Citations de Gaël Faye (1254)
- Ecoute, ma chérie, a dit Papa d'un ton qui se voulait apaisant. Regarde autour de toi [au Burundi]. Ces montagnes, ces lacs, cette nature. On vit dans de belles maisons, on a des domestiques, de l'espace pour les enfants, un bon climat, les affaires ne marchent pas trop mal pour nous. Qu'est-ce que tu veux d'autre? Tu n'auras jamais tout ce luxe en Europe. Crois-moi! C'est très loin d'être le paradis que tu imagines. Pourquoi penses-tu que je construis ma vie ici depuis vingt ans? Pourquoi penses-tu que Jacques préfère rester dans cette région plutôt que rentrer en Belgique? Ici, nous sommes des privilégiés. Là-bas nous ne serons personne.
Un vent chaud nous enveloppait, s’enroulait un instant autour de nous et repartait au loin, emportant avec lui de précieuses promesses. Dans le ciel, les premières étoiles s’allumaient timidement. Elles fixaient la petite cour de Mamie, tout en bas sur terre, un carré d’exil où ma famille s'échangeait des rêves et des espoirs que la vie semblait lui imposer.
Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie.
Le bonheur ne se voit que dans le rétroviseur.
Plus tard, quand je serai grand, je veux être mécanicien pour ne jamais être en panne dans la vie. Il faut savoir réparer les choses quand elles ne fonctionnent plus.
Lundi 4 janvier 1993
Chère laure,
Gaby c'est mon nom. de toute façon tout a un nom. Les routes, les arbres, les insectes... (...) Mon pays c'est le Burundi. Ma soeur, ma mère, mon père, mes copains ils ont chacun un nom. Un nom qu'ils n'ont pas choisi. On naît avec, c'est comme ça. Un jour, j'ai demandé à ceux que j'aime de m'appeler Gaby au lieu de Gabriel, c'était pour choisir à la place de ceux qui avaient choisi à ma place. (p. 51)
Nous ne le savions pas encore, mais l'heure du brasier venait de sonner, la nuit allait lâcher sa horde de hyènes et de lycaons.
" La peur s'était blottie dans ma moelle épinière, elle n'en bougeait plus...."
Dans le quartier, son surnom c'était Kodak, non pas à cause de sa passion pour la photographie, mais parce qu'il avait des tonnes de pellicules dans ses cheveux gras.
Avec le petit personnel, Maman ne faisait jamais de phrases, elle envoyait des télégrammes. Les commis ne méritaient pas de verbe.
Les blancs auront réussi leur plan machiavélique. Ils nous ont refilé leur Dieu, leur langue, leur démocratie. Aujourd'hui, on va se faire soigner chez eux et on envoie nos enfants étudier dans leurs écoles.
.....nous avons acheté des asticots et de la farine pour appâter les poissons. Le vendeur était un Omanais du quartier asiatique qui traînait toujours sur la plage. Les gens l’appelaient Ninja parce qu’il passait son temps à faire des mouvements de karaté dans le vide et à crier comme s’il se battait contre des milliers d’ennemis invisibles. Les adultes disaient qu’il était fou, avec ses katas. Nous, les enfants, on aimait bien, on trouvait ça plus normal que bien des choses que font les adultes, comme organiser des défilés militaires, vaporiser du déodorant sous les bras, porter des cravates quand il fait chaud, boire des bières toute la nuit assis dans le noir ou écouter ces interminables chansons de rumba zaïroise.
La souffrance est un joker dans le jeu de la discussion, elle couche tous les autres arguments sur son passage. En un sens, elle est injuste.
Le bonheur, ça t'évite de réfléchir.
Je n’avais pas d’explications sur la mort des uns et la haine des autres. La guerre, c’était peut-être ça, ne rien comprendre.
-Un livre, peut nous changer ?
-Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
Dans les provinces assoupies, rien de tel pour tuer le temps qu'un peu de sang à l'heure morte de midi. Justice populaire, c'est le nom qu'on donne au lynchage ça a l'avantage de sonner civilisé.
Je vis depuis des années dans un pays en paix, où chaque ville possède tant de bibliothèques que plus personne ne les remarque.
Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie.
- Bien sûr un livre peut te changer! Et même changer ta vie, comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.