Un chef d'armée redoute moins les centaines de canons ennemis que le moindre trouble qui peut surgir dans ses rangs et risque, en peu de secondes, de dégénérer en panique.
Décidément, ce Szebenics était le plus sot de la bande. Et comme tous les sots, c'était lui qui criait le plus fort.
Un silence profond régnait dans la maisonnette jaune de la rue Rakos. [...]
Les bonniches portaient les vêtements et les tapis à l'autre extrémité de la cour pour les battre et les brosser, et même encore elles n'opéraient qu'avec un ménagement extrême pour que le malade ne fût pas dérangé par le bruit. Et les tapis devaient bien s'étonner des tapes timides qu'ils recevaient au lieu des coups enragés auxquels ils étaient habitués.
Et plongé dans la fraîche nuit printanière, s'endormit la petite rue où seul le vent venait encore promener sa fantaisie de maître, entrechoquant les vitres des réverbères, crêpant les luisantes chevelures des flammèches de gaz et faisant grincer à plaisir quelques girouettes rouillées.
Cependant, Ernest Memecsek, secrétaire du Mastic-Club et capitaine de l'armée de la rue Paul, noyé dans le silence éternel, pâle, les paupières closes, reposait sur son lit. Il était désormais évident qu'il n'entendait ni ne voyait plus rien de ce qui se passait autour de lui, puisque des anges étaient venus lui ôter à Ernest Nemecsek l'ouïe et la vue, qu'il les avaient transportées dans les régions dont les douces harmonies et les éblouissantes splendeurs sont précisément réservées aux êtres comme le capitaine Ernest Nemecsek.