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3.25/5 (sur 32 notes)

Nationalité : Albanie
Né(e) à : Elbasan , le 12 janvier 1944
Biographie :

Fatos Kongoli a étudié les mathématiques, en Chine, durant l'alliance sino-albanaise. Il a été ensuite professeur, puis a travaillé dans la presse et l'édition. Il a préféré n'écrire qu'après la chute du régime communiste d'Enver Hoxha.

Source : Wikipédia
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Pour Fatos Kongoli, écrivain Albanais auteur de "La vie dans une boîte d'alumettes", les blessures du totalitarisme sont toujours ouvertes


Citations et extraits (9) Ajouter une citation
[...] ... Un des journaux de la capitale publia la photo de Valmir. Il devint le héros du jour, l'orgueil des jeunes de notre quartier, et moi, quoique privé de la possibilité d'aller au paradis, je ne pus résister à la tentation de me mettre à côté d'un héros et de poser avec lui pour une seconde photo, près de la fosse. Cette photo fut publiée par un journal de jeunes avec la légende : "Valmir A. défie la mort." Je reçus de ses mains cette photo qu'il avait fait agrandir. Je l'encadrai et l'accrochai au mur. A partir de ce jour-là, Valmir se sentit chez nous comme chez lui. Deux mois plus tard, c'est-à-dire deux mois après que j'eus accroché dans ma chambre la photo encadrée où l'on me voyait à côté de Valmir, et depuis qu'il venait chez nous comme chez lui, Abel fut arrêté. Ils l'emmenèrent par une nuit noire, sous la pluie. Nous venions de nous coucher quand nous entendîmes une voiture arriver. C'était une petite voiture noire, semblable à la voiture qui venait chaque jour chercher le père de Valmir pour le ramener plus tard. Je devais la reconnaître ensuite, quand ils repartirent avec Abel. La voiture freina quelque part entre la porte en fer du mur d'enceinte de la villa et la porte de notre cour. Nous nous rendîmes compte que la visite était pour nous quand nous les entendîmes frapper à notre porte. C'étaient deux civils et deux policiers. Il y avait avec eux quelqu'un de notre quartier, dont le visage ne m'était pas inconnu. Abel était en pyjama. On lui donna l'ordre de s'habiller et il alla s'exécuter dans sa chambre accompagné d'un des civils, en casquette et long imperméable bleu lui descendant jusqu'aux chevilles, ainsi que d'un policier. Les deux autres, un policier et un civil lui aussi habillé d'un imperméable, montèrent au premier. Dans le salon, il n'y avait plus que ma grand-mère, l'homme de notre quartier et moi. Le visage de l'homme était d'une pâleur extrême. Silencieux, il regardait ma grand-mère. Il avait l'air si misérable que j'eus envie de pleurer. Ma grand-mère avait glissé ses doigts dans mes cheveux et me les serrait au point de me faire mal. La perquisition dura un siècle. Ce furent le policier et le civil qui étaient en haut qui revinrent les premiers. Le civil portait sous le bras quelque chose comme un paquet enveloppé dans du papier journal. Ensuite, Abel sortit de sa chambre, suivi de l'autre civil et de l'autre policier. Le civil qui accompagnait Abel portait, lui aussi, sous le bras, quelque chose de semblable au paquet du civil descendu du premier. Abel embrassa notre grand-mère. Après l'avoir embrassée, il m'embrassa également et je sentis ses mains trembler. Ce fut alors que je fondis en larmes. Je ne comprenais pas ce qui nous arrivait, pourquoi on venait chercher mon frère en pleine nuit, j'ignorais où on le conduisait, ce qu'il allait devenir, mais j'avais le pressentiment qu'Abel s'en allait pour toujours, que je ne le reverrais plus jamais. Peut-être était-ce à cause de moi qu'Abel avait les larmes aux yeux. Grand-mère aussi. Avant de partir, ils passèrent les menottes à Abel. Je bondis comme un chien enragé sur le policier qui s'acquittait de cette besogne. Celui-ci, embarrassé, me repoussa légèrement. Abel me conseilla d'être sage. Quand ils sortirent, il pleuvait toujours. ... [...]
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[...] ... Cette nuit-là, pour la première fois, je reçus la visite de quelqu'un d'autre que l'Ombre du cimetière. Il était grand, enveloppé dans une cape noire, le visage caché sous un masque figurant une tête de mort. Le visiteur se tint un peu plus loin que ne restait d'habitude l'Ombre du cimetière, taciturne, immobile, debout. C'est en vain que je tentai de lui parler, d'apprendre qui il était. Soit je n'arrivais pas à articuler un mot, en dépit d'efforts surhumains, soit je parvenais à dire quelque chose, mais l'autre ne m'écoutait pas, ou bien il m'écoutait mais refusait de me répondre. Je sentis se poser sur moi son regard pénétrant, je distinguai, à travers les deux trous de son masque, ses yeux étincelants, et je m'assis sur mon lit, le front baigné de gouttelettes de sueur, sous le sombre rayon de lumière qui venait de la lucarne. Je me demandai si j'étais éveillé ou si je rêvais. La porte de ma chambre grinça, quelqu'un sortit, la referma et dans l'air il ne resta que le mot "corde." Il se mit à voleter comme une chauve-souris d'un mur à l'autre, puis alla se pendre à la lucarne. A la fois étonné et terrifié, je vis que la lucarne était munie de lourdes barres de fer. A une des barres, une corde était accrochée, avec un noeud coulant au bout. "Tu dois faire la même chose, te pendre ! Tu dois te pendre ! Tout de suite, sans perdre de temps !" La voix était autoritaire, insupportable, comme un coup de fouet sur chaque partie du corps, qui vous meurtrit et vous ensanglante, qui vous torture, comme un supplice de damné que je n'arrivais plus à endurer, et je pensais qu'il n'y avait pas d'autre issue pour moi que de me pendre. Au dernier instant, je m'adressai à l'inconnu, je voulus savoir qui il était et de quel droit il m'intimait cet ordre. Pour toute réponse, je n'obtins qu'un rire. Ainsi qu'un "Devine !" prononcé sur un ton menaçant et narquois ... [...]
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[...] ... Quand une nuit, la "dame blonde" est venue au motel avec son compagnon, Altin était encore en prison. Cette nuit-là, il pleuvait et je me tenais à la réception, sous l'emprise de mon rêve nordique. [Le jeune homme songe à aller en Suède.] A part l'argent, il me fallait quelque chose d'aussi essentiel. Indépendamment de l'itinéraire que je suivrais pour me rendre en Finlande ou en Suède, indépendamment de mon identité, vraie ou fausse, de mes papiers, en règle ou pas, pour mon premier contact avec un monde si fabuleux, j'aurais besoin de communiquer. Bien évidemment, il ne s'agissait pas pour moi d'apprendre le finnois ou le suédois. Pour les premiers contacts, l'anglais me serait d'une grande utilité. Au lycée, après Ledio, j'étais le meilleur de la classe en anglais. Cette nuit-là, comme chaque nuit, en attendant l'arrivée d'éventuels clients, je travaillais mon anglais en essayant de lire "Ivanhoé." Je l'avais acheté à un bouquiniste qui vendait ses livres étalés à même le trottoir. Je le connaissais presque par coeur, paragraphe après paragraphe.

Ils sont apparus derrière la porte en verre épais du motel, l'ont poussée, sont entrés et, les voyant venir vers moi, j'ai eu un doute : la jolie dame devait avoir bu. Elle riait, parlait fort à son compagnon au crâne rasé qui, la tenant par le bras, riait de concert. Arrivés à mon bureau, ils ont cessé de rire. La nuit et le mauvais temps nous ont surpris sur la route, a dit l'homme. Pour ne pas nous casser le cou, nous avons fait un détour jusqu'ici. Auriez-vous une chambre ? Bien sûr, j'ai ce qu'il vous faut, lui ai-je répondu. Ayant remarqué mon livre, la jolie dame l'a pris. Ca vous plaît ? m'a-t-elle demandé. J'ai hésité un instant. Ce n'était pas facile de lui expliquer mes rapports avec ce livre. Oui, me suis-je dépêché de lui répondre, ça me plaît. Elle m'a regardé avec un sourire approbateur. Moi aussi, j'ai aimé ce livre, a-t-elle dit. Et elle l'a reposé sur mon bureau. Je leur ai choisi une chambre au premier étage. Elle donnait du côté opposé à la rue, face à la piscine, et on n'y entendait pas la circulation. ... [...]
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J'habite un immeuble près du centre. De l'autre côté du square, en bordure d'une place goudronnée, le rez-de-chaussée d'un immeuble similaire abrite une épicerie, un magasin de tissus, un atelier de couture et un café. C'est justement à cause de ce café que la place doit sa réputation: les bagarres les plus spectaculaires s'y tiennent. Si ma petite ville ne les a jamais prises au sérieux, c'est peut-être faute de concevoir la vie sans elles. Les habitants avaient probablement fini par s'y faire, tout comme ils se sont habitués, par la suite, à regarder des films à la télé.
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[...] ... Son garage était celui du milieu. [Platon] s'aperçut que, pendant son absence, on avait dessiné sur la porte, en rouge, un coeur transpercé d'une flèche. Normalement, il aurait dû sourire. Mais sa tête lui faisait affreusement mal et il avait peine à tenir debout. Il se dit qu'il devait aller d'urgence chez le médecin. Et il sortit son trousseau. Une fois qu'il eut inséré la clef de son garage dans la serrure, il entendit son portable sonner. Il se figea sur place. Son regard se porta sur le coeur transpercé d'une flèche et il se sentit fiévreux. Pour la première fois de la journée, depuis que son portable avait commencé à le harceler avec son motif providentiel [= la sonnerie reprend l'ouverture de la Vème de Beethoven, dite aussi "Symphonie du Destin"], il pensa que c'était son propre destin qui lui téléphonait maintenant, se manifestant sous les traits d'une femme appelée Roksana, qu'il croyait avoir perdue pour toujours à cause d'un malheureux concours de circonstances.

Cette fois, sa réaction fut immédiate : il posa sa serviette par terre. De sa main libre, il tira son portable de sa poche et lut sur l'écran : Roksana. Jubilant, il le porta à l'oreille. De l'autre main, il fit tourner la clef dans la serrure. Il eut à peine le temps d'articuler les mots "Oui, Roksana" en tirant sur la poignée de la porte qu'il entendit une explosion, une déflagration à l'intérieur de son crâne.

Ce doit être une attaque, se dit-il. Et il se sentit aspiré par le néant. ... [...]
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Toutes ces histoires sont déjà dépassées, chacun de nous les a emportées dans sa tombe. Nous les gardons enfermés dans la prison de notre mémoire d'hommes morts.
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Nous vivions déjà dans ce trois pièces cuisine. J'avais une soeur de cinq ans mon aînée. Je l'ai toujours, mais elle n'a rien à voir dans mes histoires, si toutefois on peut appeler ainsi les banalités de mon existence; car ma vie est celle d'un médiocre parti de rien pour arriver nulle part, vie anonyme fondue dans l'anonymat d'une banlieue perdue, si proche soit-elle de la capitale.
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Je menais mon jeu avec une hypocrisie sans pareille. Je dis bien hypocrisie. A l'époque, j'ignorais le sens de ce mot, mais, tout enfant que j'étais, il semble aujourd'hui que l'hypocrisie, je l'avais déjà dans le sang. Si quelqu'un m'avait expliqué le sens de ce terme, peut-être n'aurais-je jamais agi de la sorte. Mais personne ne prit cette peine.
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Au fait, selon vous, quel serait le plus grand défi, avouer son crime de bonne grâce ou se suicider dans les règles ?
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