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Citations de Gabrielle Richard (51)


Queerer la famille, c'est d'abord poser un regard critique sur l'impératif de filiation biologique. L'existence d'un lien biologique entre parents et enfants est en effet vu comme souhaitable, voire pris pour acquis par la plupart des gens. Ce modèle est globalement peu interrogé, et rarement par les personnes cisgenres et hétérosexuelles qui souhaitent devenir parents. Il est par exemple atypique qu'une femme et un homme cisgenres en couple choisissent en première instance d'accéder à la parentalité par adoption ou en co-parentalité avec une autre personne ou un autre couple. C'est quand la reproduction hétérosexuelle tarde à advenir qu'on va considérer ses alternatives, presque par dépit. Il en va tout autrement pour bien des personnes queer qui ne pourront pas, sauf exception, procéder par procréation traditionnelle et qui doivent donc interroger d'emblée l'importance qu'elles accordent à la filiation biologique. Or, on va le voir à travers plusieurs cas de figure, le lien biologique ne fait pas le parent : d'abord, il n'est pas indispensable. Et lorsqu'il existe, il n'établit pas nécessairement la filiation.
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Les personnes hétérosexuelles et cisgenres ont des familles. Les personnes queers, elles, font famille. Leurs familles ne sont pas toujours liées par le sang, parfois même pas reconnues juridiquement. La famille n’est, sauf exception, pas quelque chose qui leur arrive, mais au contraire, le fruit d’une réflexion étayée, d’un travail, d’une série de choix. Parce que pour elles, faire famille se faire toujours contre vents et marées. Il faut s’aménager des espaces de liberté, voire d’émancipation, au sein d’institution contraignantes, très fortement axée sur l’hétérosexualité et la binarité du genre.
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La maternité est un sport de combat et les mères, des gladiatrices jetées en pâture par une societe qui ne fait que peu de cas de leur santé physique et mentale.
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Les prénoms ne sont pas en reste. Là où les parents cis- hétéros vont trouver un où plusieurs prénoms qui leurs plaisent, voir qui rendent hommage à un ancêtre, plusieurs parents queers à qui j'ai parlé m'ont confié avoir choisi les prénoms en considérant la possibilité que ces derniers puissent ne pas s'identifier en conformité avec le sexe qui leur a été assigné à la naissance.
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Comme tous les champs de la société, la famille est construite sur des normes d'hétérosexualité et de complémentarité des genres qui n'ont rien de naturel ou d'obligatoire.
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Jusqu'à présent, tu n'avais envisagé tes amitiés féminines que sous l'angle de la comparaison et de la compétition. Toi qui te croyais seule, minable, mauvaise mère, tu prendras conscience que non: ton histoire n'est pas celle d'un échec individuel. C'est l'histoire de toutes les femmes à qui on a fait croire à une perfection impossible. C'est l'histoire d'un système qui les invisible et qui les broie.
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Ce que les queers nous montrent, surtout, c'est que le cis- hétéronormalité n'est pas une fatalité. C'est une configuration possible du monde social.
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Queerer la famille, c'est la réinventer, de façon consciente, réfléchie.
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Le fait qu'on continue à en faire fi et à interroger dès qu'on le peut des "conséquences" pour un enfant d'être élevé par deux pères ou deux mères, nous dit que ce qui est en jeu relève plutôt de l'idéologie.
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La pédagogie queer ne perçoit pas l’inconfort comme un sentiment négatif à éviter à tout prix. Il est plutôt considéré comme un outil à mobiliser, comme une porte d’entrée privilégiée permettant l’accès à des apprentissages considérés comme difficiles ou sensibles. Selon cette approche, l’inconfort dans l’apprentissage constitue l’une des conditions nécessaires pour obtenir une transformation sociale. Elle demande aux élèves et aux enseignants d’accepter de jeter un regard critique sur leurs propres habitudes et croyances.
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On le dit trop peu, mais le queer est une destination. Une chose vers laquelle tendre, à laquelle aspirer, plutôt qu’un élément à cocher sur une liste. C’est la théoricienne Eve Kosofsky qui parle du queer comme d’une ouverture des possibles. C’est la philosophe Judith Butler qui dit qu’on produit du queer au fur et à mesure qu’on avance, que le queer est toujours en cours de constitution. C’est le chercheur José Esteban Munoz qui suggère qu’on ne peut pas être déjà queer, puisque le queer est un idéal. Une aspiration. Une utopie.
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Le queer, c’est donc une proposition visant à décentrer le regard de la binarité de genre, de la présomption d’hétérosexualité et de l’alignement attendu entre le sexe, l’identité de genre et la sexualité d’une personne.C’est du moins dans cette optique que je l’utilise et que je l’utiliserai tout au long du livre. Et dans cette perspective, le queer pourrait concerner absolument tout le monde. Ce que le queer participe à construire, c’est un espace d’émancipation face aux normes dominantes en matière de genre et de sexualité -et face aux autres système d’oppression comme le racisme, le validisme ou le capitalisme. Il permet de penser les normes, leur mise en place et les groupes sociaux qu’elles privilégient, plutôt que de limiter son regard aux groupes marginalisés et à la manière dont ils peuvent intégrer la norme.
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Cette conception binaire du genre pose également un tout autre problème : elle ne permet pas de prendre en compte les individus dans leur diversité et dans leur complexité.
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"queer" pour se référer au soi qui est en décalage avec tout ce qui l'entoure, qui doit inventer et trouver une place à partir de laquelle parler, vivre et s'épanouir.
bell hooks
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Enceinte, tu avais même l'impression d'avoir atteint une sorte d'acmé. "Tu rayonnes", "Tu es superbe", "Tu as l'air si épanouie". Jamais cela n'avait été aussi facile d'être une femme. Pour la première fois de ta vie, tu te sentais légitime. Plus que jamais reine en ton royaume. Plus de drague, plus de reproches, plus d'injonction à rester mince. Enfin à toi, le droit de bouffer, d'être de mauvais poil, de ne rien faire de tes journées. Peut-être n'as-tu désiré un enfant que pour cela : être enceinte, et qu'on te foute enfin la paix. Être enceinte, et avoir le droit d'être libre autant qu'un homme.
Mais te voilà ce matin, l'enfant sorti de ton ventre. Et cette intuition déjà que la paix est finie. Désormais, tu es mère. Et les griffes du patriarcat se jetteront sur toi de plus belle.
Pour l'instant, personne encore n'est venu te voir. Personne encore pour te dire comment tenir ton enfant, comment le nourrir ou l'éduquer comme il se doit. Mais même dans cette solitude, tu le sens, cet inquisiteur tapi au fond de toi. Cette voix où se mêlent toutes celles qui se sont plantées en toi depuis que tu as conscience d'être une fille : mères, amies, hommes, corps médical, médias. Cette voix qui t'a harcelée pour que tu sois plus belle, pour que tu sois plus sage, pour que tu ne te plaignes pas. A peine ta fille est-elle née que l'inquisiteur est là, de nouveau. A scruter chacun de tes gestes. A guetter le moindre faux pas. Cette phrase dans ta tête, alors que le bébé est dans tes bras, et qu'au lieu de l'amour c'est l'angoisse qui t'envahit : "Tu l'abîmes."
Cette phrase va te poursuivre des semaines, des mois, des années. Tes seins sans lait, les biberons donnés dans un aveu d'échec : Tu l'abîmes. Ton visage sans sourire au-dessus du tapis d'éveil, tes yeux éteints alors qu'ils devraient s'émerveiller : Tu l'abîmes. Ton impuissance à la calmer lorsque son corps se vrille et qu'elle hurle toute la nuit : Tu l'abîmes. Ta rage et tes poings qui se serrent pour ne pas la secouer. Tu l'abîmes. Le psychiatre qui t'annonce que tu fais une dépression du post-partum, que tu dois prendre des médicaments, que peut-être même tu devras aller à l'hôpital : Tu l'abîmes. Tes petits pots industriels alors que tes copines font des purées maison : Tu l'abîmes. La télé allumée parce que tu ne sais plus comment l'occuper : Tu l'abîmes. Tes "non", tes chantages, tes punitions, ta voix qui se lève, tes émotions comme des tempêtes, ton incapacité à rester calme et à accueillir les siennes : Tu l'abîmes. Tes ras-le-bol, tes regrets, ta patience en miettes : Tu l'abîmes.
Pour l'heure, ce petit bout de vie est encore lisse. Comme une promesse de douceur et de pureté. Mais il y aura des accrocs. Il y aura des défaites. Toutes ces fois où tu te diras que c'est foutu, que tu gâches sa vie, que tu ruines son potentiel. Qu'un jour elle te détestera et que, comme on te l'avait prédit, tu finiras toute seule. Toutes ces fois où tu penseras : "Je n'ai pas réussi."
Tu ne le sais pas encore, mais en donnant raison à l'inquisiteur, c'est toi-même que tu abîmeras.
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On dit que tout se joue dans la petite enfance... Moi, ça me terrifie, et ça me travaille beaucoup. Je voudrais que ça travaille tout en haut aussi, au ministère de l’Éducation nationale, dans les rectorats, dans les lieux d'élaboration des manuels scolaires, dans les lieux de formation. Je voudrais que cela devienne un vrai sujet de société, pas juste une conversation entre parents sur le trottoir de l'école ou dans un post sur Instagram. Il ne suffit pas de s'agiter dans le vent, éternellement, chacun de son côté, on a besoin de relais institutionnels. Les politiques doivent comprendre que l'éducation non sexiste est un enjeu crucial pour la société. Elle permettrait de prévenir tant de violence et d'inégalités. Dans mon association, on dit qu'il n'y a pas de "petits sujets" et que l'intime est politique. C'est vrai pour la maternité, pour les violences sexistes et sexuelles, et pour la couleur du pull de mon fils. Déconstruire les stéréotypes de genre est un combat permanent, car on les rencontre dans tous les domaines. De la mode aux jouets en passant par la littérature, tout ce qui est proposé aux enfants est truffé de stéréotypes.
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J'ai souvent entendu l'argument "Ça y est, elles l'ont, la parole." Comme si, parce que nous commencions à parler, le problème était résolu. Ce discours est malhonnête. Tout d'abord, même lorsque la parole est prise, nous sommes confrontées à des crispations, à de la violence symbolique et des critiques. Aussi, il est encore terriblement complexe de parler dans un système qui nous enjoint de nous taire. La parole n'est pas miraculeusement libérée. C'est le principe d'une injonction : imposer certaines normes, comportements, à un groupe de personnes, et tout ce qui en sort sera sanctionné socialement. Tant est si bien que le respect de cette norme sur un temps long va venir naturaliser les comportements collectifs. En se conformant à la résilience et aux sacrifices attendus de nous, nous finissons collectivement par croire que ces qualités sont "naturelles", "biologiques". Nous finissons par naturaliser le social. Nous serions par nature résilientes, par nature capables de tout endurer. Non. Si nous sommes silencieuses, ce n'est pas par choix, par instinct, mais par conformisme. Nous nous conformons, parce que parler, c'est transgresser et qu'il est coûteux de transgresser.
C'est coûteux mais je crois que ça en vaut la peine. Posons-nous la question : à qui profite le crime ? Lorsque nous portons ces silences, demandons-nous qui cela arrange. Nous ? Sûrement pas, la souffrance se paie, peu importe à quel point nous sommes résilientes ou capables de serrer les dents. Qui cela arrange-t-il ? Nos enfants ? Non plus. Quoi de plus délétère qu'une mère cocotte-minute, malheureuse, peu épanouie, non alignée sur ses émotions. Nos souffrances profitent à l'ordre établi et à alimenter les mythologies créées pour nous aliéner.
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Je réalise que lorsque mon fils est né, j'ai endossé un rôle Le rôle que l'on avait taillé collectivement pour moi et tous les membres de la classe des mères, et que je me précipitais de jouer de façon impeccable, sans en oublier la moindre ligne, sans que je n'aie besoin de l'aide d'un souffleur.
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Ce placenta défectueux a changé le rapport que j'entretiens avec mon corps. "Madame, votre bébé est tout petit." Oui, merci, c'est qu'on n'est pas très grands dans la famille. "Oui, mais... là, il est vraiment petit. Le placenta ne le nourrit pas assez." Je n'ai pas entendu "le placenta", j'ai entendu "vous ne nourrissez pas assez votre bébé" ; j'ai entendu "ah ouais ! il est même pas encore né et tu te loupes déjà, eh bah ! qu'est-ce que ce sera après" ; j'ai entendu : "son problème cardiaque, c'est à cause de toi" - " à cause de toi" a résonné longtemps. "Le placenta ne le nourrit pas assez, je sais que c'est contre-intuitif, mais il sera mieux à l'extérieur de votre ventre." Mon cœur se fissure. Pourquoi mon corps à moi s'est emmêlé les pinceaux ? Je sais que je n'y suis pour rien. J'en ai conscience, mais au fond de mon âme, tout au fond, je me sens quand même si coupable. Cette fameuse culpabilité qui rime avec maternité, elle a démarré là, dans les nervures obstruées de ce placenta, dans ce cordon ombilical trop petit qui empêchait mon petit chat de se retourner tête vers le bas. J'ai beau être féministe depuis bien longtemps - même avant MeToo, c'est vous dire -, j'ai beau lutter pour que les femmes se sentent moins coupables, soient plus libres de ressentir ce qu'elles souhaitent, j'ai beau vouloir tordre le cou aux injonctions à la maternité parfaite, épanouie, heureuse, sur le moment je n'ai appliqué aucun de ces engagements féministes et je suis tombée dans un trou noir, avec ce sentiment si triste, celui d'avoir failli.
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Ce que m'a apporté la maternité, ce que j'étais peut-être venue y chercher : me mettre dans une situation de menace telle que j'ai enfin appris à résister, à définir mes limites pour la première fois de ma vie.
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