Claire Bretécher

Je vais poser ma fine tête blonde sur tes genoux et écouter les battements de ton cœur dans tes rotules de marbres …

Je suis absolument contre cette vague d'érotisme systématique qui d'ailleurs est dépassée ! Ce qui m'intéresse c'est de découvrir l'être dans toute sa vérité.

Personne n’a besoin de savoir ce que je pense et surtout pas moi.

- C’est ma copine Coco qui demande si tu baby-sitterais ce soir. BABY-SITTING CE SOIR !!
- Ouais bonjour. Ouais. Vous payez combien ? […] Vous avez un grand écran… Quelle marque ? Ouais giga ! Une antenne parabolique ? Vous recevez combien de chaînes ? Nooon ? GIGA. […] Biberon ? Ah… j’avais oublié. J’ai un contrôle de maths demain matin. Ouais désolée.
- Alors ça marche ? ALORS CA MARCHE ?
- Non eh c’est galère… Il y a un môme.

- Mon enfant... mon enfant à moi...
- Ce n'est pas encore un enfant à proprement parler.
- Je peux le prendre dans mes bras ?
- N'exagérons rien... Ce n'est qu'une thermos pleine d'azote avec une éprouvette dedans.

Maman ! Ta mère est peut-être morte, et toi tu t'en peignes le cresson !

A travers cette galerie de portraits, Claire nous autorise à entrer dans son intimité, celle de sa famille, de la maternité, de l'amitié, du quotidien.
Bébés endormis, adolescents boudeurs, fillettes absorbées dans leur jeu, jeunes femmes au regard sans détour, vieilles dames pleines de vigueur.
Peu de sourires, des visages graves ou concentrés, des yeux baissés ou qui regardent ailleurs. Quelques ébauches de caricature, dont une d'elle-même en dessinatrice revêche et mal fagotée, assise entre son chevalet et un buste de Tintin!
Nous ne savons pas qui sont Paul, Marguerite ou Yvonne. Mais nous les connaissons, nous les avons rencontrés sur ces pages, nous avons reconnu leurs sentiments, deviné leur personnalité, leurs histoires.
N'est-ce pas cela qui compte, quand on fait un portrait? C'est qu'il nous parle de son modèle, et un peu, aussi, de celui qui l'a fait.

Je t'ai follement désirée, j'ai lutté pour mes droits, j'ai gâché 10 ans de ma vie l’œil rivé sur le fond de ma culotte... J'ai pris 15 kilos, ton géniteur m'a quittée, ma famille m'a rejetée, mes amis ont craqué, j'ai perdu mon job, j'ai dépensé une fortune pour TA VIE !
Et c'est sur ce ton que tu me regardes ?
(dessin dans L'obs du 13/02/2020)

- Il y a des moments où je me sens incapable de continuer à vivre sur les ruines pourrissantes de cette civilisation de profit en contradiction constante avec mes opinions les plus sacrées !
- je refuse de boire ce café à cause de l'impérialisme américain qui pressure le Brésil !
- je refuse de porter de la laine alors que l'Australie refuse l'immigration des gens de couleur !
- je hais l'idée de marcher dans du cuir espagnol à cause de Franco... et plus question de textiles synthétiques à cause des gros trusts pétroliers ! Voilà !
- Tu as entièrement raison Maurice, si tout le monde en faisait autant les choses changeraient !
-Je te sers un whisky ? Avec ou sans glace ?
- le whisky est distillé par la compagnie qui a fabriqué la Thalidomide et a refusé d'indemniser les familles....
.... oui, je sais, mais à partir d'un certain âge il est difficile d'assumer un état de révolte intégrale plus de deux minutes....

- J'arrive... Je suis chez toi dans vingt minutes.
- Ah non, c'est trop tard. J'ai réinsertion de dealers à Bagnolet à 6 heures.
- Dealers de quoi ? Je suis peut-être dans le besoin ?
- Pâté de campagne, salade de museau, gras-double à l'ancienne.
- Arrête de mythonner, la charcuterie est encore en vente libre dans ce pays.
- Pas dans les restaus diététiques des centres de thalasso. Faut que j'y aille, je te laisse.
(p. 6)

(Lui) : Qu'est-ce qui ne va pas ?
(Elle) : J'ai eu mes résultats... ca va être un garçon
(Lui) : Tu n'es pas contente ?
(Elle) : Si si ce n'est pas la question
(Elle encore) Je ne peux pas supporter d'avoir des couilles dans le ventre

- Mais qui es-tu à la fin ?
- Je suis la fille du roi ! Tu n'es pas tombé sur un bas morceau !

C'est le ciel qui vous envoie ! Entrez, entrez ! Voulez-vous boire quelque chose ? Il y a du lait d'ânesse dans la baignoire.

-Oui mais en disant ça Juliette tu occultes le blocage du discursif féminin...
-mais pas du tout je me place au niveau du senti
-mais la sensation c'est le paradoxe d'une mémoire du non-symbolisable !
-peut-être,mais intégrée à la répression culturelle mâle..
-Pense un peu à la spécificité agir/parler.... être une énergie parallèle, une mutation., un devenir non-institutionnalisé..
-quelque chose me gêne au niveau de la verbalisation
- ce qu'il faut c'est se nommer dans notre intégrité dans notre identité telle que leur vocabulaire mutilant et séparatiste ne l'a jamais incorporé...
- exactement !
...
-de toutes façons la théorisation de la féminitude s'articule à la lutte des classes au niveau du terrorisme du texte qui s'exerce quand on refuse de réintégrer nos déviations à la norme
- c'est pas si simple...

Figure-toi que je baby-sittais pour une bourge qui a un petit 300m2 au 9° étage d'une cabane pourave dans le 16°, et alors juste comme je reviens de l'espace jeux avec le gniard TOUS les ascenseurs en panne... TOCSIN SIMONE. J'appelle la duchesse, je lui dis "Les baudruches décollent pas", tu sais ce qu'elle me répond ? "Mais enfin montez à pied Agrippine quoi merde !" A pied ?... Mais j'ai pas mes Reebok. "Mais enfin montez en Weston Agrippine... C'est quand même pas la mort !" Pas la mort... avec des Weston et un moul qui pèse 3 tonnes ? Y en a qui se font pach.

baa...quelle étuve, cette chambre!
- ON FRAPPE! j'aurais pu être avec le Prince William
- le geste qui sauve : laisser entrer un air froid et sec
- MAMIE IL FAIT MOINS ZERO DEHORS!
- te rends-tu compte que ton lit à lui seul hébérge 2 millions d'acariens qui se régalent de tes squames cutanés?
- mes squa?
- tes pellicules tes poils tes fluides corporels tes secrétions nasales tes croûtes....
- amis de la poésie, bonsoir
- tes rognures d'ongles
- dis à maman que c'est les acariens elle croit que je me les ronge à mort
- bref sache que tu dois laver ta couette tes oreillers et ton boutis 2 fois par mois à 60° et passer l'aspi sur le sol, ton sommier et les rideaux minimum 1 heure par jour. les pieds du lit tu les tamponnes matin et soir à l'hexomédine le reste tu le portes à la déchetterie

- et tu crois que tu auras la patience de t'en occuper
- c'est-à-dire si ça me gonfle trop je les fourguerai à Jean-Jé... ou alors si mon livre se vend je prendrai une nurse... sauf que je n'aimerais pas qu'ils s'attachent à quelqu'un d'autre
- t'auras qu'à faire faire les trucs chiants à la nurse et tu gardes le gratifiant pour toi

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[ je respecte l'absence de ponctuation de l'auteur ]

LITTERATURE
-votre livre est giga c'est exactement ma vie
-ah bon
-c'est trop ouaf parce que je suis pas hyper conforama comme fmeuh
...
-ça me troue... c'est total moi
-j'ai été jeune aussi au jurassique antérieur

- Tchulés ! Ils m’ont dit que j’étais une âme pure. Moi une âme pure, bouffons !
- Qui ?
- Les flics. Ame pure mon cul ! J’ai failli leur balancer une reinette de Canada à chacun !

Le 12 j’ai mantras, le 13 j’ai sabbat, le 14 j’ai abracadabra.