaires, animateurs.
L'expression "littérature jeunesse" ne s'est imposée qu'au milieu de XXème siècle. Jusque là, on parlait plutôt de "livres pour enfants". Cela correspond à une migration progressive vers le champ littéraire, une reconnaissance de la littérature jeunesse par les institutions qui sélectionnent les livres comme des œuvres, c'est à dire des objets de recherche légitime (école, université...)
Je suis d’ici depuis l’enfance
Mais ma naissance est venue me chercher
Sur des terres reconquises sur la page
Où chaque auteur était voyage
Hors saison
Pour toutes les permissions d’exister
Entre influence et métissage
Là où toujours j’entends battre mon coeur
(Imasango)
Du côté des mornes soudain c’est l’étendue qui pousse se charrette dans l’éblouissement
Au moulin des usines ma pauvreté sourit des pouvoirs de la terre
Dans les cicatrices des cannes dans les tibias noir toujours
L’eau tant de fois clamée rougit de l’attouchement de ma voix
Resurgi voici du fond coléreux des embrassades mon bond dans le piétinement.
(Edouard Glissant)
Un coup. Un seul. Intense et furieux dans la nuit. Un corps qui tombe. Une femme hurle qui sait déjà. Un enfant s’abîme dans le silence. Un ordre. Un seul. Fourbe et fardé dans la nuit. Une main qui exécute. Un homme s’éveille qui se doute déjà. Un autre tait ce qu’il sait. Un mort. Un seul. Ferme et résolu dans la nuit. Une vie qui s’affaisse. Une foule réplique qui gronde déjà. Une main calme le sang. Petit-Canal. Le noir s’invite aux tribunes, noir et blanc triste comme l’échec. Madras pudiques contiennent le chagrin. On défile, un secret dans la coeur. Mets ton madras sur la riposte. Un jour. Un seul. Un jour.
Gerty Dambry
Défile de mode littéraire
Séléna sanglote. Elle a peur. Elle ne sait pas exactement pourquoi. Le garçon est revenu lui apporter des provisions et une couverture qui sent le feu de bois. "Pourvu qu'on te retrouve avant samedi", a-t-il dit. Il paraissait vraiment inquiet. Et il a ajouté : "Tu devrais crier de temps en temps. On t'entendra peut-être. Les gendarmes te cherchent, je leur ai envoyé un autre message." Séléna, ça lui a paru bizarre que son ravisseur lui dise cela. Elle a écouté sa respiration oppressée. Elle a même pensé, à un moment, qu'il pleurait. Elle a essayé de regarder par la fente lumineuse, mais n'a aperçu qu'une main, celle d'un adolescent, a-t-elle pensé. Une main portant à l'annulaire une bague dorée faite de deux brins tressés. Elle s'est dit que, si elle parvenait à sortir de sa prison, elle réussirait à identifier son ravisseur.
Ce matin j'ai rencontré la Dame Blanche. La DamE BlanchE, comme disent les gens d'ici. depuis mon arrivée au Grau-du-Roi, il y a deux jours, j'en entendu parler cinq fois avec l'accent provençal. C'est une gloire locale, cette fantômette couleur meringue!
La sangsue était presque éveillée, maintenant, et son corps exigeait toujours plus de nourriture. Elle dissolvait le sol sur lequel elle se trouvait à un rythme accéléré, comblant le vide ainsi créé avec son propre corps et se répandant de tous cotés.
(La sangsue)
Fred Lombric apprit la nouvelle en lisant Le Courrier des Piafs auquel il était abonné car, disait-il, il vaut mieux savoir ce que mijotent ses ennemis plutôt que se laisser mijoter par eux. (p.44)
- Vous voyez, ils m'ont pris mes bretelles. Et je ne me suis aperçu de rien !
- En effet, c'est plutôt curieux.
- Mais non, monsieur, ce n'est pas curieux. C'est seulement ridicule. (p.19)
- Je m'appelle Pinocchio. Chaque fois que je mens, ma trompe diminue. Mais heureusement, chaque fois que je dis la vérité, elle rallonge. (p.8)
On n’invente jamais seul
Rien au monde n’est à moi
Que tu ne m’aies raconté
Par une façon de voir
Les choses comme elles sont
Par une façon de dire
Le mot juste au moment bon
On n’invente jamais seul
Tu me vois à ta mesure
Je te veux fort par orgueil
Par amour serait plus juste
En vérité je te veux
Simplement à mes côtés
Dans le meilleur dans le pire
On n’invente jamais seul
Pas plus les désirs
Empoisonneurs – énervante
Rivière de thé tiède –
Que cette velleité
Sournoise comme un rongeur
Repu d’horizons larvés
On n’invente jamais seul
Pas plus la marche en plein ciel
Quand nous sommes corps à corps
Avec les monts qui ploient
Sous le poids de notre science
Bonne à faire ressurgir
Des forêts dans le Hoggar
On n’invente jamais seul
Ni les villes ancrées sur
Les roches pétrolifères
De l’Atlantique ni
Les planètes lancées de
Mains d’homme de main de maître
Au beau milieu des étoiles
On n’invente jamais seul
Ni le moyen d’être uni
Sans s’entendre et sans se voir
A longueur d’année de temps
Ni le moyen d’être libre
Avec la joie jaillissant
De nos richesses conquises
On n’invente jamais seul
Et sur les jalons blessés
De notre si simple histoire
Chargée de plus d’avenir
Que de moissons sur la mer
Il y a depuis la boue
Des rêves entrelacés
D’inconnus qui nous ressemblent
On n’invente jamais seul
La patience la confiance
Nous tenons leurs fruits en main
Grâce à des millions d’amis
Qui furent patients confiants
Longtemps avant nous pour nous"
Anna Greki