Les cheveux crépus - comme ce beau nuage duveteux que tu as sur la tête - ne sont pas vraiment crépus. Ils ne ziguent et ne zaguent pas. Les cheveux crépus, en fait, forment des rouleaux. C'est cela : des rouleaux. Le moindre petit cheveu a pratiquement la forme d'un cercle parfait. Maintenant, ces millions de rouleaux sur ta tête, tout emmêlés, s'enroulent les uns autour des autres. C'est pour ça que ça te fait mal quand tu te coiffes. Tu tires dans une direction, et les rouleaux tirent dans vingt-cinq autres directions. Mais - et c'est ça l'essentiel - quand les rouleaux font comme ça, ils forment aussi des poches d'air. Maintenant, les poches d'air : elles ont plusieurs fonctions. Primo, elles gardent ta tête chaude en hiver. Deuzio, elles gardent ta tête froide en été. Et tertio, elles te protègent des commotions cérébrales, en absorbant le choc des coups sur la tête. Par conséquent, les cheveux frisés sont bien plus utiles que les cheveux raides. D'évidence, ce sont des cheveux à la pointe du progrès. Je veux dire, la roue de l'évolution a dû tourner une ou deux fois à vide avant qu'en sortent les cheveux crépus.
Du côté juif de la famille, Christine hérita de cheveux frisés et d’une peau sombre et fine (elle est classée autour de 7 sur l’échelle des couleurs, et il ne faut pas la chatouiller). Du côté noir de la famille, elle a hérité de traits anguleux, du sens du rythme et d’une peau fine (il ne faut vraiment pas la chatouiller). Deux ans après la fin de cet ouvrage, elle serait l’idéale beauté dont parlent les légendes et le folklore – à vous de choisir la nationalité et de préciser le groupe ethnique. Quels que soient le visage et la silhouette que vos légendes et folklore font surgir dans votre esprit, mon petit chou, elle l’incarnera à la perfection. Christine n’était pas une enfant ordinaire. Elle était née coiffée d’une membrane que son premier et vigoureux hurlement déchira en huit. En plus de son talent précoce pour l’écriture spéculaire, elle tenait de sa mère l’amour des mots, de leur nuance et de leur cadence, de leur jus et de leur zeste, de leur variété et de leur précision, de leur cadencé et de leur torsion. Quand elle apprit à un âge encore tendre qu’elle aurait un jour à partir à la recherche de son père pour découvrir le secret de sa naissance, elle s’exclama : “Je m’en vais le retrouver, ce nique-ta-mère*.” À ses yeux, ce dernier mot était tout simplement le mot juste*.
« C'te banane mûre de prof de gym nègre m'a mis un 0 en sport. Tu m'connais, mon pote, j' suis bon en gym. J'voudrais lui r'tourner la tête, à c'nègre.»
« De qui parles-tu ? De M. Osaka ? Il est japonais. »
« Toi aussi ils t'ont eu, hein ? Ces soi-disant Japs, Chinetoques et tout ça - tous des nègres. Y s'dégonflent pour échapper à tout'les merdes qui nous tombent dessus, à nous les nègres noirs. Mais y sont des nègres tout pareil. Un de ces jours, Face-de-craie va se rendre compte de leur petit jeu et se mettra à les traiter d'la même façon qu'y nous traite nous.»