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Citations de François Maspero (45)


(** vers le début 1941)

À la même date, à cinquante- sept ans, mon père était un monsieur sérieux. Sinologue, professeur au Collège de France, membre de l'institut.À part son épée d'académicien, il n'avait pas d'arme.
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En Exergue-- Les Abeilles

Et je sais qu'il y en a qui disent: ils sont morts pour peu de chose.Un simple renseignement
( pas toujours précis) ne valait pas ça, ni un tract, ni même un journal clandestin ( parfois assez mal composé).
À ceux-là il faut répondre : "C'est qu'ils étaient du côté de la vie.C'est qu'ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu'une chanson, un claquement de doigts, un sourire.Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu'à ce qu'elle étouffe. Elle n'étouffera pas sans t'avoir piqué. C'est peu de chose, dis-tu.Oui, c'est peu de chose.Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus d'abeilles.

Jean Paulhan
" L' Abeille", texte signé " Juste", paru dans " Les Cahiers de Libération ", en février 1944
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— Je ne suis pas idiote. Peut-être que ma France n'a jamais existé que dans mes rêves de jeune fille. Ou peut-être qu'elle n'existe plus. Mais, tu vois, il y a eu tant de gens dans le monde qui ont rêvé cette France-là, nous avons été si nombreux, qu'envers et contre tout, malgré les Français eux-mêmes, nous lui avons donné une existence. Un rêve comme celui-là, c'est plus fort que tout, plus fort que la réalité. (page 79)
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Il faut savoir tourner le dos à l'histoire : ici, chaque peuple se croit forcé de faire quelque chose de grand. La seule chose de grand que nous avons à faire, c'est de vivre ensemble.
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Le musée est composé comme une ode à la gloire des premiers occupants des Balkans, les Illyriens, dont la culture est la plus ancienne de l'Europe, étant entendu qu'après eux, les Hellènes, Achéens, Doriens, Byzantins, les Romains, les Slaves de tout poil, les Normands, les Angevins, les Vénitiens ou les Turcs - et j'en passe - n'ont été que des intrus. On ne plaisante pas avec les Albanais sur ces choses-là. De même que l'on n'aurait pas idée de plaisanter avec les Grecs quand ils vous disent que leur civilisation est la première du continent et leur patrie la mère de la beauté, avec les Bulgares quand ils vous affirment que leur pays est le creuset de l'écriture cyrillique et donc le ciment de la religion orthodoxe et de toutes les langues slaves (même si les Macédoniens leur dénient ce privilège qu'ils revendiquent pour leur compte - mais comme les Bulgares considèrent que les Macédoniens sont bulgares...), les Roumains quand ils vous soutiennent qu'ils sont les seuls vrais héritiers de l'Empire romain, les Serbes quand ils revendiquent d'avoir été les boucliers de la chrétienté contre les Turcs, etc.
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Les Albanais ont un tort : ils sont en retard d'un demi-siècle. Les Grecs ont pu émigrer, des décennies durant, et trouver du travail dans le monde. La population exilée grecque, comme la portugaise, a été la richesse de son pays et elle a participé à l'enrichissement des pays occidentaux. Dans le même temps, aucun Albanais n'a pu sortir. Et maintenant les places sont prises. Les Grecs ne sont pas capables de faire seuls pour les Albanais ce que le monde entier a fait pour eux. Les routes neuves qui mènent à la frontière sont à sens unique: elles ne sont pas là pour faciliter le passage de hordes affamées mais celui des camions qui viennent désormais commercer avec l'Albanie.
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Qu'on ne me parle pas d'une quelconque sauvagerie propre à je ne sais quelle particularité balkanique. Moi, c'est bien d'Europe et d'Européens que je parle. Sarajevo n'est pas différente de Skopje ou de Sofia, trois villes des Balkans, trois villes d'Europe : dans l'une on s'entretuait, dans les deux autres la vie était en apparence un long fleuve difficile mais paisible, qui les différenciait peu de Bruxelles ou d'Innsbruck. Mais jusqu'à quand? Srebenica avait été aussi douce à vivre que Bellac et Dubrovnik plus facile que Naples. Les Balkans n'étaient pas, ne sont pas, une parenthèse dans l'Europe et, s'il y a abcès, il n'est pas balkanique mais européen. Peut-être le plan Vance-Owen de partition ethnique de la Bosnie, panacée pour les têtes pensantes et décidantes du continent, était-il irréprochable du point de vue de la logique géopolitique. Mais alors, la Bosnie n'étant pas sur la Lune, il fallait, il faut s'attendre à le voir un jour, ce plan, au nom de la même logique géopolitique, préconisé pour une juste répartition ethnique des populations d'Aubervilliers et de La Courneuve.

La Bosnie n'est pas le seul endroit des Balkans où se côtoyaient, où se côtoient toujours des populations d'origine et parfois de parlers différents : Bulgares et Turcs, Macédoniens et Albanais ou Turcs, Serbes et Albanais, Albanais et Grecs, Roumains et Hongrois ou Tziganes, chaque peuple étant, selon le pays, la « minorité » d'un autre... Comment pouvais-je, après avoir tissé des liens si chaleureux et si divers dans chaque pays traversé, m'empêcher d'imaginer le cauchemar déferlant sur les visages aimés : l'ami torturé à mort, l'amie violée par les soldats d'une armée ou d'une autre, ou simplement par les bons voisins d'hier...

Ou alors avaient-ils, sur ce versant-ci des Balkans, contrairement à ceux du Nord, un secret de la vie en bonne entente, seraient-ils suffisamment forts pour exorciser la haine et la mort qui ravageaient les autres ?

Je marchais dans le quartier turc de Veliko Tirnovo la bulgare, je parlais à des Serbes de Kumanovo la macédonienne, à des Albanais du Kosovo yougoslave, et l'interrogation était là, lancinante: est-il possible que «ça» arrive aussi ici?
Et dans ce cas, croyez-moi : «ça» arrivera bien aussi un jour chez nous.
Oui, il fallait revenir.
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Page 125
Il ne s’agit plus dès lors de convaincre le lecteur, passé du statut de de sujet pensant à celui de consommateur, de la justesse d’une cause, de l’inciter à « détester ou à aimer quelqu’un », « à prendre position ». Il s’agit de triompher dans une concurrence féroce, celle de la course au toujours plus spectaculaire. La loi de la jungle. Tous les moyens sont bons. Cela aboutit à la photo d’Eddie Adams faite en 1968 à Saigon : le chef de la police dirige son pistolet sur la tempe d’un suspect et l’abat en pleine rue. La mort en direct, gros plan de la face du supplicié. Une exécution n’aurait pas eu lieu, nous dit Susan Sontag, s’il n’y avait pas eu les journalistes pour y assister. Dérive finale : le photo-reporter n’est plus un témoin du drame. Il n’est pas seulement un voyeur. Pas seulement, même, un complice. Il en est l’auteur.
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Le baron était une vieille chose qui paradait sur la plage en maillot de bain noir à bretelles.
Les enfants des environs l’avaient baptisé marée-descendante parce que sous les plis du maillot on voyait sa poitrine recouvrir son ventre , son ventre recouvrir le reste et le reste recouvrir ses genoux .
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En gare de Rusé au sud de Bucarest :

Le premier train semblait devoir se diriger vers le sud et le deuxième vers le nord, à l’opposé donc de ce qui était écrit. Pour une fois mon sens de l’orientation ne me trompait pas : il s’avéra que le train marqué Kiev allait à Sofia et que celui marqué Belgrade allait à Bucarest. Les boulons étaient trop grippés pour que l’on puisse chaque fois changer les pancartes .
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Côté grec l’autoroute filait parmi une profusion de panneaux publicitaires géants qui masquaient une plaine nue, sans arbres, un terre écorchée dont on voyait les os, trouée de carrières et jonchée de décharges. .. des rivières à sec débordant de sacs plastique : toute la déchéance du paradis capitaliste. Côté bulgare … la nature (re)disparaissait, tuée par des kilomètres d’installations industrielles dégradées. Les bennes en panne d’un transbordeur aux fils rompus oscillaient dangereusement dans le ciel, des wagons pourrissaient dans une gare de triage, des tronçons de routes inachevées s’arrêtaient au bord de la rivière planté de moignons de ponts. Toute la déglingue du paradis communiste…
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- Qui habite là, aujourd’hui ?
- Des Italiens, des Allemands. Ils viennent l’été.
Tristes ironies de l’histoire ; ce territoire tant convoité au cours des guerres balkaniques de 1912 et 1913, ce territoire où avait coulé tant de sang au cours de la Première puis de la Deuxième Guerre mondiale, où s’étaient succédé tant de massacres, d’expulsions, d’assimilations forcées, comme si chaque parcelle du sol méritait son poids de chair et de souffrances humaines, ce territoire-là était aujourd’hui aux normes des campagnes européennes : désertifié …Tout ce mal pour le purifier ethniquement et, en fin de compte, aboutir à en faire un pays mort, un pays de vacances pour des intrus définitivement étrangers, des étrangers venus de loin, ceux-là, pas des voisins haïs, mais des touristes indifférents ; et pourtant bel et bien les mêmes, ou leurs enfants, que les envahisseurs des années 39-44.
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Pour le reste, c'était, de part et d'autre de la frontière, le résultat pratiquement identique d'un lent cataclysme, au nom de deux conceptions opposées de la liberté et du bonheur. A la prolifération du laissez-faire et du n'importe quoi succédait la tristesse de la panification aberrante et définitivement inachevée.
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Chaque fois, j’ai appris et pratiqué un métier dans lequel, au départ, j’étais entré comme par effraction. Lorsqu’on se retourne pour voir le chemin parcouru, on espère toujours trouver une cohérence dans une marche que, sur l’instant, on a vécue à chaque pas comme une incohérence, parfois erratique, buissonnière en tout cas. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai eu l’envie, même velléitaire, de partager et de faire partager. S’il faut absolument trouver une cohérence, elle doit être là. 
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Mais la seule solution, pour être vraiment le Chat-Qui-S’en-Va-Tout-Seul, c’est d’écrire. 
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« intellectuel organique »
Pour moi, l’expression désignait celui qui n’a pas de connaissances poussées dans tel ou tel champ spécifique, mais met la culture qu’il a acquise sans diplômes et son savoir-faire technique au service des connaissances des autres en leur servant, en quelques sorte, d’intendance – et j’espère avoir été et être toujours cela. 
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Rien n’est plus important que ce combat politique parce que nous sommes tous menacés, cernés, et que nous ne pouvons pas ne pas choisir. Michèle Firk.
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La mauvaise conscience, la conscience malheureuse, en soi, ne sert à rien, sauf à produire un individu insupportablement mélancolique – à moins qu’il ne tire finalement une excellente conscience d’afficher haut et fort sa mauvaise conscience. Mais avoir conscience, simplement, donne à la vie son poids élémentaire et indispensable. Donner mauvaise conscience aux autres ? Ce peut être aussi l’hypocrisie qui consiste à refiler le paquet.
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Bref, soyons métaphoriques : de toutes les abeilles qui m’avaient précédé, je n’avais rien gardé du miel. Seulement l’aiguillon. J’étais bien devenu une guêpe.
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Ces cahiers auront contre eux tous les menteurs et tous les salauds, c’est-à-dire l’immense majorité de tous les partis. Charles Péguy.
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