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3.48/5 (sur 123 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Fabrice Capizzano a exercé de nombreux métiers manuels, dont dix ans l’apiculture, et milite pour Greenpeace.

"La fille du chasse-neige" (2020) est son premier roman.

Il vit dans le Vercors.

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VLEEL 201 Rencontre littéraire Nicolas Rey & Fabrice Capizzano, Crédit illimité, Au diable vauvert


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Tous les pions d’Antoine étaient dans son jan intérieur, papa en avait toujours trois de coincés, ses sourcils avaient la forme d’accents circonflexes, sa lèvre inférieure était sortie, elle accentuait sa mine boudeuse, enfin une expression me disais-je, enfin autre chose sur son visage figé par la colère, le voilà atteint. A-t-il un genou à terre ?
La victoire était toute proche, je pensais que si Antoine ne merdait pas trop il pouvait même lui infliger une copieuse correction, et Dieu sait qu’elles étaient rares. Papa commençait à manquer de sang-froid, lui le sang chaud, le fils de calabrais et calabrais lui-même, je voyais ses gestes devenir moins sûrs, plus nerveux, ils trahissaient sa rage, sa frustration, son impuissance, ses émotions, oui, il semblait qu’il en fut pourvu. Lucille me regarda inquiète, elle s’approcha de maman et lui parla discrètement à l’oreille. Papa jeta ses dés un peu plus fort.
Il ne restait que quelques pions à sortir à Antoine quand le père arriva enfin à se libérer, je sentis une lueur d’espoir infime jaillir de son regard d’enfant. Jamais je n’aurais cru pouvoir voir ça un jour, oui mon père en effet avait été un enfant. J’avais toujours pensé qu’il était né vieux. Vieux, con, et en colère, imaginez la tête de la sage-femme. Bravo Madame, c’est un vieux con aigri et méchant qui communiquera uniquement par onomatopées.
Puis Antoine lui imposa le coup de grâce.
Il sortit enfin ses deux derniers pions dans un sourire à vous déchirer la peau des joues. J’entendais les cuivres et les violons, la grosse caisse, je voyais le public se lever et l’applaudir alors que la poursuite était braquée sur lui et que les journalistes se précipitaient sur le terrain.
Papa attrapa le jeu et le retourna sur la table avant de l’envoyer voler dans la pièce comme un javelot en direction de ma guitare, accompagnant le tout d’un cri de zombie tout frais sorti de sa tombe. Pause, rewind, ralenti.
Maman, qui s’était pourtant approchée pour éviter cette crise, se prit alors un grand coup de coude involontaire de papa dans l’œil, elle fit ah, bascula en arrière et glissa sur le carrelage mouillé par une poignée de neige oubliée. Les enfants se réveillèrent soudainement et se mirent à pleurer. J’hurlai, ma Takamine était cassée… Ma Takamine électro acoustique 1978 incrustation turquoise avait reçu de plein fouet un jeu de backgammon collector de 1942 luxe cuir prestige dans la caisse, elle était fendue et le son fuyait. D’un geste fou et vain j’essayais de retenir l’air qui sortait de la fente du corps, tel un soldat tenant les viscères de son frère. J’étais estomaqué. Cet homme a des émotions me répétais-je tel un vieux vinyle rayé. Lucille et Eve rassuraient leurs enfants. Furieux à son tour, Guillaume se leva et fonça sur papa. Guillaume était rugbyman, commercial, cocaïnomane aigu, on a tous pensé qu’il chargeait pour lui péter la gueule, alors Antoine dans un acte de sauveur, de justicier inconscient et naïf, il s’est interposé, oui qui comme moi est gaulé comme un poteau électrique en bois, c’était n’importe quoi.
Antoine a pris le poing de Guillaume en pleine gueule, en pleine poire, mais c’était merveilleux, car papa avait des émotions.
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Rien de plus simple, il suffit que le portable se cale sur la même gamme d'ondes que la carte à puce de cette bagnole et le tour est joué, c'est une simple application que tu peux acheter sur le net pour quelques dizaines d'euros, une histoire d'Andoid en mode open source, un système d'exploitation mobile fondé sur le noyau Linux. C'est bien ça Rémy ?
En gros oui patron.
P 96
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Ces salopards vont me le payer, se dit-il, ça schlingue l'arrogance de crevure, ça dégouline velu la dérobade en loucedé, l’esquive mesquine des petites frappes, la prise d'otages pas cool.
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On a attaqué les travaux du studio quelques jours plus tard.
Ça ne s’est pas passé dans une folle ambiance d’excitation et de complicité, depuis quand les montagnes sont-elles des mers et les lions ont-ils des moutons comme psy ? Soyons réalistes.
Le vieux trimballait toujours du lever au coucher sa morne lassitude, sa tronche renfrognée, son humeur maussade, sa grogne statique figée dans la pierre et la mauvaise humeur. Plus il vieillissait et moins cet homme, courtois à l’époque, constant dans la politesse lorsqu’il nous élevait, employait des formules de respect. Les mercis, s’il te plaît et comparses n’étaient plus dans son vocabulaire depuis bien longtemps.
La douceur des mots lui coûtait, lui demandait une énergie qu’il n’avait plus pour ça. Tout l’énervait tout le temps, et cette façon d’être aigri se témoignait par des grognements faisant office de mots. Parler, expliquer, comprendre, communiquer, le faisait royalement chier. Il semblait de plus en plus être en paix, ou s’en approcher toutefois, mais dans le silence et la solitude. Comme si cet homme n’aimait rien. Ni sa vie, ni ses proches, ni la mésange jaune et bleue posée face à lui dans l’aubépine en fleur, ni sa gueule dans la glace.
Quant aux sourires… ils étaient emprunts d’amertume, bourrés de ressentiment, ironiques et moqueurs, couplés de regards mauvais et de poings serrés.
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Maman était à l’hôpital. Ils disaient qu’elle allait s’en sortir, que ça avait été moins une, moins une de quoi ? Le bassin était cassé. Le pire c’était le traumatisme crânien. Il y avait eu du sang partout et ça avait été long pour que les secours arrivent à cause de la neige… C’est le chasse-neige qui avait ouvert la route aux pompiers, on avait cru rêver quand on avait vu l’engin rentrer dans la cour de la maison avec cette fille en débardeur qui était à l’intérieur. Non non tu ne rêves toujours pas m’avait dit Lucille. Elle était magnifique avec ses cheveux noirs courts, je n’ai vu qu’elle quand elle attendait dans son bolide chenillé que les pompiers finissent, et qu’elle puisse à nouveau ouvrir la route jusqu’à la nationale. Je l’ai vu bouger les épaules en rythme, alors je me suis dit qu’elle devait écouter la radio, du coup j’ai allumé la nôtre, et comme ici on n’en captait qu’une, je ne pouvais pas me tromper. Je l’ai regardé danser tout le long de Don’t stop ’til you get enough de Jackson et j’ai su qu’on était sur la même longueur d’onde. Elle avait la classe, elle avait le groove, elle était dans l’instant et ça m’a bouleversé. Alors dans une espèce de parfaite normalité, je suis tombé amoureux de la fille du chasse-neige.
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Je suis issu d’une famille modeste et j’en suis extrêmement fier. Je ne porte pas ce patrimoine comme une légion d’honneur, mais pas loin, un dérivé de médaille du mérite made in Calabre. Je suis estampillé populaire sur mon front en caractères gras, dans mes chairs et dans mon bide, et pas seulement à cause des nouilles pas chères que j’ai bouffées toute mon enfance. Mes couilles produisent des spermatozoïdes d’ouvriers, chez nous les bébés naissent avec des truelles dans leurs petites mains charnues, les sage-femmes hallucinent, les enfants Cervantès sortent des maternités avec des chaussures et des casques de chantier, pas avec des robes à fleurs qu’ils porteront pour leur rentrée des classes dans des écoles privées anglaises. Je ne suis pas un fils de et c’est ce qui m’a rendu fort. L’effort est mon quotidien, la difficulté m’a donné de la consistance et je la trouve facile. Notre patrimoine génétique est tapissé de ténacité et de patine artistique, nous sommes constitués d’acharnement, d’abnégation, de pugnacité maladive, d’obstination obsessionnelle, exagérée, quasi absurde ; ne pas naître avec une cuillère en argent dans la bouche m’a offert du mordant, un héritage customisé pitbull, une notion élémentaire fondamentale du travail bien fait. C’est notre étendard, notre blason, notre échafaudage, notre secret de fabrication, ils sont ancrés dans nos viscères et sous nos peaux.
Mon père me faisait jouer de la bétonnière des week-ends entiers pour que je me paie l’entrée du cinéma. J’avais onze ans. Lorsque j’arrivais à la caisse du cinéma avec ma pièce de cinq francs qui prenait la moitié de la main, j’avais la tête haute, les mains en feu par le manche de la pelle et le ciment pur, mon dos était en miettes, mais je marchais droit.
À douze ans je ratissais les feuilles mortes de mes voisins.
Je me suis payé mon premier argentique avec cet argent, un Ricoh modèle 500 ST, une merveille qui m’a apporté mes premiers frissons photo. Je me rappelle des hésitations, parce que la pellicule coûtait une fortune, l’attente du cliché idéal, la contemplation, les soirées à guetter la lumière du couchant qui n’arrivait jamais. Le délai d’attente du développement, interminable, où tu avais l’impression que ton horloge de salon remontait le temps et que tu rajeunissais. Les premières merveilles pondues lors de focales hasardeuses et de diaphragmes réglés à la wanagain, le tout couronné d’une bonne couche d’à-peu-près et d’advienne que pourra. Autodidacte fauché, je m’en référais à l’instinct de l’instant de mon instantané. Des souvenirs de résultats miraculeux viennent à moi, des photos qui me valurent parfois les compliments de photographes bluffés par ces visages figés mais en mouvement. Il n’est pas si loin le temps où des âmes bienveillantes me prodiguaient des conseils pratiques parce qu’ils avaient vu en moi comme une sorte de don de l’œil, de Don Juan du Canon.
J’attendais alors, impatient, les week-ends, que papa rentre de sa semaine de déplacement à l’autre bout de la France. Il était rincé, brisé, mais ses yeux s’émerveillaient lorsque je lui tendais mes divines photos.
– C’est toi qui as fait ça ? disait-il les yeux écarquillés.
– Ben ouais.
– C’est bien mon fils, continue, je suis fier de toi, ne t’arrête pas de prendre des photos mon cœur.
– Oui, papa, promis.
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- Pourquoi le premier réflexe d’un enfant lorsqu’il trouve une plume est-il de souffler dessus comme sur un pissenlit ? À croire que son destin est de prendre l’air.
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Le soir, à la veillée, je construisais une espèce d'orgue à percussion, avec des bois plus ou moins denses, plus ou moins résistants à la compression, avec des résonances différentes suivant les essences, l'épaisseur du bois de l'année ( l'aubier ), ou la dureté de son duramen ( la partie morte interne du tronc ). Un vrai casse-tête auditif pour lequel je me passionnais.
[...]
J'avais répertorié tous ces bouts, puis je les avais classés par densité et par poids. D'abord les légers : sapin, épicéa, peuplier, tremble, tilleul, bouleau, orme, platane, noyer. Puis les mi-lourds comme le pin sylvestre, l'aubépine, le pin maritime, les bois de fruitiers, le hêtre, l'acacia. Et enfin les lourds, le buis, le chêne, l'if, le charme, l'olivier. Passionnant, c'était vraiment passionnant.
P345-346
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La mort de la mère d' Hannah, à sa naissance, avait pétri son père d'une nostalgie en pâte à sel qui avait fini par se durcir, se fossiliser, un minéral figé dans son évolution du jour au lendemain par la disparition de l'être aimé.
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J’ai trouvé que l’air sentait l’évidence, la complicité et le châtaignier.
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