Citations de Cornelia Funke (325)
p.73
Comme s'il n'était pas convenable de parler de la mort et du malheur à voix haute.
Il lança un dernier coup d'œil en direction de Capricorne, regarda Elinor encore une fois, et se racla la gorge - et commença.
Alors tout disparut. Les murs rouges de l'église, les visages des hommes et même Capricorne dans son fauteuil. Il n'y avait plus que la voix de Mo et les images que les mots faisaient naître.
- Vous voyez toutes ces librairies, Allis ? me demanda-t-elle. Toutes ces bibliothèques, ces bouquinistes, ces ateliers de reliure, d'écriture ou de calligraphie ? Eh bien, ils vont tous disparaître. Oui : les livres vont mourir, Allis. Tous les livres."
(Christian Grenier, Virus L.I.V.3. ou La mort des livres)
Ah, les enfants! songea Fenoglio en se dirigeant vers le feu où il avait aperçu le Prince noir. Ils sont partout pareils. De petits monstres insatiables, mais les meilleurs auditeurs qui soient, dans n’importe quel monde. Les meilleurs.
- Je t’ai tout raconté, disaient les mains, tout ce que tu m’as demandé.
Oui, c’était vrai. Oui, et Meggie lui en avait posé des questions, des milliers : « As-tu déjà vu un géant ? Comment étais-tu habillée ? Comment était la forteresse dans la forêt où Mortola t’a emmenée, et ce prince dont tu parles, le Prince insatiable, son château était-il aussi beau et somptueux que le château de la Nuit ? Parle-moi de Cosimo le Beau, et de Tête de Vipère et de ses cuirassiers. Est-il vrai que, dans son château, tout était en argent ? Quelle est la taille de l’ours que le Prince noir a toujours avec lui et qu’en est-il des arbres, parlent-ils vraiment ? Et la vieille femme que tous appellent l’Ortie. Elle vole vraiment ? »
Resa avait répondu du mieux qu’elle pouvait à toutes ses questions mais, même avec un millier de réponses, on ne peut reconstituer dix années, et il y a des questions que Meggie n’avait jamais posées.
Les fées n’allaient pas tarder à s’endormir dans leurs nids, les souris et les lapins dans leurs terriers, la fraîcheur de la nuit allait engourdir les pattes des lézards et les prédateurs se mettraient en route, leurs yeux brillant dans la nuit comme des lumières jaunes. « Espérons qu’ils n’auront pas envie de dévorer un cracheur de feu », songea Doigt de Poussière en étendant ses jambes sur le tronc de l’arbre. Il enfonça le couteau près de lui dans l’écorce friable, resserra autour de ses épaules la cape qu’il n’avait pas portée depuis dix ans et regarda les feuilles au-dessus de lui, qui s’assombrissaient de plus en plus. Une chouette s’envola d’un chêne vert et plana, telle une ombre entre les branches. Quand le jour s’éteignit complètement, un arbre chuchota dans son sommeil des mots qu’aucune oreille humaine ne comprenait.
Doigt de Poussière ferma les yeux et tendit l’oreille.
Il était rentré chez lui.
Ça fait du bien d'avoir ses livres quand on est dans des lieux inconnus.
Pourquoi les adultes croyaient-ils que les enfants supportent mieux les mystères que la vérité ? Ne savaient-ils rien des sombres histoires que l'on s'invente pour expliquer les mystères ?
Oui, elle s'était faufilée entre les mots, comme elle l'avait déjà fait tant de fois en pensée. Elle n'aurait pas besoin de se mettre dans la peau d'un personnage dont parlait le livre, non, elle serait elle-même le personnage, elle-même. Meggie.
C'était exactement comme cela que Mo s'était imaginé le château de la Nuit : d'imposantes tours, massives et rondes, des meurtrières qui se découpaient sous les toits argentés. En voyant les prisonniers franchir la porte du château, titubants de fatigue, Mo crut voir écrits sous ses yeux les mots de Fenoglio, noirs sur du papier d'un blanc laiteux : "... Le château de la Nuit, un promontoire sombre au-dessus de la mer, chaque pierre polie par les cris, les murs glissants de larmes et de sang..." Oui, Fenoglio savait raconter les histoires. L'argent qui ornait le pourtour des créneaux et des portes formait une trace d'escargot tout le long des remparts. Tête de Vipère adorait ce métal, que ses sujets appelaient de la salive de lune, peut-être parce qu'un alchimiste lui avait fait croire qu'il gardait les Femmes blanches à distance car elles avaient horreur d'apercevoir leurs visages blafards s'y refléter.
p.504.
Les secrets. Rien ne détruit l'amour plus que les secrets.
Vous savez, je crois qu'un livre garde toujours entre ses pages quelque chose de ceux qui l'ont possédé.
Le cœur est muet comme une carpe quand bien même la langue s'efforce de lui donner une voix.
Les histoires ne finissent jamais [...]. Même si les livres veulent nous le faire croire. Les histoires continuent toujours, elles ne s'arrêtent pas plus avec la dernière page qu'elles ne commencent avec la première.
« Quand tu emportes un livre en voyage, il se passe quelque chose d'étrange : le livre se met à rassembler tes souvenirs et, plus tard, il suffit que tu l'ouvres pour te retrouver à l'endroit même où tu l'avais lu. Dès les premiers mots, tout revient : les images, les odeurs, la glace que tu mangeais alors... Crois-moi, les livres sont comme le papier dont on se sert pour attraper les mouches. Les souvenirs n'adhèrent nulle part aussi bien que sur des feuilles de papier imprimé. »
Il y avait une femme qui s'était perdue deux fois derrière les mots et, la deuxième fois, elle ne retrouva plus le chemin pour revenir.
Les porte-bonheur volés n'apportent que du malheur. Tout le monde sait ça.
- Des histoires de fantômes, rien de plus. Des âneries ! s'exclama Fenoglio en se glissant près de Resa, Despina agrippée à lui. Le château du Lac est abandonné depuis longtemps. Alors, les gens racontent des tas d'histoires, mais ce ne sont que des histoires.
- Comme c'est rassurant ! s'exclama Elinor en lançant à Fenoglio un regard qui le fit rougir.
Son enfant. Un mot si fort. Le plus fort de tous.