Eric Paradisi - L'homme sensible
- J'aime bien écouter la pluie. On dirait un langage. Les mots du ciel.
On n’en finit jamais avec l’enfance. Le fond revient. Un fond que l’on touche sans atteindre le début ni la fin. Un fond de sourire. De tendresse. D’amour. Un fond où l’on s’abîme. Disparu. Des morceaux d’épaves qui remontent parfois à la surface. Pas grand-chose. Des débris qui ne rassemblent rien. Qui ne recomposent rien. L’enfance gît. Des années plus bas. Elle garde le mystère du naufrage. On ne saura rien. Juste un fond. Une larme.
Jamais il n'utilisait le mot Häflinge pour désigner les détenus, les considérant comme des Stücke, expression chère aux SS, des milliers de Stücke, des pièces, de vulgaires pièces estampillées d'un numéro, des pièces que l'on faisait fondre dans la cheminée.
Je le sais à présent, mon amour, que l'amour est le coma de tout être vivant.
Ne restait d’elle que la couleur trouvée en lui, ce blond cendré qui l’avait rendu libre .(…) Il sut alors qu’il avait bâti un sanctuaire pour chacune des femmes dont il avait profané la chevelure .Toutes reposaient dans son salon , toutes attendaient le moment où Maurizio restituerait aux vivants l’au-delà de leur beauté.
« Dis-moi que je n'en finis plus de dormir, dis-moi que demain tu seras adossé au balcon comme au premier jour. Il ne neigeait pas ce matin-là, le soleil crépitait dans nos yeux, je ne reposais pas sur le canapé. Nous étions tous les deux en train de converser avec les fleurs. Que nous murmuraient-elles ces fleurs ? Moi, je t'aurais tout donné, le moindre pétale, mes racines en entier, et le goût de la terre qu'il me faudra avaler. Car je suis comme ceux des fosses, comme tous ceux que l'histoire a ensevelis, l'histoire qui se rappelle à moi. À nous. L'histoire de nos corps qui refusent de se séparer. Ton empreinte d'homme fossilisé dans ma chair. Parce que je te garde en moi. À jamais. Tout est si vivant quand je t'aime. »
« Tu sais maintenant que comme grand-père devant le corps d'Alba, tu n'auras pas le courage de me suivre. Tu sais qu'un sentiment plus fort que moi t'oblige désormais à vivre. C'est peut-être ça l'amour, quelque chose qui t'oblige à vivre. »
Puis Meryl a ajouté que je n'avais pas besoin de tics pour que mon caractère se dévoile, il suffit de t'aimer pour que tout tremble à l'intérieur de toi.
Maurizio passa une main experte en démêlant les boucles d’Alba, repérant les
fourches rêches et ternes. Assise devant le miroir de la salle de bains, elle frissonna lorsque d’un sourire émerveillé il épointa la première mèche.
Nous étions tous les deux en train de converser avec les fleurs. Que nous murmuraient-elles ? En voulais-tu vraiment de mes fleurs ? Moi, je t’aurais tout donné, le moindre pétale, mes racines en entier, et le goût de la terre qu’il me faudra avaler. Car je suis comme ceux des fosses, comme tous ceux que l’histoire a ensevelis, l’histoire qui se rappelle à moi. A nous. L’histoire de nos corps qui refusent de se séparer. Ton empreinte d’homme fossilisée dans ma chair. Parce que je te garde en moi. A jamais. Tout est si vivant quand je t’aime.