Citations de Gabino Iglesias (90)
Nos vies ne sont pas aussi exceptionnelles qu’on voudrait le croire et la peur est une loupe qui te force à voir chaque fêlure, chaque détail douloureux.
Une fois que tu as accepté que l’illusion avait disparu, tu as deux options : changer les choses ou les ignorer.
C'est à ce moment-là que tu comprends que tu es engagé dans une guerre silencieuse où tous ceux qui ne sont pas comme toi sont de potentiels ennemis. Et c' est comme ça que tu deviens l' agent de sécurité qui vend de la came à des petits blancs aisés.
Quand tu traverses la frontière, celle-ci conserve une partie de toi.
– Voilà, Mario. Le prends pas mal, mais il faut avoir des papiers pour acheter des armes aux États-Unis. »
Des papiers… Il avait vu ma couleur de peau, et il était parti du principe que j’étais un immigré clandestin. Je me retins de lui loger une balle dans la tête.
« Je suis citoyen américain, répliquai-je.
– Tant mieux pour toi ! fit Stevie. N’empêche que t’es hispanique… ou latino, je sais pas comment on dit. Vous changez tout le temps de mot, on a du mal à suivre. Non pas que j’en aie quelque chose à foutre, d’ailleurs. Bref, les armuriers avec qui on bosse partiraient du principe que t’es de mèche avec les cartels.
On était venus pour récupérer un véhicule rempli d’armes, et Brian se voyait proposer un boulot tandis que je me faisais traiter d’immigré clandestin. Une belle illustration du racisme systémique.
C’était tellement absurde que c’en était presque amusant. Et, en même temps, j’avais connu ça toute ma vie : à côté d’un Blanc en costar, mon niveau d’études et mon CV ne valaient rien.
Sauf que là, le Blanc en question était quand même un toxico transpirant aux yeux écarlates qui avait passé la journée à gober des cachetons.
La pauvreté est un marteau qui tape sur votre détermination et sur votre bonheur jusqu’à les réduire en poussière
Tant qu’on ne songe pas à ce dont ils sont capables, on peut tolérer d’être en présence des monstres. Le plus effrayant, c’est quand on se rend compte qu’on en est un soi-même
La vie, c’est l’espace entre les choses qu’on croit savoir et les choses qu’on ne découvre que trop tard
Vous n'avez pas connu l'horreur tant que vous n'avez pas passé de longues heures dans un hôpital à regarder le sommeil agité d'un proche qu'on vous enlève. Vous n'avez pas connu le désespoir tant que vous n'avez pas vécu le moment où vous vous rendez compte que prier est futile. Je ne mangeais plus, je ne dormais plus. Bientôt, je ne fus plus qu'une coquille vide, un zombie hirsute rempli de colère, de douleur et de larmes.
Ils m’ont fracassé le crâne par-derrière, ces enfoirés. Ils s’attendaient sûrement à ce que je m’écroule comme une masse, mais si le coup était puissant, il manquait de précision. On ne peut pas réussir un K-O chaque fois. Certaines personnes ont la tête très dure. Et à cause de ce putain d’iPod qui m’avait empêché de les entendre arriver, je savais désormais que c’était mon cas.
Dans ce pays, l’équité est un concept, rien de plus. Les gringos envoient de l’argent en Afrique, ils dépensent des milliers de dollars pour faire couper les couilles de leur chat et pour leur retirer les griffes, mais ils refusent de payer un salaire décent à ceux qui repeignent leur maison.
Le coyote comprit immédiatement à qui il avait affaire. Il avait déjà vu cette même image un nombre incalculable de fois, que ce soit sur les murs de sa propre maison, sur des cierges ou sur la crosse de son Sig Sauer 1911. La Virgincita. La sainte mère de Dieu. Sa face hâlée contrastait avec la pâleur de son voile. D’ailleurs, sa peau était plus sombre que sur la plupart des tableaux qui la représentaient. Son visage, en revanche, était parfaitement reconnaissable. Simple. Calme. Sublime. Il inspirait la paix et la sérénité.
Quand le château de cartes de ta vie se retrouve par terre, un désir de fuite enfle en toi. Il affecte tout ce que tu fais, contamine tout ce que tu ressens, absorbe la couleur de tout ce que tu vois.
À cause du manque de sommeil, tu sursautes chaque fois que quelqu'un dans l'immeuble tire la chasse d'eau. Tu es convaincu que le chat du voisin est un démon qui toutes les nuits traverse la ville pour aller donner ton adresse à ceux qui te cherchent. Il y a un trou noir au milieu de ton estomac qui te fait mal sans arrêt, qui t'empêche de manger et qui t'empêche de réfléchir.
Le degré de pitié qu’on inspire aux autres diminue à chaque anniversaire. Un peu comme l’intérêt que suscite un produit alimentaire s’approchant de la date de péremption.
Il accomplissait l’œuvre de Dieu, et chaque minute perdue était une opportunité pour le diable de passer à l’action.
Avec un sourire, Indio a attrapé le pauvre gars par les cheveux pour orienter son visage vers moi. Sous les bleus et les bosses, j’ai reconnu Nestor Torres. Si le côté gauche était pas mal abîmé, le côté droit donnait l’impression d’avoir été percuté par un train de marchandises. Les yeux de Nestor, tout blancs, semblaient avoir pris congé de la réalité.
Quand tu traverses la frontière, tu quittes un endroit pour pénétrer dans le néant. Tu troques une réalité connue contre quelque chose que tu dois te forcer à croire, à accepter, à comprendre... Traverser la frontière te bousille d'une manière que tu ne pouvais imaginer. Quand tu traverses la frontière, ton corps devient un aimant qui attire tout le mal accumulé le long de cette horrible ligne de démarcation. p74
Le problème avec l’humanité, c’est que quelles que soient les horreurs qu’on imagine, elle sera toujours capable de faire pire
On sait qu’elle peut venir nous prendre à tout moment, mais on sait aussi qu’elle peut nous faciliter les choses en éliminant ceux qui se dressent en travers de notre chemin. La Mort n’est pas malveillante. Enfin pas toujours…