Claudio Magris nous emporte en Amérique du Sud au travers de trois portraits, ceux de Janez Benigar, d'Orélie-Antoine de Tounens et d'Angela, une religieuse que les Yamana prendront pour un manchot à cause de son habit de nonne noir et blanc.
Comme à son habitude,
Claudio Magris élargit son champ d'étude bien au-delà de la biographie des personnages qu'il a choisis, et tisse un réseau de liens historiques et littéraires, en convoquant les lointaines origines slovène et italienne de Janez Benigar et d'Angela et une foultitude d'auteurs, certains connus (
Borges bien sûr,
Cervantes,
Poe,
Chatwin ou encore
Francisco Coloane), d'autres moins (
Osvaldo Bayer, Alonso de Ercilla, Daniele del Guidice).
La biographie de son premier sujet, Janez Benigar, permet d'établir un pont avec un autre aventurier, Enrico Mreule, dont il avait conté les péripéties dans
Une autre mer, et narre le destin d'un homme qui vécut parmi les Tehuelches de Patagonie, partageant leur vie et étudiant leurs coutumes et leur cosmogonie, luttant aussi pour la reconnaissance de leurs droits.
Le second sujet de
Claudio Magris est un personnage plus connu et haut en couleur, Antoine Orélie de Tounens, un Don Quichotte à la française qui se mit en tête de devenir roi d'Araucanie, un territoire situé à cheval entre le Chili et l'Argentine, et qui défendit les droits des Mapuches face aux Chiliens avant d'être arrêté et déclaré fou par ses derniers, qui le réexpédièrent en France.
La troisième personnalité à faire l'objet de la curiosité de l'auteur est Angela, une nonne qui oeuvra en Terre de Feu et se prit de tendresse pour les derniers représentants des Yamana, qu'elle tenta d'aider pour lutter contre leur disparition.
Un bel hommage à la Patagonie et aux rares aventuriers qui tentèrent de préserver la vie des Indiens massacrés par les colons argentins et chiliens, et comme souvent avec
Claudio Magris, un chef d'oeuvre d'érudition, de poésie et d'humour.