AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Frédéric Vitoux (79)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Longtemps, j'ai donné raison à Ginger Rogers

Contrairement à Victor Hugo qui pouvait écrire « Mon père, ce héros au sourire si doux », Frédéric Vitoux avoue « mon père a été libéré le 11 novembre 1947. J'avais trois ans et trois mois ».



Comme Pascal Jardin, Dominique et Ramon Fernandez ou Félicité Herzog, l'académicien ne peut oublier que la libération condamna des collaborateurs à l'indignité nationale ou à l'incarcération et ses premiers souvenirs sont ancrés à la Centrale de Clairvaux où son père était prisonnier.



Ce souvenir paternel, la mémoire de son grand père, l'accompagnent toujours puisqu'il habite dans leur appartement, sur l'île Saint Louis, et travaille sur la table où ils écrivaient leurs articles et leurs livres, et ces réminiscences nourrissent son dernier ouvrage où il se remémore son enfance, ses voyages en Provence, en Irlande, à Venise, sa passion pour Joyce, Céline et … Bébert.



La madeleine de Proust anticipe les pommes mousseline qui, plus qu'un souvenir (désagréable) jouent un rôle essentiel dans la carrière de notre académicien qui se souvient des écrivains qui ont encouragé ses débuts.



Les livres l'ont également constitué, et pas seulement parce qu'il a épousé la libraire voisine de son logement insulaire, et nous valent une évocation des premiers Livres de Poche, de leurs auteurs Benoit, Conrad, Giono, Greene, Loti et de Massin le maquettiste de Folio. Sa jeunesse est bercée par la lecture de Jules Verne, Paul d'Ivoi et Simenon, les microsillons et le tourne disque, l'Opus 111 de Beethoven le tangage de la 2CV familiale.



C'est dire que nombre de souvenirs communs m'unissent à l'auteur dont j'apprécie l'humilité, l'ouverture d'esprit, l'ancrage dans notre culture gréco romaine et l'humour … « les riches sont juste des pauvres avec de l'argent » proclame-t-il avec Ginger Rogers … en assimilant un peu hâtivement, à mes yeux, argent et richesse …



Ces pages offrent donc une agréable cure de jouvence et une belle introduction à l'oeuvre de cet écrivain méconnu.
Commenter  J’apprécie          802
L'assiette du chat : Un souvenir

Dédié à Zelda (2008-2021) « la dernière, sans doute, des chats de ma vie, des chats au long cours de ma vie », ce roman nous penche sur l'assiette de Fagonette, le chat du grand-père Vitoux, avant la première guerre mondiale. Cette soucoupe de faïence décorée d'un moulin à vent rebutait Frédéric, Isabelle et Philippe Vitoux ; aucun enfant ne voulait être servi dans «l'assiette du chat ».



Ce souvenir remémore la présence de ses parents et de ses grands parents, celui de Clarisse, l'élève passionnée d'Henriette Rouyer, sa grand-mère décédée en 1933, qui venait dans l'appartement jusque dans les années 1970 ainsi qu'Odette, fille naturelle d'une domestique de ses grands parents, qui financèrent ses études.



Odette est elle le fruit d'une relation ancillaire du grand-père ? Est elle ainsi la demi soeur de son père ? Est elle la cause de la séparation de ses grands parents ?



Interrogations, mystères, secrets de famille, qui évoquent la quête perpétuelle d'un Patrick Modiano courant derrière l'ombre paternelle.



L'oncle Jojo, qui vivait à Marseille avec un policier, est un autre souvenir affectueux ; son héritage permit au père de l'auteur d'acquérir l'appartement de l'Ile Saint Louis.



Autant de pièces d'un puzzle entamé avec les précédentes réminiscences de l'académicien … cette assiette du chat semble flotter devant lui sur un océan de silence et d'obscurité.



« Le passé est un trou noir à la formidable puissance d'attraction » conclut le romancier au terme de ce témoignage riche en anecdotes qui lui permettent de revenir notamment sur sa contribution au magazine de cinéma Positif.



PS : ma critique de "Longtemps, j'ai donné raison à Ginger Rogers"
Lien : https://www.babelio.com/livr..
Commenter  J’apprécie          770
La comédie de Terracina

« Se saisir de personnages réels et tenter de les hisser à la dignité des êtres de fiction » est l'ambition de l'académicien Frédéric Vitoux dans La comédie de Terracina qui romance une rencontre De Stendhal avec le compositeur Rossini en décembre 1816 à la frontière des Etats pontificaux et du Royaume de Naples et des deux Siciles.



Henri Beyle visite les musées et les monuments italiens en 1816 et achève à Naples, en janvier suivant, la rédaction de « L'histoire de la peinture en Italie » signé MBAA (M Beyle Ancien Auditeur) publié à compte d'auteur en aout 1817. le mois suivant il publie « Rome, Naples et Florence » sous le pseudonyme M de Stendhal que l'histoire retiendra.



Gioacchino Rossini quitte Naples début décembre 1816 en direction de Rome où il crée La Cenerentola joué le 25 janvier 1817 au théâtre Valle.



L'un et l'autre ont emprunté la Via Appia et n'ont pu faire étape qu'à Terracina.



La comédie loge Henri Beyle chez le Comte Nencini, noble napolitain ayant servi le Roi Murat, où il rencontre Joséfina Macirone cousine du comte, abandonnée par son mari. le Comte Nencini (héros qui évoque le légendaire "Pontcarral") a été exilé par le Roi de Naples.



Rossini vient de Naples, en compagnie de la Comtesse Nencini, par des routes où les anciens soldats de Murat rançonnent les voyageurs et notamment les commerçants anglais. En réunissant trois hommes et deux femmes le romancier badine avec l'amour en un jeu rendu inégal par la séduction irrésistible du compositeur et la balourdise de l'écrivain.



Dans l'ombre se négocie une éventuelle amnistie des anciens collaborateurs de l'Empire, contexte qui fait écho à la jeunesse de l'écrivain et aux « ennuis » de son père à la libération, pendant que nos personnages discutent à bâtons rompus sur l'art, la broderie, la cuisine, la musique et la peinture, sujets de prédilection du romancier.



Cette comédie est un régal de la même veine que « Ariel ou la vie de Shelley » où André Maurois évoque le poète Percy Shelley et sa fin tragique au large de la cote italienne.



Distinguée par le Grand prix du roman de l'Académie française en 1994, cette comédie brille d'une plume aussi élégante que classique.
Commenter  J’apprécie          750
La vie de Louis-Ferdinand Céline

Incontournable et passionnante, cette biographie est une mine de renseignements sur la vie d'un des plus grands écrivains français. Céline y est décliné dans toute sa complexité, sa vie éclairant son oeuvre dans ce qu'elle a de géniale et de détestable. Céline a connu les deux guerres mondiales, la colonisation, l'Amérique glorieuse, la Russie de Staline, il a été un témoin exceptionnel de son temps, tour à tour révolté, haineux, antisémite, réactionnaire, terriblement humain et inspiré. À travers, entre autres, de nombreuses lettres, des confidences de Lucette Destouches, son épouse adorée, Frédéric Vitoux retrace, sans jamais occulter les épouvantables excès céliniens, la vie du génial Louis-Ferdinand Céline.



Challenge MULTI-DÉFIS 2018
Commenter  J’apprécie          745
L'ours et le philosophe

Qu’est ce que la postérité ?

Que peut espérer un artiste de la postérité ?



Eternelles questions qui, au au siècle des Lumières, ont alimenté une polémique et une brouille entre « L’ours et le philosophe », entre Etienne Maurice Falconet et Denis Diderot. Leur correspondance, non datée, alternant du tutoiement au vouvoiement, s’échelonne sur plusieurs années car le philosophe recommande le sculpteur à Catherine, impératrice de Russie, et celui ci part à Saint-Pétersbourg de 1766 à 1778. L’universitaire Yves Benot, a publié en 1958 « Diderot et Falconet - Le pour et le contre, Correspondance polémique sur le respect de la postérité, Pline et les Anciens auteurs qui ont parlé de peinture et de sculpture » et Marc Buffat a repris la question dans « Diderot, Falconet et l’amour de la postérité » en 2008.



Frédéric Vitoux a profité du confinement pour relire ces lettres et repenser notre rapport à la postérité dans une époque ou le mouvement woke entend « du passé faire table rase ». L’académicien observe qu’un sculpteur inscrit son oeuvre de son vivant dans le marbre et l’enracine en un lieu. Ce n’est pas nécessairement le cas d’un écrivain dont les livres sont parfois édités après sa mort et Denis Diderot, emprisonné quelques mois pour « La Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient », a la prudence de laisser au fond de ses tiroirs la plus grande partie de son oeuvre, ou de la réserver aux rares et riches abonnés de la Correspondance littéraire. On comprend ainsi pourquoi il attend et espère beaucoup de la postérité !



Diderot, Falconet et Vitoux ont vécu une partie de leur existence sur l’Ile Saint Louis et ce voisinage crée une camaraderie littéraire qui incite notre académicien à arbitrer le match qui oppose les polémistes. Il analyse le fond et la forme de la dispute. Diderot assaille et cherche à vaincre ou à convaincre. Falconet ne demande rien à personne et joue en défense. Ce combat du siècle annonce le combat de boxe du 8 mars 1971 opposant Cassius Clay, alias Muhammad Ali, et Joe Frazier au Madison Square Garden.



La digression, la divagation et la diversion composent le style de Frédéric Vitaux qui navigue entre les siècles et évoque aussi bien Henri de Latouche, injustement oublié dans l’ombre de Marguerite Desbordes-Valmore, que Laurence Sterne auteur de Tristam Shandy, dont l’exergue est « Non enim excursus hic ejus, sed opus ipsum est », que Louis-Ferdinand Céline ou Serge Rezvani.



Mais revenons à notre ours. Frédéric Vitoux sort de l’ombre « Mademoiselle Victoire » (ne pas confondre avec la fiancée du sapeur Camember dessinée par Christophe), Marie-Ange Collot, sa muse, sa bru, qui sculpte la tête de Pierre le Grand, « Le cavalier de bronze ».



Le philosophe à sa mort en juillet 1784 est enterré dans la chapelle décorée par Falconet à Saint-Roch ; le sculpteur est enterré en janvier 1791 à Saint-Louis-en-l’ile où Diderot s’est marié.



Falconet ne croyait pas en la postérité, Diderot l’espérait. Frédéric Vitoux fait revivre l’époque des encyclopédistes, annexe des repères chronologiques et livre une bibliographie qui permettent au lecteur séduit par cette étude aussi limpide que pédagogique d’être « cultivé » et non pas « augmenté » car l’homme est un héritier et Frédéric Vitaux a l’immense mérite de transmettre à la postérité l’héritage des Lumières.



PS : ma lecture de La comédie de Terracina
Lien : https://www.babelio.com/livr..
Commenter  J’apprécie          702
Bébert. Le chat de Louis-Ferdinand Céline

Durant ses années d'enfance et d'adolescence, Bébert, le chat abandonné par le comédien le Vigan et adopté par Céline et sa femme Lucette, ne porte pas de nom. C'est l'écrivain qui le baptise ainsi en souvenir sans doute du petit garçon de Voyage au bout de la nuit. Devenu « le chat de Céline » la vie de Bébert s'améliore, mais est agitée car intimement liée à celle de ces nouveaux maîtres quand ils doivent quitter la France en 1944, après les menaces proférés contre l'écrivain. Bébert voyage alors dans une gibecière de Paris à Sigmaringen puis jusqu'au Danemark pour revenir mourir sept ans plus tard dans le pavillon de Meudon.



Un très beau portrait d'un chat de gouttière qui n'était pas un chat banal. Aussi imposant qu'intelligent, il a inspiré à Céline des sentiments très forts, il suffit pour s'en convaincre de lire la description chargée d'émotion mais idéalisée de son agonie à la fin de Nord : " … Et Bébert ? … je crois que je l'entends… il pousse des soupirs… déjà il était plus tout jeune… il a encore vécu sept ans, Bébert, je l'ai ramené ici, à Meudon… il est mort ici après bien des incidents, cachots, bivouacs, cendres, toute l'Europe… il est mort agile et gracieux, impeccable, il sautait par la fenêtre le matin même… nous sommes à rire, les uns les autres, vieillards nés …"

Commenter  J’apprécie          422
Au rendez-vous des Mariniers

Un livre acquis début 2016… débuté nonchalamment et repris ce 1er décembre, le dévorant en une nuit !!

Un moment de pur bonheur à travers une promenade singulière, chaleureuse mettant en relief, à partir d'un simple restaurant populaire, une grande partie de l'Histoire littéraire de la première moitié du 20e siècle….et les soubresauts tragiques des deux guerres, nous ayant ôté prématurément un grand nombre d'artistes !...



De Frédéric Vitoux, je connaissais sa passion pour les chats, et les nombreuses années à étudier, scruter l'oeuvre et le parcours de Louis-Ferdinand Céline,jusqu'à un ouvrage sur »Bébert » le chat de l'écrivain !... L'oeuvre de Frédéric Vitoux est prodigue… et variée…J'allais oublier son autre horizon de prédilection « La Sérénissime » Venise... !



« C'est l'histoire d'un restaurant populaire dans l'île Saint-Louis, où l'on prenait ses repas à même le marbre des tables et où la patronne présentait l'addition sur une ardoise. Son enseigne ne trompait pas : Au Rendez-vous des Mariniers…

Au 33, quai d'Anjou, s'y donnèrent rendez-vous, de 1904 à 1953, les habitants du quartier, les patrons des péniches amarrées sur les berges et les blanchisseuses des bateaux-lavoirs tout proches…

Nombre d'écrivains et d'artistes y trouvèrent aussi refuge et s'en firent souvent l'écho dans leurs oeuvres – de Jean de la Ville de Mirmont à Picasso, de John Dos Passos à Pierre Drieu la Rochelle, d'Hemingway à Aragon, de Simenon à Blaise Cendrars, etc. Et c'est encore là que dînèrent, un soir de mars 1933, François Mauriac et Louis-Ferdinand Céline – une rencontre entre deux romanciers que tout opposait !” [extrait du 4e de couverture ]



Un style fluide, vivant, prodigue en anecdotes, belles descriptions d'un amoureux de Paris et de la Littérature… qui à travers un lieu symbolique, ayant réuni au tout début du XXe siècle, mariniers, blanchisseuses, ouvriers, et artistes, écrivains en herbe ou célèbres, nous offre une chronique insolite et coloré d'un certain îlot de Paris… Un mélange heureux des classes sociales : ouvriers et intellectuels…Un très beau livre plein de poésie, d'humanité , de passions des Arts, magnifique récit qui nous communique la magie et la singularité de cette île Saint-Louis….et de ses habitants....



*****J'ai juste omis de préciser que l'auteur a vécu sa jeunesse dans cette Ile Saint-Louis, mais que ses parents d'un autre milieu, ne seraient évidemment pas rentrés dans ce restau populaire , et je laisse la parole à notre narrateur: "Par bien des aspects, je pourrais hélas définir le -rendez-vous des mariniers - par cette simple affirmation : c'était le lieu de l'île Saint-louis où mon père n'allait pas.

Est-ce aussi pour cela qu'il m'attire ? On rêve de ce qui rompt avec l'ordinaire de sa vie ou avec les conformismes de ses parents. Là, à quelques mètres, il y avait ce bistrot tenu par des restaurateurs d'un autre milieu que celui de mon père, surtout depuis qu'il s'était marié et était devenu beaucoup plus docile aux rites, aux modes de vie et peut-être aussi aux préjugés de moyenne bourgeoisie (...)

(p. 272)



Ouvrage enrichi de quelques illustrations, photographies et croquis…Des pages éblouissantes sur un grand nombre d'écrivains, français comme américains, etc. Dont mes préférées concernent un écrivain que je méconnais : John Dos Passos…Portrait des plus attachants et brillants d'un homme et d'un écrivain, hors du commun, fidèle à ses convictions !

Sans oublier la prégnance d'un lieu, d'un paysage sur les personnes : "Le paysage est un état d'âme, disait Amiel. Nous y sommes ! L'île Saint-Louis si miroitante et contradictoire semble avoir toujours eu cette vertu d'encourager ou de consoler les humeurs des artistes qui l'ont habitée-ou, si l'on préfère, de faire écho à celles-ci, d'y répondre." (p. 201)





*** Merci à mon ami dechosal qui m'a rappelé un détail essentiel, dont je voulais en plus parler et que j'ai zappé involontairement.....

Commenter  J’apprécie          406
L'ours et le philosophe

Librairie Caractères / Issy - Choisi le 26 février 2022



Un grand bonheur de lecture... avec le plaisir d'apprendre, encore et encore, par des chemins buissonniers, imprévus et joyeux !....



« J'aime Diderot.Qui n'aimerait pas Diderot ?

Mais Falconet ?

L'entreprise est plus difficile.

Il est temps que j'en vienne aux aveux.

J'ai dit qu'il était un Ours.

Eh bien voilà ,j'aime les ours.Je crois que je les ai toujours aimés. (p.33) »



Très heureuse d'être « tombée » sur le dernier ouvrage de Frédéric Vitoux, qui nous plonge dans le Siècle des Lumières, avec un célèbre sculpteur au caractère sauvage, Falconet, un « ours fort mal léché »…et son contraire, le très sociable, bavard et philosophe, Denis Diderot.



Ces deux-là, aux tempéraments opposés, seront toutefois, un temps durant, les meilleurs amis du monde… C'est que que Frédéric Vitoux nous offre dans ce récit : la naissance et l'évolution de cette Amitié peu ordinaire ; les parcours intellectuels et artistiques des deux hommes, aux personnalités antinomiques, leurs désaccords, leur admiration et affection l'un pour l'autre et puis finalement, la brouille !…



Ce qui peut-être déroutant dans cette narration… c'est qu'alors que nous voguons en plein 18e siècle… Frédéric Vitoux enchaîne sur le présent, ou son passé personnel : évocation d'amis, d'écrivains, de rencontres, des anecdotes liés à ses livres…Il y mêle ses affections, ses admirations, dont celle, indéfectible, pour Bernard Frank, que l'on retrouve dans d'autres de ses ouvrages dont « le Bar des Mariniers » ; sans omettre sa passion totale, exclusive pour "son" Ile Saint-Louis, lieu magique de toute sa vie, à nul autre , comparable….qui parcourt quasiment tous ses livres !





L'impression parfois de sauter du coq à l'âne… ou d'être, comme dans les écrits de Diderot, immergé dans une conversation à bâtons rompus, entre amis….

L'auteur, comme « son » Diderot, a un goût immodéré pour les chemins de traverse…et une curiosité toujours en mouvement…



Cela fait parfois sourire… toutefois, ce procédé narratif a le mérite de rendre l'ensemble très vivant, et très prodigue en informations…comme une des phrases de la quatrième de couverture l'exprime justement : « Quand l'érudition se fait jubilation. »...



Pour ma part, j'ai appris, avec stupéfaction et plaisir que Frédéric Vitoux, par le plus grand des hasards, s'est vivement intéressé à un personnage qui fut très célèbre au XIXe : Henri Latouche.



Personnalité littéraire, de premier plan, polémiste virulent, un autre « ours mal léché », dont Frédéric Vitoux rêvait de consacrer, un jour, un ouvrage… Henri Latouche me parle beaucoup, car je l'ai souvent croisé, recroisé pendant mes années de bibliographe et catalographe en Librairie ancienne….



Je vais donc transcrire un long extrait sur son caractère et son parcours, car, Vitoux a bien raison de le sortir de cet oubli injuste où il a sombré , depuis!!!



« En attendant, c'était lui, Latouche, qui avait retrouvé et rassemblé les poèmes d'André Chénier pour leur assurer une première édition, posthume bien sûr, en 1819. C'était lui qui avait suggéré à Vigny le sujet de –Chatterton.- C'était lui qui avait encouragé son ami Balzac à écrire –Les Chouans-, son premier vrai succès public. C'était lui, bien entendu, qui avait encouragé sa compatriote George Sand à venir à Paris, où il avait veillé à ses débuts journalistiques et littéraires. Ajoutons qu'il partagea un peu plus tard la vie de la poétesses Marceline Desbordes-Valmore… […]

Ce sauvage était partout. Influent sans doute mais vulnérable. Irascible, intransigeant, et donc entouré d'adversaires, il faisait peur. Chacun louait sa causticité, son intelligence fulgurante. Mais il ne pouvait compter sur personne pour le défendre. Il n'était pas un homme de clan. Il haïssait les coteries- et les coteries lui rendaient bien »….



Si j'ai alourdi quelque peu cette chronique [et je m'en excuse, par avance !] avec ce portrait de Henri Latouche, c'est pour montrer aux autres lecteurs combien Frédéric Vitoux nous embarque bien au-delà du 18e et de nos deux artistes, Falconet et Diderot….Il nous emporte dans une longue promenade artistique, littéraire et amicale à travers le temps! J'ai dévoré toutes ces pérégrinations culturelles ,éclectiques, multiples, colorées de Frédéric Vitoux, en une nuit !!!



Une lecture joyeuse , des plus enrichissantes pour tous les "accrocs" de Littérature, de Beaux-Arts, d'Histoire... Il y en a, en fait, pour presque tous les goûts !!

Commenter  J’apprécie          393
Au rendez-vous des Mariniers

33 quai d'Anjou, île de la cité, Paris.

C'est là que se situe le restaurant : Au rendez-vous des mariniers.

L'auteur a habité le quartier, une petite ville dans la ville au contour défini. Tout le monde se connait.

Ce resto est resté en activité durant la première moitié du XXe siècle. L'auteur ne s'en rappelle pas mais une photo, celle qui est en page de couverture, va le pousser à s'intéresser à ce lieu.

Contrairement à ce que le nom de l'enseigne indique, il n'y a pas que des marins qui s'y restaurent. De grands noms viennent s'y rencontrer : Mauriac, Picasso, Céline et combien d'autres … des artistes en pleine révélation et beaucoup d'anonymes.

Des éclats de voix, des verres qui s'entrechoquent, des rires fusent par la porte qui laissent échapper des souvenirs du passé que Frédéric Vitoux réactivent pour nous dépeindre l'ambiance de ces années ou les seules traces sont des photos noirs et blanc qui figent pour l'éternité nos ancêtres.

C'est la vie de ce quartier niché au sein de l'Histoire de France que l'auteur nous révèle par bribes, par touches successives. C'est l'ambiance de ses années perdues ou le vin et la bière coulent à flots soudant une population devant la difficulté et la rigueur du quotidien.

C'est les craintes de la guerre qui enflent au fil des conversations.

C'est le cri des gosses dans les rues désertes que bientôt l'automobile remplacera.

Ce sont les amoureux qui se bécotent sur les bancs publics immortalisé par Robert Doisneau.

Chut écoutez on entend encore le vent dans les arbres, les oiseaux qui jouent à trappe-trappe. La nuit les deux pieds ancrés dans le sol on peut distinguer les étoiles.

Commenter  J’apprécie          370
Cartes postales

Yvon, Iris, Cim, Cap ou Jack… Ces quelques noms de marques ne vous rappellent-ils pas des petits bonheurs de carton glacé reçus détachés comme des feuilles dentelées de l’arbre-monde pour vous procurer un peu de fraicheur de contrées reculées ?

Je me prenais souvent à rêver sur ces jolies cartes postales envoyées par mes proches, plaisir d’un instant d’une image d’ailleurs.

M. Henry Levet, Vice-Consul de France, dans un élan poétique a semé à la postérité de 1900 à 1902 dix de ces cartes postales qui m’ont toutes faites rêver et le feront à d’autres pour l’éternité.

Toutes distillent une douce mélopée au charme patiné par les années.

Chacune sont illustrées par les dessins à la palette chaleureuse de M.Loustal qui a su rendre l’ambiance langoureuse de ces territoires coloniaux, de ces bouts du monde orientaux.

Mélancolie, spleen, nostalgie, voilà une trilogie parfaitement décorée par cette poésie d’un diplomate à la santé fragile mais amoureux de ces moments suspendus du Japon au Congo et de l’Egypte à l’Argentine en passant par l’Algérie entre La Plata, Port-Saïd, Biskra, Brazzaville et Nagasaki.

L’amour et la mort bercent ses lignes, je m’y suis senti apaisé et serein comme attiré, absorbé dans une ambiance soyeuse.



Monsieur le Vice-Consul de France

Ne pourra qu’en mourir, dès ce soir,

Et pourtant, il avait voulu vivre

Un jour éperdument

Même jusqu’au tourment

Tout cet amour perdu.



Ces quelques lignes de Philippe Léotard émaillent mon ressenti de cet album classieux gracieusement envoyé par les éditions Martin de Halleux dans le cadre de la masse critique Babelio. Je remercie vivement les deux.





Commenter  J’apprécie          360
L'ours et le philosophe

C’est l’histoire d’une amitié et de ses aléas, la vie n’est pas un long fleuve tranquille entre deux génies : un philosophe, en la personne de Diderot et Falconet sculpteur tout aussi reconnu, qui se sont connus probablement en 1760, lors de la préparation de l’Encyclopédie. Leurs vies vont se mêler, s’entremêler, se déchirer, notamment quand Falconet a poussé son ami à répondre à l’invitation de Catherine II, à Saint-Pétersbourg, l’invitant à résider chez lui et lui refusant l’hospitalité à la dernière minute.



Une querelle va les opposer autour de la postérité. Que reste-t-il d’une œuvre lorsque l’auteur meurt ? Pour Falconet, l’œuvre, en l’occurrence la sculpture se construit ici et maintenant, au présent, elle est et elle demeure, alors que pour le philosophe, tout se joue au futur car nombre de manuscrits reste dans les tiroirs et ne sont publiés qu’après la mort, ce qui impose une quête de perfection pour convaincre et nécessite une réflexion sur la trace qu’on va laisser.



Frédéric Vitoux base toute son argumentation sur les lettres échangées entre les deux hommes profitant des confinements pour se replonger dans cette correspondance, dont les beaucoup des originaux ont disparu.



On revisite aussi l’aventure de l’Encyclopédie, ses partisans comme les philosophes, les réticents, surtout les monarchistes, les religieux le pape en tête et le premier accroc dans l’amitié lorsque Diderot a demandé à Falconet de se charger de la rédaction de l’article sur la sculpture, ce qu’il refuse bien-sûr ce qui donne une envolée lyrique sur Tom et Jerry de son cher Tex Avery.



Régulièrement, l’auteur apporte avec humour ce qu’il ressent avec sa tirade sur les ours, car il compare Falconet à un ours, on le comprend très vite, ce qui lui permet de partir sur les traces des grizzlis ou des ours polaires ainsi que leur habitat, qu’ils soient ou non mal léché, grognent ou bougonnent … Je vous laisse imaginer le paragraphe sur l’ours !



L’ours est non seulement sauvage mais solitaire ; il reste seul dans sa caverne ou dans le creux d’un vieil arbre, il y passe une partie de l’hiver, sans en sortir pendant plusieurs semaines.



De temps en temps, on a des digressions, (la libre association fonctionne bien dirait l’ami Sigmund) au gré de l’humeur de l’auteur, et s’invitent alors Philippe Tesson, Jorge Amado, Jean d’Ormesson, Marguerite Desbordes-Valmore, tirant au passage de son ombre Henri de Latouche, ou encore Céline … même Tex Avery dont il raconte un cartoon pour étayer son propos, ou encore les famille Morisot…



Dans sa réflexion sur l’amitié, la manière dont elle naît, se développe et peut se traduire par des disputes, des conflits, des rancunes, l’auteur évoque une autre amitié, celle qui unissait Lawrence d’Arabie et le dramaturge Noël Coward



Frédéric Vitoux illustre son propos avec des portraits, tel celui de Mademoiselle Victoire (bru et amie de Falconet), sculptures de Falconet



Une réflexion amusante sur la bibliothèque immense et variée de Falconet :



Souvent les misanthropes, les grognons, les taciturnes et les coléreux, fâchés avec leur temps comme leurs contemporains, se retranchent, se protègent et se consolent derrière la barrière de leurs livres. Comme s’ils ne voulaient plus converser qu’avec les morts.



J’ai pris mon temps pour lire ce roman superbe, pour profiter de la plume ciselée de l’auteur, de « Le banquier anarchiste » de Fernando Pessoa et de ce fait écrire ma chronique a été difficile : ne pas tomber dans l’idolâtrie avec des propos dithyrambiques ou ne pas en dire suffisamment pour donner envie de découvrir l’ours et le philosophe. Le propos est tout simplement brillant.



Étant donné mon enthousiasme je me suis procuré le livre en version papier pour pouvoir m’y replonger régulièrement. Il est inutile de préciser que j’ai des phrases surlignées partout (pratiquement toutes les deux pages).



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur qui je l’espère ne m’en voudront pas trop pour ce long retard.



#Loursetlephilosophe #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          330
Des dahlias rouge et mauve

Que retiendrai–je de ce roman ?

Des sensations, des souvenirs fugaces, une impression de me plonger dans un passé révolu où l’on parle de musique, d’artistes aujourd’hui disparus.

Des émotions qui reviennent comme autant de petites madeleines et font d’une histoire somme toute assez banale, une histoire qui vous touche.



Frédéric Vitoux dresse le portrait d’une femme à travers les souvenirs des hommes qui l’ont aimée et de ses enfants.

Des souvenirs qui s’égrènent au fil des chapitres. Il y a beaucoup de non-dits dans ce récit, comme si l’auteur avait voulu conserver à son héroïne une part de mystère.



Rien d’inoubliable donc, si ce n’est l’écriture empreinte d’une délicatesse infinie.



J’ai eu du mal à refermer ce livre tant j’en ai aimé l’étrange nostalgie.





Commenter  J’apprécie          270
L'assiette du chat : Un souvenir

Dans ce livre, le héros, ou plutôt l’héroïne est une assiette du moins « une soucoupe en faïence aux motifs décoratifs d’un bleu délavé » ayant appartenu à Fagonette la chatte des grands-parents de l’auteur, disparue dans des circonstances troublantes, car elle était peu appréciée du grand-père. Grâce à cette assiette, nous entrons dans l’univers, l’intimité de la famille Vitoux.



L’auteur aborde le manque d’intérêt que lui portait son père durant l’enfance, à tel point qu’il se demandait parfois s’il était muet ou simplement distrait, sauf quand il prenait une colère dévastatrice à laquelle, d’un commun et tacite accord, ses enfants avaient décidé de ne pas réagir, ce qui n’a pas empêché l’auteur de le considérer comme le meilleur des pères.



Comment se construit-on avec cette image paternelle que l’auteur explique par l’ombre permanente et autoritaire du grand-père, Georges qui n’avait jamais su être un père et semblait demeurer un étranger dans la maison ? Dans ce couple constitué par les grands-parents, s’était immiscée une troisième personne, Clarisse, profondément amoureuse d’Henriette, la grand-mère, donc difficile de se construire une image masculine, au milieu de ce trio, que l’aïeul regardait de loin,



Les souvenirs remontent, souvent dans le désordre, une pensée, ou un secret devenant soudain perceptibles, ce qui conduit l’auteur à creuser la personnalité de ces grands-parents qu’il n’a jamais connus mais qui ont conditionné son père, (avec l’apparition de fantômes telle Odette alias la sœur de lait du docteur et qui en fait était le fruit d’une union illégitime) puis la sienne. Répétition des scenarii…dirait Sigmund



Frédéric Vitoux examine ce père tour à tour avec ses yeux d’enfant et son regard d’adulte qui tente de comprendre, d’éclairer ce qui l’a perturbé autrefois.



Toujours dans le domaine des souvenirs, l’auteur aborde la période du scoutisme, où il s’ennuyait pendant trois semaines, et qui n’avait rien de sauvage pour lui qui se réfugiait tant dans la littérature, mais à la suite de ce séjour, alors qu’il habitait chez son cousin Jojo, il a découvert la relation homosexuelle de ce dernier avec son compagnon alias Monsieur Felipe. Ce qui nous entraîne sur la sexualité des différents membres de la famille, et du silence qui l’entoure.



J’ai beaucoup aimé la manière dont l’assiette du chat fait remonter les souvenirs, les associations d’idées pour tenter de comprendre surtout la personnalité du père de l’auteur. Ce souvenir, (sous-titre du roman) fait remonter tous les autres. L’écriture, comme le dit si bien Frédéric Vitoux fonctionne comme une analyse sur le divan :



J’écris pour savoir (pourquoi écrirait-on sans cela ?) et c’est l’ignorance, de nouvelles ignorances qui m’attendent au bout du chemin.



J’ai retrouvé, dans ce livre, la verve qui m’a tant plu dans « L’ours et le philosophe », l’humour de l’auteur, une écriture magnifique, ciselée avec le sens du détail, le choix des mots… Je me suis rendue compte que ce n’est pas la première fois que l’auteur aborde sa famille, ou l’importance des chats, ce qui me donne l’envie de me plonger davantage dans ses écrits, (trente-six livres au compteur) en particulier son « Dictionnaire amoureux des chats » ou ses écrits sur Louis-Ferdinand Céline.



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la belle plume de son auteur.



#Lassietteduchat #NetGalleyFrance !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          260
Dictionnaire amoureux des chats

Commandé sans rien en savoir, je pensais tomber sur un ouvrage un peu convenu, voire un peu nunuche, un peu classique, un peu déjà vu mille fois, comme on peut en trouver pléthore sur les chats.

C'est un dictionnaire uniquement dans le sens où les écrits sont présentés par ordre alphabétique.

Il n'a rien d'encyclopédique.

Amoureux des chats ça c'est sûr.

Illustré de magnifiques photos de chats et d'écrivains aimant les chats, de peintures où se trouve un chat, d'affiches, d'enseignes, tout cela choisi avec grand soin.

C'est un vrai régal.

Cet ordre alphabétique répond aux réflexions de l'auteur.

C'est très très bien écrit et les textes sont intelligents.

J'ai beaucoup apprécié l'esprit de Frédéric Vitoux.

Érudition, humour, sagesse, témoignages, un savoureux cocktail qui se lit avec bonheur, par petites touches.

L'auteur recommande de le lire au hasard, mais je l'ai lu page à page, me délectant de ces images et photos magnifiques, de ces textes brillamment écrits.

Un livre écrit comme « une conversation à bâtons rompus », une conversation riche, subtile.....amoureuse.

Bref, un très beau livre
Commenter  J’apprécie          250
Dictionnaire amoureux des chats

Le chat. On lui prête des pouvoirs, des pensées, de la sagesse. On le dit indépendant, méprisant, hautain, opportuniste. On le sait élégant, mystérieux, facétieux, majestueux. Cet animal n’en finit pas d’inspirer les artistes, d’intriguer les curieux et d’enflammer l’imaginaire populaire. Le chat fait couler de l’encre et s’agiter les plumes. Il est le meilleur compagnon des écrivains : Marcel Aymé, Georges Pérec, Louis-Ferdinant Céline, Ernest Hemingway, Joris-Karl-Huysmans, Charles Baudelaire et tant d’autres avaient un petit félin à leurs côtés.



Frédéric Vitoux brosse un portrait par touches, par éclats, et il dessine une image féline aussi disparate et élégante que l’est la fourrure d’un chat écaille de tortue. Il honore les chats célèbres de l’histoire et de la littérature. Mais surtout, article par article, il compose un long poème à la gloire du chat. Et ce petit animal n’a pas fini de vider les encriers, par la plume ou par la patte !

Commenter  J’apprécie          220
Dictionnaire amoureux des chats

Plus de 700 pages à découvrir sur le monde des chats, des anecdotes, des histoires incroyables, les grands de ce monde qui ont aimé les chats et en parle.



Chaque chat est un chef d'oeuvre

(Léonard de Vinci)



Que pour les amoureux des chats !
Commenter  J’apprécie          205
L'Express de Bénarès



Qui connaît de nos jours Henry J.-M. Levet,(1) l’auteur des Cartes postales, exotiques,« sonnets torrides » autour des voyages ? « Insaisissable » il reste pour Fédéric Vitoux qui, pourtant, a consacré deux années à retrouver ses traces. Quête qui l’a mené de Paris (Rue Lepic, Montmartre) à Vichy ( août 2015), puis à Montbrison (sa ville natale), dans les bibliothèques et jusqu’aux archives des Messageries Maritimes à Marseille.



Dans le premier chapitre intitulé « Un ami inoubliable », l’académicien explique sa rencontre foudroyante avec l’écriture de ce poète, à dix- sept ans. Les dix poèmes, regroupés à la fin de l’ouvrage, il les a appris par coeur au point de les « imprimer durablement dans la cire vierge de sa mémoire ». Grâce à la bibliothèque familiale débordant de milliers de livres, l’auteur a pu assouvir sa curiosité et se nourrir de classiques et de poésie. C’est dans une nouvelle édition de L’Anthologie de la poésie française de Kra qu’il a débusqué Levet dont les récits ont « ouvert les portes de son imagination ».



Quelle curieuse coïncidence de réaliser que son grand-père Georges Vitoux, à qui il dédie ce récit, a voyagé , comme lui, sur le même « paquebot-poste », «  l’Armand Béhic ». Celui -ci avait été mandaté pour « une mission d’enquête médicale » en Chine, en 1903, juste un an après Levet, poète consulaire. Frédéric Vitoux va nous embarquer à bord de ce navire, à « la belle silhouette » pour suivre ce « poète maritime », qui le hante.



L’étudiant a fait escale à L’Étrave, la petite librairie de L’île Saint-Louis, tenue par Nicole, pas encore Madame Vitoux, afin de dénicher du Levet et de poursuivre l’exploration de ses poèmes, qu’il analyse ici avec subtilité.

Saluons le talent prescripteur de l’auteur, tout juste âgé de 18 ans, qui réussit à épuiser le stock de cette édition dirigée par Jean Paulhan.

Frédéric Vitoux est confronté de nouveau à une série de coïncidences au cours de ses recherches. Tout d’abord, tous deux ont écrit un opus intitulé Cartes postales.



Autre exemple, il trouve dans une brocante un ouvrage de Francis Jourdain dans lequel il note sa complicité avec Levet. Il étaye son portait grâce aux écrits de Fargue et Larbaud ( qui avait consacré à Levet le Cahier 12 des Amis de Valery Larbaud), en guise de reconnaissance. Larbaud qui a donné son nom à la médiathèque de Vichy qui détient ses archives et où l’auteur a reçu le Prix Larbaud.



Levet, est connu pour ses « accoutrements légendaires », de vrais déguisements, « coiffé d’un fez » ou de casquettes.

Des photos, des portraits sont insérés ainsi que l’affiche de Vallotton, et celle de Villon le représentant au Grillon. On remarque son «  nez pointu, à nul autre pareil, son menton pointu, en galoche, dandy provocateur, esthète ». Un physique ingrat.



Tout en retraçant le parcours de Levet, compilant les informations glanées, le romancier décline sa généalogie, remontant jusqu’à son arrière-grand-père.



C’est en compulsant des articles parus dans Le courrier français (2) que l’auteur détective a mieux cerné sa personnalité (antimilitariste, un flegme britannique ….).

Il y débusque «  ses désirs refoulés, ses inclinations homosexuelles », mais il s’avère «  difficile de saisir sa vie – son existence météorique aux mille facettes, aux mille secrets surtout ». L’homosexualité apparaît être un thème récurrent dans ses poèmes.



Frédéric Vitoux focalise notre attention sur les deux recueils de poésie, nous éclaire sur le sens caché de ces vers « incompréhensibles », «  des rébus » pour Tardieu.



Le désir d’Orient est supposé dû à l’influence de Rimbaud. C’est en tant que publiciste qu’il s’embarque , en 1878, chargé d’une mission scientifique, «  d’études de l’art khmer », poste décroché grâce à son père député. Sur cette expédition, l’auteur soulève « une forêt d’interrogations », s’étonnant de l’absence de traces.

En 1902, il sollicite un poste de vice-consul et le voilà nommé à Manille puis à Las Palmas, où le climat océanique ruinera sa santé. La maladie met un terme à sa carrière. Un destin tragique que cette mort à 32 ans.



Saluons la démarche de l’académicien auprès du maire de Montbrison. En effet, attristé de voir la tombe de Levet en ruine, il le presse par courrier, d’effectuer une restauration. Requête honorée en 2016. Rappelons aussi qu’il a oeuvré pour la sauvegarde de la maison de Colette.

On devine la frustration du narrateur quand au fil de son travail ardu, il confesse que:

« Plus je m’approche de lui et plus il se recule... ». Impossible de compter sur les parents de Levet, des notables respectables, ceux-ci n’ayant rien gardé de sa correspondance, de son manuscrit supposé, intitulé : « L’express de Bénarès ».

N’était-il qu’une mystification, un projet littéraire fantôme ?

Toutefois, par son pèlerinage, il aura contribué à nous faire connaître cet « insaisissable » poète et à nous faire « rêver de Levet ». Puisse cette rencontre aussi réchauffer et éclairer le lecteur comme ce fut le cas pour l’académicien.



On écrit pour témoigner, pour que l’on n’oublie pas, et Fédéric Vitoux, par ce récit très fouillé et enrichissant, ressuscite cette figure de Montbrison et le Montmartre des années de la fin du XIXème siècle où l’on croise Morand, Toulet.

Il a le mérite de sauver de l’oubli le poète Levet, car il ne reste que quelques rares lettrés pour «  continuer de chérir la mémoire de l’auteur des «  cartes postales ».

Et l’écrivain enquêteur de fantasmer sur l’établissement d’ «  une anthologie des livres non écrits ou disparus », comme David Foenkinos avait imaginé la bibliothèque des livres refusés !



(1) Henri Jean-Marie Levet ( 1874 – 1906), écrit parfois : Henry Levet et même anglicisé en Levey.



(2) La bibliothèque Forney est l’un des seules à conserver les volumes reliés du Courrier français



Commenter  J’apprécie          200
L'assiette du chat : Un souvenir



Frédéric Vitoux, l’auteur du Dictionnaire amoureux des chats, dédie cet opus à la regrèttée Zelda. Baptisée Zelda, comme un clin d’oeil à l’épouse de Francis Scott Fitzgerald, apprend-on à l’entrée intitulée :Les chats de ma vie.



Le titre intrigue. Quel mystère entoure cette assiette du chat, « une soucoupe de faïence » avec décor hollandais. ? A qui appartenait-elle ?

Pourquoi déclenchait-elle des hostilités parmi sa fratrie au moment de la mise du couvert? Personne ne voulait manger dans cette assiette !

Finalement quelqu’un se dévouait.



L’ académicien brosse le portrait de son père, déjà familier à ceux qui ont lu ses livres. Par exemple dans le Grand Hôtel Nelson il est question des clichés pornographiques du grand-père Vitoux auxquels il est fait allusion dans ce livre.



Il se souvient d’une chatte Fagonette et subodore que sa grand-mère lui aura trouvé un autre toit, sous prétexte de l’asthme de son fils, (père du narrateur).

Un père «  vieux comme le monde ou incompréhensible comme le monde. »

Un homme taciturne qui a caché son enfance, qui a verrouillé ce qui le concernait.



Dans ce livre, le romancier revisite sa propre enfance, évoque celle de son père en alternance . Il convoque également sa mère, sa fratrie et ses grand-parents.

Une famille de taiseux, où on ne parlait pas.



Frédéric Vitoux a donc été «  élevé dans « un désert de chat » ! Ceux qu’il croisait , c’étaient ceux qui déambulaient le long des quais, dans le quartier de l’île Saint-Louis. Peu de ses amis d’enfance avaient un animal, alors les chiens de ses camarades de classe le fascinaient. Enfant , c’est surtout par la littérature qu’il a connu les animaux , la nature, la forêt.

Il se remémore les jeux en famille à table, autour de Tintin. Il décrypte leur rapport père/fils .Il évoque son parcours scolaire, (l’aide aux devoirs), les espérances des parents : le voir embrasser une carrière d’officier de marine ». Ces attentes deviennent «  un fardeau » pour l’adolescent. Toutefois il a bénéficié finalement d’une grande liberté au moment de ses orientations et de ses engagements. Lui dont les opinions étaient à l’opposé de son père, « homme de droite », aux positions conservatrices.

Puis, il retrace sa carrière, ses débuts à la revue Positif avant son entrée à la rédaction du Nouvel Observateur.

Il s’interroge sur le silence qui a régné quai d’Anjou et tente de percer les énigmes.



En même temps il ressuscite la dynastie des chats qu’il a connus , rappelle les circonstances de leur adoption successive. ( Mouchette, Papageno, Zelda) et quelques anecdotes. C’est son épouse Nicole qui lui a transmis cet amour et cette passion pour les félins, au point de vivre en leur compagnie et de leur consacrer des dictionnaires et l’ouvrage Les chats du Louvre. C’est le coeur serré que l’on assiste à la piqûre létale de Zelda, cette chatte que la famille Vitoux avait sauvée un soir de décembre 2008 puis recueillie. Et définitivement adoptée.





L’auteur nous émeut également quand il relate la maladie de son père et les confusions qu’elle provoque.



En lisant les carnets de souvenirs consignés par son paternel, l’auteur n’a pas réussi à comprendre pourquoi il y a tant de pans de vie occultés. « Les lambeaux de souvenirs de nos enfances ne sont jamais factuels. » Pas de trace de la chatte Fagounette, animal redouté du père. De même Clarisse semble avoir été reléguée de sa mémoire. Pourtant cette femme a joué un rôle primordial dans l’éducation de l’auteur, à la fois nounou, tante. Il lui a d’ailleurs rendu hommage dans une biographie.(1)

Mais pouvait-elle être responsable de la mésentente, de la désunion de ses grands- parents ? Cependant ausculter l’intimité conjugale a des limites. «  Il y a un seuil qu’aucun étranger ne parvient à franchir ».

Le romancier biographe sonde sa mémoire, et se retrouve confronté à une pléthore d’interrogations qui tournent à l’obsession. Une phrase traumatisante, entendue à cinq ans l’a hanté : « On aimerait te manger à la croque-au-sel » !



Parmi les non-dits, on retiendra les points suivants :

L’orientation sexuelle du couple formé par son cousin Jojo et son compagnon Monsieur Félipe, chez qui l’auteur, alors âgé de treize ans, a séjourné à Marseille après un camp de scouts. Dans la famille Vitoux la tolérance et le silence prévalaient.



L’amour inconditionnel de Clarisse pour Henriette Rouyer/Vitoux, son professeur de français et d’anglais avait « quelque chose d’insensé ». Auraient-elles partagé une forme d’amour saphique ? Cette ferveur, cette adoration hors normes ont fait naître chez Clarisse la vocation d’enseigner à son tour.



La filiation d’Odette Lévêque, fille de la domestique des grands parents, présentée comme la sœur de lait. Mais ne serait-elle pas plutôt le fruit d’amours ancillaires au sixième étage du quai d’Anjou ? Donc une demi-sœur. Un secret bien gardé. Exilée aux USA., Odette aimait retrouver le quai d’Anjou. Elle reste une comète qui « a laissé un sillage lumineux, tant sa présence avait été phosphorescente et joyeuse ».





On devine la frustration de l’enquêteur qui n’a plus de témoins potentiels à questionner, qui ne dispose que de cassettes d’interviews inaudibles.

«  Les bandes magnétiques s’effacent, les sons deviennent une bouillie sonore ».

Il se reproche son incuriosité. Pas de courriers à consulter, aucun objet palpable, juste des albums photos que son épouse Nicole se plaît à compulser.

Espère-t-elle y débusquer des indices ?



De nombreuses références littéraires et cinématographiques ponctuent le livre. Rien d’étonnant de voir Céline cité au vu des ouvrages que Frédéric Vitoux a publié. Quant aux héroïnes anglaises de George Eliot et Jane Austen, elles ont alimenté les récits de Clarisse.



L’écrivain signe un récit à la veine autobiographique, pétri de sincérité, teinté de regrets, qui incite à lire ses romans précédents. Le chapelet de souvenirs fait revivre les fantômes qui ont taraudé l’auteur. «  Le souvenir, c’est la présence invisible » selon Hugo. «  Le passé est un trou noir à la formidable puissance d’attraction ».



( 1) Clarisse de Frédéric Vitoux
Commenter  J’apprécie          162
Des dahlias rouge et mauve

Varengeville, non loin de Dieppe. C'est ici que repose désormais Suzanne Lebonheur-Chapel. Qui est-ce me demanderez-vous? Une vedette de l'Opéra-comique , magnifique interprète de Véronique dans l'opérette de Messager, reconvertie en présentatrice d'émission de télévision diffusée l'après-midi quand elle s'appelait encore ORTF . Pierre Muir était un de ses amis proches avec Henriette son épouse il était en quelque sorte un fils pour Suzanne et Christian . C'est lui le narrateur.

Au fil des pages le personnage de Suzanne s'éclaircit, se dévoile, les hommes qu'elle a aimé, qu'ils l'ont aimé et puis ces enfants laissés sur le bas côté de son amour exclusif et possessif pour Christian, sa fille Nadine et son fils Jacques.

Une écriture sobre, sans fioritures, une histoire d'amour, la petite histoire d'une France occupée, la vie déglinguée de deux adolescents rejetés par leurs parents respectifs qui ont survécu la rage au ventre . Un portrait de femme fascinant mais moins attachant que prévu !

Des dahlias rouge et mauve est le premier roman de Frédéric Vitoux, élu à l'Académie française depuis 2003 ,que je lis .Une lecture agréable sans plus ..
Commenter  J’apprécie          140
L'ami de mon père

Eté 1961 sur la cote d'azur. Pierre, adolescent de dix-sept ans, vivote entre quelques flirts et des parties de volley-ball sur la plage avec des potes. L'après midi : sieste obligatoire. Du fond du vallon monte le bruit d'une voiture qui vient au domaine. Ce n'est pas un bruit ordinaire : c'est celui d'une Triumph, une voiture rêvée dans l'été immobile. A son bord, Bernard du Perray, Lynn sa compagne américaine et la fille de celle-ci Virginia.

Bernard est un ancien ami de "pension" du père de Pierre, Lynn est chanteuse aux Etats-Unis et Virginia, bien qu'un peu trop pulpeuse, attire la convoitise de Pierre. Mais que s'est-il réellement passé entre les deux amis ? Ils parlent à mots couverts et baissent le ton lorsque l'on s'approche d'eux.

Pierre au contact de ce trio, lors d'une virée nocturne à Saint-Tropez, en apprend de plus en plus sur le passé de son père et ses années de "pension", il voit alors son père sous un œil complètement différent.

Ce roman très autobiographique, se lit avec une fluidité remarquable. Après quelques interrogations au début, je me suis laissé séduire sur la manière dont Frédéric Vitoux nous délivre ses informations et nous replonge sur le début des années 60 et les stars de l'époque.

Commenter  J’apprécie          140




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Frédéric Vitoux (427)Voir plus


{* *}