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Citations de Claude Lévi-Strauss (421)


Il n'y a donc pas de raisons pour mettre en doute l'efficacité de certaines pratiques magiques.
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Depuis les travaux de Cannon, on aperçoit plus clai­rement sur quels mécanismes psychophysiologiques reposent les cas, attestés dans de nombreuses régions du monde, de mort par conjuration ou envoûtement : un individu conscient d'être l'objet d'un maléfice est inti­mement persuadé, par les plus solennelles traditions de son groupe, qu'il est condamné ; parents et amis parta­gent cette certitude. Dès lors, la communauté se rétracte : on s'éloigne du maudit, on se conduit à son égard comme s'il était, non seulement déjà mort, mais source de danger pour tout son entourage ; à chaque occasion et par toutes ses conduites, le corps social suggère la mort à la malheureuse victime, qui ne prétend plus échapper à ce qu'elle considère comme son inéluctable destin. Bientôt, d'ailleurs, on célèbre pour elle les rites sacrés qui la conduiront au royaume des ombres.
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Une fois pourtant, quelqu'un tua un porc sauvage ; cette chair saignante nous parut plus enivrante que le vin ; chacun en dévora une bonne livre, et je compris alors cette prétendue gloutonnerie des sauvages, citée par tant de voyageurs comme preuve de leur grossièreté. Il suffisait d'avoir partagé leur régime pour connaître de telles fringales, dont l'apaisement procure plus que la réplétion : le bonheur.
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Texte rédigé en 1938, lors de son séjour chez les Nambikwara : « Dans la savane obscure, les feux de campement brillent. Autour du foyer, seule protection contre le froid qui descend, derrière le frêle paravent de palmes et de branchages hâtivement planté dans le sol du côté d'où on redoute le vent ou la pluie ; auprès des hottes emplies des pauvres objets qui constituent toute une richesse terrestre ; couchés à même la terre qui s’étend alentour, hantée par d'autres bandes également hostiles et craintives, les époux, étroitement enlacés, se perçoivent comme étant l'un pour l'autre le soutien, le réconfort, l'unique secours contre les difficultés quotidiennes et la mélancolie rêveuse qui, de temps à autre, envahit l'âme nambikwara. Le visiteur qui, pour la première fois, campe dans la brousse avec les Indiens, se sent pris d'angoisse et de pitié devant le spectacle de cette humanité si totalement démunie ; écrasée, semble-t-il, contre le sol d'une terre hostile par quelque implacable cataclysme ; nue, grelottante auprès des feux vacillants. Il circule à tâtons parmi les broussailles, évitant de heurter une main, un bras, un torse, dont on devine les chauds reflets à la lueur des feux. Mais cette misère est animée de chuchotements et de rires. Les couples s'étreignent comme dans la nostalgie d'une unité perdue ; les caresses ne s'interrompent pas au passage de l'étranger. On devine chez tous une immense gentillesse, une profonde insouciance ; une naïve et charmante satisfaction animale, et, rassemblant ces sentiments divers quelque chose comme l'expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine
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C'est dans ces régions, où la densité de population dépasse parfois mille au kilomètre carré, que j'ai pleinement mesuré le privilège historique encore dévolu à l'Amérique tropicale (et jusqu'à un certain point à l'Amérique tout entière) d'être restée absolument ou relativement vide d'hommes. La liberté n'est ni une invention juridique ni un trésor philosophique, propriété chérie de civilisations plus dignes que d'autres parce qu'elles seules sauraient la produire ou la préserver. Elle résulte dune relation objective entre l'individu et l'espace qu'il occupe entre le consommateur et les ressourcés dont il dispose. Encore n'est-il pas sûr que ceci compense cela, et qu'une société riche, mais trop dense ne s'empoisonne pas de cette densité, comme ces parasites de la farine qui réussissent à s’exterminer à distance par leurs toxines, avant même que la matière nutritive ne fasse défaut.
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L'ensemble des coutumes d'un peuple est toujours marqué par un style ; elles forment des systèmes. Je suis persuadé que ces systèmes n'existent pas en nombre illimité, et que les sociétés humaines comme les individus — dans leurs jeux, leurs rêves ou leurs délires — ne créent jamais de façon absolue, mais se bornent à choisir certaines combinaisons dans un répertoire idéal qu'il serait possible de reconstituer. En faisant l'inventaire de toutes les coutumes observées, de toutes celles imaginées dans les mythes, celles aussi évoquées dans les jeux des enfants et des adultes, les rêves des individus sains ou malades et les conduites psycho-pathologiques, on parviendrait à dresser une sorte de tableau périodique comme celui des éléments chimiques, où toutes les coutumes réelles ou simplement possibles apparaîtraient groupées en familles, et où nous n’aurions plus qu'à reconnaître celles que les sociétés ont effectivement
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Qu'il s'agisse des villes momifiées de l'Ancien Monde ou des cités fœtales du Nouveau, c'est à la vie urbaine que nous sommes habitués à associer nos valeurs les plus hautes sur le plan matériel et spirituel. Les grandes villes de l'Inde sont une zone ; mais ce dont nous avons honte comme d'une tare, ce que nous considérons comme une lèpre, constitue ici le fait urbain réduit à son expression dernière : l'agglomération d'individus dont la raison d'être est de s'agglomérer par millions, quelles que puissent être les conditions réelles. Ordure, désordre, promiscuité, frôlements ; ruines, cabanes, boue, immondices ; humeurs, fiente, urine, pus, sécrétions, suintements : tout ce contre quoi la vie urbaine nous paraît être la défense organisée, tout ce que nous haïssons, tout ce dont nous nous garantissons à si haut prix, tous ces sous-produits de la cohabitation, ici ne deviennent jamais sa limite. Ils forment plutôt le milieu naturel dont la ville a besoin pour prospérer. À chaque individu, la rue, sente ou venelle, fournit un chez soi où il s’assied, dort, ramasse sa nourriture à même une gluante ordure. Loin de le repousser, elle acquiert une sorte de statut domestique du seul fait d'avoir été exsudée, excrétée, piétinée et maniée par tant d'hommes.
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Au terme de quatre ou cinq mille ans d'histoire, on se plaît à imaginer qu'un cycle s'est bouclé ; que la civilisation urbaine, industrielle, bourgeoise, inaugurée par les villes de l’Indus, n'était pas si différente dans son inspiration profonde de celle destinée, après une longue involution dans la chrysalide européenne, à atteindre la plénitude de l'autre côté de l'Atlantique. Quand il était encore jeune, le plus Ancien Monde esquissait déjà le visage du Nouveau.
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Au même moment, d'ailleurs, et dans une île voisine les Indiens s'employaient à capturer des blancs et à les faire périr par immersion, puis montaient pendant des semaines la garde autour des noyés afin de savoir s'ils étaient ou non soumis à la putréfaction. De cette comparaison entre enquêtes se dégagent deux conclusions : les blancs invoquaient les sciences sociales alors que les Indiens avaient plutôt confiance dans les sciences naturelles ; et, tandis que les blancs proclamaient que les Indiens étaient des bêtes, les seconds se contentaient de soupçonner les premiers d'être des dieux. À ignorance égale, le dernier procédé était certes plus digne d'hommes.
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Aujourd'hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions pesamment ancres au fond des mers du Sud, où l'Asie tout entière prend le visage d'une zone
l'Afrique, où l'aviation commerciale et militaire flétrit la candeur de la forêt américaine ou mélanésienne avant même d'en pouvoir détruire la virginité, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique ? Cette grande civilisation occidentale, créatrice des merveilles dont nous jouissons, elle n'a certes pas réussi à les produire sans contrepartie. Comme son œuvre la plus fameuse, pile où s'élaborent des architectures d'une complexité inconnue, l'ordre et l'harmonie de l'Occident exigent l'élimination d'une masse prodigieuse de sous-produits maléfiques dont la terre est aujourd'hui infectée. Ce que d'abord vous nous montrez, voyages, c'est notre ordure lancée au visage de l'humanité.
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C'est dans la mesure même où l'on prétend établir une discrimination entre les cultures et les coutumes que l'on s'identifie le plus complètement avec celles de qu'on essaye de nier. En refusant l'humanité à ceux qui apparaissent comme les plus "sauvages" ou "barbares" de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c'est d'abord celui qui croit en la barbarie.
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La diversité des cultures humaines ne doit pas nous inviter à une observation morcelante ou morcelée. Elle est moins fonction de l'isolement des groupes que des relations qui les unisssent. (p.17)
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Du texte plus haut cité de «L'Origine des manières de table», il ressortait aussi qu'une espèce absente d'un milieu déterminé, si elle reste présente dans les mythes, s'y projette dans un «autre monde» où les fonctions sémantiques que des mythes lui assignent ailleurs au titre d'animal réel sont systématiquement inversés.
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En Amérique du Nord, on relève chez les Chinook du bas Colombia la même distinction entre les deux langages pour s'adresser non pas aux nobles ou aux gens du commun, mais aux morts ou aux vivants.
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Il en est du couple incestueux comme de la famille avare : ils s'isolent automatiquement de ce jeu consistant à donner et à recevoir, à quoi se ramène toute la vie de la tribu; dans le corps collectif, ils deviennent un membre mort ou paralysé.
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Je n'ai jamais attaché beaucoup d'importance à la photographie. Je photographiais parce qu'il le fallait, mais toujours avec le sentiment que cela représentait une perte de temps, une perte d'attention. Pourtant, j'ai beaucoup aimé et pas mal pratiqué la photographie dans mon adolescence. Mon père était artiste peintre et bricolait beaucoup la photo. Mais la photographie constitue un métier à part, si je puis dire. Ce que j'ai fait est un travail de photographe au degré zéro. J'ai publié un livre de photos ( Saudades do Brasil, Plon, 1994) parce que, autour de moi, on a beaucoup insisté. L'éditeur a choisi un peu moins de 200 clichés parmi tant d'autres.
Lors de ma première expédition chez les Bororos, j'avais emporté une très petite caméra portative. Et il m'est arrivé de temps en temps de presser le bouton et de tirer quelques images, mais je m'en suis très vite dégoûté, parce que, quand on a l'oeil derrière un objectif de caméra, on ne voit pas ce qui se passe et on comprend encore moins. Il en est resté des bribes qui font au total à peu près une heure de morceaux de films. Elles ont été retrouvées au Brésil, où je les avais abandonnées, et ont été montrées une fois au Centre Pompidou. D'ailleurs, je vais vous faire une confession: les films ethnologiques m'ennuient.
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« La croyance où nous gardons nos enfants que leurs jouets viennent de l’au-delà apporte un alibi au secret mouvement qui nous incite, en fait, à les offrir à l’au-delà sous prétexte de les donner aux enfants. Par ce moyen, les cadeaux de Noël restent un sacrifice véritable à la douceur de vivre, laquelle consiste d’abord à ne pas mourir. »
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[…] quand nous sommes intéressés à un certain type de progrès, nous en réservons le mérite aux cultures qui le réalisent au plus haut point, et nous restons indifférents devant les autres. Ainsi le progrès n’est jamais que le maximum de progrès dans un sens prédéterminé par le goût de chacun.
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