Citations de Fabien Clavel (375)
Les reporters était pour lui une espèce nuisible, charognarde, qui s'improvisait justicière et policière à la fois, effrayait le public en publiant chaque jour de nouveaux faits divers donnant l'impression que le pays sombrait dans le crime, aboyant comme des chiens devant un morceau de viande.
- Me croiriez-vous si je vous disais que j’ai résolu toutes mes enquêtes à partir de livres ?
Fredouille prit un air incrédule.
- Et comment procédez-vous lorsque la victime ne possède pas de publications ?
- Dans ce cas, il s’agit d’un meurtre sans intérêt et sans finesse. Ces affaires ne méritent même pas d’être mentionnées. Elles reposent toujours sur le même canevas primitif. On les résout en un claquement de doigts.
A son retour, il poussait devant lui plusieurs fauteuils roulants. Mais pas de la sous-merde comme les autres, du matos de compétition, avec lequel tu frôles l'excès de vitesse dans les descentes.
N'oubliez jamais cela, Fredouille: tout est dans les livres. Notre vie n'est qu'un feuillet détaché de l'ouvrage gigantesque du monde.
Depuis le début, le monde entier se dirigeait vers une société qui dévore ses enfants pour survivre.
À nous tous, on devait facilement passer le millénaire d’années vécues. Quelle perte pour le monde si on s’écrasait en bas de la cage ! Un vieux qui meurt, c’est un disque dur externe qui grille. Alors quatorze, ça fait une baie de stockage !
Pouvait-on vivre uniquement dans les livres, à travers les livres ? Oui, pour assourdir la rumeur ignoble du monde, ce cri vulgaire et souffrant qui lui vrillait le crâne à la manière des portes de prison qui grincent. Et puis oublier son tumulte intérieur aussi, cette noire marmite bouillonnant au rythme des souvenirs.
Les gens veulent plus se reproduire, ils veulent juste vivre plus longtemps.
- (…) Vous avez réussi à détourner les contes de leur propos premier : ils sont là pour aider l'humanité à vivre, pas pour lui nuire !
(…)
- Vous êtes d'une grande naïveté, commissaire. Vous êtes-vous réellement penché sur l'abîme que sont les contes ? Il y a là toute la boue humaine : craintes, envies, pulsions destructrices. (…) Jamais la littérature n'améliore quoi que ce soit. Elle se contente de constater la permanence du mal, voire de l'entretenir.
Steven regardait les clients et se demandait s’il avait l’air aussi stupide lorsqu’il faisait ses propres exercices, car, tout comme certains vendeurs de drogues sont également des toxicomanes, il s’était mis à la musculation depuis qu’il travaillait ici. Il aurait été inadmissible qu’il se présentât à la clientèle avec des relâchements adipeux; fait-on confiance à un coiffeur mal coiffé ?
Ils étaient tous deux des survivants d'une bataille inégale. Ils finiraient dans la tranchée de la fosse commune. Anonymes.
Incapable de vivre par lui-même, il lisait la vie des autres.
Il avait peine à croire que, dans moins d'un an, le vingtième siècle débuterait. Tous ces millénaires d'inventions, d'histoire et d'art pour se vautrer dans un tel raffinement de barbarie.
Dans ces muscles dépouillés, ces nerfs, ces os, avait existé une intelligence, un esprit. Ragon n'allait pas jusqu'à l'âme. Devant ce genre de boucherie, l'hypothèse d'un principe vital transcendant confinait au ridicule. Seul demeurait le mystère insondable des corps.
Une conspiration n’existe que lorsqu’elle échoue. Sinon, c’est une simple succession.
« Assassiner un assassin ne fait pas de vous un justicier, (…) ».
Une bibliothèque, c’est une âme de cuir et de papier. Il n’y a pas meilleur moyen pour fouiller dans les tréfonds d’une psyché que de jeter un œil aux ouvrages qui la composent. La sélection, le rangement, le contenu, même la qualité de la reliure : tous les détails sont importants.
Je suis comme la fiction : un mensonge qui dit la vérité.
La guerre de Troie était bel et bien finie. Le roi des dieux sortait de cette épreuve épuisé. Ses enfants s'étaient déchirés sur l'Olympe et dans la plaine de Troie. Beaucoup de ses descendants étaient morts au cours des combats. La race des héros avait payé le prix fort.
Ils aimaient se rencontrer là sous prétexte d'enquête. Mais rapidement, la conversation s'était déplacée vers d'autres sujets. Il lui racontait ses souvenirs de régiments, elle évoquait sa vie à la campagne, fiancée d'un soldat qui n'était jamais revenu et qui l'avait laissée avec un enfant dans le ventre. Grâce à une faiseuse d'anges, elle s'en était débarrassée pour ne pas être montrée du doigt par les bonnes gens. Depuis, elle n'était plus jamais tombée enceinte.
Ragon mit longtemps à lui parler de ses blessures, en particulier l'éclat qu'il avait pris en haut de la cuisse et les poutres qui lui avaient presque écrasé la poitrine.
Ils étaient tous deux des survivants d'une bataille inégale. Ils finiraient dans la tranchée de la fosse commune. Anonymes.
N’oubliez jamais cela, Fredouille : tout est dans les livres. Notre vie n’est qu’un feuillet détaché de l’ouvrage gigantesque du monde.