De la pitié ! Qui donc en avait jamais eu pour elle ? Et savait-elle même ce que c'était ?
Elle devenait farouche comme un animal sauvage et traqué. Ses regards en dessous luisaient de douleur et de haine. Une révolte la tenait sans qu'elle sût contre qui l'avait faite si misérable et abandonnée, avec des appétits de brute, qu'elle se gardait cependant d'assouvir, et qui, pour une fois qu'elle s'y abandonnait, sans savoir encore, la jetait à la honte, la livrait aux injures, la chassait hors des foyers honnêtes où son ventre maudit portait le déshonneur.
Les plaisanteries crues ne faisaient pas rougir les filles, sinon de plaisir. Et, dans l'équivoque d'un mot, c'étaient elles qui trouvaient le sens graveleux. Beaucoup d'entre elles, cependant, et même le plus grand nombre, étaient des filles chastes, au moins de corps. Mais la vie des champs, plus que tout autre au monde, déflore vite l'âme des vierges.
Elle se faisait ce raisonnement que les chevaux ne se plaignaient pas des coups de fouet, ni les boeufs des coups d’aiguillon, ni les chiens des coups de pied, parce que leur sort était de recevoir tout cela, comme elle, qui était quasiment comme les bêtes, lesquelles n’ont point de famille et sont trop heureuses de servir les gens qui les font manger, sans quoi elles mourraient de faim.
Mais sa sensualité de bête échauffée la faisait se livrer, malgré sa volonté, peut-être avec le grognement heureux d’un appétit robuste enfin satisfait