Citations de Daniel Halévy (30)
Je fais la chasse aux hommes comme un véritable corsaire, non pour les vendre en esclavage, mais pour les emporter avec moi, dans la liberté.
p. 230
Le gouvernement était-il libre d'agir contre ces financiers ?
NDL : Dans "La dîme du Roi", son dernier mémoire/essai, Vauban accuse les financiers/usuriers d'appauvrir les petites gens.
Ouuuuuuuuuuuuh que j'aimerais vivre dans un monde sans "financiers" !
Que de mérites, d'héroïsmes obscurs, de génies tranchés dans leur fleur ! Voilà sur quoi se fonde la grandeur, la sécurité d'un peuple. Beaucoup l'ignorent ou, l'ayant su, l'oublient ; Vauban le sait et n'oublie pas.
"Ce sont les hommes faits comme cela, écrit-il à Louvois, qui sauvent les Etats."
Louvois a lu le mémoire de Vauban avec attention. Il connait le problème ( 1 ), mais Louvois craignait le roi ; le roi mettait son honneur à tenir ferme.
( 1 ) : NDL problème des conséquences de la révocation de l'édit de Nantes, en 1687.
Lettre de Nietzsche à Wagner, 1875.
Si j'ai pu, moi, un enfant de ce temps, acquérir des connaissances qui sont si peu à sa mesure, c'est parce que je suis disciple de temps plus anciens, et premièrement des Grecs. Je pratique, par métier, la philologie classique, et j'avoue ne pas savoir quel sens elle peut avoir parmi nous, si ce n'est de travailler à l'encontre du temps où nous sommes, par là même sur ce temps, et, espérons-le, pour nourrir les temps qui viennent.
Voici que pour un simple soldat déserteur, Vauban sollicite auprès de Louvois même ; il supplie très humblement qu'il soit permis de l'excuser :
"C'est un misérable, qui a cinq ou six petits enfants qui meurent de faim, et qui me fait compassion."
Nul homme n'a davantage marqué le sol de sa patrie. Toutes ses villes-frontières, Vauban les a armées, et fortement ceinturées.
Une ville construite par Vauban est une ville sauvée, une ville attaquée par Vauban est une ville perdue.
"Je me suis rendu compte, peu à peu, de ce qui a été, jusqu'à présent, toute grande philosophie : une confession de son auteur, et une sorte de Mémoires involontaires et inaperçus." (Par-delà le bien et le mal, § 6). Dans "Humain, trop humain I (§ 513) : "l'homme a beau s'étendre, autant qu'il peut, par sa connaissance ; il a beau s'apparaître aussi objectivement qu'il le veut, il n'en retire cependant, pour finir, que sa propre biographie." Aurore, fragment posthume [§ 4 (285)] : "J'ai toujours écrit mes oeuvres avec tout mon corps et ma vie : j'ignore ce que sont des problèmes 'purement spirituels'".
Note p. 18
J'ai voyagé et, suivant des voies mal frayées, j'ai découvert des pays étonnants. Mais - ceci est peut-être assez particulier - mes explorations, je les ai faites dans Paris même, et les pays que j'ai trouvés étaient encore des pays parisiens. Certes, j'ai été, comme tout le monde faisait alors, voir le Rhin et l'Italie. Mais quoi ! il n'y a là que des parcours tracés pour des flâneries traditionnelles. On y suit à la piste Hugo, Schumann, Mme Sand, Musset ou Stendhal; on n'y découvre rien. Non, mes explorations m'ont conduit vers des pays, vers des humanités plus neuves, et ces humanités étaient de notre ville même, toujours d'elle. Dans notre monde uniformisé, c'est sur place et en profondeur qu'il faut aller; le dépaysement et la surprise, l'exotisme !e plus saisissant, sont tout près. Une heure sur les impériales des lents tramways de ce temps-là, il n'en fallait pas plus : au débarqué, je foulais le sol d'un pays aussi différent de mes pays familiers que si j'avais franchi mille lieues ou reculé vers le passé de quatre ou cinq siècles. Où étais-je ? Dans les faubourgs, la banlieue populaire , à Montreuil-sous-Bois, à La Villette ou à Belleville. Quel déplacement inouï ! Et dans notre ville, toujours en elle.
Daniel Halévv, Pavs parisiens, Grasset, Les Cahiers Rouges p.152 et suiv.
[ NDL : Louvois à Vauban, pour ce qui est d'amener les eaux de l'Eure à Versailles :]
" Il est inutile que vous pensiez à un aqueduc rampant dont le Roi ne veut pas entendre parler ; si le mémoire ci-joint n'est pas suffisant pour vous en faire comprendre la raison, la volonté du maître doit vous empêcher de plus parler."
[ NDL : Vauban craint l'instabilité de la zone marécageuse à traverser, mais le roi veut un vrai aqueduc, grandiose, spectaculaire !]
Sa bonté, son humanité, sa libéralité lui composaient une autre politesse plus rare, qui était toute dans son cœur.
Il méprisait cette politesse superficielle dont le monde se contente et qui couvre souvent tant de barbaries.
Un sens droit et étendu, qui s'attachait au vrai par une espèce de sympathie et sentait le faux sans le discuter, lui épargnait les longs circuits par où les autres marchent.
Je perds un homme fort affectionné à ma personne et à l'Etat. Louis XIV à propos de l'agonie de Vauban.
Qu'elle était grandiose et triste, pourtant, cette campagne qu'ils parcouraient, et qu'elle eût surpris les regards d'un homme du dix-neuvième siècle ! Elle était déserte, et semblable à une brousse immense. Parfois on distinguait, au milieu des arbres, les arêtes d'un clocher ruiné dominant les hauts murs d'une église. Des vestiges d'habitations s'élevaient alentour: c'était l'emplacement d'un ancien village.
Il a appliqué ses forces à rendre inviolables ces lignes de l'Est par où de tout temps le malheur vient aux Gaules.
Soutiendra t on qu'il faut attendre que toutes les vignes soient arrachées pour donner permission au peuple de les cultiver; ce qui serait entièrement inutile et ne vaudrait guère mieux que d'appeler un médecin pour guérir un mort?
Les rois sont maîtres des vies et des biens de leurs sujets, mais jamais de leurs opinions, parce que les sentiments intérieurs sont hors de leur puissance.
La France ne trouvera jamais son ancienne splendeur qu'en ruinant la moinerie et faisant divorce avec Rome non en altérant la religion.