Conférence de Frédéric Laloux sur l'émergence d'un nouveau paradigme de gestion, donné le 14 mars 2014 au Studio 1 à Flagey à l'occasion du lancement du livre "Reinventing Organizations".
[...] il semble que nous puissions être, nous aussi, aveugles à certaines réalités, du fait de notre système de pensée. Pendant près d’un siècle, des scientifiques n’ont pas eu la curiosité d’utiliser leur microscope pour découvrir d’autres cerveaux, puisqu’il n’était pas pensable qu’il y en ait plus d’un. De la même manière, les contemporains de Galilée refusaient de regarder dans le télescope car il était impensable pour eux que Dieu ait placé la terre ailleurs qu’au centre de l’univers. Je m’intéresse aux organisations et aux questions de collaboration, pas à la médecine ni à l’astronomie. Mais la question fondamentale demeure la même : notre vision du monde limite-t-elle notre façon de penser les organisations et le management ? Si nous changions de système de croyances, pourrions-nous inventer une nouvelle façon de travailler ensemble, plus productive, plus harmonieuse, plus inspirée ?
On cite souvent une phrase d’Einstein qui dit qu’on ne peut résoudre un problème depuis le niveau de conscience qui l’a créé. Si ce que dit Einstein est juste, une nouvelle façon de voir les choses, un autre niveau de conscience, une nouvelle conception du monde sont le préalable indispensable à la réinvention des organisations humaines. Pour certains, c’est se bercer d’illusions que de croire que l’humanité puisse accéder à une autre vision du monde et par là inventer un autre paradigme de gestion. Pourtant, c’est ce qui s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire de l’humanité, et certains indices laissent penser qu’un nouveau changement de paradigme, et, au-delà, un nouveau modèle d’organisation, sont en train d’émerger.
Du point de vue économique, un modèle de croissance infinie dans un monde aux ressources finies nous mène droit dans le mur.
Derrière les fastes de la réussite, la vie des grands chefs d’entreprise est souvent faite de réelles souffrances. Leur activité débordante cache parfois mal un grand vide intérieur. Les jeux de pouvoir, les luttes internes et la pression des résultats finissent par laisser des traces. Au bas comme au sommet de la pyramide, les entreprises sont trop souvent des lieux sans âme, au sens premier du terme : des lieux où nos égos s’empoignent, et s’épuisent et où nos âmes se sentent étrangères.