Citations de Dany Héricourt (77)
Seulement vieux. Vieux seulement. Peu importe l'ordre des mots, ceux-ci prêchent l'inanité de son existence. Il ne sert plus à rien. Même les bêtes savent que pour vivre il faut servir à quelque chose.
Son cou nu porte les cercles de l'âge, l'humain vieillit comme l'arbre.
La rumeur est un virus, il ne faut pas la laisser entrer.
Mourir n'est pas méchant, c'est la vie qui bouffe la perfection.
Vieillir c'est planifier les heures et converser avec elles.
La peluche oubliée sur un rebord de fenêtre, le cahier de texte enfoui sous un magazine, le bonnet enfoncé entre les sièges d’une voiture… certaines mères savent déceler la cachette des choses perdues, à croire qu’une boussole habite leurs mains ou qu’un compas invisible leur dessine le périmètre à explorer.
Toute sa vie, Ada a craint que Becca ne soit fauchée par un accident ou par une maladie. Finalement, une idée s’en est chargée.
Il avait suffi qu’apparût la mort pour qu’il changeât d’aspirations. Une sortie de route peut abolir les rêves les plus splendides.
(…) de toutes les émotions, l’apitoiement sur soi est la moins utile.
(Page 134)
Vieux, ça veut pas dire mort.
La rumeur est un germe endormi, un souffle suffit, et elle gagne en consistance, en détail, en dureté.
Les adultes veulent réciter l'imparfait, les jeunes le futur. Vu le tourment de leur passé et l'incertitude de leur avenir, je crains que ces temps ne dépriment tout le monde.
Nous vivons entourés de choses auxquelles nous n'accordons aucune importance jusqu'à ce qu'elles disparaissent, se cassent ou se révèlent sous une lumière nouvelle.
Où va l'amour quand il se détache ? La question lui évoque les "koans" zen, ces énigmes censées stopper la pensée et libérer l'esprit. "Quel est le son d'une seule main qui applaudit ? A quoi ressemblait ton visage avant la naissance de tes parents ? Comment éteindre le feu de l'autre côté de la montagne ?"
Quand la nuit s'y prêtait et qu'une histoire la prenait, la grand-mère de Graff rassemblait la "Kumpània" et imposait le silence, élément rare chez les Lovara qui apprécient la clameur des voix. Elle disait que conter était une forme de médecine, que sans histoires, l'esprit s'assèche et le coeur tombe malade.
On ne peut éternellement serrer ceux que l'on aime, la vie contient trop d'imagination. Des lignes de faille, des sorties de route, des glissements de terrain et des carrefours invisibles.
L'étrangeté de ce monde s'ouvrait à elle.
Ada dressait des listes de mots nouveaux et refusait de parler anglais à table, même avec Guy. Ses belles-soeurs continuèrent néanmoins à la surnommer Jane. "N'y prête pas attention, s'excusait Geneviève, c'est que des "badabeu"...
Geneviève lisait les listes à sa bru en rigolant. "Tu entends tout et tu es drôle, c'est un talent ça !".
Personne n'avait jamais dit à Ada qu'elle était drôle. Belle, oui, obstinée et impulsive, secrète et solitaire. Jamais drôle.
La rumeur est un germe endormi, un souffle suffit, et elle gagne en consistance, en détail, en dureté.
L’empreinte qu’ils laissent sur le corps de l’autre est plus inaltérable que le deuil libéré par leurs ébats. Le chagrin de perdre sa fille, de perdre ses enfants, la rage contre le temps et l’insignifiance, l’inquiétude d’avoir trop aimé ou mal ou pas assez, ces choses sont simultanément présentes et lointaines.
Ma mère plongeait chaque année « sous la météo ». C’est l’expression qu’elle employait. Les Britanniques sont les rois de l’euphémisme.
On ne consultait pas de psychiatre dans les années soixante, en tout cas, pas dans les villes minières du Pays de Galles. Le stress post-traumatique n’avait pas été inventé, le mot « dépression » était suspect, à peine osait-on demander au médecin rattaché à la mine un remède contre la « fatigue ». Soupirer, relever la tête, accomplir ses devoirs quotidiens, le baromètre va remonter, c’est ainsi que les femmes de mon enfance combattaient leurs démons.