AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Claudio Magris (225)


Le château de Dracula se situe près de la frontière avec la Bucovine, aujourd'hui territoire soviétique. En 1865 Ferdinand Kurnberger pensait que de ces lointaines et intactes provinces orientales de l'empire des Habsbourg allait surgir une littérature neuve et fraîche, de langue allemande mais nourrie de toutes les civilisations de ce creuset austro-hébraïco-russo-ruthéno-roumain (page 392).
Commenter  J’apprécie          20
Le Danube enfile les villes comme des perles. Györ, qui était en 1956 le centre des revendications les plus dures et imposait des ultimatums à Budapest, plus modérée, est belle et tranquille, avec ses vieilles rues qui mènent comme une promenade dominicale sur les rives du fleuve et l'eau verte de la Raba qui se jette dans un bras du Danube (page 315).
Commenter  J’apprécie          30
Il devient sans cesse plus difficile de concilier la défense de la personne contre la vague montante d'interceptions abusives et de mises sur la place publique - forme moderne du pilori - de toute intimité avec la lutte qu'il faut mener pour démasquer les secrets, autrement dit les "Affaires" et les crimes qui empoisonnent toujours davantage la société, l'Etat, la vie de la communauté.
Il y a une intimité qui devrait être inviolable, plus que jamais en ses temps de nudisme psychologique et d'enregistrement de masse universel.
Commenter  J’apprécie          90
Il existe un autre domaine - bien plus intéressant que celui de l'organisation et de la perpétration du pouvoir - dans lequel la sauvegarde du secret est fondamental, c'est celui de la vie privée.
A l'opposé de toute culture mystériosophique, cette défense est, ou du moins peut être, une très humaine protection de la liberté individuelle.
Dans une très belle page, Edouard Glissant revendique le droit à l'opacité, le droit de ne pas être passé, au plus profond de son être et de ce qu'il ressent, aux rayons W de quelque connaissance globale, même pas par l'être aimé qui partage son existence; en reconnaissant aussi son propre devoir de respecter l'autre de la même façon.
Commenter  J’apprécie          40
Garder le secret. Le secret et sa sauvegarde constituent un élément fondamental de la puissance, du pouvoir. Arcana Imperii, confiés selon la tradition par Auguste à Tibère. Certains disent que le mot Imperi a été ajouté plus tard, il remonterait au Moyen Age, et le teste à l'origine se serait appelé seulement Arcana. Peut-être pour ne pas spécifier, ou plutôt pour ne pas réduire à la sphère politique le rôle, la nécessité et le mécanisme du secret, mais pour en faire une loi universelle, mystérieuse parce qu'elle ne se limite pas à une sphère particulière - fût-elle la plus haute - et donc d"autant plus puissante. Il s'agit bien sûr de la même chose, ) savoir de l'affirmation et de l'exercice d'un pouvoir, qui justement pour être plus fort non seulement se pare de secret mais étend le secret, l'arcane, à la réalité et à la vie entière.
Commenter  J’apprécie          20
Qui dit secret dit invitation à le garder mais aussi le violer, deux impulsions contradictoires et souvent entrelacées avec ambigüité.
Commenter  J’apprécie          40
Pour son roman « Le vieil homme et l'officier » Mircea Eliade est descendu dans les caves de la vieille ville, à Bucarest, cave dans lesquelles ses personnages disparaissent inexplicablement, de la même façon que les flèches qu'ils lancent en l'air ne retombe jamais plus. La police secrète de l'État, dans le roman, cherche à interpréter la signification politique de ces récits fabuleux de disparition et de magie, en s'égarant toutefois dans les méandres de la narration mythique ; le vieux maître Zaharia Farâma, qui raconte ces histoires, survit aux hautes autorités qui l'interrogent dans l'espoir de lui arracher les secrets d'État – et à la redoutée Anna Pauker qui le convoque pour qu'il lui rende compte de ces élucubrations.
Pour Mircea Eliade l'authentique et immortelle mythologie populaire s'oppose à la fausse mythologie technocratique du pouvoir. Il se pourrait que le grand spécialiste des mythes ait tort, qu'il idéalise le passé ; tout mythe archaïque, qui nous apparaît aujourd'hui comme parfaitement authentique, a sans doute été au départ trucage et coup de force des technocrates, arcane élaboré par le pouvoir, mystère dont s'enveloppe toute police secrète. Les siècles effacent les polices secrètes et leur puissance, si fait qu'il ne reste que le récit –mythos – de ce qu'elles ont d'énigmatique, récit pur et authentique comme toute fable qui ne se propose aucun but autre que celui de raconter. Quand ce qu'il faut de temps se sera écoulé, la réémergence à l'air libre et la descente aux abîmes provoquées par les travaux que Ceaușescu a ordonnés deviendront peut-être une source de poésie et de mythe, tout autant que les destructions des époques anciennes.
(p. 525-526)
Commenter  J’apprécie          110
Même si son univers est français, [Eugène] Ionesco plonge ses racines dans cet humus dadaïste roumain et en tire justement ce goût de la parodie totale qui anime ses répliques et marque aussi son visage de clown métaphysique, à la Buster Keaton, un visage qui est son chef-d'œuvre.
(p. 516)
Commenter  J’apprécie          90
[Ion Luca] Caragiale n'a nul besoin de déformer la réalité, ni de s'en moquer explicitement pour montrer ce qu'elle a de vide ou de faux ; il lui suffit de la faire voir telle qu'elle est, de citer les paroles que l'on dit vraiment tous les jours pour en dévoiler le néant, d'autant plus inquiétant qu'il est normal. Ses personnages ne profèrent pas d'absurdités flagrantes, mais des phrases tout à fait raisonnables, et d'autant plus absurdes, portrait fidèle et non pas caricature de la bulle de savon dont nous sommes faits.
(p. 516-517)
Commenter  J’apprécie          70
Le poète yiddish Israël [Israil] Bercovici vit lui aussi [en Roumanie] dans un quartier presque de banlieue. La littérature, me dit-il, c'est un jackpot, dans lequel la vie et l'histoire glissent subrepticement ou jettent avec violence une pluie d'événements, la lumière indicible d'un soir, des problèmes sentimentaux ou des guerres mondiales, mais dont on ne peut jamais savoir ce qui va sortir, un petit sou de rien du tout ou une royale poignée de pièces, une avalanche de poésie. Timide et discret, Bercovici est un fin poète, et de sa personne émanent cette gentillesse familière et cette tenace pietas qui sont venues à bout de siècles de violences et de pogroms ; dans sa maison modeste et bien tenue, la bibliothèque est une petite arche de Noé de l'hébraïsme oriental, et lorsqu'il nous lit un de ses poèmes, par exemple Soloveï, Le rossignol – tandis que sa femme rentre de l'hôpital où elle travaille comme médecin, prépare le repas –, on comprend mieux certains récits d'Isaac Bashevis Singer, leur mystère conjugal et le caractère épique et passionné de la vie familiale chez les Juifs.
(p. 518-519)
Commenter  J’apprécie          110
À Sulina arrivent maintenant tous les débris que le Danube transporte. Dans son roman Europolis, qui date de 1933, Jean Bart, alias Eugen P. Botez, voit les destinées humaines elles-mêmes aborder à Sulina comme les épaves d'un naufrage ; la ville, comme le dit le nom qu'il lui a inventé, vit encore dans un halo d'opulence et de splendeur, c'est un port situé sur de grandes routes, un endroit où se rencontrent des gens venus de pays lointains et où on rêve, en on entrevoit, on manie mais surtout on perd la richesse.
Dans ce roman la colonie grecque, avec ses cafés, est le décor de cette splendeur à son déclin, à laquelle la Commission du Danube confère une dignité politico-diplomatique, ou du moins un semblant. Le livre, toutefois, est une histoire d'illusion, de décadence, de tromperie et de solitude, de malheur et de mort ; une symphonie de la fin, dans laquelle cette ville qui se donne des allures de petite capitale européenne devient bas-fond, rade abandonnée.
(p. 533)
Commenter  J’apprécie          140
Yo to enamomaré de nuevo y saremo felices. Tu volveras a tender los pellejos ovejunos sobre el seno de nino de nostra madre tierra. Ahi dormiremos otra vez juntos, abrazaditos en un amor sin fin... Volveras tu a cantar tayil tras tayil. Yo abre comprendido a un mejor la lingua de nustros dioses, los dios indios.

Je retomberai amoureux de toi et je serai heureux. Vous déposerez à nouveau les peaux de mouton sur le ventre de notre enfant terre-mère. Là nous coucherons à nouveau ensemble, embrassés dans un amour sans fin... Tu chanteras encore tayil après tayil.
Commenter  J’apprécie          20
La vie ne peut être comprise qu'en regardant en arrière, même si elle doit être vécue en regardant en avant.
(Kierkegaard)
Commenter  J’apprécie          30
Chaque nation est destinée à avoir son heure, et il n'y a pas, à l'absolu, de civilisations majeures ou mineures, mais bien plutôt une succession de saisons et de floraisons.
Commenter  J’apprécie          10
Cette rencontre entre l’Europe et l’empire ottoman est le grand exemple de deux mondes qui, en se combattant et en se déchirant, finissent par s’interpénétrer imperceptiblement, et s’enrichir réciproquement.
Commenter  J’apprécie          30
Est-il possible que ces filets d’eau dans le pré soient le Danube, le fleuve des superlatifs, comme on l’a surnommé, avec son bassin de 817 000kilomères carrés et les deux cents milliards de mètres cubes d’eau qu’il déverse chaque année dans la Mer Noire ?
Commenter  J’apprécie          20
L'eau, dans la baie d'Along, est couleur de jade, dense sans être trouble, d'une tiédeur tropicale; une dernière gorgée d'été, un été qu'on ne ressent pas comme une saison passagère, mais plutôt comme une façon d'être, un état. Des îles enchanteresses et des rochers sertissent le vaste golfe; la barque effleure des grottes mouvantes et friables, boueuses.
Commenter  J’apprécie          00
Est-il possible de retrouver les morceaux de nous-mêmes que les continuels déchirements du vivre, individuel et collectif, nous arrachent et jettent dans le fleuve qui s'enfuit? La paix, c'est aussi cela, la réconciliation avec tout ce qui fait partie de soi-même, avec son propre pays, avec sa propre histoire.
Commenter  J’apprécie          00
Voyager est une école d'humilité; on touche du doigt les limites de sa propre compréhension, la précarité des schémas et des outils avec lesquels une personne ou une culture s'imaginent en comprendre une autre ou la jugent.
Commenter  J’apprécie          00
Aujourd'hui plus que jamais, vivre signifie voyager ; la condition spirituelle de l'homme comme voyageur, dont parle la théologie, est aussi une situation concrète pour des masses de plus en plus importantes de personnes.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Claudio Magris (396)Voir plus

Quiz Voir plus

Assassination classroom

Qui est Monsieur Koro

un extraterrestre
un élève

15 questions
117 lecteurs ont répondu
Thème : Assassination Classroom, tome 1 de Yusei MatsuiCréer un quiz sur cet auteur

{* *}