Citations de Gaël Faye (1254)
- Vous avez lu tous ces livres ? j'ai demandé.
- Oui. Certains plusieurs fois, même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m'échapper. Ils m'ont changée, ont fait de moi une autre personne.
- Un livre peut nous changer ?
- Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
Gaby c'est mon nom. de toute façon tout a un nom.
Les routes, les arbres, les insectes...
Mon pays c'est le Burundi.
Ma sœur, ma mère, mon père, mes copains ils ont chacun un nom.
Un nom qu'ils n'ont pas choisi.
p51
Dans son grand salon, mon regard a tout de suite été attiré par la bibliothèque lambrissée qui couvrait entièrement un des murs de la pièce. Je n’avais jamais vu autant de livres en un seul lieu. Du sol au plafond.
- Vous avez lu tous ces livres ? j’ai demandé
- Oui. Certains plusieurs fois, même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m’échapper. Ils m’ont changée, ont fait de moi une autre personne.
- Un livre peut nous changer ?
- Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
Il m'obsède, ce retour. Pas un jour sans que le pays ne se rappelle à moi. Un bruit furtif, une odeur diffuse, une lumière d'après-midi, un geste, un silence parfois suffisent à réveiller le souvenir de l'enfance.
P. 13
Ce soir avant d'aller au lit, j'ai emprunté une lampe torche dans un des secrétaires de papa. Sous les draps j'ai commencé à lire le roman, l'histoire d'un vieux pêcheur, d'un petit garçon, d'un gros poisson, d'une bande de requins...... au fil de la lecture, mon lit se transformait en bateau, j'entendais le clapotis des vagues taper contre le bord du matelas, je sentais l'air du large et le vent pousser la voile de mes draps.
Ma vie ressemble à une longue divagation.Tout m'intéresse, rien ne me passionne.
Quand la nuit tombait, elle restait seule sur la terrasse, dans le noir. Elle venait se coucher tard alors que nous dormions tous depuis longtemps. J’ai fini par accepter son état, par ne plus chercher en elle la mère que j’avais eue. Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s’y sont pas noyés sont mazoutés à vie.
La poésie n'est pas de l'information. Pourtant, c'est la seule chose qu'un être humain retiendra de son passage sur terre.
Avec le reste de notre récolte, nous sommes retournés dans le Combi Volkswagen pour nous gaver de mangues. Une orgie. Le jus nous coulait sur le menton, les joues, les bras, les vêtements, les pieds. Les noyaux glissants étaient sucés, tondus, rasés. L’envers de la peau du fruit raclé, curé, nettoyé. La chair filandreuse nous restait entre les dents.
Moi qui souhaitais rester neutre, je n’ai pas pu. J’étais né avec cette histoire. Elle coulait en moi. Je lui appartenais.
Le bonheur ne se voit que dans le rétroviseur.
Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie. p.185
-Vous avez lu tous ces livres? j'ai demandé.
-Oui. Certains plusieurs fois, même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m'échapper. Ils m'ont changée, ont fait de moi une autre personne.
-Un livre peut nous changer?
-Bien sûr, un livre peut te changer! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
Mamie en voulait à Maman de ne pas nous parler kinyarwanda, elle disait que cette langue nous permettrait de garder notre identité malgré l’exil, sinon nous ne deviendrions jamais de bons Banyarwandas, « ceux qui viennent du Rwanda ». Ma mère se fichait de ces arguments, pour elle, nous étions des petits blancs, à la peau légèrement caramel, mais blancs quand même.
- La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c'est parce qu'ils n'ont pas le même territoire ?
- Non, ça n'est pas ça, ils ont le même pays.
- Alors… ils n'ont pas la même langue ?
- Si, ils parlent la même langue.
- Alors, ils n'ont pas le même dieu ?
- Si, ils ont le même dieu.
- Alors… pourquoi se font-ils la guerre ?
- Parce qu'il n'ont pas le même nez.
La discussion s'était arrêtée là. C'était quand même étrange cette affaire. Je crois que Papa non plus n'y comprenait pas grand-chose.
Depuis quelque temps, des hommes en assassinaient d'autres en toute impunité, sous le même soleil de midi qu'autrefois.
Un livre peut nous changer?
Bien sûr,un livre peut te changer!Et même changer ta vie.Comme un coup de foudre.Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu.Il faut se méfier des livres,ce sont des génies endormis.
L'enfance m'a laissé des marques dont je ne sais que faire.
Plus tard, j'ai appris que c'était une tradition de passer de la musique classique à la radio quand il y avait un coup d'Etat. Le 28 novembre 1966, pour le coup d'Etat de Michel Micombero, c'était la sonate pour piano n°21 de Schubert; le 9 novembre 1976, pour celui de Jean-Baptiste Bagaza, la symphonie n°7 de Beethoven, et le 3 septembre 1987, pour celui de Pierre Buyoya, le Boléro en do majeur de Chopin.
Ce jour-là, le 21 octobre 1993, nous avons eu droit au Crépuscule des Dieux de Wagner.
Gino, mon pote qui avait peur des mygales qu'on ramassait dans son jardin et qui se mettait à plat ventre quand on entendait un orage au loin, ce même Gino voulait mener la guérilla avec une kalachnikov plus grande que lui dans le brouillard des montagnes des Virunga.