AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Gene Wolfe (63)


Ce fut alors que Herr Hitler, dans l’une de ces décisions inattendues et d’ailleurs totalement imprévisibles pour lesquelles il est célèbre (l’ordre, envoyé de Berchtesgaden à un moment où nul n’attendait rien de tel et où, d’ailleurs, tous les commentateurs croyaient que l’Allemagne se satisferait au moins pour un temps d’exploiter la suprématie économique qu’elle avait déjà gagnée en Europe de l’Est et ailleurs, l’ordre, donc, d’équiper toutes les “Voitures du Peuple” vendues en mai, juin et juillet d’enjoliveurs scandinaves sans surcoût vient aussitôt à l’esprit), ayant épuisé, sinon l’intérêt, du moins les rangs de la noblesse, se tourna vers l’estrade de la presse et proposa une démonstration à tout journaliste qui voudrait se présenter.
Comme je l’ai indiqué, l’offre englobait toute l’estrade ; mais il n’y avait — il ne pouvait y avoir — aucun doute quant à l’identité de son destinataire ; ces yeux brillants d’une énergie fanatique et de la fierté naturelle du chef d’une formidable machine industrielle étaient rivés sur une figure placide bien précise. L’objet de cette attention se leva et, lentement, sans prononcer un mot avant de se retrouver face à face avec l’homme le plus puissant d’Europe, alla accepter le défi. Je n’oublierai jamais la manière avec laquelle il exhala la fumée de son cigare en disant :
— J’imagine que ceci est une automobile ?
Herr Hitler acquiesça.
— Et vous, dit-il, je crois que vous avez appartenu au Haut Commandement de ce pays. Vous êtes Herr Churchill ?
Churchill acquiesça.
— Pendant la Grande Guerre, dit-il tout doucement, j’ai eu — quelque temps — l’honneur d’occuper un poste dans l’Amirauté.
— Pendant ce temps, dit le chef allemand, j’étais moi-même caporal dans l’armée du Kaiser. Je ne me serais guère attendu à vous retrouver travaillant pour un journal.
— J’étais journaliste avant d’embrasser la carrière politique, l’informa Churchill d’un ton uni. En fait, j’ai couvert la Guerre des Boers comme correspondant en toute liberté de manœuvre. Aujourd’hui, j’ai repris mon ancien métier, comme tout politicien inactif le devrait.
Commenter  J’apprécie          40
La première fois que j’ai vu Dives il crachait ses poumons, accroupi sur le trottoir ; une vieille dame avait accroché son masque à la pointe de son parapluie et un gamin, un grand gamin boutonneux aux cheveux en bataille et aux verres épais, lui faisait des crocs-en-jambe chaque fois qu’il essayait de le récupérer. Je me suis approché d’eux et j’ai dit : “Vous feriez mieux de le lui rendre sinon il va mourir”, et la vieille femme allait s’exécuter quand le gamin lui a piqué le masque et l’a jeté dans le caniveau ; je ne risquais pas de le rendre à l’autre, avec toute la saleté qu’il y avait dessus, mais j’ai donné un bon coup de pied au moutard et j’ai réussi à héler un aérotaxi de la T-E-E. Une fois que j’eus poussé Dives à l’intérieur, il était sauvé. J’ai ôté mon propre masque et j’ai dit au conducteur de démarrer ; dans tous les véhicules de ce genre, les vitres laissent voir la ville telle qu’elle devrait être une fois reconstruite et si vous y croyiez, vous vendriez père et mère pour être né dans une bonne centaine d’années.
(Terre de beauté)
Commenter  J’apprécie          10
Quelqu’un effleura la manche de Forlesen ; c’était Mlle Fawn et comme Fields s’interrompait, elle s’écria, de sa voix plutôt aiguë :
— Monsieur Fields ! Monsieur Fields ! On vous demande au téléphone. C’est très important.
Il y avait quelque chose de contraint dans la manière dont elle délivrait son message… On aurait cru une actrice médiocre ; au bout d’un moment, Forlesen comprit que le coup de téléphone était pure invention, qu’elle avait reçu l’ordre de Fields de l’interrompre et lui fournir ainsi une excuse pour quitter la réunion et accroître du même coup l’importance que lui attribuaient les autres participants. Un moment encore et il comprenait que Franklin et les autres le savaient aussi et que l’admiration qu’ils portaient à Fields – et une admiration tangible accompagnait l’homme qui s’éloignait dans le sillage de Mlle Fawn – plongeait ses racines dans l’audace dont il faisait preuve et dans la puissance sous-entendue par la facilité même avec laquelle il s’assurait le concours de Mlle Fawn, la secrétaire de M. Freeling.
(Forlesen)
Commenter  J’apprécie          10
Q : Je crois qu'il est nécessaire que nous discutions encore. Pardonnez-moi, docteur, mais j'ai perdu le fil. De quoi parlions-nous ?
R : Je crois que vous étiez en train de m'expliquer qu'il vaut mieux être esclave sur Sainte-Croix que libre sur Sainte-Anne.
Q : Oh, non, docteur. Je ne vous dirais jamais une chose pareille — ce n'est pas vrai. Non, je pense que je vous expliquais simplement que sur Sainte-Croix, il y a des hommes libres — en fait, la plupart des hommes y sont libres. Tandis que sur Sainte-Anne, et d'ailleurs sur la Terre aussi, la plupart sont des esclaves. Ils ne sont pas appelés ainsi, mais c'est peut-être parce que leur condition est encore pire. Un esclave représente pour son propriétaire une certaine somme d'argent, et il est obligé d'en prendre soin — s'il tombe malade par exemple. Tandis que sur Sainte-Anne et sur la Terre, s'il n'a pas assez d'argent pour payer ses soins, on le laisse guérir ou mourir tout seul.
Commenter  J’apprécie          20
« Qu'allons-nous faire ? », demanda Coureur des sables.
« Parler », dit le Vieux sage.
« Pour quelle raison ? »
« Parce que ce n'est pas le moment d'agir. Il est toujours bon de parler beaucoup, de discuter de ce qui a été fait et de tout ce qui pourrait être fait, quand il n'y a rien à faire. Tous les grands mouvements politiques de l'histoire sont nés dans une prison. »
Commenter  J’apprécie          00
« Il faut bien que nous ayons quelque chose, vous comprenez », me dit-il, et pour la première fois je n'eus l'impression qu'il me parlait pour me soutirer de l'argent. « Quelque chose que nous puissions vendre, qu'ils puissent tenir dans leurs mains. La vérité ne se vend pas — c'est ce que je disais à ma femme ; c'est ce que je dis toujours à mon fils. »
Commenter  J’apprécie          00
Vous croyez peut-être que le gouvernement est fort et que nous sommes faibles ; vous vous trompez. Le gouvernement est énorme et riche, mais il n’est pas fort. Ses membres massifs sont ligotés par dix mille liens, trop fins pour vos yeux. Ils sont ligotés par la religion et la moralité, et par la nécessité de paraître moraux et religieux même quand la vraie religion et la véritable moralité indiquent une autre direction. Ils sont aussi ligotés par leurs sales affaires, leurs rackets et leurs politicaillons qui se sont tous acheté leur petit territoire.
Commenter  J’apprécie          30
Il y avait un balcon dont le tapis de neige molle attestait que nul ne l’utilisait en hiver. Lui s’y risqua. Il ouvrit les portes-fenêtres et sortit, en pardessus, pour observer la mer hivernale. Les vagues étaient de ce vert presque noir que les artistes, lui avait-on dit, appelaient bronze ; elles battaient la plage déserte comme des êtres doués de raison, comme autant d'ouvriers qui savaient que le travail allait prendre fin, les derniers rochers, les derniers grains de sable balayés au fond de l’eau, et que, d'ici là, ils continueraient de toucher leur salaire.
Commenter  J’apprécie          30
Par-dessus tout, dans le monde réel, les tramways avaient été supprimés voilà très très longtemps et leurs rails enfouis sous des couches et des couches d’asphalte. À vrai dire, il avait été insensé de les supprimer. Ils ne coûtaient pas cher, économisaient l’énergie et ne polluaient pas. Pourtant, on s’en était débarrassé tandis qu’on laissait subsister une centaine de gadgets inoffensifs — c'était comme ça qu’on savait qu'il s’agissait bien du monde réel.
Commenter  J’apprécie          20
Gene Wolfe
Le plus gros désastre écologique ayant touché la planète à ce jour, à savoir l’invention du plastique, est dû aux technologies (si je pouvais retourner dans le passé pour annuler une seule et unique découverte, je choisirais l’invention du plastique).
Commenter  J’apprécie          00
La route paysagée qui bordait l’ouest du campus faisait déferler du centre-ville un fleuve d’acier et de caoutchouc hurlants. Des pins odoriférants poussaient de l’autre côté. La licorne trottinait sous leur couvert, parfois cachée, parfois martelant de ses sabots la bande d’herbe folle parallèle à la bande de gravier taché d’huile qui longeait la chaussée. C’est là qu’Anderson l’aperçut, par la fenêtre de son bureau.
Commenter  J’apprécie          00
À la station, découvrir que Mark était le seul humain m’a rassuré. Le patron était des nôtres, très imposant dans un énorme placard gris vieillot, mais il m’a accueilli d’une voix chaleureuse qui m’a donné l’impression d’être chez moi. Il y avait aussi là un autre compagnon, de la fournée de deux ans avant la mienne, s’est-il avéré, revenu de mission faire son rapport et prendre du repos.
Commenter  J’apprécie          00
Eata fit un geste. « Vous voyez ces vêtements qu’on met à tremper au bout d’une traîne ? Les gens d’ici mangent à leur faim, ce qui leur permet d’avoir deux ou trois chemises. Plus au sud, vous n’en verrez plus - une personne qui a une seule chemise, une seule robe, ne les lave guère, mais vous verrez de la fumée. Plus loin, on n’en voit même plus. C’est la ville morte, ils n’allument pas de feux : qui sait ce qu’ils risqueraient d’attirer ? Des omophages, voilà comment mon vieux professeur les appelait. Cela signifie : ceux qui mangent la viande crue. »
Commenter  J’apprécie          10
Les mêmes critiques qui consacrent des centaines de pages à disséquer la nature supposée de l’auteur oublient souvent d’en réserver une seule à cette personne néanmoins primordiale : le lecteur pour lequel on écrit.
Commenter  J’apprécie          00
Une fille appelée Vent dans les cèdres vivait au pays des pierres qui s’éboulent là où les années sont plus longues, et il lui arriva ce qui arrive aux femmes. Son corps devint lourd et maladroit, et ses seins se durcirent et laissèrent perler du lait. Quand ses cuisses furent mouillées, sa mère la conduisit à l'endroit où naissent tous les hommes, là où deux longues avancées rocheuses se rejoignent. On y trouve une étroite bande de sable lisse, et une pierre nouvellement placée au milieu de quelques buissons à l'intersection. À cet endroit, où les invisibles sont favorables aux mères, elle mit au monde deux garçons.
Commenter  J’apprécie          70
Dans mon ignorance, je m'étais imaginé qu'à la tombée de la nuit, j'aurais laissé la ville loin derrière moi, et qu'il me serais possible de dormir dans une relative sécurité au pied de quelque arbre. Mais en réalité je n'avais même pas fini de traverser les quartiers les plus anciens et les plus pauvres lorsque à l'ouest la terre bascula pour engloutir le soleil. Il aurait été suicidaire de demander l'hospitalité dans l'une des maisons branlantes qui longeaient la Voie d'Eau tout comme de tenter de se reposer dans un coin quelconque. C'est pourquoi je continuai à me traîner sous les étoiles que le vent rendait plus brillantes, avec l'avantage, aux yeux des rares piétons, d'avoir l'air d'être simplement quelqu'un d'habillé de sombre, une lourde paterissa sur l'épaules, et non point un bourreau.
Commenter  J’apprécie          10
Gene Wolfe
- Est-ce que jack Vance vous a beaucoup influencé, et à quel point le cycle de la Terre Mourante vous a servi de modèle pour le Livre du nouveau soleil ?
- C’est considérable. Je n’ai pas essayé d’imiter la Terre mourante, mais j’ai certainement pris cette idée de Jack Vance. Je l’ai lu de nombreuses années avant et cela m’avait énormément impressionné. Donc oui, ça a été une influence considérable. Je suis sûr que c’est là que j’ai pris l’idée de base qui sous-tend le Livre du nouveau soleil, l’idée d’une antiquité distante et d’une catastrophe imminente.

Fanzine Nova express, entretien réalisé par Lawrence Person, automne hiver 1998.
Commenter  J’apprécie          10
Maître Gurloes, qui a pratiqué un nombre impressionnant d’exécutions, avait l’habitude de dire que seul un sot se soucie de commettre une erreur pendant le déroulement de la cérémonie – glisser dans le sang, par exemple, ou ne pas avoir remarqué que le décapité portait perruque et vouloir soulever sa tête par les cheveux
Commenter  J’apprécie          20
L'homme à deux têtes , vautré sur le divan , de l'autre côté du rideau écarlate , souleva sa coupe en réponse à ma révérence. " Je vois que vous savez qui est en face de vous." C'était celle de gauche qui avait parlé.
Commenter  J’apprécie          10
Ensemble nous vivrons, ensemble nous partirons.Tu connais l'abomination.." sa main se referma sur la mienne "La nécrophagie... La dévoration des vies terminées..."
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Gene Wolfe (546)Voir plus

Quiz Voir plus

Les reptiles

Lequel de ces animaux n'est pas un reptile?

Tortue
Rainettes
Serpents
Lézards

8 questions
5 lecteurs ont répondu
Thèmes : reptilesCréer un quiz sur cet auteur

{* *}