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Critiques de David Joy (398)
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Le poids du monde

J’étais passé à côté du premier roman de David Joy. Celui avait été couvert d’éloges. Dès de la sortie de ce nouvel opus, j’ai donc décidé de m’attarder sur son cas.



La région des Appalaches est le décor de cette aventure. On fait la connaissance de Thad et Aiden, des jeunes hommes du cru. Ils vivent chichement dans cet environnement plutôt austère. Ils portent tous deux des passés assez lourds et traumatisants. La misère est omniprésente dans cette histoire. Elle entraîne les protagonistes sur les routes de la débrouille et de l’embrouille. Constamment drogués, ils agissent toujours sur un fil et à la limite de la catastrophe.



Avec leurs idées de liberté, ils prennent sans cesse les mauvaises décisions et s’enterrent encore plus dans leur détresse. Tous les évènements semblent se combiner pour leur appuyer la tête sous l’eau. L’auteur humanise ses acteurs en exposant leurs faiblesses. Le lecteur en vient alors à se prendre de sympathie pour ses perdants pourtant incorrigibles. Tout au long du récit, on espère que le destin va tourner et qu’enfin la chance va leur sourire. On s’accroche même à l’idée d’une rédemption…



Le roman est sombre, vraiment sombre. Une atmosphère de médiocrité repose sur les épaules des personnages. L’ambiance est étouffante mais grâce à des dérapages et à de la violence incontrôlée, l’aventure part à plusieurs reprises en vrille. Cela donne lieu à des scènes aussi déstabilisantes que jouissives qui rythment la lecture.



Il est vrai que je ne peux pas lire ce type de livre trop souvent, par peur de tomber en dépression. Il est vrai aussi qu’un certain nombre d’écrivains, tels que Donald Ray Pollock ou Ron Rash, se sont déjà illustrés avec succès dans ces romans ruraux noirs. Mais David Joy prouve avec ce « Poids du monde » qu’il a gagné le droit de figurer dans la liste des maîtres du genre. Il m’a bluffé avec son réalisme rustique au service de personnages attachants et d’une histoire rondement menée. Les Appalaches ont un nouvel ambassadeur !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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Nos vies en flammes

Dernières lueurs



Raymond Mathis n’attend plus grand-chose de la vie. Sa femme est morte d’un cancer, trois ans plus tôt, il lui reste sa chienne Tommy-Two-Tons, presque aveugle, et « le garçon » son fils Ricky qui se drogue depuis si longtemps que Ray peine à se souvenir des moments où il était clean. Dans cette région des Appalaches, presque tout le monde a « un problème d’addiction »… Sur la route, un panneau affiche le nombre d’overdoses dans le comté, un nombre en constante évolution évidemment… Raymond vit dans la hantise que son fils finisse comme ça, une aiguille plantée dans le cou… Il a tenté mille fois de le sortir de l’héroïne mais Ricky a toujours replongé… Un jour, Ray reçoit un appel de son fils : il doit 10 000$ à un dealer. Et s’il ne paye pas, il sera tué, sans aucune pitié. Une dernière fois, Ray vient au secours de son fils, mais il prévient le dealer : s’il vend encore un seul gramme d’héroïne à Ricky, il saura le lui faire payer…

Ce roman est bâti autour de deux personnages principaux, Ray et Denny Rattler, deux victimes, chacune à leur façon, du fléau de la drogue. Leur rencontre, improbable, dans une scène d’anthologie, laisse entrevoir une toute petite lueur d’espoir dans un univers crépusculaire, tout juste éclairé par les incendies qui dévastent les forêts des Blue Ridge Mountains et des Great Smoky Mountains.

Avec son écriture simple et sincère David Joy emporte le lecteur dans une histoire poignante directement inspirée de sa vie personnelle. Il s’en explique d’ailleurs dans un article publié dans la revue America, intitulé « Génération Opioïdes », qui figure en postface de ce livre, où il met en parallèle l’appauvrissement de sa région et l’addiction aux drogues.

J’ai lu tous les livres de David Joy que je considère comme un des meilleurs auteurs américains. Ainsi qu’il le dit lui-même, il n’écrit que sur ce et ceux qu’il connaît, notamment sur cette région des Blue Ridge Mountains et des Great Smoky Mountains, en Caroline du Nord, où il est né et où il vit. C’est pourquoi ses romans qui sont profondément ancrés dans ces (ses) racines respirent une telle authenticité.

Je referme ce livre touchée en plein cœur.



A voir, à écouter, à partager l’interview de David Joy sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=9auYKohRoxo

Ou encore le livre de Beth Macy, Dopesick (non traduit en français ?) dont a été tiré une série éponyme (https://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/dopesick-chronique-d-un-scandale-sanitaire-annonce_6c49dc3e-4173-11ec-8b88-48aa02225af4/).



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Ce lien entre nous

"Ce lien entre nous" est le second roman que je lis de David Joy. D'une grande noirceur, il relate la vengeance implacable d'un homme, Dwayne, totalement anéanti par la mort accidentelle de son frère. Et pas de chance pour celui qui a tiré (Darl) ou celui qui l'a aidé à enterrer le corps (Calvin), Dwayne est fermement décidé à retrouver les responsables. Et ce n'est vraiment pas un tendre...



Le récit se déroule du côté des Appalaches, dans une petite communauté où tout le monde se connaît plus ou moins. La tension monte crescendo, comme la colère de Dwayne, sa haine. Le lien avec ce frère décédé était si fort que cela donne quelques scènes difficiles, dignes de Sukkwan Island, lues avec un certain malaise.



Même si elle ne figurera pas dans la liste de mes toutes meilleures lectures de cette année, j'ai quand même apprécié cette histoire très sombre, brute, haletante, ces personnages embarqués dans une spirale de violence, ainsi que l'écriture assez dépouillée de David Joy.



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Ce lien entre nous

Caroline du Nord, dans la ruralité du Comté de Jackson où tout le monde se connaît, chacun s'est trouvé confronté aux multiples formes de misère qui gangrènent ces contrées reculées.



Alors qu'il braconne pour subvenir aux besoins de sa famille, Darl Moody confond Carol Brewer, dit Sissy, avec un sanglier et le tue accidentellement. Paniqué, il fait appel à son meilleur ami Calvin pour l'aider à camoufler le corps. Mais le frère de la victime, Dwayne, compte bien faire la peau aux assassins de son petit frère. Pris en étau entre un sentiment effroyable de culpabilité et une incapacité à renoncer à leurs devoirs familiaux, les deux hommes s'apprêtent à subir une vengeance à hauteur du chagrin qu'ils ont engendré.



Course poursuite effrénée dans l'Amérique des laissés-pour-compte, le roman de David Joy est d'abord un incroyable thriller psychologique, un texte terrifiant violent et virtuosement mené. Mais surtout, et c'est là que réside toute sa puissance, c'est un poignant hommage aux liens qui unissent les hommes dans ces terres isolées et ravagées par la misère. Il y a l'amitié indéfectible et quasi fraternelle qui unit Darl et Moody et qui va les pousser à prendre des décisions aux conséquences désastreuses. Il y a bien sur l'amour que Dwayne porte à son défunt frère qu'il avait promis de protéger de l'adversité. Mais il y a aussi l'amour de Calvin pour sa femme et celui de Darl pour sa famille. Tous ces liens pleins d'amour vont néanmoins les précipiter dans un gouffre sans fond où le retour est impossible.



Un très grand roman à découvrir, glaçant mais aussi très attachant, dans lequel il n'y a ni bons ni mauvais garçons, juste des individus prêts au pire pour défendre la loyauté de leurs sentiments.



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Nos vies en flammes

David Joy nous convie une nouvelle fois à l'endroit où il vit, dans les Appalaches. Comme il le dit lui-même, on parle d'autant mieux de ce que l'on connaît. de plus, ce lieu est vraiment propice aux romans noirs ruraux. Il est isolé du reste du monde et ravagé par la pauvreté. Ses conditions de vie sont un terreau plutôt favorable aux drames en tous genres.



L'auteur s'intéresse à ces gens seuls face à leur sort, qui doivent gérer leur misère. Pour ce nouvel opus, il met en lumière les conséquences dramatiques de la consommation excessive d'opioïdes dans le pays et particulièrement dans cette région.



Sur fond d'incendies qui ravagent les environs, on suit des personnages qui sont tous plus ou moins en lien avec le trafic de ces substances. Ce phénomène est omniprésent dans le quotidien des habitants et engendre des situations tragiques qui bouleversent leurs vies. Devant la déliquescence des hommes drogués et leurs actes incontrôlés, certaines personnes veulent faire leur propre justice. Ils se sentent tellement reclus qu'ils ne comptent pas sur les autorités compétentes pour régler leurs conflits. Chacun protège son foyer avec ses moyens.



Longtemps considéré comme le disciple de son mentor Ron Rash, David Joy peut maintenant revendiquer son statut de maître du noir. Son oeuvre centrée sur la nature et l'Homme est un miroir réaliste de certaines existences marginales. Sa plume somptueuse apporte un supplément d'âme et est un écrin sur mesure pour ces aventures. Tous ces livres, et celui-ci ne fait pas exception, dégagent une sincérité qui accentue la puissance du propos et rendent les histoires aussi crédibles que captivantes. Avec beaucoup d'humanité mais aussi avec un pragmatisme morose, l'auteur s'applique à dépeindre la dureté d'un monde à part et les errances de ces êtres sans repères. Et on en redemande !
Lien : https://youtu.be/z6NIiSY8Ung
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Nos vies en flammes

Aux Etats-Unis, on parle désormais de crise, voire même d'épidémie des opioïdes pour évoquer le désastre sanitaire déferlant depuis près d'une vingtaine d'années sur le pays, en faisant référence à la surconsommation, avec ou sans prescription, de médicaments incorporant cette substance dont les fameux OxyContin, Vicodin et Fentanyl provoquant une impressionnante vague de surdoses meurtrières avec des consommateurs qui se sont tournés notamment vers l'héroïne pour pallier des addictions dont ils étaient victime avec ces comprimés. Un thème abordé dans la série Dopesick dont l'action se déroule en Virginie du Sud, dans les Appalaches au cœur d'une région particulièrement touchée par le phénomène à l'instar de la Caroline du Nord où vit le romancier David Joy qui situe l'ensemble de son œuvre dans le comté de Jackson où il est principalement question de pauvreté et de dépendance à la drogue, deux problèmes endémiques étroitement liés. Comme il l'a souvent expliqué, David Joy n'écrit sur rien d'autre que ce qu'il connaît et l'entoure comme ce fut le cas notamment avec son premier roman Là Où Les Lumières Se Perdent (Sonatine 2015) où l'on appréciera cette écriture à la fois dense et épurée qui le caractérise et que l'on retrouvera dans Le Poids du Monde (Sonatine 2017) et Ce Lien Entre Nous (Sonatine 2018). C'est donc en l'espace de trois ouvrages que David Joy est devenu l'une des grandes voix de l'Amérique du Nord avec des récits d'une grande noirceur, imprégné d'une tragédie évoluant dans le milieu de la toxicomanie comme c'est d'ailleurs le cas avec Nos Vies En Flammes où les incendies ravageant les forêts du comté deviennent l'allégorie de vies consumées par la consommation de stupéfiants.



Vivant isolé, à l'orée d'un bois d'où il peut entendre les cris des coyotes, Ray Mathis, un vieux colosse au crépuscule de sa vie, entretient le souvenir de sa femme défunte dans son humble demeure régulièrement visitée par son fils, unique membre de la famille qu'il lui reste. Désespérément accro à l'héroïne, le jeune homme dépouille la maison de son père de tout ce qu'il peut revendre pour assouvir son vice. Mais un soir, Ray reçoit l'appel d'un dealer réclamant son dû en échange de la vie de son rejeton. S'acquittant de la dette, le vieil homme exige que l'on cesse de fournir son fils en héroïne. Une exigence qui restera vaine en poussant ainsi Ray sur le chemin de la révolte, bien décidé à faire sa propre justice. Un embrasement de colère faisant écho à ces incendies qui ravagent les forêts environnantes, symboles d'un pays sur le déclin.



Outre le fait d'être romancier, David Joy écrit parfois quelques articles sur l'american way of life en confiant ses expériences que ce soit dans le domaine des armes à feu ou sur ce qui a trait à la pauvreté et à la délinquance dans sa contrée des Appalaches. Vous trouverez donc en forme de postface dans Nos Vies En Flammes, un article intitulé "génération opioïde", publié au printemps 2020 dans la revue America qui traite de "ces enfants dont les premières drogues qu'ils ont prises étaient prescrites par des médecins" avec l'assentiment des grands laboratoires pharmaceutiques à l'instar de l'entreprise Purdue Pharma qui s'est ingéniée à minimiser les risques d'addiction de ses médicaments à base d'opioïde. Lire un tel article permettra aux lecteurs de mettre en perspective les récits tragiques d'un auteur qui dépeint son environnement à la manière d'un naturaliste talentueux restituant l'atmosphère de son environnement social dramatique ainsi que le faste de cette nature sauvage qui l'entoure.



Même si elle est omniprésente, il n'y a jamais d'excès dans la violence que David Joy décline dans ses romans à la fois âpres et somptueux. Elle devient l'essence de l'ensemble de ses intrigues étroitement liées à la pauvreté d'une région où les habitants entretiennent tout de même un esprit de solidarité afin de lutter contre les afflictions qui frappent une population particulièrement vulnérable. On en prend la pleine mesure avec Nos Vies En Flammes et plus particulièrement au travers du désarroi de Ray Mathis qui observe son entourage s'embraser tout comme les forêts environnantes. Mais plutôt que la résignation, c'est désormais le sentiment de révolte qui habite ce personnage central qui va lutter à sa manière contre ceux qui ont détruit la vie de son fils Ricky. En parallèle, on découvrira les contours d'une enquête policière se focalisant sur le Supermarché, surnom donné à un conglomérat de mobile homes délabrés qui servent de point de deal à l'ensemble des toxicomanes de la région. Situé sur une réserve indienne, le lieu donne l'occasion à David Joy d'évoquer tout l'aspect dramatique du sort réservé aux amérindiens vivant en autarcie grâce notamment à l'apport économique d'un casino qui blanchit l'argent de la drogue. Malgré cet apport, on découvre une population tout aussi fragilisée que celle du comté de Jackson et dont un certain nombre de jeunes qui ont sombré dans les méandre de l'addiction aux stupéfiants à l'instar de Denny tentant de lutter contre ses démons du mieux qu'il peut.



Avec Nos Vies En Flammes, on retrouve donc toute la ferveur vibrante de David Joy pour sa région et qui décline cette ambivalence entre une nature somptueuse qui se consume et une galerie de personnages qui charrient leur désespoir dans un quotidien offrant, en dépit de tout, quelques maigres lueurs d'optimisme au gré d'un roman noir chargé d'émotions.





David Joy : Nos Vies En Flammes (When These Mountains Burn). Editions Sonatine 2022. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau.



A lire en écoutant : Play It All Night Long de Drive-By Truckers. Album : The Fine Print. 2009 New West Records.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Là où les lumières se perdent

Très beau roman avec un mélange détonant d'amour, de violence et de drogue.



Le monde dans lequel a vécu Jacob McNeely est dur, violent. Très tôt séparé de sa mère, une toxicomane abîmée par la vie et la drogue, il vit avec un père dominateur. Un père qui dirige un réseau de méthamphétamines, avec le silence ‘acheté' des autorités locales. Ayant abandonné le lycée à 16 ans, Jacob travaille pour ce père, avec la promesse de toucher son salaire un jour.

Aujourd'hui âgé de 18 ans, résigné à vivre la vie de hors-la-loi, il retrouve Maggie, son premier amour, dont il a brisé le coeur 2 ans plutôt.

Maggie l'aime toujours. Elle qui a toujours su regarder au fond de lui et y trouver quelque chose de bon, sera-t-elle la source de sa rédemption ?



Cette lecture est époustouflante par le contraste frappant entre la noirceur et la laideur de l'histoire et la beauté de l'écriture. C'est mon 2eme David Joy, je suis définitivement amoureux de cet écrivain.

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Le poids du monde

Thad et Aiden sont des amis de longues dates, et se considèrent comme des frères. Après avoir assisté au meurtre de sa mère perpétré par son propre père et s'être enfui du foyer dans lequel il avait été placé, Aiden a habité avec Thad dans un mobile home au fond du jardin de sa mère. Tous les deux ont très mal démarré dans la vie. Aiden pour les raisons citées ci-dessus et Thad rejeté par sa propre mère, qui a accepté sans broncher que son compagnon expulse son propre fils de la maison pour l'exiler au fond du jardin, dans un mobile home.

Jeune adulte, Thad s'est engagé dans l'armée et s'est retrouvé en mission en Afghanistan. En raison de son casier judiciaire, Aiden n'a pas pu s'engager. Pendant l'absence de Thad, Aiden a vivoté jusqu'à ce que la bulle immobilière s'effondre et qu'il n'ait plus de travail. Thad est revenu de mission handicapé et perclus de douleurs. La seule façon d'oublier ses souffrances est de recourir à l'alcool ou à la drogue. Leur principale source de revenu est de récupérer le cuivre dans les maisons laissées à l'abandon par la crise immobilière. Mais, alors qu'Aiden souhaiterait mettre de l'argent de côté pour sortir de la galère et quitter une bonne fois pour toute leur village natal des Appalaches, Thad claque le peu d'argent qu'il peut avoir en stupéfiant ou en bouteilles. Lorsqu'après une nuit de vol de métaux, ils échangent le peu d'argent obtenu en échange de drogue, leur dealer se tue accidentellement et ils se retrouvent en possession d'une certaine quantité d'argent et de drogue. Ce sera alors la dégringolade dans la violence, l'argent et la drogue qu'ils possèdent ne pouvant leur attirer que des ennuis.

Ce roman est très noir, avec des passages très difficiles tant la violence est bien décrite et nous conduit à vivre en direct ses scènes. On ne peut qu'être touché par la vie sans avenir de Thad et d'Aiden, par l'impossibilité qu'ils ont de se frayer un chemin pour sortir de cette galère. Comment peut-on sortir indemne de ce qu'ils ont vécu ? Comment surtout Thad peut-il oublier d'avoir tué une enfant même si au final elle est responsable du décès d'un de ces compagnons d'arme ? Et l'état américain ne fait rien pour aider ses soldats à reprendre une place dans la société. Comme dit Thad : « Ça en dit long quand un pays préfère verser une allocation d'handicapé à quelqu'un plutôt que de le soigner pour qu'il puisse trouver du boulot ». Même si, comme constaté par Aiden : « Y a pas de boulot de toutes façons ».

Belle découverte de cet auteur grâce au #PicaboRiverBookClub.
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Le poids du monde

L’auteur porte un patronyme trompeur. Ce n’est vraiment pas la joie dans ce trou perdu des Appalaches. Le poids du monde est un digne représentant de cette mouvance du rural noir qui déferle sur les USA.



Deux jeunes hommes, dans les 25 ans, davantage que des amis, mieux que des frères. Liés par leurs enfances difficiles. Dans ce coin des États-Unis, leurs liens auraient pu les sauver. Mais est-ce possible dans une région où les habitudes semblent immuables, et où la drogue fait des ravages sur un terrain dévasté par la crise des subprimes….



David Joy décrit ce pays profond, loin du rêve américain. Des vies tombées en décrépitude, en dégénérescence. Comment croire encore en l’avenir quand vous ne savez même pas comment aller au bout de la journée ? Comment trouver un sens à des existences qui se sont perdues en chemin ? Destins tout tracés, où la survie est le maître mot et le désespoir l’aigre soupe à avaler au quotidien.



Ce roman est l’histoire de cet accablement, à travers trois personnages décrits sans manichéisme. Deux amis / frères qui dérivent vers les ténèbres, et la mère d’un d’entre eux qui tente de surnager. Ils traînent tous les trois de grosses casseroles dont les bruits résonnent en cascade. La pesante masse de leurs univers est un fardeau qui les tirent toujours plus bas, sans qu’ils ne demandent rien d’autre que de résister à une échéance fatale.



L’écrivain a un très joli talent pour créer décrire ces contrées désenchantées et ces personnages marqués au fer rouge. Sur 300 pages, il ne nous préserve de rien, ni de leurs passés meurtris, ni de la violence de leur quotidien. Souffrance, brutalité intrinsèques et extrinsèques (il faut dire qu’un des deux revient du Moyen-Orient et souffre de stress post-traumatique).



Certaines scènes sont particulièrement dures, sans que jamais l’auteur ne tombe dans la surenchère gratuite. Il faut dire que les rais de lumières sont tellement rares dans ces vies brisées qu’ils passent presque inaperçus.



Nous, lecteurs, sommes les témoins extérieurs de ces destins, nous détenons certaines clés que les protagonistes ne possèdent pas. Elle servent à entrevoir les raisons, mais surtout à ne pas juger trop facilement ces excès de violence, d’alcool et de drogues.



David Joy dépeint avec talent cette Amérique profonde en pleine déliquescence. Il brosse un tableau plus vrai que nature de ces destins brisés et de leurs descentes aux enfers. Il est difficile de survivre quand on à l’impression de devoir porter au quotidien Le poids du monde sur ses épaules. Violent et saisissant, voilà un roman noir qui vient des tripes et qui décrit parfaitement ce que peut être le désespoir.
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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Le poids du monde

Traduit de l'anglais ( américain) par Fabrice Pointeau.

Plongée en plein coeur d'une Amérique "laissée pour compte", traumatisée, sur laquelle vient s'abattre le chaos du monde.

Little Canada. USA. Minnesota.

Années 2000. Le rythme de cette spirale infernale sur lequel Davaid Joy a choisi de faire tourner ce road-movie singulier nous entraîne dans l'oeil d'un cyclone : celui de la violence.

Une héritage ? Une malédiction?

Qui porte le poids du monde? , qui saura s'en décharger?

une excellent roman, très bien mené, intelligemment construit.

Opératiion Furet du Nord. Club des lecteurs. Rentrée littéraire 2018.

Astrid Shriqui Garain

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Nos vies en flammes

LC avec Bellonzo 🙂



Ce livre est à la fois enthousiasmant et déprimant. Enthousiasmant pour la qualité de l’écriture et de la réflexion de cet écrivain, déprimant sur le fonds.



Commençons donc par le fonds pour évacuer ce qui m’a déprimée : l’action se passe aux États-Unis dans les Appalaches, tout près d’une réserve Cherokee. Ce coin est très pauvre, il est de plus ravagé par les incendies de plus en plus nombreux, par-dessus cette calamité « naturelle » la population n’a pas beaucoup d’espoir et les jeunes tombent rapidement dans la drogue. Le fils Ricky est toxicomane depuis une vingtaine d’années (il a maintenant 40 ans). Son père Raymond lui sauve une dernière fois la mise car il doit 10 000 dollars à un chef de gang.



Côté passionnant je n’ai pas lâché ce livre une seconde car l’auteur sait maintenir à la fois le suspense pour ses personnages et aussi les rendre sympathique (même si de nombreux personnages sont des drogués notoires).



Les personnages secondaires sont également bien campés qu’il s’agisse d’un des flics infiltré pour essayer de démontrer ce trafic de drogue, de Denny, un indien lui aussi esclave de l’héroïne, d’une des amies de Raymond, flic également, qui essaye de venir en aide à Raymond.



En conclusion une sensation d’un monde qui s’effondre ou plutôt qui part en flammes…



L’auteur dédicace ce livre à Ron Rash, auteur que j’apprécie énormément.
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Là où les lumières se perdent

Et mince, j'ai lu tous les romans de David Joy... Tout à fait le genre d'auteur américain que j'affectionne : ambiances sombres et glauques à souhait, personnages enlisés dans leur condition mais profondément attachants, instantanés de la société américaine, de sa grandeur à sa décadence, entre vieux mobil-homes, packs de bière et port d'armes à gogo...

Ici, c'est une histoire de rédemption, un fils de chef de gang qui voudrait s'en sortir par amour pour sa belle. Mais comment faire quand les règlements de comptes sont le lot quotidien ?

Prenant et sombre, un coup de coeur !
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Le poids du monde

Encore une histoire de bouseux, de « redneck » évoluants au sein de cette Amérique de la marge dont on entend de plus en plus parler. En dépit d’une floraison d’ouvrages traitant le sujet, on aurait tord d’éprouver une certaine lassitude qui nous pousserait à passer à côté de quelques textes superbes reflétant le talent d’auteurs qui sont parvenus à capter toute la douleur et toute la violence d’une classe sociale défavorisée que l’on a dissimulée derrière le lourd rideau du rêve américain. Pourtant le phénomène ne date pas d’hier et l’on pense bien évidemment à quelques romanciers emblématiques comme Jack London, John Steinbeck, Horace Mc Coy ou Earl Thompson pour n’en citer que quelques uns qui se sont employés à dépeindre cette Amérique profonde peu reluisante. C’est avec Daniel Woodrell qu’est apparu l‘expression country noir pour désigner un genre prenant pour cadre quelques villes méconnues ou quelques régions reculées, comme Denver, Cincinnati, la région des Appalaches ou des monts Orzacks, sur fond de violences et de détresses sociales en partie dues au trafic et à la consommation de crystal meth quand ce n’est pas tout simplement l’alcool qui ravage ces populations précarisées. De ce courant ont émergé quelques grands auteurs à l’instar de Ron Rash, Donald Ray Pollock et Benjamin Whitmer qui décrivent sans fard cette fureur, cette marginalité et cette souffrance imprégnant l’ensemble de leurs récits. Une liste loin d’être exhaustive puisque l’on peut y intégrer David Joy qui nous livre avec son second roman, Le Poids Du Monde, un sublime récit emprunt d’une noirceur terrible, se déroulant dans l’univers déliquescent de paumés toxicomanes évoluant sur les contreforts des Appalaches, du côté de Jackon county, terre d’élection de l’auteur.



Après avoir abattu sa mère, son père lui a lancé un dernier je t’aime et avant de se tirer une balle dans la tête. Puis Aiden McCall s’est empressé de fuir son foyer d’accueil pour trouver refuge dans une caravane dans laquelle Thad Broom a été relégué par son beau-père qui ne le supportait plus tandis que sa mère April hantée par le viol qu’elle a subit dans sa jeunesse, semble incapable de lui manifester la moindre preuve d’affection. Les années passent et depuis sa démobilisation, après avoir été engagé dans les combats en Afghanistan, Thad peine à se réinsérer dans la vie civile. Ainsi les deux garçons vivent d’expédients avec, à la clé, un avenir incertain, ponctué de journées festives à base d’alcool et de drogue. Mais avec la mort accidentelle de leur dealer, les choses pourraient changer en raflant une quantité de drogue et d’argent qui constituent un butin inespéré. Mais en matière de stupéfiants les choses peuvent rapidement mal tourner. Thad et Aiden vont l’apprendre à leurs dépens.



Pour les lecteurs en quête de fusillades enragées et de délinquants déjantés possédants un certain charisme dans la nature de leurs actions sadiques, Le Poids Du Monde ne répondra pas à leurs attentes puisque l'auteur s'est focalisé sur l'ordinaire d'individus que la vie n'a pas épargné en les dotant d’un passif pesant trop lourd sur leurs épaules. Le souvenir du drame familial pour Aiden, La réminiscence des combats pour Thad et la résurgence du viol dont a été victime April dans sa jeunesse, on perçoit à chaque instant, cette charge écrasante fixant ainsi la destinée précaire de ces personnages qui sont privés de l'essentiel et qui trouvent quelques échappatoires dans la consommation de méthamphétamine. Avec une tension latente qui émane principalement de Thad, tout en colère contenue, le destin bascule subitement avec la mort accidentelle de ce dealer permettant à l'auteur de donner son point de vue quant à la détention et au maniement irresponsable d'armes à feu. On devine déjà que la découverte providentielle d'argent et d'un stock de drogue ne résoudra pas les problèmes de Thad et d'Aiden, bien au contraire. Un enchaînement de circonstances sordides, de règlement de comptes tragiques contribuera à mettre en exergue toute la rage et toute la douleur de ces trois marginaux en quête d'une vie meilleure sans pouvoir s'accorder sur les moyens d'y parvenir.



Avec un texte à la fois sobre et puissant, David Joy parvient à mettre en scène la chronique d'une vie ordinaire qui tourne à la débâcle, en mettant en évidence les failles d'un système qui n'apporte aucun secours à ces petites gens qui n'ont pas d'autre choix que de s'entraider, même si parfois ce soutient tourne court en laissant des stigmates qu'ils ne parviennent plus à effacer. De victimes, certains d'entre eux deviennent bourreaux pour infliger la somme de douleur qu'ils ne peuvent plus supporter et qui découle pourtant le plus souvent des choix qu’ils font que du courant d'un destin incertain qu'ils ne sauraient maîtriser. Vengeance, fuite en avant et désespoir, l'auteur parvient à insuffler, sans excès, une tension permanente, entrecoupée de quelques éclats de violence émaillant ce terrible récit, tout en nous offrant par moment, de beaux instants lumineux qui éclairent la noirceur d'un roman dressant le portrait acéré d'une Amérique perdue, sans rêve et sans espoir.





David Joy : Le Poids Du Monde (The Weight Of This World). Editions Sonatine 2018. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau.



A lire en écoutant : Black de Pearl Jam. Album : Ten. 1991 Sony Music Entertainment Inc.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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Nos vies en flammes

Je découvre cet auteur avec ce roman et je vais certainement poursuivre car c’est une très belle découverte !



Dans les Appalaches, la vie y est dure et la forêt y est littéralement en flammes. Tous les changements successifs dans cette région n’ont fait et ne font qu’accentuer le manque d’emploi, la précarité et donc inexorablement les ravages de la drogue. Tout change, des Indiens eux-mêmes avec l’exploitation de leurs territoires à l’apparition dans la forêt de coyotes en grand nombre.



En est particulièrement témoin, Ray, un retraité solitaire, ancien garde des eaux et forêts, ne demandant que la tranquillité dans sa ferme mais devant faire face aux conséquences de l’addiction à l’héroïne de son fils.

Mais aussi, Denny, lui-même junkie, nous décrit son parcours en tant qu’Indien dans cette région et ces différentes tentatives pour échapper à son addiction et les raisons pour lesquelles il a à chaque fois échoué.

En parallèle, il y a aussi la vision des forces de police face à ce fléau. Une vision très différente et plus ou moins désabusée selon les niveaux car avec des objectifs distincts. Mais justement, par divers personnages, ces visions nous sont toutes présentées, locale, le bureau des affaires indiennes, fédérale, agent infiltré.



Grâce à l’ensemble de ces voix et toute une galerie de personnages bien construite, David Joy nous dresse un constat noir de quasi-impuissance. Face à cela, que faudrait il faire, ne rien faire, tenter quelque chose, et faire selon les anciennes méthodes ou les nouvelles règles ? Qui peut encore agir ? Et dans le meilleur des cas, ces différentes tentatives auront-elles finalement un impact sur le devenir de ces montagnes et leurs habitants ?

Cependant, sous cette chape omniprésente de fumée, David Joy dévoile aussi selon moi, un petit coin de ciel bleu par le fait même, que certains persistent et se posent encore toutes ces questions.



Je reconnais ne pas avoir lu énormément sur le sujet, les addictions, l’emprise des drogues dures, et de ce point de vue je trouve que ce roman est très intéressant. Ce roman m’a aussi permis de mieux appréhender cette région particulière des Appalaches, chère à l’auteur et semble-t-il négligée des Etats-Unis.



@Merci beaucoup Bernard pour m’avoir fait découvrir cet auteur !



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Nos vies en flammes

Les Appalaches. Une nature grandiose, malheureusement victime de terribles incendies. Et une région gangrenée par la drogue, mais aussi la violence et la pauvreté...



Tout ceci constitue la trame de fond de ce superbe roman noir signé David Joy, duquel émerge un formidable personnage, Ray Mathis. Un veuf vivant avec pour seule compagnie sa chienne aveugle, Tommy Two-Ton. Il a certes encore un fils, Ricky, mais ce dernier est un junkie de la pire espèce. A la mort de ce dernier, Ray opte pour la radicalité, se décidant à affronter le dealer de son fils...



Comment imaginer qu'une région aussi sublime puisse à ce point être pourrie par la violence et les trafics ? Le contraste est saisissant, et le récit vous laisse pantois. La postface écrite par l'auteur lui-même, article paru initialement dans la revue America, est à ce titre sidérante, décrivant dans le détail ce que l'on nomme la crise des opioïdes, et son lot de décès...
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Là où les lumières se perdent

Encore un premier roman marquant, d'un auteur que je vais désormais suivre.

Jacob est un jeune homme mal parti, vivant dans un coin perdu des Appalaches, ayant abandonné l'école dès qu'il a pu, seul fils d'un trafiquant de drogue et d'une droguée...

Jacob maîtrise difficilement la violence dans laquelle il a baigné, et ne croit pas pouvoir échapper à une malédiction familiale, qui inscrit sa famille comme une force obscure de ce territoire.

Les seules lueurs pour lui sont ses souvenirs de chasse et de pêche avec son père, et surtout, sa relation avec Maggie, une jeune femme lumineuse et brillante. Il a cependant rompu avec elle, craignant de l'entraîner dans sa vie sans avenir ; il va renouer cette relation, envisageant même de partir avec elle...

Mais le roman finira définitivement dans la noirceur.
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Là où les lumières se perdent

Du sans pitié. du sang, pitié. Du noir c'est noir.

Garanti 100% Feelbad.

Tout y est : des clopes, de la dope, une jolie petite blonde, des jointures de doigts abimées à force de frapper, un mort pas tout à fait mort qui pourrait parler, des flics véreux, des mobilehomes déglingués, une mère camée, un père qui blanchit de l'argent dans son garage, le coffre fort planquant des liasses en petites coupures.



On pourrait craindre le déjà vu, déjà lu. Mais non. C'est efficace, fichtrement bien fait.

Le héros oscille entre rester du côté obscure ou s'en extirper pour vivre le parfait amour avec sa blonde.

Et vous vous doutez bien que ça va partir en cacahouette. le contraire d'un épisode de la petite maison dans la prairie.

Parce qu'une petite dose de lecture 0% mièvrerie, parfois, ça fait du bien.



Alors, faut-il le lire ? Oui. No future is back.



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Ce lien entre nous

Comme dans son précédent roman, Le Poids Du Monde, c’est dans un comté rural des Appalaches que David Joy situe son action. Si la nature tient une place importante dans le récit, n’espérez pas des descriptions de paysages bucoliques et enchanteurs… ici Dame Nature aurait plutôt tendance à compliquer la vie des hommes. On serait tenté de dire qu’elle agit en état de légitime défense tant les hommes en questions s’acharnent à la transformer (défigurer ?) afin qu’elle réponde au mieux à leurs intérêts économiques.



De nouveau David Joy met en scène des personnages qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Des individus, tels Darl et Calvin, qui ont dû trimer (et triment encore) sang et eau pour essayer de s’en sortir. Quand ils n’ont pas, à l’image de Dwayne et Carol Brewer, eu à s’adapter à la violence qui les entourait, à affronter (chacun à sa façon, en baissant les yeux, ou en frappant le premier) les railleries et le mépris de leurs semblables.



Le titre ne saurait être mieux choisi tant les liens entre les personnages sont au coeur de l’intrigue. Qu’il s’agisse des liens du sang unissant les deux frères Brewer, un cadet que Dwayne s’était juré de protéger contre vents et marées. De l’amitié indéfectible unissant Darl et Calvin, une amitié qui poussera Calvin à couvrir ce qui aurait pu n’être qu’un tragique accident de chasse. De l’amour entre Calvin et sa copine, Angie, alors que cette dernière ne sait pas comment lui annoncer qu’elle est enceinte. De la rage omniprésente chez Dwayne, qui va se transformer en haine meurtrière contre ceux qui ont fait du mal à son frère, et, par extension, contre tous ceux qui se mettront à travers de son chemin.



Des personnages sur lesquels David Joy ne porte aucun jugement, et que le lecteur sera bien en peine de juger. Rien n’est tout blanc ou tout noir en ce bas monde, tout n’est que nuances de gris. L’auteur a un incroyable talent quand il s’agit de nous placer dans la peau de ses personnages, on en arrive même à comprendre (à défaut de la partager) la soif de revanche, de sang et de mort de Dwayne Brewer.



L’auteur annonce la couleur d’entrée de jeu en imposant le noir comme reading code, une noirceur à laquelle il ne renoncera quasiment jamais au fil de son récit, une noirceur qui ira crescendo, une noirceur glauque et poisseuse qui nous collera à la peau.



Une fois encore l’écriture de David Joy vous percute droit au cœur, une fois de plus son intrigue va vous passer les tripes au mixer… Et une fois de plus vous refermerez ce bouquin en pensant : « putain, quel talent il a ce mec ! ».



Un bouquin où tout est d’une incroyable justesse, un bouquin que vous aurez bien du mal à lâcher une fois qu’il vous aura happé dans son implacable mécanique, un bouquin qui vous laissera KO debout, mais que vous refermerez à regret.
Lien : https://amnezik666.wordpress..
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Là où les lumières se perdent

Un sentiment mitigé après cette lecture de David Joy et cette plongée dans les Appalaches à la rencontre de Jacob Mc Neely et de son destin noir, très noir.



Forcément, quand on est né d'une mère totalement accro à la Meth et autres drogues dures, et d'un père baron local de tous les trafics d'alcools et de substances illicites, la route semble tracée.



Mais dans ce petit coin de Caroline du Nord, Jacob lutte depuis tout petit contre cette destinée qui ne lui correspond en rien et dans laquelle il ne se retrouve pas. Il aspire à un avenir avec la jolie Maggie, "trop belle pour toi" aurait dit Blier. Mais sa vie n'est que lutte. Avec les autres, avec son père, avec lui-même surtout, pour trouver un courage qui lui fait souvent défaut.



Là où les lumières se perdent est un petit fragment de la vie de Jacob, quelques jours où sa vie va basculer dans un enchaînement de violences, de meurtres et d'évolutions relationnelles qui vont changer sa destinée. Qui vont lui permettre d'abandonner son rôle de "spectateur de lui-même" pour devenir acteur de sa propre vie. Quel qu'en soit le prix...



Le livre est remarquable dans sa manière de nous plonger dans une ambiance sombre qui va crescendo, de parfaitement nous embarquer dans la complexité des rapports entre Jacob et ceux qui l'aiment, de nous intégrer dans les tourments de ce jeune paumé attachant.



Mais ce rythme qui monte en puissance tout au long du livre - pour un final époustouflant - est parfois fracassé par quelques longueurs et digressions qui nous font retomber dans l'intérêt de lecture, comme si Joy hésitait parfois entre deux styles. Alors qu'il excelle dans le noir...



À suivre avec son prochain opus.
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Nos vies en flammes

Certains livres méritent parfois autre chose qu'une critique. C'est ce que j'ai ressenti au terme de ma lecture "Nos vies en flammes" de David Joy.

Et mon avis importe peu. Cette lecture m'a donné en tous les cas la curiosité d'aller faire une petite recherche sur Internet et je suis tombé sur cet article édifiant du National Geographic que j'avais envie de partager.



L'OxyContin, l'anti-douleur qui a rendu l'Amérique accro.



Comment un simple analgésique, autorisé par l'autorité de santé américaine et prescrit en France aujourd'hui encore, a-t-il pu être à l'origine de l'un des plus grands scandales sanitaires de ces dernières années ?

De Arnaud Sacleux

Publication 2 déc. 2021, 17:24 CET



L'OxyContin est un puissant analgésique similaire à la morphine, développé et commercialisé par le laboratoire privé Purdue Pharma, basé dans le Connecticut aux États-Unis. Bien qu'autorisé par la Food and Drug Administration (FDA), le gendarme de la santé américaine, il serait à l'origine de plus de 300 000 morts par overdose depuis les débuts de sa commercialisation sur le marché américain en 1996.



Cet opiacé censé soulager les douleurs intenses en agissant directement sur le cerveau humain est également accusé d'être le principal contributeur de la « crise des opioïdes » qui a ravagé les États-Unis, faisant plus de 450 000 morts depuis 1999.



Comment, malgré une batterie de tests effectués en amont de l'autorisation de commercialisation délivrée par la FDA, cet opiacé a pu réussir à rendre tout un pays mortellement dépendant ?



UN CRIME SANITAIRE ?

L'histoire commence en 1990. le laboratoire Purdue Pharma cherche un successeur à son analgésique MS Contin, en perte de vitesse commerciale, soumis à la rude concurrence de médicaments génériques. le laboratoire développe alors un médicament à partir de l'oxycodone, un opiacé semi-synthétique aux effets similaires à son MS Contin. Autorisé par la FDA en 1995 et mis sur le marché américain en 1996, l'OxyContin connaît un succès retentissant ; il génère bientôt plus de 35 milliards de dollars de revenus.



Mais ce succès commercial de l'OxyContin devrait en réalité son succès à des techniques de vente douteuses et un marketing trompeur et à une campagne de recrutement controversée auprès des médecins généralistes.



Dès le début, Purdue Pharma assume un discours très nuancé des effets de son médicament. le laboratoire affirme publiquement que les effets de l'OxyContin dureraient 12 heures, accompagnant implacablement l'argument d'un risque de dépendance et d'addiction atténué, voire quasi-inexistant, lors de la prise du médicament.



Ce discours, contraire aux résultats des tests prouvant que ces effets avaient en réalité une longévité moindre, a permis au laboratoire de rallier à sa cause de nombreux médecins généralistes, à l'époque très peu formés sur les effets de dépendance aux médicaments. En découlent de nombreux cas de surdosage à l'origine de la dépendance de nombreuses personnes aux opiacés.



L'autorisation de commercialisation délivrée par la FDA en 1995 aura également mauvaise presse quelques années plus tard puisque le Dr. Curtis Wright, à l'origine de cette autorisation, a intégré la direction de Purdue Pharma en 1998.



Ces facteurs combinés mènent à la naissance d'un véritable marché noir devenu incontrôlable, ignorés par le laboratoire. Pilules volées en pharmacie, ordonnances vendues par des médecins généralistes, médicament écrasé pour amplifier ses effets euphorisants, la crise des opioïdes est lancée et s'installe durablement au sein de la société américaine.



Pour le laboratoire, ce n'est pas le produit ni la dose qui feraient le poison, mais bien le consommateur. J. David Haddox, directeur adjoint de la politique sanitaire du laboratoire à l'époque, déclare même : « Si je vous donne une branche de céleri et que vous la mangez, c'est bon pour votre santé. Mais si vous décidez de la passer au blender et de vous l'injecter dans les veines, ça ne sera pas le cas… »



Visé par plus de 2 000 plaintes, le laboratoire dépose le bilan en 2007. Il propose également un dédommagement aux plaignants équivalent à 12 milliards de dollars, en échange de l'abandon de toutes les poursuites contre lui. Mais près de 25 États, dont New York, ont refusé la proposition, jugeant l'offre largement insuffisante.



UNE FAMILLE ISSUE DU MONDE DE L'ART

À l'origine de l'OxyContin, et indirectement de la crise des opioïdes, il y a un nom : les Sackler. Si ni le laboratoire, ni les boîtes de médicaments n'en font mention, il a une résonnance toute particulière dans l'univers culturel et artistique. Riches philanthropes, généreux donateurs et célèbres mécènes, les Sackler ont frappé de leur sceau le monde de l'art et des musées car, à défaut de le mettre en lumière sur les boîtes d'OxyContin, leur nom figure dans nombre de lieux culturels prestigieux.



Ainsi, une aile du Metropolitan Museum et du Guggenheim de New York, ainsi que du Tate Modern de Londres, portent le nom des Sackler. Un escalier au Musée Juif de Berlin a également été baptisé ainsi. En France, le musée du Louvre a vu, entre 1997 et 2019, son aile consacrée aux antiquités orientales porter également ce nom. Les Sackler comptent parmi les familles les plus riches des États-Unis, avec une fortune estimée à près de 11 milliards de dollars.



En 2013, en France, l'un des trois frères fondateurs de Purdue Pharma, Raymond Sackler, a été promu officier de la Légion d'honneur.



UN MÉDICAMENT AUTORISÉ EN FRANCE

En France, l'OxyContin peut être prescrite par certains médecins, mais sa consommation est strictement régulée et encadrée par le corps médical prescripteur.



Le médicament reste interdit pour les mineurs et les personnes intolérantes à certains sucres, fortement déconseillé pour les femmes enceintes et n'est prescrit qu'en dernier recours pour les personnes ayant déjà présenté des troubles d'usage de substance, y compris d'alcool. Son usage n'est prescrit que lorsque que les douleurs intenses et cancéreuses ne peuvent être préalablement traitées par d'autres analgésiques forts.



« Ce médicament peut entraîner une dépendance physique et psychique ». « L'OxyContin est un opioïde stupéfiant qui peut donner lieu à un usage abusif et à un usage détourné chez des personnes à risque. » Les mises en garde sont nombreuses et insistent sur l'effet de dépendance et de surdose possible chez certaines personnes. Ainsi, la question du dosage et du suivi de l'apparition de syndrome de sevrage chez le patient reste une question prioritaire pour les médecins.



Pour en savoir plus:

https://youtu.be/Kp6Y5rMhuVQ



Pour le reste, fiez-vous à la critique de berni_29 qui, comme souvent est magnifique.

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