Citations de Daniel Boulanger (239)
retouche à la canardière
un battement d'ailes dans les roseaux
déplace une étoile
la nuit dans sa robe à trous
écarte le long fusil de froid
p.30
retouche au relais
le chevrier des rêves
saute le dernier fossé du sommeil
et me regarde interdit
les bêtes écrasées sur le mur du réveil
bougent encore
ton bruit de feuilles première heure
vient du seul bouc en fuite
tout mon jour est pour lui
p.100
elle écrivait ses lettres à l'envers
du ton qui lui ressemble
mais j'allais à son amble
dans le miroir aux yeux ouverts
Retouche à la chouette
retouche à la chouette
syncope de l’ombre
on a touché la moelle de la nuit
Retouche à l’âge…
loin et si loin et sait-on pour quel vœu
dans les mains du silence
le chapelet de la pendule
sur le bonheur du jour la vie laisse un cheveu
retouche aux complies
l'ombre mange encore une fleur
le paysage s'agenouille
à la fenêtre
les restes du jour font un bruit d'os
dans la gueule du chien
p.33
retouche au doute
dans sa toile d'araignée
le soleil aux longues articulations
s'immobilise
une mouche s'y lisse les ailes
p.45
retouche au jasmin
troussée debout contre le mur
pour les galanteries du vent
la nuit grivoise à l'œil cerné de blanc
écoute
venue de l'au-delà en tricorne et dentelles
une voix toujours jeune
p.72
retouche à l'âge
la fatigue étend ses velours
sous les tilleuls du souvenir
mais gamine
ombre à chignon d'étoiles
mon âme saute à la corde
dans la sphère ronflante de l'image
p.13
retouche à l'enthousiasme
jeu des petits papiers poème au long des temps
chaque matin te complète
d'une ombre et d'un soleil et la nouvelle fête
en larmes se surprend
p.52
retouche au vent
trousseur d'arbres
voici mon âme pour maîtresse
et son feuillage de désirs
le ciel aussi se laisse aller
p.123
- Aristide ? Les impôts me dessèchent. Je n'ai pas de maison. D'autres vivent dedans. Je vais les regarder. J'en perdrai la raison.
L'avenue bordée de hêtres descendait vers la mer et le cocher chantait à tue-tête, si gai, des paroles si tristes que le cheval allait en zigzag, incommodé par cet inhabituel charivari.
A l'ordinaire, Émile Gaudens qui le menait sans lui tirer la bouche gardait le silence et paraissait penser, et il arrivait qu'il pensât...
(extrait de "Fouette, cocher !" nouvelle extraite du recueil éponyme paru chez "Gallimard" en 1979)
[...]
- C'est le journal de samedi, dit Sterb. Cueillette m'en a parlé. Les débris sont en décomposition très avancée, comme il les aime. Je remarque que Thérèse s'intéresse aux crimes. Elle est pourtant tenue à l'écart. L'homme est décidément une drôle de machine.
- On ne devrait jamais parler de ces choses, dit Madeleine. Nous n'avons aucune tenue. Quel déballage ! Pourquoi leur laisse-t-on lire ça ?
- Parce qu'on l'imprime.
- Ce n'est pas Thérèse qui m'a glissé cette coupure, elle qui n'aime que la danse ! C'était un si beau dimanche !
- Tu es trop sensible, dit le docteur Sterb en remettant à plein le cri des trompettes et le roulement des tambours.
[...]
2e retouche à la sieste
l’ange dans l’herbe heurte
la pomme de la première heure
la trop aimée dans son rêve se tourne
vers un monde sans arbres
sauf une barque dans la houle de lumière
retouche à la sieste
un papillon met la lumière en confettis
la mer est nue dans une ronde de baigneuses
et le soleil marche droit
vers moi né d’herbe et de désir
des souvenirs me traversent
avec la grâce des gazelles
Les lieux saturés de vos souvenirs deviennent irrespirables.
retouche agricole
dans l'œil du juriste
global et neutre
du cheval
le soir crapuleux tombe
devant un peloton de corneilles
l'homme roule un dernier tabac
et pour sa femme croise le pain
une mouche remplace une mouche
dans l'enquête sur la table
les verres ont la blancheur de l'hostie
p.11
retouche au réveil
sur la table un couteau qui pelait des soleils
le jour traverse à peine les plis de la mémoire
la ville a la taille d'une armoire
p.104
retouche à la peur
dans son hangar à tous vents
une famille d'échelles
autour d'un escabeau nouveau-né
le ciel en tablier de vieille femme
tend son assiette vide
p.95
retouche au midi
dans le cadre du ciel
le monde pose en famille
et se retient de bouger et de rire
L'Éternel est fier d'avoir un instant
p.79