Atmosphère monochrome, dilution du contour des formes, cadrages singuliers et géométrisation de l'espace définissent l'état nocturne du langage pictural mis en oeuvre par Degouve. Certes, ces principes peuvent apparaître comme des artifices. Mais qu'est-ce qu'un artifice sinon une prise de distance à l'égard de la réalité ? En cela, le paysage n'est pas seulement une enclave intemporelle, un ciel immuable, il est aussi l'agent d'une médiation avec l'univers : la représentation de la nature est un écran où chaque détail est le signe d'une réalité transcendante. Une maison, un paon immobile dans la nuit, un arbre, un coin de prairie, un morceau de parc, un bras de rivière, sont les fragments d'une globalité où se tient ce que Maeterlinck appelle le "chant mystérieux de l'infini". Sans doute est-ce ici la principale contribution de Degouve au symbolisme : la peinture, dans ce schéma, perd son devoir traditionnel de représentation pour s'inscrire en tension avec ce qui échappe au regard. Ouvrant, à l'instar de la poésie, "les grandes routes qui mènent de ce qu'on voit à ce qu'on ne voit pas", elle n'est pas la représentation claire de ce que l'entendement permet de connaître, mais l'apparition confuse, nocturne, de ce qui échappe à l'intelligence des hommes.
William Degouve de Nuncques, peintre symboliste.
Le silence quasi total de L’Art moderne sur la peinture de Delville et le désintérêt des XX pour la mouvance qui prend corps autour de lui laissent forcément penser que l’émergence du symbolisme dans la Belgique de la seconde moitié des années 1880 passe par d’autres voies. L’Essor en est une. Il convient également de souligner le rôle médiatique joué par les revues dans le positionnement de Delville au sein du champ artistique belge.
Delville se centre sur l’idéalisme, qui fait de l’artiste un Orphée visionnaire et de la peinture l’icône d’une liturgie occulte.