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Critiques de Evguénia Guinzbourg (20)
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Le vertige, tome 2 : Le ciel de la Kolyma

Née en 1904, l’universitaire Evguenia S. Guinzbourg fut arrêtée en février 1937 pour ne pas avoir dénoncé un collègue trotskyste. Trois mois plus tard, après un procès « à la soviétique » (la réalité des faits reprochés y importe peu), elle fût condamnée à dix ans d’emprisonnement en cellule d’isolement, peine ensuite commuée en autant d’années de travaux forcés sur le territoire de la Kolyma.

Ce territoire du nord-ouest de la Sibérie orientale est traversé par le fleuve du même nom qui se jette dans l’Océan glacial arctique. Séparé du reste du pays par de vastes étendues de taïga et par des montagnes, on y accédait alors par bateaux via la mer du Japon et la mer d'Okhotsk, ou par les airs, d’où l’une de ses appellations : l’« île de la Kolyma ». Un autre nom donné à la Kolyma était « territoire de la mort blanche », et une maxime de l’époque soviétique énonçait : « Колыма значит смерть » (se dit « Kolyma znatchit smiert » et signifie : « Kolyma veut dire mort »). Ce territoire est riche en gisements d’or. A l’époque soviétique, des camps de travaux forcés y furent implantés, précisément pour extraire de l’or. Staline (re)peuplait intensément ces camps (mais ils furent créés dès le début des années 1920 selon Alexandre Soljénytsine - 1918-2008 - dans l’Archipel du Goulag). Ce territoire et ses camps de travail sont célèbres grâce aux "Récits de la Kolyma" de Varlam Chalamov (1907 - 1982), autre écrivain interné par le Goulag, cité par Guinzbourg (chapitre "mea culpa").



"Le ciel de la Kolyma" fait suite à un premier récit autobiographique d’Evguenia S. Guinzbourg ("Le vertige"), dans lequel elle relate son arrestation et sa condamnation. Dans ce second tome, elle raconte sa vie à la Kolyma, et la vie de ceux qu’elle y croise (pour certains c’est leur mort qu’elle décrit, son poste d’infirmière l’y confrontant souvent). Ce témoignage confirme de nombreux propos d’Alexandre Soljénytsine dans «l’Archipel du Goulag».

Faim, cadences de travail infernales, froid, et maladie (scorbut et épidémies de dysentrie), font partie du quotidien des internés, même si certaines places ou travaux sont moins contraignants et préservent des chances de survie. L’affectation de l’auteure dans un élevage de volailles (lui permettant d’accéder à de la nourriture) et sur des postes d’infirmière lui sauva la vie. Dans ces camps, fraternité, solidarité, et amour, peuvent côtoyer indifférence, sadisme, et haine, et ce aussi bien chez les gardiens que chez les prisonniers. L’arbitraire règne, comme il avait régné lors des arrestations et des procès. Ainsi, à l’achèvement de ses dix années d’internement, l’auteure ne sait pas si elle va être libérée ou si sa peine sera prolongée "jusqu’à nouvelle ordre" comme pour beaucoup d’autres. Les prisonniers ignoraient les règles dictant ce choix à l’administration des camps. Sans que l’auteure ne le dise, il me semble que la gestion de cette population d’esclaves en économie planifiée était alors un critère important de décision des autorités soviétiques. Et pour les zeks (mot formé à partir des abréviations ZK qui désignaient les « zaklioutchenny », ou détenus) qui sortaient à l’issue de leur peine, le retour à la « liberté » (les guillemets s’imposent ici …) était compliqué, leur statut d’ancien détenu figurant sur leurs documents officiels et certains déplacements leur étant interdits. Difficile aussi de faire semblant de révérer un régime qui vous a traité en esclave pendant des années ! Les nouvelles fonctions d’éducatrice décrochées par l’auteure à Magadan - par chance, et grâce à sa maîtrise du piano - étaient psychologiquement éprouvantes pour elle, les messages de propagande à inculquer aux enfants lui donnant l’impression de devenir complice du régime.



Guinzbourg est une remarquable observatrice du monde qui l’entoure. Elle s’interroge sur la nature humaine. Les camps sont un champ d’observation et d’analyse propice. Là-bas les conventions sociales s’effacent et un humain peut montrer son vrai visage. La peur et l’instinct de survie peuvent cependant aussi l’amener à commettre des actes a priori contre ses principes. Son regard et ses descriptions sont toujours pleins de finesse, souvent bienveillants.



Bien que le cadre et les circonstances du récit soient glauques, celui-ci reste optimiste et sa lecture passionnante. Je n’avais pas lu la première partie de l’autobiographie de l’auteure, et n’en ai pas ressenti le besoin pour comprendre cette suite. Je ne manquerai cependant pas de corriger cette lacune. Me reste aussi à découvrir l’œuvre de Vassili Axionov, l’un des fils d’Evguenia S. Guinzbourg.

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Le vertige, tome 1

En 1937, l'auteure et son mari militaient activement et sincèrement pour le Parti Communiste d'Union Soviétique.

Cette année-là, Staline intensifia sa politique répressive contre les prétendus ennemis de l'Etat (il s'agissait plutôt d'ennemis supposés de Staline lui-même, dont le nombre fut proportionnel à sa paranoïa).

Après s'être vue retirer sa carte de membre du Parti - pour avoir jadis fréquenté un intellectuel coupable de prises de positions contraire à la ligne du Parti - Evguenia fut poursuivie et emprisonnée pour ce même motif. Suite à une instruction à charge (assortie de pressions diverses pour l'obtention d'aveux et de témoignages contre d'autres), elle fut condamnée à dix ans d'emprisonnement. Son mari, coupable d'être l'époux d'une condamnée politique fut ensuite lui aussi arrêté. Les jeunes enfants furent confiés à la grand-mère.

D'abord recluse en isolement, Evguénia partagea ensuite sa cellule avec une autre victime de la répression soviétique. L'isolement fut particulièrement difficile, d'autant plus que des gardiens prenaient plaisir à accentuer les souffrances des détenus. Heureusement, Evguénia put communiquer avec des prisonniers voisins au moyen d'un code et de coups aux murs (comme le font des personnages du roman "le Zéro et l'Infini d'Arthur Koestler consacré aux Purges).



L'exécution de Nicolas Iéjov le 5 février 1940 (Ежов, 1895-1940, chef suprême du NKVD et principal artisan des Grandes Purges de Staline, surnommé "le nabot sanguinaire" il aimait participer aux séances de tortures), suscita un grand espoir chez de nombreux détenus. C'était ignorer que Staline tirait les ficelles du système répressif, et compter sans la nomination du zélé Lavrenti Béria (Бе́рия 1899-1953), celui que Staline avait présenté comme le chef de la 'Gestapo soviétique' auprès de Ribentrop lors de la signature du Pacte Germano-soviétique (septembre 1939). Staline mort le 5 mars 1953 (peut-être grâce à Béria ?) n'eut pas le temps de faire exécuter Béria, mais les successeurs de Staline s'en chargèrent…

En 1939, de nombreux prisonniers, dont Evguénia, furent transférés en camp de travail forcé : après l'isolement et une cellule partagée à deux, elle s'est ainsi retrouvée groupée avec de nombreuses autres victimes, toutes serrées dans le compartiment fermé d'un wagon de marchandises, puis dans un fond de cale de bateau.



Ce témoignage recoupe en de nombreux points ceux d'autres victimes de la répression soviétique, notamment celui d'Alexandre Soljénitsyne dans 'L'Archipel du Goulag' (lequel cite d'ailleurs Guinzbourg à plusieurs reprises). A la différence de ce dernier, Guinzbourg limite ici son propos à son vécu, sans efforts de théorisation ou de mise en perspective historique. Sa lecture n'en est que plus fluide et agréable, d'autant qu'elle porte un regard très fin sur le monde qui l'entoure. On comprend que Guinzburg ne fut qu'une victime parmi des milliers d'autres, et que la seule logique de ce système était le maintien au pouvoir, par la terreur et par la force, de celui qui s'en était emparé - un système tellement efficace qu'il ne s'effondra pas à la mort de Staline mais que ses successeurs continuèrent à l'utiliser, bien que dans des proportions nettement moindres.

On perçoit aussi la dureté des traitements subis par l'auteure, même si elle ne fut pas la plus mal lotie, puisqu'elle est revenue vivante de ces épreuves.

La suite de son récit (tome 2 que j'avais lu avant ce premier tome) est tout aussi réussie.

J'ai été surpris de prendre plaisir à lire ces deux ouvrages dont le thème n'a pourtant rien de réjouissant. Je les recommande vivement.

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Le vertige, tome 2 : Le ciel de la Kolyma

L'ile de la Kolyma, seule île absente d'étendues d'eaux.



Son nom lui a été donné par son isolement et sa difficulté d'accès, autre particularité, pas de clôtures, pas de barrière.



Les grillages existants sont ceux que la météorologie de l'endroit, pose.



Froid extrême, nature austère sans arbres ni plantations, la température annihilant toute source de vie.



De Magadan à Elguen en passant par l'île de la Kolyma, toute l'horreur humaine se fait corps et cris.



Traversée d'un enfer que même Satan n'aurait osé imaginé.



De haillons en force de convictions, témoignage d'âme qui a su traverser et survire de cette décadence dans laquelle l'Homme s'est échoué.



Témoignage à connaître et diffuser comme ce "vertige" et ces "mains coupées de la Taïga".
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Le vertige, tome 1

Krutoï marshrut

Traduction : Geneviève Johannet





La première partie de l'oeuvre de Guinzbourg, que nous connaissons en Occident sous le titre de "Le Vertige", est sortie en Italie au milieu des années soixante. Le texte avait voyagé jusqu'à Milan par l'habituelle voie clandestine de l'époque : le samizdat. Le succès remporté, l'émotion soulevée par ce récit si prenant et si habilement mené, entraînèrent évidemment la parution de la seconde moitié qui reçut chez nous le titre de "Le Ciel de la Kolyma."



Guinzbourg y relate ses années de camp, sa rencontre avec celui qui deviendra son second mari, le médecin Anton Walter, un Russe originaire de Crimée mais dont les ancêtres étaient arrivés en Russie sous le règne de Catherine la Grande, les difficultés auxquelles se heurtent les condamnés ayant achevé leur peine et rejoignant la vie civile en qualité de "relégués" et, bien sûr, la fin de Staline et le changement d'atmosphère qu'elle entraîne dans toute la Kolyma.



Le titre de la première partie faisait référence au "vertige" ressenti par la narratrice se voyant sombrer dans l'infernale spirale de la violence stalinienne. Cependant, s'il y a un adjectif que l'on se sent obligé d'utiliser après la lecture du texte tout entier, c'est "vertigineux."



Depuis le début, accroché à une Evguénia Guinzbourg d'abord incrédule, puis résignée, et enfin bien décidée à lutter jusqu'au bout et, chose encore plus essentielle, à préserver son intégrité morale et intellectuelle, le lecteur se sent lui aussi aspiré, contraint de plonger au plus profond d'une dictature pour mieux en saisir le fonctionnement et la démence sous-jacente. On parle beaucoup du "devoir de mémoire" pour certains événements de notre cher XXème siècle - toujours les mêmes, d'ailleurs. Ce "devoir", il convient aussi de l'évoquer et de l'évoquer encore au sujet du totalitarisme soviétique. En effet, si celui-ci semble avoir disparu en Russie, il continue à fleurir dans de nombreux endroits de la planète, notamment en Asie. Ce qui prouve qu'il est toujours bien vivant et s'est contenté de changer de peau, tel un monstrueux serpent idéologique et politique tapi dans son coin et attendant, espérant ...



Avec une incroyable sûreté et un sens aigu du détail, Evguenia Guinzbourg nous restitue des jours qui furent, pour elle et pour tant d'autres, à la fois apocalyptiques et sinistrement réels et même, on peut l'écrire, banals. Si les récits des rescapés des camps de la Mort nazis conservent toujours - en tous cas pour nous, et tant pis si cela en choque certains - quelque chose de wagnérien, dans l'optique germanique et scandinave du "Crépuscule des Dieux", dans l'effondrement, la décomposition empoisonnée et méphitique de tout un monde, le tout éclairé par les flammes vacillantes et démoniaques des crématoires en folie, celui de Guinzbourg dépeint une apocalypse humaine, où les engelures et les doigts de pied qu'on ampute sont monnaie courante, où le scorbut règne en maître, où, surtout, une Administration implacable, un système qu'on ne voit jamais mais qu'on devine toujours, fait aujourd'hui d'un mensonge une vérité et vice versa. Cette apocalypse-là ne veut pas engloutir les dieux qui l'ont déchaînée : si l'on pense aux flammes, ce sont à celles du Moloch-Baal antique, si l'on pense à un univers, c'est à celui du "Dépeupleur" de Beckett.



L'impression qu'on en retire est difficile à définir. Mais elle tendrait en tous cas à établir une différence entre les totalitarismes. Non pas en matière de gravité ou d'importance : seulement pour leur essence et bien que, au final, le résultat recherché et obtenu, la destruction de l'esprit avant celle du corps, reste le même. ;o)
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Le vertige, tome 1

Vertiges de vies, de société où le combat d'existences se heurt aux rouages d'une administration sans âme ni limites.



Epoustouflant voyage aux enfers d'une idéologie sans fond où liberté, croyances et persuasions s'affrontent et se déchirent.
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Le vertige, tome 1

Il s’agit de la première partie d’un grand roman autobiographique sur la vie d’’Evguénia Guinzbourg entre 1935 et 1955 (son arrestation, son séjour en prison puis dans des camps jusqu’à la mort de Staline et réhabilitation en 1955). Dans ce tome le récit s’arrête en 1940. Historienne spécialiste de l’histoire de la Tatarie (Tatarstan), ses ennuis commence en 1935 lorsqu’un de ses collègues est arrêté. On lui reproche alors de ne pas avoir précédemment dénoncé ses erreurs et elle reçoit un blâme. L’engrenage commence : elle perd son poste, est interdite d’enseignement, puis exclue du Parti Communiste. Finalement en 1937 elle est arrêtée et après 6 mois de prison est condamnée à 10 ans de cellule d’isolement. Elle en fera deux (et pas à l’isolement complet car il y a tant d’arrestation que c’est impossible), le reste de sa peine sera commué en travaux forcés à la Kolyma, au camp d’Elguen. La Kolyma, c’est le fin fond de la Sibérie, perçue par les détenus comme une île non entourée d’eau, tant elle semble loin du reste du continent de par son isolement et les difficultés d’accès. Nul besoin de barrières. Elle survit à l’hiver 39-40 extrêmement rude. Elle fait la plonge dans un réfectoire, elle fait du bûcheronnage et puis un jour a des nouvelles de son fils par un détenu qui l’a rencontré (son fils c’est le futur écrivain Vassili Axionov). En 1940 elle est employée comme infirmière dans un camp d’enfants (enfants dont les parents ont été arrêtés) et se met à pleurer et réalise que cela faisait des années qu’elle n’avait pas pleuré, et qu’en pleurant par compassion pour ces enfants elle retrouve son humanité.

C’est un témoignage poignant, la lecture est aisée, ce n’est absolument pas le même type d’ouvrage que L’Archipel du Goulag de Soljénitsyne. Les deux ouvrages se recoupent mais elle raconte exclusivement son vécu. Elle arrive à garder un certain sens de l’humour, et une sacrée force de caractère.
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Le vertige, tome 1

Krutoj maršrut

Traduction : Bernard Abbots avec le concours de Jean-Jacques Marie



Le 1er décembre 1934, à l'Institut Smolny de Saint-Pétersbourg, aux environs de 16 h 30, Sergueï Mironovitch Kostrikov, mieux connu sous son nom de guerre de Kirov, est assassiné, d'une balle dans la nuque, par un jeune et obscur membre du Parti communiste soviétique, Leonid Vassilievitch Nikolaïev. Etrangement, les gardes du corps de Kirov, renforcés de quatre unités sur ordre personnel de Staline après l'étrange attentat manqué de septembre de la même année, semblaient s'être dissous dans la nature ...



Staline, prévenu dans la soirée, impute aussitôt la responsabilité du meurtre à Zinoviev et à ses partisans. C'est l'époque où l'Homme d'Acier redoute au maximum que ses opposants, mécontents de l'emprise de l'appareil policier sur le Parti et la vie politique, hostiles également à sa politique économique, ne lui confisquent le pouvoir. Il est temps pour lui d'éradiquer les vieux bolcheviks, ceux qui possèdent encore suffisamment de prestige pour lui faire de l'ombre. Il s'attèle sans états d'âme à la tâche et signe un décret d'exception qui passera à l'Histoire sous le nom de "loi du 1er décembre." Ce décret va, en modifiant du tout au tout les procédures judiciaires, favoriser le déclenchement des Grandes Purges - et la terreur de masse dont l'URSS n'émergera, avec peine, qu'à la mort du dictateur, près de vingt ans plus tard.



Membre du comité régional du Parti communiste de Tatarie, épouse de Pavel Axionov, lequel appartenait au bureau politique du Parti communiste de l'URSS, tranquille professeur d'Histoire à Kazan et mère de deux enfants, Aliocha et Vassia - celui-ci deviendra par la suite l'écrivain Vassili Axionov - Evguenia Semionovna Guinzbourg, comme tant d'autres, plus puissants ou plus humbles qu'elle, sera aspirée par la monstrueuse spirale.



Inquiétée dès 1935, elle reçoit tout d'abord un blâme pour ne pas avoir signalé une "erreur" dans l'un des textes de "L'Histoire de la Tatarie Rouge" de son collègue, le professeur Elvov, bientôt arrêté pour "trotskysme". Puis c'est l'exclusion du Parti et, par voie de conséquence, la perte de son emploi à l'université. Enfin, le 15 février 1937, elle est arrêtée pour "activités contre-révolutionnaires."



Au début, évidemment, Evguenia, bonne communiste, qui croit dur comme fer à l'idéal marxiste, pense qu'il y a erreur, cherche à se justifier, à prouver sa bonne foi. Mais, peu à peu, sans qu'elle l'exprime clairement à ce moment dans son livre, elle se rend compte que ses interlocuteurs, eux, ne sont justement pas de bonne foi. Comme elle veut encore croire à ce qui fut et reste la règle de sa vie, elle se laisse glisser dans une sorte de dépression, surtout lorsqu'elle comprend qu'elle risque de ne plus voir de longtemps ni son mari, ni ses deux fils. Mais, du jour où elle pénètre dans les cachots de la sous-direction générale du NKVD, au Lac-Noir, à Moscou, elle ne cessera plus de se battre.



"Le Vertige", qui sera suivi de "Le Ciel de la Kolyma", retrace le sinistre parcours de la jeune femme depuis sa première incarcération au Lac-Noir en 1937 jusqu'à son arrivée, deux ans plus tard à la Kolyma où elle échoue tout d'abord au camp d'Elguen. Ce premier volume n'évoque donc pratiquement que des prisons : comme nous le répète l'auteur qui, grâce au ciel et à Marx, a su conserver un certain sens de l'humour, même quand tout, y compris l'humour en question, vire au noir le plus absolu, plus la prison est sale et les gardiens négligés et familiers, plus la Mort s'éloigne de vous ; plus la prison est impeccable et les gardiens polis, plus elle se rapproche ...



Du Lac-Noir, Guinzbourg est transportée à la Boutyrka, l'une des prisons les plus célèbres et les plus actives de Moscou, puis à celle de Lefortovo. Après sa condamnation à une peine de dix ans de détention en cellule d'isolement, assortie de cinq ans de retrait des droits civiques, on la transfère à Iaroslavl. D'abord strictement seule dans sa minuscule cellule, elle aura très vite une compagne qui n'est autre qu'une amie de jeunesse : les purges fonctionnent si bien que les mesures d'isolement drastique ne peuvent être respectées, faute tout simplement de place suffisante.



Finalement, en mai 1939, alors que les deux femmes pensent qu'elles mourront d'épuisement, de malnutrition et de désespoir bien avant la fin de leur peine, Guinzbourg voit la sienne commuée en dix ans de travaux forcés à accomplir dans les camps de la Kolyma. Elle part donc, avec près de quatre-vingt autres prisonnières venues d'horizons différents mais toutes des "politiques", dans un wagon à bestiaux qui les achemine, sous un soleil de plomb et avec des restrictions d'eau impensables, jusqu'au camp de transit de Souzdal, à Vladivostok. De là, nouveau départ, en bateau cette fois, vers la Kolyma et le camp d'Elguen, mot qui, en iakoute, la langue du cru, signifie "mort." Tout d'abord préposée à l'abattage des arbres en pleine taïga et par des températures sibériennes, Guinzbourg, qui n'en peut plus, a la chance d'être mutée à la "Maison d'Enfance" du camp, une crêche où l'on s'occupe des enfants nés à la Kolyma - car il y en a, oui.



L'ensemble fourmille de tant d'événements - on est presque tenté, malgré le contexte douloureux, d'écrire "de rebondissements" - et de réflexions qu'il serait malvenu de tenter de les détailler. Saluons cependant la limpidité de l'écriture, la logique de la construction et un don réel pour le récit qui font de ce livre un document qu'on n'est pas près d'oublier. D'ailleurs, comme nous vous le disions, il y a une "suite", avec laquelle on est pressé d'enchaîner. ;o)
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Le vertige, tome 2 : Le ciel de la Kolyma

Il s’agit de la deuxième partie d’un grand roman autobiographique sur la vie d’’Evguénia Guinzbourg entre 1935 et 1955 (son arrestation, son séjour en prison puis dans des camps jusqu’à la mort de Staline et réhabilitation en 1955). Le récit reprend donc en 1940, elle s’occupe pendant un an des enfants de détenus, qui vivent dans des conditions épouvantables. Puis la guerre éclate en 1941, et ça se dégrade : elle transite de camps en camps, rencontre son futur deuxième mari. En 1947 elle est libérée, mais après les camps, les détenus sont interdits de séjour dans la partie occidentale de l’URSS. En fait elle reste finalement à Magadan (la «capitale» de la Kolyma) et fait venir auprès d’elle son fils cadet, le futur écrivain Vassili Axionov, âgé alors de 16 ans. Son autre fils est décédé pendant la guerre. Elle adopte une petite fille. Puis en 1953 c’est le soulagement avec la mort de Staline : « C’étaient des larmes de vingt années. En une minute, tout défila devant mes yeux. Toutes les tortures et toutes les cellules. Toutes les rangées de fusillés et les foules innombrables d’êtres martyrisés. Et ma vie, ma vie à moi, réduite à néant par la volonté diabolique de cet homme ». Et enfin, en 1955, elle peut revenir dans la partie occidentale, réhabilitée « faute de corps du délit ». Evguénia Guinzbourg est vraiment une sacrée bonne femme : malgré ses observations fines sur la nature humaine, elle arrive à garder bienveillance et un certain optimisme. Et elle est douée pour l’écriture, la lecture est facile, fluide.
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Le vertige, tome 1

Evguenia est une bonne soviétique. Instruite à l'université soviétique, membre du parti, marié à un membre influent,. Historienne soviétique de formation, mère de famille soviétique etc...tout est soviétique et surtout est communiste pour Evguenia et son mari. Ce n'est pas subi, c'est voulu et assumé jusqu'au jour où ce parti, cette patrie et son Petit Père des peuples, Joseph Staline se retournent de façon radicale et violente contre Evguenia et son mari. En 1937, pendant les grandes purges staliniennes, après avoir reçu un blâme et être virée de l'université où elle enseignait, Evguenia est arrêtée au motif d'avoir eu comme collègue, un dissident, un réfractaire, un anti-parti, historien comme elle et pour ne pas avoir décelé une erreur dans les écrits de cet indésirable.

Motif fallacieux, faux, hallucinant, hallucinatoire mais hélas ! bien réel et bien écrit sur le papier conduisant Evguenia dans les eaux sombres voire les égouts, les latrines de l'Histoire soviétique. Arrêtée, emprisonnée, torturée, elle est jugée et condamnée à l'isolement, qu'elle subit pendant 2 ans puis est rejointe.Enfin envoyée à la Kolyma dans un wagon à bestiaux, 1 mois de voyage. La découverte, l’acclimation obligatoire et vitale au goulag soviétique commencent pour Evguenia : les privations extrêmes, les mauvais traitements, la perte de sa dignité, de son humanité, les codétenues, le manque de solidarité ou une solidarité plus précaire qu'un simple quignon de pain rassis pour tuer etc...etc...

Evguenia témoigne. Elle décrit et décrit sans cesse avec minutie, avec respect de la chronologie sa vie, les camps etc....Elle n'oublie rien, expose simplement mais avec beaucoup de réalisme qu'on peut avoir des images qui nous apparaît.

C'est fort et dur. C'est hélas utile pour comprendre la mécanique de répression ultra mise en place et conduite par Staline.

Le seul regret que j'ai eu en lisant ce livre : Evguenia est une historienne de formation. J'attendais plus que de la description, des moments de réflexion sur ce système qu'elle a aimé, servi et qui l'a broyé ou du moins mutilée d'une grande partie de sa vie. Comme l'a fait A. Soljenitsyne dans ses livres.

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Le vertige, tome 1

Evguénia Guinzbourg est une communiste convaincue, mariée à un cacique du parti lorsque surviennent les grandes purges de la fin des années 1930. Elle va connaître les accusations sans fondement, les procès ubuesques, la prison et l'isolement, les transports en wagons à bestiaux à travers la Sibérie, et enfin les camps du goulag. Et encore, elle constate qu'elle a eu de la chance d'être jugée avant que la torture ne soit systématiquement employée pour soutirer des aveux aux accusés.



La vie dans les camps est souvent courte, car les conditions sont effroyables, comparables aux camps de concentration nazis en plus froid, car la température descend à -40 ou -50° dans la région de la Kolima. Certes il n'y a pas eu de camps d'extermination, le pouvoir se contentait de faire mourir les détenus à petit feu, et seuls ceux qui avaient un emploi privilégié avaient une chance de survivre. Une différence énorme quand même entre les camps nazis et les soviétiques : les Juifs et les résistants enfermés haïssaient le pouvoir nazi qui les avaient envoyé là. Au goulag, bien peu savent pourquoi ils ont été condamnés, l'auteure cite un dialogue de fou avec un gardien :

- Pourquoi ils m'ont condamné à 10 ans ?

- Je sais que tu n’es pas coupable. Si tu avais été coupable, ils t’auraient donné bien plus de dix ans."



Dans tout le récit, on voit la puissance de la propagande soviétique et le degré d'endoctrinement des Russes. Evguénia Guinzbourg elle-même n'a rien compris à l'Histoire. On entend des condamnés qui admirent Staline et imaginent que "Staline ne sait absolument rien des illégalités commises en ce moment." C'est quand même lui qui ordonnait les purges et fixait les quotas d'accusés à envoyer au goulag. L'auteure elle, n'aime pas Staline, mais se demande "nous-mêmes, après tout ce qui nous était arrivé, aurions-nous voté pour un autre régime que le régime soviétique ?". Même en voyant l'horreur du système, elle soutient le régime, comme si les dizaines de millions de victimes n'étaient qu'une petite bavure. Et dans sa présentation, écrite dans les années 1960, l'auteure écrit :

"Dans notre parti, dans notre pays, règne de nouveau la grande vérité léniniste."

La vérité n'a jamais existé en URSS. Alexandre Soljenitsyne ou encore Andreï Sakharov ont subi la répression bien après la mort de Staline, et il faut savoir que les premiers camps de concentration soviétiques ont été créés avant 1920, sous le règne de Lénine. La propagande communiste a toujours affirmé que Lénine était un pur, et que le mal était venu de Staline, ce qui lui permet de ne pas remettre en question le système. On met tout sur le dos d'une personne, et on se dédouane de toutes les horreurs, c'est tellement facile.



La réalité c'est que lorsque le communisme se veut "la dictature du prolétariat" seule le premier mot est juste. Et comme dans toutes les dictatures, le système a besoin d'ennemis pour motiver le peuple et justifier la violence. Elle est intrinsèque au système, et tous les régimes communistes ont favorisé la répression. La Chine maoïste avec la révolution culturelle, la Corée du Nord, le Vietnam dont les habitants préféraient devenir boat-people, affronter les pirates et les tempêtes que de subir les "camps de réhabilitation par le travail", le comble de l'horreur étant atteint par les Khmers Rouges qui ont déporté la totalité de leur population.



C'est choquant de constater que Evguénia Guinzbourg et ses compagnes n'ont rien compris de tout ça et continuent de croire à un idéal communiste après en avoir subi les conséquences pendant des années.
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Le vertige, tome 2 : Le ciel de la Kolyma

Des deux tomes de ses mémoires, c'est ce tome 2 que j'ai préféré.

Après avoir expliqué son arrestation et sa déportation dans le tome 1, le tome 2 va être consacré dans un premier temps à la vie dans les camps de travail et à la façon dont elle va survivre, suivie de la vie après le camps jusqu'à sa réhabilitation après la mort de Staline.

Ce deuxième tome est beaucoup plus intéressant parce qu'elle prend beaucoup plus de recul sur les choses et le système.

Un grand sujet de réflexion qui va ponctuer et animer son récit va être le rôle des individus dans un système tortionnaire. Quelle est la responsabilité individuelle de chacun ? Quel est son libre arbitre ? Quelle est sa marge de manœuvre ? Le passage sur la responsable de camps Zimmerman est particulièrement intéressant. Cette cheffe de camps décide de la vie et de la mort de chaque individu sur son territoire. Pourtant, il n'y a aucune méchanceté dans ses actes. La seule motivation qui la guide est le respect du règlement et c'est précisément cette rigidité qui va entrainer une telle maltraitance.

J'ai été frappée aussi par sa comparaison avec les camps de concentration nazis. A aucun moment elle estime que la situation est comparable alors que de mon point de vu le résultat est le même, voire bien plus meurtrier pour le goulag vu le temps où il est resté en activité. Si les camps nazis avaient pour objectif la destruction et l'extermination, le goulag est avant tout un camps de travail forcé où l'objectif est de remplir des normes de production. De ce que j'ai compris de son récit, c'est l'application stupide de normes et de règlements par des fonctionnaires zélés et terrorisés par les sanctions qui entraine ces dérives. Les règlements sont définis par des autorités de Moscou qui n'ont aucune idée de la réalité, ces règlements et normes de productions sont inatteignables et les fonctionnaires locaux pour les respecter préfèrent épuiser à la tâche les détenus et les remplacer par des détenus plus frais que de les maintenir en bonne santé. Concrètement, c'est une logique aveugle économique qui entraine ce comportement. En tant que fonctionnaire, cela m'a beaucoup fait réfléchir sur les dérives possibles du système et le rôle que chaque individu peut jouer comme rouages.

Finalement, c'est presque le portrait d'une dictature des normes et des règlements administratifs qu'elle nous fait de la dictature de Staline, le tout soupoudré d'un grand lavage de cerveau idéologique généralisé. Là aussi cet aspect est particulièrement bien décrit et expliqué à travers le rejet dont sont victimes les anciens détenus de la part des citoyens libres à qui on a vendu un monde envahi de traitres et de saboteurs.

Définitivement un excellent livre à lire absolument et qui ne mérite qu'une chose, être réédité.
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Le vertige, tome 1

Dans cette oeuvre magnifique concernant sa tragique expérience pendant la Grande Terreur en U.R.S.S. de 1937-1938 (750 mille personnes innocentes exécutées en moins de 2 ans), Evguénia S. Guinzbourg, décrit les phénoménales violences physiques, morales et intellectuelles qu’elle a subies, ainsi que le peuple Russe ; et l’oppression psychologique généralisée au sein de la société Stalinienne.



En effet, les gens étaient endoctrinés idéologiquement dès le plus jeune âge dans les Komsomols (jeunesses communistes) ; ils étaient également fichés, espionnés, dénoncés, arrêtés arbitrairement, torturés par la police politique, sous n’importe quel prétexte totalement absurde, dans l’unique objectif aberrant, ignoble et inhumain de remplir des listes de quotas d’individus INNOCENTS « ennemis de classe » à exécuter sommairement ou à déporter !



Ce système totalitaire communiste fondé par les grands criminels qu’étaient : Lénine, Trotski et d’autres dont Staline, lors du coup d’Etat du 7 novembre 1917 à Petrograd, s’est généralisé sous Staline en une terreur sociétale complètement schizophrène et paranoïaque, dans laquelle les gens en arrivaient à se dénoncer, se trahir les uns les autres.



Evguénia S. Guinzbourg raconte de manière passionnante sa descente dans les ténèbres de la prison, puis en déportation en wagons à bestiaux, et enfin en tant qu’esclave, à travers les différents camps de concentration (Goulag de la Kolyma).



Merci à Mme. Guinzbourg pour son témoignage essentiel. Celui-ci, entre autres, devrait servir d’ouvrage de référence et de réflexion à tous ceux qui se revendiquent encore au 21ème siècle, de l’idéologie fanatique communiste responsable du massacre d’environ 100 millions d’innocents dans le monde !



P.S. n°1 : Je trouve honteux et surtout particulièrement injurieux envers la Mémoire des millions de victimes du Totalitarisme Communiste Soviétique, que, le soi-disant historien du Communisme (car Idéologiquement Bolchevico-Lénino-Trotskiste) : Jean-Jacques Marie, ait participé à l’élaboration de la version Française, de cet extrêmement poignant témoignage de Evguénia S. Guinzbourg !



P.S. n°2 : Ce commentaire concerne les Tomes 1 et 2.



Confer également les précieux témoignages sur le thème du Totalitarisme, de :

– Alexandre Soljénitsyne (L’archipel du Goulag) ;

– Alexandre Soljénitsyne (Une journée d’Ivan Denissovitch) ;

– Jacques Rossi (Qu’elle était belle cette utopie !) ;

– Jacques Rossi (Le manuel du Goulag) ;

– Margarete Buber-Neumann (Déportée en Sibérie Tome 1 et Déportée à Ravensbrück Tome 2) ;

– Iouri Tchirkov (C’était ainsi… Un adolescent au Goulag) ;

– Boris Chiriaev (La veilleuse des Solovki) ;

– Malay Phcar (Une enfance en enfer : Cambodge, 17 avril 1975 – 8 mars 1980) ;

– Sergueï Melgounov (La Terreur rouge en Russie : 1918 – 1924) ;

– Zinaïda Hippius (Journal sous la Terreur) ;

– Jean Pasqualini (Prisonnier de Mao) ;

– Kang Chol-Hwan (Les aquariums de Pyongyang : dix ans au Goulag Nord-Coréen) ;

– Aron Gabor (Le cri de la Taïga) ;

– Varlam Chalamov (Récits de la Kolyma) ;

– Lev Razgon (La vie sans lendemains) ;

– Pin Yathay (Tu vivras, mon fils) ;

– Ante Ciliga (Dix ans au pays du mensonge déconcertant) ;

– Gustaw Herling (Un monde à part) ;

– David Rousset (L’Univers concentrationnaire) ;

– Joseph Czapski (Souvenirs de Starobielsk) ;

– Barbara Skarga (Une absurde cruauté) ;

– Claire Ly (Revenue de l’enfer) ;

– Primo Levi (Si c’est un homme) ;

– Primo Levi (Les naufragés et les rescapés : quarante ans après Auschwitz) ;

– Harry Wu (LAOGAI, le goulag chinois) ;

– Shlomo Venezia (Sonderkommando : Dans l’enfer des chambres à gaz) ;

– Anastassia Lyssyvets (Raconte la vie heureuse… : Souvenirs d’une survivante de la Grande Famine en Ukraine) ;

– François Ponchaud (Cambodge année zéro) ;

– Sozerko Malsagov et Nikolaï Kisselev-Gromov (Aux origines du Goulag, récits des îles solovki : L’île de l’enfer, suivi de : Les camps de la mort en URSS) ;

– François Bizot (Le Portail) ;

– Marine Buissonnière et Sophie Delaunay (Je regrette d’être né là-bas : Corée du Nord : l’enfer et l’exil) ;

– Juliette Morillot et Dorian Malovic (Evadés de Corée du Nord : Témoignages) ;

– Barbara Demick (Vies ordinaires en Corée du Nord) ;

– Vladimir Zazoubrine (Le Tchékiste. Récit sur Elle et toujours sur Elle).
Lien : https://totalitarismes.wordp..
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Le vertige, tome 1

Un très grand livre injustement méconnu et qu'on ne trouve plus qu'en occasion, indispensable pour aborder le sujet de la déportation au goulag.

J'ai commencé à m'intéresser au sujet par l'Archipel du Goulag de Soljenitsyne et ce témoignage vient compléter et illustrer l'essai plus théorique. Evguenia Guinzbourg en racontant sa propre expérience donne une touche humaine et concrète à cette machine de destruction humaine tellement énorme quelle en est incroyable.

Ce qui m'a frappé dans son récit, c'est justement l'incrédulité générale des détenus. C'est tellement gros, ça parait tellement impossible que le parti décide d'éliminer l'ensemble de ses membres que personne n'y crois alors même qu'ils sont détenus. Chacun se dit que son cas est une erreur du système, qu'on ne fait pas d'omelette sans casser d'œuf. Et pourtant, il ne s'agit pas d'une erreur mais bien d'une élimination systématique de toute opposition mais surtout un approvisionnement très efficace en esclaves. La machine est si bien rodée qu'au final, personne ne se rebelle jamais, personne ne conteste cette situation, et les gens se font broyer les uns après les autres.

La lecture préalable de l'archipel du Goulag m'a justement bien aidé à comprendre cette machine et ses coulisses qui évidemment ne sont pas lisibles du point de vu d'Evguenia Guinzbourg.

La deuxième partie du livre concerne son transfert vers le goulag en tant que tel et les modalités de survie. On retrouve malheureusement le fonctionnement décrit dans les camps de la mort nazis, la nécessité de survivre quitte à renoncer à toute humanité.

Le premier tome se termine sur un épisode déterminant, sa nomination à l'infirmerie du camp, synonyme d'une survie possible.

Au final, je dirais que s'il faut lire un livre sur le Goulag ce serait celui-ci parce qu'il est très accessible, facile à lire et qu'il ne cache rien de l'absurdité et de l'atrocité de ce système.

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Le vertige, tome 1

Un témoignage bouleversant sur les purges staliniennes et le Goulag, les camps de déportation soviétiques. Mariée, mère de famille et professeur à Kazan, Evguénia Guinzbourg voit sa vie basculer en 1936 lorsque son mari est arrêté, victime des purges staliniennes. Il s'agit d'un récit autobiographique, d'un document historique d'une grande précision sur la vie des déportés du Goulag. Ce témoignage est d'autant plus poignant qu'il n'en émane aucune haine, aucune colère. L'auteur est une survivante, elle doit témoigner mais ne le fait pas par esprit de vengeance, juste par fidélité à ceux qui ne peuvent plus le faire. Au delà de sa valeur documentaire sur le Goulag, ce livre décrit aussi les mécanismes qui ont permis la survie de l'auteur, sa survie physique mais aussi sa survie psychique, grâce à son amour de la poésie. On y découvre une écriture étonnamment apaisée, celle d'une femme qui a été confrontée aux pires horreurs mais qui reste bienveillante et presque sereine voire optimiste. Cette capacité à ne pas perdre son âme, à ne pas sombrer dans la noirceur et la haine est peut-être l'élément le plus bouleversant de ce récit. C'est en cela que Le vertige se distingue de nombreux autres témoignages sur le Goulag, il transcende son sujet pour livrer une magnifique leçon de vie sur la résilience.
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Le vertige, tome 1

Ce livre est très instructif sur les agissements du régime stalinien, il est détaillé, précis et la narratrice témoigne chronologiquement de l'aberration de son arrestation, de son incarcération et de sa déportation.

A tout propos vous pouviez tomber entre les mains de bourreaux sans même un motif avéré. Bourreaux que vous retrouverez plus tard détenus dans les mêmes camps et soumis aux mêmes privations et souffrances que celles que vous endurées.

Aberration que ce gouvernement qui arrête sans discernement des supposés réfractaires au régime et leurs juges, leurs tortionnaires. On n'y comprend pas grand chose.

Comme on a du mal a comprendre ce qui fait qu'Evguénia survit malgré le froid, la faim, le gel, le manque d'eau, d'hygiène, le manque de nourriture de repos, de soins, dans des conditions plus qu'extrémistes. Et jamais une plainte comme si elle considérait normal cet épisode de sa vie, seule lui est insupportable la séparation d'avec ses enfants et les siens.

Mais est-elle surhumaine pour ainsi se soumettre à toutes ces brimades et tortures ? moi je pense que je serais morte depuis longtemps, jamais je n'aurais pu trouver en moi cette volonté de tenir dans un tel isolement, un tel ennui, un tel enfer, avec toutes ces brimades et frustrations. On la sent ici davantage préoccupée du sort de ses co-détenues que du sien, c'est d'ailleurs à l'aulne des dégradations physiques des autres qu'on juge les siennes. jamais elle ne se rebelle comme si c'était désavouer le parti ou est-ce la crainte d'une mort certaine ?
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Le vertige, tome 1

Le vertige tome I, suivi du Ciel de la Kolyma, est un des livres les plus poignants sur la Russie soviétique. Il nous plonge dans l'enfer des purges staliniennes des années 36-37, puis dans le goulag, et enfin vers une vie qui pourra se reconstruire un peu - mais un peu seulement, après la déstalinisation. Une oeuvre poignante qui d'une certaine façon peut faire penser à La vingt-cinquième Heure de Virgil Georghiu. Toutes ces vies broyées par les régimes totalitaires et guerres du XXe siècle. Et l'Histoire se répète de plus belle "par la grâce" de Poutine.
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Le vertige, tome 1

L'horreur...la cruauté....la méchanceté.... Et en même temps, la résilience, la camaraderie, le sens de l'humour.... Tout se mélange dans les mémoires d' Evguénia Guinzbourg, cadre du Parti communiste Russe, arrêtée en 1937, condamnée à 10 ans de prison et d'exile en Sibérie, mais qui y est restée pendant 18 ans. C'est avec stupeur que j'ai lu ces mémoires, racontées d'une forme simple, avec un certain sens de l'humour, sans révolte, sans rage, sans auto commisération. Et c'est peut-être cette capacité à accepter, mais en essayant de garder de l'humanité en soi, qui a permis à Evguénia de surmonter ces années atroces, d'y retrouver l'amour, d'adopter une petite fille abandonnée... C'est un livre très fort, qui fait pleurer, sourire parfois, mais qui ne laisse pas indifférent! À lire, définitivement, à réfléchir aux leçons que l'Histoire nous donne, et qui ne sont pas apprises, qui se répétent toujours et toujours... Quelle leçon nous donne ici l'auteure!
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Le vertige, tome 2 : Le ciel de la Kolyma

goulag russe
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Le vertige, tome 1

Suite du " Vertige" . Mêmes qualités
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Le vertige, tome 1

Très bien décrit. Prenant.
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