AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Claude Hagège (44)


Claude Hagège
Posséder les mots et les diffuser, c'est posséder la pensée.
Commenter  J’apprécie          260
Sur le plan phonétique, cette sclérose est irréversible. Ainsi s'explique qu'au-delà de onze ans, même si l'acquisition de la grammaire et du vocabulaire d'une nouvelle langue demeure largement ouverte, la prononciation ne peut plus être celle des locuteurs naturels de la langue que l'on apprend. On aura donc un "accent", comme celui des Russes en français, des Turcs en allemand, des Arabes ou des Bengalis en anglais.


....c'est mon cas - j'ai donc une sclérose des synapses et c'est sans espoir, dommage !
Commenter  J’apprécie          178
Mais les langues ne sont pas seulement des agencements de sons. Elles sont aussi de géniaux dispositifs à produire du sens, au moyen de formes soumises à des règles, et ordonnés en phrases. Ce miracle est assez pour qu'on s'en puisse éprendre. Mais d'autres dimensions rendent les langues aimables : leurs fascinante diversité, leur rôle social, leur utilisation pour convaincre, informer, ordonner ou aimer, leur statut d'enjeu des luttes qui sont conduites ici et là pour l'affirmation d'une identité ou d'une solidarité nationale, leurs histoires tourmentées, souvent violentes, leurs précarité de faits culturels menacés de déclin, sinon d'extinction. Et beaucoup d'autres aspects encore.
Commenter  J’apprécie          170
Divers faits alimentent le mirage de l'autonomie syntaxique. On peut en quelque mesure, comme dans certains ouvrages littéraires (par exemple le Finnegans Wake de J. Joyce, 1939), désarticuler le lexique, dynamiter les mots, cultiver l'incohérence apparente (mais sans cesser, par là même, de transmettre un sens). On ne peut en revanche violer à volonté les règles syntaxiques, malgré les latitudes de distorsion. Certains types de langues interdisent toute transgression de l'accord entre sujet et prédicat, ou entre prédicat et compléments, d'autres exigent que l'on respecte l'ordre des mots, surtout lorsque c'est lui qui commande le sens.
Commenter  J’apprécie          160
A la fin des années 1980, six écoles primaires et secondaires furent créées, dans lesquelles le maori est la principale langue d'instruction. Dès 1982 avait commencé d'être appliqué un programme d'immersion, dans lequel 13000 enfants se trouvaient intégrés en 1994. Il y avait alors 400 kohanga reo, c'est à dire "nids de langue", où 6000 enfants, environ, apprenaient le maori. Ce programme est donc, en quelque mesure, un succès. Certaines circonstances sont favorables. D'une part le maori est aujourd'hui la seule langue indigène de Nouvelle-Zélande, et sa promotion n'entre donc pas en concurrence avec d'autres entreprises. D'autre part il existe une volonté affirmée des Maori de ranimer leur langue et de ne pas la laisser disparaître, dans la mesure où elle exprime des valeurs qu'a perdues, selon eux, la société blanche, et auxquelles ils sont attachés, notamment la tolérance et la solidarité.
Page 245
Commenter  J’apprécie          154
De plus, en voulant, comme on en a le projet, généraliser l'enseignement de l'anglais dès les premières classes de l'école primaire, on ne se soucie pas de savoir si le français lui-même est suffisamment connu des écoliers français, et si sa bonne connaissance n'est pas un préalable absolu à tout apprentissage multilingue précoce.
Commenter  J’apprécie          150
Le consentement docile de l'Europe soumise à la pression culturelle américaine est d'autant moins justifié, et la dépendance européenne d'autant plus surprenante, que l'Europe est elle-même une source essentielle de la culture américaine. Elle devrait voir dans le reflet, plus ou moins heureusement recomposé, qui lui est renvoyé de son image l'occasion de la renouveler au lieu de s'égarer dans le mimétisme et la stérilité.
Commenter  J’apprécie          130
À la suite des invasions slaves des sixième et septième siècles, une partie du vocabulaire du roumain fut assez slavisée pour que certains, notamment Adelung, dans son "Mithridates" (1771 – 1806), grande compilation des idiomes du globe, le considèrent comme une langue slave. Les Roumains, en majorité orthodoxes, ont utilisé les textes religieux slaves, qu'ils ont notés d'abord (assez tardivement, à la fin du XVe siècle) en caractères cyrilliques, ne passant qu'en 1868 à l'écriture latine. D'autres influences encore se sont adjointes, pour donner à la langue un visage original et composite, en quoi se rencontrent les deux Europes : la longue vassalité imposée par l'Empire ottoman qui, à partir du XVIIIe siècle, nomma, pour hospodars (régents), des phanariotes (princes grecs habitant à Constantinople le beau quartier du Phanar), a eu pour conséquence un apport de mots turcs et helléniques, en partie éliminés dans les années 1860 – 1877 ; le hongrois, véhicule de la culture occidentale pour les Roumains, fut aussi source de nombreux emprunts ; enfin, le prestige de Paris et la quête d'un ressourcement alimentent, surtout depuis la fin du XIXe siècle, un courant francophile, auquel est dû un afflux de mots français et qui n'a cessé de s'affirmer.
Commenter  J’apprécie          90
(...) comme le dit volontiers une certaine "élite", un certain nombre de français ne se sont pas dépris de l'idée que la diffusion du français, ou sa vocation de langue d'importance mondiale, est celle d'une langue qui a accompagné des épisodes de domination coloniale inacceptable. Soit. Ceci n'est pas complètement faux. Mais cette vision n'oublie qu'une chose, capitale: c'est qu'au moment où le gouvernement, celui de de Gaulle, au début des années 1960, a entrepris des négociations d'indépendance avec les Etats de ce qui n'était pas encore l'Union française, et où ces négociations ont finalement abouti à leur indépendance, il s'est produit un phénomène très étrange. C'est que ceux là même qui avaient combattu la France pour accéder à l'indépendance, tels L. S. Senghor, H. Bourguiba et d'autres, ont ensuite défendu le français. De Gaulle, vite informé dans les années 1960, de ce qui se construisait a réagi très prudemment, en soulignant dans un bref discours: "la France voit d'un très bon oeil votre entreprise, et vous apporte sa solidarité." Il avait très bien compris que si, dans le contexte de la décolonisation, il s'était engagé de manière véritable, indiscrète, insistante dans ce qui commençait à être une promotion du français par ceux là même qui avaient combattu la France, il aurait été immédiatement suspecté de s'en saisir comme d'un levier de néocolonialisme; et par conséquent, toute son oeuvre aurait été vouée à l'échec.
C'est la raison pour laquelle, par un paradoxe de l'Histoire, la lutte francophone est totalement autre que française. Elle a été inventée, engagée, et continue largement d'être portée, par soixante-dix Etats et régions, dont la France fait aujourd'hui naturellement partie. Car beaucoup plus tard, elle a compris qu'elle ne pouvait pas être absente d'une organisation dont le but est la promotion d'une langue qui a pour berceau la France. Dans ce contexte là, quand on entend certaines élites françaises parler du français comme d'un fardeau et s'en défendre parce que c'est une langue coloniale, la réponse que je leur donne est; écoutez, vous pourriez avoir raison, mais comment expliquer, dans ce cas, que ce soient précisément des pays coloniaux à peine décolonisés qui soient les artisans de l'entreprise de promotion du français? Ce sont eux qui ont agi, et non pas la France, qui, encore une fois, s'est tout d'abord tenue tout à fait à l'écart de cette initiative. Dans ces conditions, nous voyons bien, je le répète, que le "pays où l'on aime le moins le français, c'est la France".
Commenter  J’apprécie          90
À l'article Navajo (langue des indiens du même nom) : (...) beaucoup de verbes usuels n'ont littéralement pas d'expression en soi. Ainsi, alors que la plupart des langues ont un verbe "donner", le navajo (...) propose une vingtaine de verbes différents selon que l'on donne un objet souple, comme une lanière, long, comme un bâton, susceptible d'être rassemblé en paquet, comme du foin (...). L'étude des langues nous apprend à embrasser la diversité des modes d'appréhension du monde : ce qui paraît insignifiant aux uns est capital pour les autres, ce que la langue des uns ne mentionne même pas, celle des autres en décrit sans répit les plus menus détails.
Commenter  J’apprécie          80
Divers noms de langues australiennes du sud du pays, comme le wembawemba, le jodajoda, le madimadi ou le wadiwadi, sont, en fait, des dénégations avec répétition du mot négatif, c'est-à-dire signifient, dans les langues en question, "non non !", pour la simple raison que les usagers, interrogés, ne comprenaient pas ce que les étrangers demandaient, et le manifestaient ainsi !
(Noms des langues, p. 498)
Commenter  J’apprécie          70
Ce pauvre enfant n'appartient pas au milieu des enfants pauvres [...] une certaine compétence n'est pas une compétence certaine [...] voilà une vraie phrase, mais ce n'est hélas pas une phrase vraie. On sait en outre qu'un chaud lapin n'est pas un lapin chaud, qu'un foutu cochon n'est pas un cochon foutu et une fière canaille, une canaille fière.
Commenter  J’apprécie          60
Inuit : (...) les inuits vivent dans des conditions dont on peut se représenter la rudesse, par un climat qui atteint couramment -45°C, sur une calotte glaciaire qui n'offre aucune végétation. L'absence de repères, les incessantes variations de lumière, les forces oppressives de la nature contre lesquelles ces hommes sont en lutte constante, tel est l'ordinaire de leur existence. De là les efforts permanents pour défendre et maintenir la vie, au milieu d'une faune dont ils ne tirent assistance, mais aussi subsistance, que moyennant un travail opiniâtre de chaque jour. Les inuits ont donc déployé des merveilles d'imagination et de raffinement pour investir l'immense poésie dont ils sont capables dans le bien le plus précieux qu'ils possèdent : leur langue.
Commenter  J’apprécie          60
Tandis que la phonétique décrit physiquement les sons des langues en eux-mêmes, la phonologie est l’étude des oppositions entre phonèmes, notion universelle désignant les sons en tant qu’ils distinguent les mots dans une langue donnée. Ainsi, en français, les phonèmes b et m distinguent bal de mal : b s’oppose, comme ayant le trait oral (ou non nasal), à m nasal. Il s’oppose aussi, comme bilabial, au v, labiodental, de val et, comme sonore ou doué de voix, au p, sourd, de pal. C’est selon de tels traits et d’autres, tous étant dits pertinents puisqu’ils fondent des oppositions, que les langues du monde organisent en systèmes phonologiques leurs segments : consonnes et voyelles, ces dernières pouvant aussi, beaucoup plus souvent que les consonnes, contraster dans la chaîne, du fait de l’existence des traits prosodiques : place de l’accent (ex. angl. óbject, « objet »/objéct, « objecter ») ou profil mélodique (langues à tons : ex. chinois mā` [ton descendant], « insulter »/mā΄ [ton montant], « chanvre »).
Commenter  J’apprécie          50
Et qui donc refuserait de croire que lorsque l'on s'aventure dans l'infinie forêt des langues, et qu'on ne cesse d'y progresser en défiant certaines de leurs énigmes, on se trouve de plain-pied dans un univers où les instruments les plus rationnels d'investigation et de rigueur savantes n'excluent pas le sens des mythes et de la magie, ainsi que le penchant pour les contes merveilleux qui enchantent l'enfance ?


[ Familles (de langues) ]
Commenter  J’apprécie          50
Une langue écrite n'est pas une langue orale transcrite. c'est un nouveau phénomène linguistique, autant que culturel.
Commenter  J’apprécie          50
Le sens particulier d'un mot résulte de l'élimination de ceux qu'auraient eus à sa place tous autres mots admis à paraître dans le même contexte.
Commenter  J’apprécie          40
"En Afrique, un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle."

H. Hampaté Ba
Commenter  J’apprécie          40
Il n'y a presque pas de limites à l'hybridation des langues les unes avec les autres.
Commenter  J’apprécie          30
Le reproche de "parler pour ne rien dire" méconnaît l'envie de parler pour autre chose que pour dire.
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Claude Hagège (251)Voir plus

Quiz Voir plus

Anecdotes sur les langues du monde (difficile mais amusant)

Si un néerlandophone vous dit que vous semblez "avoir reçu un coup de moulin", que cherche-t-il à dire ?

Que vous avez reçu un coup de téléphone.
Que vous avez eu de la malchance.
Que vous êtes fou.

8 questions
66 lecteurs ont répondu
Thème : Dictionnaire amoureux des langues de Claude HagègeCréer un quiz sur cet auteur

{* *}