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Critiques de Ernst Jünger (145)
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1914-1918 : Français et Allemands dans les tr..

Aux rages, aux désespoirs



Voici l'ouvrage qui manquait.

"Les Croix de bois", "A l'Ouest rien de nouveau", "Orages d'acier", "La Peur" et "Crapouillot" : 5 récits réunis en un seul volume au format poche (avec une police très lisible) et en version intégrale, pour un prix très correct.

Les 5 récits sont présentés dans l'ordre de leur parution et ils couvrent parfaitement les différentes faces de ce conflit, tel que vécu des 2 côtés, par les Français et les Allemands.

A leur lecture, des évidences pourtant perdues de vue s'imposent : c'était hier, c'était chez nous, c'était des hommes ordinaires qui ne croyaient pas ça possible.



Indispensable.
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Abeilles de verre

Pour ceux qui ont lu les deux chefs d'oeuvre de Jünger Sur les falaises de marbre et Orages d'acier, cet ouvrage peut surprendre. La forme est plus légère, la construction est originale et le résultat est aérien, onirique : les pensées d'un jeune homme, s'évadant lors d'une rencontre avec un étrange industriel.

Toutes ces divagations sont traversées de messages très actuels sur les débuts de la mécanisation face à la poésie d'une société naturelle, poindrait presque un sentiment écologique d'avant l'heure.

A lire !
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Abeilles de verre

Un tortueux entretien d’embauche à la jonction de deux mondes : en 1957, un curieux coup d’épée science-fictif porté à une certaine socio-technologie.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/08/05/note-de-lecture-abeilles-de-verre-ernst-junger/



Ancien officier de cavalerie, formé « à l’ancienne », héros et anti-héros de deux guerres, resté largement fidèle à ses conceptions déjà anciennes de l’honneur, Richard végète au chômage, la faillite le guettant de plus en plus alors que, clairement, l’épouse dont il est amoureux comme au premier jour ne mérite pas de vivre pareille déchéance matérielle. S’en remettant à l’habileté de son vieil ami Twinnings, expert madré dans le casage et le recasage d’anciens soldats à divers postes plus ou moins lucratifs dont il maîtrise les ressorts, les arcanes et les chemins de traverse, il se voit proposer de rencontrer Zapparoni, magnat formidable de l’automatisation et de la robotique, appliquées au plus sérieux comme au plus futile de la consommation de masse en plein essor. Celui-ci cherche en effet, semble-t-il, un ex-militaire familier des questions de sécurité opérationnelle, certes, mais également prêt à faire ce qu’il faut pour dissuader de brillantissimes créateurs – employés, à prix d’or, par l’industriel – d’aller voir ailleurs, le moment venu, si l’herbe est plus verte. Un entretien de recrutement est programmé, entretien qui sera riche en dérives intérieures, en chausse-trappes dissimulées et en questionnements éthiques et philosophiques.



Publié en 1957, traduit en français en 1959 par Henri Plard chez Plon (avant d’être repris chez Christian Bourgois en 1971), « Abeilles de verre » a souvent été réduit par les commentateurs à une fable philosophique portant sur l’éthique du progrès technologique et sur la marchandisation des relations humaines. Il est cela, bien entendu, et si c’était tout, ce ne serait déjà pas mal, mais ce court roman (à peine 200 pages), dix-huit ans après la résistance intempestive au déferlement totalitaire que constituait à son corps défendant « Sur les falaises de marbre », douze ans après la fin de la deuxième guerre mondiale et huit ans après « Héliopolis » et sa dystopie ambiguë, couvre, pour peu que l’on veuille être attentif, un peu plus de terrain.



Bruce Sterling ne s’y était pas trompé dans sa lumineuse introduction à la réédition de l’ouvrage en anglais en 2000 (« la technologie ne vise pas tant à accélérer le progrès qu’à intensifier le pouvoir ») : le doute méthodique et néanmoins presque poétique exercé ici par Ernst Jünger vis-à-vis de l’avancée technologique, en résonance avec des réflexions menées ailleurs par Jacques Ellul, par exemple (« La Technique ou l’enjeu du siècle » est paru en 1954), va bien au-delà d’une simple nostalgie apparente (celle du cavalier vis-à-vis de la mécanisation blindée qui habite le capitaine Richard presque constamment, et tout particulièrement lorsqu’il évoque le sévère mentor Monteron – le jeu de l’auteur avec les noms propres est une constante jamais démentie – de sa jeunesse de cadet) comme d’un simple rejet conservateur de l’idée de progrès en soi. Reconstruisant une scène primitive de robots et d’automates qui doit certainement davantage à Karel Čapek qu’à Isaac Asimov, celui qui s’est installé sept ans plus tôt à Wilflingen, en Haute-Souabe (qu’il ne quittera plus pour habiter ailleurs), met le doigt, avec force, sur le devenir industriel du monde (anticipant de plusieurs dizaines d’années la mainmise de facto des grandes entreprises transnationales sur la décision politique qui compte – ce qui ne pouvait que fasciner Bruce Sterling comme membre fondateur du courant cyberpunk) et sur la composante militaire de toute une frange du spectaculaire marchand (et ce, bien avant Guy Debord ou Roger Stahl et son « Militainment Inc. »).



Il ne s’agit pas, loin de là, de masquer les innombrables palinodies ayant jalonné la longue carrière militaire et littéraire d’Ernst Jünger (le précieux ouvrage de Michel Vanoosthuyse, « Fascisme et littérature pure : la fabrique d’Ernst Jünger », recensait en 2005 la manière dont la France, bien plus que l’Allemagne, avait répugné à entériner les vraies failles du guerrier devenu collectionneur d’insectes). Ceci n’empêchera nullement, par exemple, de voir « Abeilles de verre » trouver une place bien particulière au sein du travail de Gilles Deleuze : lors de l’un des séminaires ayant conduit à « Mille plateaux », il utilise en la citant in extenso la remarque portant sur la distinction entre la mort à la guerre et la mort au travail, en extrayant la logique sous-jacente de l’auteur allemand de son contexte volontairement macabre (David Lynch s’en serait-il souvenu au moment de débuter son « Blue Velvet » de 1986 ?), pour nourrir sa réflexion sur les machines de guerre. Multipliant les références à « L’homme au sable » d’E.T.A. Hoffmann comme un appel du pied mi-sérieux mi-amusé au fantastique qui irriguerait la technologie (le recours, sans la nommer, à la célèbre troisième loi de Clarke – « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie » – ne fera que le confirmer à la page 46), jouant comme par avance avec les ruptures technico-poétiques d’un Pierre Cendors (« Archives du vent », 2015), Ernst Jünger se permet même ici d’examiner à sa manière personnelle le pacte faustien du salarié de luxe, bien avant Herbert Marcuse, Laurent Thévenot, Luc Boltanski ou Eve Chiapello. Ce court roman, s’il semble d’abord rebondir sur les thématiques d’« Héliopolis », annonce sans aucun doute les développements bien ultérieurs d’« Eumeswil », mais il pratique cette anticipation avec un art bien spécifique du détour et de la digression, comme pour mieux désarçonner les attentes initiales de la lectrice ou du lecteur, et plus encore de celle ou celui ayant déjà bien arpenté ces terres du recours métaphorique aux forêts.


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Abeilles de verre

Ce petit ouvrage m'avait interpelé d'après son titre et son résumé. La trame générale est la suivante : un homme, ancien officier de l'armée, est dans une situation financière délicate. Il cherche du travail et va tenter d'entrer au service de Zapparoni, un industriel à l'universe particulier, génial inventeur et grand magnat financier.

On va donc suivre le narrateur dans sa quête de ce travail, dans la découverte de l'univers de Zapparoni et surtout dans le souvenirs qui rejaillissent au fil de ses rencontres.

On tient là une sorte de conte philosophique qui fait entrer le lecteur dans une certaine atmosphère. Celle-ci alterne entre beauté/génie et critique de la guerre notamment, ainsi que de la société de l'époque (entre-deux guerres).
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Approches, drogues et ivresse

Voici un essai d'un témoin privilégié de son siècle. Junger (qui mourut à l'age vénérable de 102 ans) raconte ses "approches" (expérience avec soucis d'analyse et de recul) avec les drogues que sont l'alcool, la cocaïne, l'opium, l’éther, le chloroforme, le haschisch, le LSD, la mescaline, la psilocybine. Tout ce "magma" d'expériences enrichissantes est complété par une mise en abyme avec les œuvres artistiques traitant de cet "autre monde", mais aussi par son vécu notamment des deux grandes guerres et du monde intellectuel de son temps. Des références à Dostoievski, Nietszche, Dickens, Maupassant, Huxley, Wagner, Tolstoï, De Quincey, Hoffmann, Baudelaire, Poe, Lautréamont (et j'en oublie la moitié...) jalonne cette oeuvre magistrale que je conseille à qui s'intéresse au sujet et a quelques heures à consacrer à la lecture.

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Approches, drogues et ivresse

Comment résumer ce livre qui part un peu dans tous les sens ? Il porte très bien son titre. Ce sont bien des « approches », des esquisses sur le thème des drogues et de l’ivresse. La recherche de la perte de contrôle, du rêve, de l’ailleurs par toutes sortes de moyens allant des plus bénins aux plus dangereux. L’auteur y a rassemblé en un grand nombre de très courts chapitres (plus de 300), en réalité de notes, toutes sortes de réflexions, méditations, pensées diverses et variées, citations d’auteurs, extraits de poèmes. Il ne s’agit en aucun cas d’une étude circonstanciée ni d’un traité exhaustif. Par exemple, Jünger compare les ivresses obtenues par la bière et le vin en amenant sa réflexion sur les différences civilisationnelles entre les pays du nord et ceux du sud, entre les terres de houblon et celles de vignobles et les mentalités qui vont avec. Il a expérimenté sur lui-même la plupart des produits dont il parle (haschich, cannabis, cocaïne, morphine, LSD, éther, chloroforme, peyotl, champignons hallucinogènes, etc.) Dans certains chapitres, il note même heure par heure et parfois minute par minute ses impressions. Les expérimentations sont parfois étonnantes, parfois décevantes…

« Approches drogues et ivresse » pourrait se classer dans les essais, mais ce n’est pas vraiment le cas, car ce livre n’est pas vraiment une étude, ni même un véritable retour d’expérience, ni même un témoignage au sens classique du terme. C’est plutôt une conversation à bâtons rompus où le thème principal autorise toutes sortes de digressions sociologiques, ethnographiques, mythologiques, historiques, linguistiques, mycologiques, pharmaceutiques, phytochimiques, etc. L’auteur en appelle à Baudelaire, Maupassant, Hoffmann, Poe, de Quincey, Cocteau, Novalis, Goethe, Mirbeau, Loti, Nietszche, Michaux, Huxley, Orwell et tant d’autres qui y ont touché de près ou de loin. Il analyse l’attitude des états et des religions vis-à-vis du tabac et de l’alcool (Islam et prohibition aux Etats-Unis). C’est intelligent, brillant, même si ça dérive un peu beaucoup. Nul doute que le plus intéressant pour le lecteur lambda restera surtout les anecdotes de la jeunesse de l’auteur dans les années 30 et 40.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Carnet de guerre 1914-1918

Avoir 20 ans et faire son paquetage...

Quand je regarde mes fils, que je les imagine préparer quelques loisirs high tech dans un sac à dos, l'espace-temps disparait et se vrille entre deux mères à un siècle d'écart.



Ernst Jünger s'engage volontaire à 19 ans, porté par le romantisme d'un héroïsme, au décor de médailles et d'honneurs. Rapidement rattrapé par la réalité la plus crue, il est un écrivain-combattant, officier d'élite, envoyant valser dans ses Carnets de Guerre l'idéalisme des premiers jours.

Il est le double d'un Genevoix, d'un Cendras, ou d'autres combattants de l'autre coté de la tranchée, faisant l'expérience de la mitraille, de la boue et des rats.



Les carnets, publiés tardivement sont un instantané brut, authentique dans la spontanéité d'écriture.

Le combattant y est un minuscule rouage sans vision d'ensemble du conflit, parfois grisé par la compétence "sportive" des combats, participant à des beuveries soldatesques pour tenir, subissant les pulsions d'homme jeune aux conséquences inavouables. Le matériau littéraire est brut, factuel, et constitue en une quinzaine de carnets, la documentation dans laquelle l'auteur puise pour "Orages d'acier", publié en 1920.



J'ai lu par étapes cette traduction, m'autorisant des "respirations" plus ou moins longues dans ma lecture. Le quotidien du soldat y est ce que ce centenaire de la Grande Guerre éclaire avec force: une incongruité effrayante.
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Carnet de guerre 1914-1918

Ces «Carnets de guerre», c'est «Gravity»: la peur à 360 degrés. La mort est là, sifflant de tous côtés. Et parfois elle s'enfonce, éclate, sectionne, éviscère. Boucherie? Précisément. Elle s'appelle le XXe siècle.
Lien : http://rss.nouvelobs.com/c/3..
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Carnet de guerre 1914-1918

L’intérêt des quinze carnets d’écolier remplis dans les tranchées entre les assauts, pendant les pilonnages d’artillerie ou au fil des lectures [...] relève moins d’un travail littéraire que documentaire.
Lien : http://www.lalibre.be/cultur..
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Chasses subtiles

Dans ce récit autobiographique contemplatif, Ernst Jünger (1895-1998) montre le bonheur que lui procura la collection d'insectes.

Il y met en évidence :

- les émotions de la quête de l'insecte convoité, souvent associée à de lointains voyages et aux rencontres d'autres amateurs,

- la joie de sa trouvaille, ou de celle d'un insecte inattendu,

- la satisfaction ressentie lors de la capture,

- la jubilation intellectuelle éprouvée lors de l'examen de l'objet convoité,

- le contentement de la découverte, lorsque l'animal n'est pas encore connu de la communauté scientifique,

- la satisfaction de la possession d'une collection, l'examen de spécimens y figurant permettant notamment de se remémorer des moments associés à leur trouvaille.



C'est une véritable passion que dépeint Ernst Jünger.

La manière dont il décrit les insectes, particulièrement les coléoptères, m'a parfois - mais (trop) rarement - fait penser à l'écriture de Jean-Henri Fabre. La démarche de Jünger - contrairement à celle de Fabre dont il cite plusieurs fois le nom - n'est cependant pas scientifique : il témoigne simplement de son vécu et ne procède à aucune expérimentation avec ses proies. Plusieurs références à l'astrologie sont même surprenantes, semblant témoigner d'une adhésion de l'auteur à des croyances qu'elle véhicule.



L'auteur allemand a connu deux guerres mondiales, durant lesquelles il a combattu.

Dans "Orages d'acier" (1920), il témoigna de son expérience de soldat dans les tranchées.

En 1923, il suivit des études de sciences naturelles et d'entomologie. Pendant l'entre-deux guerres, il adopta des positions nationalistes, qui lui furent reprochées après la défaite du Troisième Reich. Approché par le parti nazi dès le milieu des années 1930 en raison de son statut d'ancien combattant et de son nationalisme affiché, il refusa d'y adhérer. D'ailleurs, il haïssait Hitler. Lors de l'avancée des troupes alliées, il demanda aux hommes qu'il commandait de déposer les armes.

Ces épisodes de sa vie sont peu évoqués dans ce livre mais ils semblent avoir marqué son oeuvre. Je donnerai très prochainement mon avis sur "Orages d'acier" dont je viens de débuter la lecture.

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Correspondance : Martin Heidegger / Ernst J..

Une correspondance qui dure de 1949 à 1975, une poignée de lettres chaque année, courtoises, pragmatiques, d’une sympathie pudique, sans plus. Elle a le mérite d’exister et d’indiquer d’autres lectures si l’on veut vraiment creuser le lien entre ces deux intellectuels allemands : « Le Travailleur » de Jünger, que Heidegger appréciait beaucoup, et deux textes que chacun a écrits en hommage à l’autre, à l’occasion de leurs soixante ans : Jünger a écrit « Passage de la Ligne » sur le nihilisme, et Heidegger lui a répondu avec un « Sur La Ligne » qu’il a plus tard intitulé « Contribution à la question de l’Etre ».

Entre remerciements et rappels au bon souvenir, il n’y a pas grand-chose d’autre à tirer de cette correspondance à part quelques clarifications. On trouve presque plus d’informations dans l’avant-propos du traducteur Julien Hervier que dans tout le reste du livre. Dans cet avant-propos on lit ce jugement de Heidegger : « Du fait que Jünger ne voit pas ce qui est uniquement « pensable », il considère cet accomplissement de la métaphysique dans l’essence de la volonté de puissance comme l’aube d’une époque nouvelle, alors qu’il ne constitue qu’un prélude à la décrépitude rapide de toutes les dernières nouveautés, vouées à sombrer dans l’ennui d’un néant d’insignifiance où couve cet abandon de l’être qui est propre à l’étant. » En d’autres termes, l’optimisme métaphysique de Jünger le dérange mais il loue sa vision sur la situation contemporaine.
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Eumeswil

Je le lirais bien mais c'est introuvable ou contre un prix considérable d'occasion, aussi je saurais gré infiniment à l'âme généreuse qui voudrait bien me prêter son exemplaire.
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Exposition

5 toiles d'un grand maître impartial, 5 toiles rayonnantes de couleur pour cet orfèvre qui ravive notre époque de sa lumière et de son art de la nuance. Le clair obscur.

C'est avec cette palette que junger peint ses toiles avec finesse. La réflexion de junger se rapproche de la science et de l'art poétique, elle s'affranchit des codes et dans ce musée de la littérature se dresse maintenant ces instantanés, qui nous parlent si bien de la vie en général.

Comment ne pas ressentir alors l'acuité visuelle d'un homme presque centenaire, qui ciselle avec ferveur les mots pour en extirper toute la substance, la vie si je puis dire ?



Au détour de chaque pensée, l'on sent la rigueur peut être d'un militaire mais surtout d'un créateur. Un createur qui en visionnaire sent les jours à venir. Des jours à venir aux sons des bottes des titans. Les titans tyrans. Dans l'entre deux il y'a et il y'a aura notre époque aussi imparfaite soit elle. Si peu spirituelle. Si peu poétique. Exaspéré de cet matière sans vie qui jonchent nos tombes, on peut s'interroger sur ceux qui vivent vraiment. Les morts dans nos cœurs et esprits !!
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Feu et sang : Brefépisode d'une grande bataille

Publié en 1925, enfin traduit en Français en 2003 grâce aux éditions Christian Bourgois et à Julien Hervier, cette novella autobiographique suit fidèlement les instants qui précèdent la bataille de la Somme et son vécu de cette même bataille, minute par minute.



En réécrivant ainsi le chapitre « La Grande Bataille » de son livre « Orages d’acier » bien connu, écrit en 1920, il ajoute au récit le recul d’un fabuleux officier qui perçoit les moindres détails de la beauté et de l’horreur mêlées. Beauté de la nature calme avant la tempête humaine, beauté de la fraternité, du courage, de l’inventivité, de la mansuétude qui saisit parfois devant un adversaire sans défense. Horreur de cette guerre de masse, de l’industrialisation de la tuerie, de l’aveuglement collectif, de la boucherie que chacun voit se dérouler en détail sous ses yeux, sur ses camarades, quand il s’agit de tuer l’ennemi en croisant son regard, quand on se demande si l’on est en train de mourir ou si la blessure est superficielle.



Malgré la brièveté de ce texte, le niveau de détail atteint m’en a rendu la lecture longue et pénible. Lecture pourtant nécessaire à qui veut entendre et comprendre cette guerre, la « der des der »
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Feu et sang : Brefépisode d'une grande bataille

Quelque part sur le front, dans le triangle Aras-Cambrai-Bapaume, le jeune Jünger s’éloigne un peu de la ligne de tir pour aller marcher dans une allée forestière, histoire de retrouver un peu de sérénité dans la nature, loin du fracas et de l’horreur des combats. Il constate mélancoliquement, qu’il ne se trouve plus dans l’enthousiasme et la fureur des débuts. Non, cette guerre de 14 n’est pas fraîche et joyeuse, se dit-il en évoquant la clairière recouverte de cadavres, découverte un peu plus tôt. En ce printemps radieux, il prend conscience de l’importance du « matériel », du pilonnage, de la préparation d’artillerie qui fait de terrible dégâts pour que l’infanterie puisse avancer de quelques mètres. Et à quel prix ! Seul un tout petit nombre de ses compagnons des premiers jours reste encore à ses côtés. Et voilà que se profile pour très bientôt l’assaut final, celui qui devrait être décisif et enfin mettre un terme à cette guerre cruelle…

« Feu et sang » est un court roman autobiographique sous forme de novella. C’est un témoignage précis, circonstancié, presque décrit minute par minute de quelques jours dans les tranchées côté allemand. L’assaut des lignes anglaises d’une barbarie absolue avec le mur de fer et de feu de l’artillerie est absolument dantesque. Les soldats tombent comme des mouches, se battent comme des lions souvent à la mitrailleuse lourde et finissent au corps à corps, à la baïonnette. L’auteur finit par être touché par une balle perdue alors que son groupe s’est victorieusement emparé d’un bout de tranchée. Il le sera quatorze fois au total ce qui lui vaudra la médaille de l’ordre « Pour le Mérite », la plus haute décoration militaire allemande. Cet ouvrage s’achève avec un second texte « La déclaration de guerre de 1914 », écrit 20 années plus tard dans lequel, jeune futur bachelier, Jünger raconte comme il a appris en vacances l’ordre de mobilisation générale et comment il s’est engagé volontairement. Il dut attendre trois jours pour pouvoir le faire tant les candidats étaient nombreux ! Un texte magnifique qui ne peut que faire réfléchir sur les réalités d’une guerre qu’on croyait la « der des der » à une époque où paradoxalement, Ukrainiens et Russes en reviennent quasiment aux mêmes « hachoirs à viande » que furent les guerres de tranchées, les drônes et la technologie en plus !
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Héliopolis

Héliopolis est un livre étrange que l'on peut classer dans la science-fiction, l'héroic fantasy, le conte ou la légende. Junger a essayé de recréer un monde qui a survécu à un cataclysme nucléaire.

Le plus important n'est pas tellement l'intrigue : la venue de Lucius, un grand dignitaire, son implication dans un complot et son départ vers d'autres lieux, que la description d'une civilisation techniquement extrêmement avancée, mais politiquement écartelée entre l'élitisme du Prince et le populisme du Bailli. Cette société vit dans une guerre civile quasi permanente, avec ses castes supérieures et inférieure et ses boucs émissaires, les Parsis, habiles commerçants, fins artisans et redoutables financiers...

Nous sommes dans un très grand livre, du niveau de "1984" , "Le meilleur des mondes" ou " Le seigneur des anneaux". Junger profite des diverses situations pour exposer ses idées sur la philosophie, la psychologie, la théologie ou la sociologie. Il se montre d'une extraordinaire clairvoyance sur la nature humaine, la société ou les progrès techniques à venir. Publié en 1949, ce livre décrit des panneaux lumineux à peine mis au point à notre époque, un appareil appelé "Phonophore" qui n'est autre que notre portable en mieux. Il a même imaginé un réseau de type Internet avec un demi-siècle d'avance. Un précurseur Junger, une sorte de Jules Verne.

Pour faire court, un livre foisonnant, inrésumable, un peu hermétique, très poétique et surtout empreint d'une grande nostalgie pour notre esprit chevaleresque perdu...
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Héliopolis

Question : un plan d'Etat peut-il être un plan de bonheur ?

Réponse : oui, sous certaines conditions ?

Avant tout en ceci, que l'Etat se manifeste sous forme de "status". Il faut par conséquent que ses tâches dynamiques soient, dans l'ensemble, achevées. Voilà pourquoi le progrès ne peut jamais mener au bonheur. Les phases de dynamisme peuvent trouver un terme dans le fait que le but est atteint ; c'est le cas des empires universels. Elles peuvent aussi prendre fin par leur échecs - donc, dans la résignation. Le mot de Nestroy : " La meilleure nation, c'est la résignation" n'est pas si faux. L'Etat renonce à ses buts lointains. Aussi, les périodes de décadence sont souvent des périodes de bonheur, comme dans la Venise, dans l'Autriche des dernières années. Aux colonies, dans les provinces, et même au sein des ruines et sous la domination de l'étranger, on vit souvent avec plus de gaité. Le bonheur se trouve au-delà des processus historiques et de l'achèvement.

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Héliopolis

Ce livre, Dune et le film Blade Runner sont les sources où j'ai puisé pour écrire mon roman de science-fiction. J'aime l'image du proconsul qui a un seul dossier sur son bureau, minimalisme, la formation d'officier qui me rappelle par moment ''Les Cadets''. Et il y a la vigne, ces mélanges post-modernes avant l'heure, la technologie avancée mêlée à de vieux meubles... Après être passé à travers ses journaux de guerre, j'ai pu saisir un peu mieux les trames subtiles de Jünger.

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Héliopolis

Il s'est passé quelque chose à Heliopolis, mais on ne saurait dire quoi. Heliopolis n'accueille pas tout le monde, et il manque à l'amateur, dont je fais partie, une exégèse qui permettrait de comprendre non seulement le déroulement factuel de l'histoire, mais aussi ce qui s'est passé dans l'évolution psychologique et spirituelle des personnages.





Je ne saurais résumer sans tricher le motif d'Heliopolis. Cela se passe dans une société futuriste très dirigiste dans laquelle la population semble partagée en plusieurs castes relatives à leurs niveaux spirituels. La technologie émerge à peine -la probabilité de vivre entourés de téléphones portables est évoquée, traversant l'esprit de Jünger dès 1949- et paraît comme l'horizon d'une humanité progressant par paliers.





Les personnages sont aussi indiscernables que l'intrigue qui les retient. Leurs statuts ne sont jamais clairement définis et laissés à l'appréhension du lecteur. Je pensais que leur rôle se résoberait ou s'éclaircirait au fil des pages, mais ce ne fut jamais le cas. Dans l'étroit mélange de philosophie et d'aventure qui constitue Heliopolis, les divagations spirituelles des personnages ne sont pas seulement de savoureux passages laissés à la délectation du lecteur. Ils semblent effectivement concourrir à la réalisation d'une fin compréhensible par les seuls lecteurs qui auront su passer suffisamment de temps à analyser les liens subtils et les menus détails des relations entre les personnages et leurs semblables, leur société, le temps historique et l'éternité spirituelle. Et Ernst Jünger ne nous facilite pas toujours la tache. Son texte n'est pas dense ni obtus, mais semble parfois extrêmement trivial, uniquement descriptif ; il capte si peu l'attention qu'on le survole en attendant de voir paraître les meilleurs moments -ceux où Ernst Jünger brille d'éloquence et d'érudition à travers l'histoire, la philosophie, la psychologie et la mystique. Sans doute a-t-il réussi à reproduire la trame de la réalité même, dispersant des éléments moteurs de la compréhension globale dans l'ensemble de son oeuvre, y compris dans le plus insignifiant.





Sans doute faudrait-il revenir plusieurs fois sur cet Heliopolis pour mieux le comprendre. Je ne ferai pas de relecture. Bien que l'élégance de l'écriture soit grandiose et les anecdotes savoureuses, Ernst Jünger ne me semble pas particulièrement original -pas au point en tout cas de vouloir réfléchir à l'exégèse de son Heliopolis. Pour ceux qu'il illumine immédiatement, l'immersion héliopolienne sera certainement fabuleuse. Pour les autres, ce n'est peut-être pas le bon moment, si tant est qu'il y en ait un.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Héliopolis

Ernst Jünger préférait apparemment qualifier Héliopolis, paru en 1949, de roman philosophique plutôt que de science-fiction. C’est avant tout un récit visionnaire à multiples facettes, comme une quête du bonheur dans un monde imparfait.



Dans un futur sans date, après la période des Grands Embrasements qui ont détruit la terre, le commandant Lucius de Geer, au service du Pronconsul, revient en bateau dans la cité d’Héliopolis. Les destructions ont ravagé la ville au cours de l’histoire, mais Héliopolis reste cependant d’une splendeur méditerranéenne.



Après les Grands Embrasements, le Régent, détenteur du pouvoir suprême a pacifié la terre, mis les juifs à l’abri et, ne pouvant octroyer le bonheur et la paix, il s’est retiré, pour revenir plus tard, au moment adéquat. Du haut des étoiles, il observe le désordre, laissant Héliopolis sous la coupe du Proconsul et du Bailli, qui luttent pour le pouvoir.



Le proconsul s’appuie sur domination d’une élite intellectuelle et aristocratique, tandis que le bailli est un démagogue cruel et populiste. Celui-ci passe pour un bon homme bien qu’il n’hésite pas à recourir au meurtre, à la torture pour contrôler le peuple, considéré comme une masse d’individus indifférenciés, et à diriger la rancœur des masses sur la minorité parsi, un bouc émissaire facile à designer lorsqu’il y a des troubles. Les avancées technologiques n’ont pas apporté aux hommes tous les bienfaits dont ils avaient rêvé ; et nous sommes au contraire dans une époque de misères et de dangers, où le dégoût de la parole et des subterfuges de la politique se propage, et où les sectes fleurissent.



« La politique y était tombée au rang d’un pur mécanisme, sans grandes figures et sans autre contenu que la violence bestiale. Il convenait donc de s’isoler sur ces domaines inaliénables, de cultiver ses terres, de chasser, de pêcher, de se consacrer aux beaux-arts et au culte des tombes des aïeux, ainsi qu’il avait toujours été normal. Le reste n’était qu’écume du temps, un cratère qui se consumait en lui-même et ne laisserait pas de traces dans l’histoire. »



Lucius de Geer, ressentant une lassitude pour les jeux de pouvoir et l’obéissance militaire, s’absorbe dans la contemplation, se tourne vers l’utopie, et la simplicité. Et dans la nuit menaçante d’Héliopolis, on aime se retrouver avec lui dans la taverne du Calamaretto, et consommer le vin au scintillement profond, le fromage de brebis sur le pain de froment et le jambon de pays garni d’olives noires. Lucius se marginalise, dans une évolution sans doute proche de celle de Jünger lui-même depuis « Orages d’acier » écrit près de trente ans auparavant.



Même s’il reste toujours chez Jünger une embarrassante fascination pour l’ordre et la violence, Héliopolis est un roman extraordinaire, souvent mystérieux et mélancolique, beau comme un fleuve profond qui traverserait des contrées inconnues, et qui parfois s’alanguit dans les méandres de débats philosophiques, ou dans des visions d’une amplitude cosmique, porté par un insatiable esprit d’aventure et de curiosité.



« Le bonheur porte pour moi les traits de l’immaculé, de l’objet vierge. S’il faut le comparer à un trésor, j’aime en lui l’instant où je le sens tout en mon pouvoir, mais sans avoir encore disposé de lui. C’est un état potentiel qu’anime l’illusion. Il s’y mêle toujours l’idée du blanc. Les surfaces blanches m’égaient : un champ sous la neige, la lettre que je n’ai pas encore ouverte, la feuille de papier qui m’attend sur ma table. Bientôt, je la couvrirai de signes, de lettres, et je lui ravirai ainsi une part de son chatoiement. »

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