AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Gilles Hertzog (19)


Comment être soi, quand on est en premier le fils du grand Tiepolo? Commencer par ne plus être, à chaque pas, assimilé, identifié à lui. M'éloigner. Afficher mon style, si différent du sien. En finir avec le fidèle appendice, l'habile surgeon.
Commenter  J’apprécie          110
Cette atmosphère de fêtes et de plaisirs, avec ses parades, ses langueurs et ses désillusions, telle serait la toile de fond de mes scènes de genre. Moments pittoresques de l’existence en société, impromptus de villégiatures, spectacles de rue, dans un mélange de maintien aristocratique et de liesse populaire à la fois : ma vraie raison de peindre serait cette douceur de vivre, cette commedia dell’arte en vrai. Avant qu’elle ne s’enfuie et disparaisse dans les tourments de l’histoire.
Commenter  J’apprécie          70
La Foresteria
extrait 1



… / ...

      Revenons à ces dames. Assuré de ma personne, je jugeais que je pourrais plaire, et ma jeunesse plaidait pour moi. Avec la comtesse A.S., experte en œillades et en galanterie - ce que les Français nomment marivaudage, d'après ce monsieur de Marivaux dont j'avais lu avec délectation Le Jeu de l'amour et du hasard , la partie, pour peu que la coquette s'y prêtât, se jouerait à fleuret moucheté. En revanche, vis-à-vis de sa suave enfant, je devrais composer avec l'innocence de son âge, user du registre des sentiments, inspirer de l'amour en lui faisant des contes, sans jamais alarmer sa pudeur.
Commenter  J’apprécie          50
C'était Carnaval



extrait 3

     Le défilé commençait. Depuis le quartier de San Zeno, saint patron de la ville, jusqu'à la Seigneurie, précédés d'un gonfalonier et d'un sergent, quarante-huit angelots à cheval vêtus de toile candide piquetée de rubans rouges en soie, béret de même couleur en tête, ouvraient la marche. Suivait un char de l'Abondance orné de couronnes de lauriers et escorté de cent jeunes gens en chemises à manches courtes. À leur tour, trente-six hommes, suivis à nouveau de quarante-huit jeunes gens, brandissaient des fourchettes pour les futurs gnocchis ainsi que des oriflammes, et déclamaient, cornemuses en bouche, des vers composés pour l'occasion. La troupe endiablée arrivait au palais du Podestat. Le Pape des Gnocchis monté sur un âne, escortant en triomphe le char de l'Abondance, invitait le Podestat à descendre sur la place déguster un plat de gnocchis agrémenté d'un verre de vin. Chose faite, le maître des cérémonies déclamait d'une voix pulchinellesque ses compliments macaroniques aux nobilités de la ville :


      « Pardonnez, Excellence, mon audace,
     Je suis hélas sans pain,
     Et me suis tant battu pour parvenir jusqu'à vous.
     Parlez, Excellence.
     Mais tais-toi, mon âne, tais-toi donc !
     Ma tâche est de prier Votre Excellence
     De venir avec nous à San Zeno.
     Parce qu'il est un homme bon,
     Il viendra en ce jour de cocagne pour Vérone. »
Commenter  J’apprécie          50
C'était Carnaval



extrait 4

     Le cortège des autorités s'ébranlait en carrosse derrière le char de l'Abondance, d'où l'on lançait à la foule, durant trois tours de la place, des pains à foison, « pour consoler l'estomac du peuple ». Puis l'on gagnait San Zeno, le chef des angelots à cheval et les cent jeunes gens en chemises à manches courtes précédant les autorités. Parvenu à bon port au milieu de la cohue populaire d'où fusaient les lazzis, tout ce beau monde montait sur une estrade où des Polichinelles offraient avec un cérémonial outré un gnocchi à chacun, puis passaient à la distribution générale. D'une grande bouche en plâtre sortaient les pains, d'une fontaine le vin. Il y avait des statues, des arcs de triomphe. autour de l'effigie de Tommaso da Vico étaient disposées de vastes tables où les pauvres de San Zeno engloutiraient d'énormes quantités de macaronis et des plâtrées de gnocchis. Les angelots à cheval raccompagnaient les autorités, et, délivrée des puissants, la fête durerait jusqu'à l'aube, ponctuée des frasques des Polichinelles.
Commenter  J’apprécie          40
Le monde nouveau ! Ainsi s’appelaient ces spectacles d’illusion que les baraques de foire, place Saint-Marc, dispensaient aux badauds à Carnaval. Une lanterne magique dévoilait un monde à venir, plein de pays rêvés, d’empereurs et de rois se livrant forces batailles. Ses gestes et mouvements, savamment décomposés se reflétant sur des miroirs optiques, chaque protagoniste semblait véritablement animé de vie, au grand ébahissement des spectateurs. Je représenterai ceux-ci tous agglutinés de dos face à la mer immobile, toutes conditions mêlées, l’œil vissé aux fentes de la tente où se succèdent les saynètes magiques.
Commenter  J’apprécie          40
C'était Carnaval



extrait 5

     Dans la Sérénissime, Arlequin, personnage vénitien s'il en est, incarnait l'esprit du Carnaval. Menant les sarabandes, régalant depuis les baraques de foire la foule des badauds de farces et de saynètes édifiantes, à l'occasion gaillardes, trompant son maître Pantalon, amoureux de sa fille Colombine, il était une joyeuse figure de comédie. Il y avait bien eu, dans mon enfance, ces deux Polichinelles à Carnaval, sur la place Saint-Marc, et ce moine illuminé criant que le Christ était le vrai Polichinelle. Ce n'était rien, comparé à ici.
Commenter  J’apprécie          10
La vérité est que, aussi fidèle lui serait-on, on ne peut, en peinture et en art, être un autre. Encore moins quand cet autre est son père. Et ce n’est pas faute d’avoir reçu son savoir-faire, ou de m’en être montré indigne. Il est si malaisé, à l’ombre d’un génie, de devenir soi-même.
Commenter  J’apprécie          10
Mon destin aura été scellé à 13 ans une fois pour toutes : fils du grand Tiepolo. Il me tient encore dans ses rets à la veille de quitter Zianigo et le monde des humains. Je demeurerai de part en part le fils de Tiepolo jusqu’à la fin, en art comme dans mon existence.
Commenter  J’apprécie          10

vous autres romains, qui réduisez l'art du portrait à de l'imitation, preuve et faite qu'il bat la nature sur son propre terrain. Qu'il rend les choses plus vraies qu'elle.
C'est bien dommages Vasari, qu'à Venise on ne commence pas par apprendre à bien dessiner et que les peintres n'y aient pas une meilleur méthode.
Commenter  J’apprécie          10

cette encontre du l'humain et du divin, ce dialogue du fini et de l'infini, n'est ce pas là le vrai génie de Michel Ange, qui laissa tant de statues inachevées, émergeant à demi du marbre comme l'aube de la nuit, l'être du chaos?
Commenter  J’apprécie          10

Michel ange s'accordant avec un de ses pairs pour qui le connaissait, la chose prêtait à rire.
Commenter  J’apprécie          10
et comme dieu pétrit l'homme de ses doigts, il m'arrive, à mes heures, de porter mes couleurs sur la toile de l'index ou du pouce, sans le secours d'un pinceau ou d'une brosse...
Commenter  J’apprécie          10
Dieu créa l'homme sans faire avant que je sache de dessin. Et bien je peins de la façon qu'inventa le créateur
Commenter  J’apprécie          10
ainsi, pour vous les romanistes, découper toutes les formes au cordeau, trancher net les contours des bords serait le nec plus ultra de l'art?
Commenter  J’apprécie          10
C'était Carnaval



extrait 7

     Mon père, le premier, était si friand du spectacle des Polichinelles frondeurs qu'il brossera deux toiles, La Cuisine de Polichinelle, où l'on voit s'affairer autour d'une marmite dans un beau désordre de pots renversés et d'ustensiles à même le sol, puis un Polichinelle coupable, illustrant le dicton : « Chi mangia gnocchi, caca gnocchi », où l'un d'eux défèque sans façon devant ses comparses qui le regardent s'exécuter avec des mines de circonstance. Comme je l'ai évoqué dans la scène de la place Saint-Marc, mon père fera sur ce thème des Polichinelles une vingtaine de dessins de sa meilleure veine, que l'ami Algarotti vantera avec ses superlatifs habituels après avoir acquis les deux toiles en question.

     Quant à moi, l'image des Polichinelles ne me quitterait plus. Et l'on sait quel usage parodique je ferai d'eux, les mariant aux Vénitiens à la chute de Venise dans ce ballet final que sont mes 104 Divertissements pour les jeunes gens conclus à la veille d'entamer cet écrit.
Commenter  J’apprécie          00
C'était Carnaval



extrait 6

     Originaires de Naples, les Polichinelles formaient à Vérone un genre en soi, et quel genre ! Plongés en bande dans la foule qu'ils fendaient à plaisir, bossus, ventrus, tout de blanc vêtus comme il se doit, chapeau conique en tête, masque blanc et nez crochu, bâfreurs invétérés de gnocchis, fainéants autant que parasites, diseurs de poésie non moins que de propos salaces, faisant la cour aux plus jeunes vierges comme aux vieillardes édentées, improvisant une bacchanale de pur semblant, brocardant par leurs dérèglements l'ordre des choses et la civilité des mœurs, leur apparition me fascina. Jouant du ridicule de leur propre déréliction en provocateurs rompus aux postures les plus incongrues, les libertés qu'ils s'arrogeaient ici étaient à cent lieues de ma Venise policée, confite en traditions, avec pour credo intangible la tranquillité publique et le respect des hiérarchies, à peine écornées à Carnaval.
Commenter  J’apprécie          00
C'était Carnaval



extrait 2

     Ces Gnoccolare, le fête des gnocchis, commémoraient chaque année une émeute populaire de 1531 contre la famine décimant Vérone à la suite des guerres d'Italie entre François Ier et Charles Quint qui avaient ravagé le pays, et d'une inondation de l'Adige et du Pô qui avait ruiné les récoltes. Pour calmer la turbulence des émeutiers et apaiser la populace, à l'instigation d'un excellent homme, Tommaso de Vico, médecin de son état, on dispensa au peuple du pain, du vin, du beurre, de la farine, des châtaignes et des olives.
Commenter  J’apprécie          00
C'était Carnaval



extrait 1

… / …
     C'était Carnaval, le premier vendredi d'avant les Cendres. Et Scipione Maffei, mon père et moi assistâmes, mêlés à la population, aux Gnoccolare, une fête burlesque toute en symboles où, à l'encontre de Venise durant les mêmes réjouissances, le peuple s'empare du pouvoir pour une nuit. Mais quelle nuit !
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Gilles Hertzog (29)Voir plus

Quiz Voir plus

quiz le seigneur sans visage

Où se trouve le château ou Michel se trouve ??

Niort
Poitier
La Roche Guyon
La rochelle

10 questions
310 lecteurs ont répondu
Thème : Le Seigneur sans visage de Viviane MooreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}