Giorgio Scerbanenco :
Les Enfants du massacreOlivier BARROT, dans une salle de classe, présente le livre de
Giorgio SCERBANENCO, "
Les Enfants du massacre". Né à Kiev en 1911, Seerbanenco fait tous les métiers avant de se spécialiser dans le polar.
"La violence est un instinct inné chez l'homme, tout comme l'amour, le sommeil ou la faim. Les hommes sont agressifs par nature, il n'en est point qui soient doux. L'homme et la douceur ne vont jamais de pair ou bien, quand cela se produit, il s'agit en l'occurrence d'individus anormaux chez lesquels la violence refoulée au plus profond de l'être finit toujours par provoquer des troubles psychiques et d'ordre caractériel. Il est donc salutaire d'employer cette violence, cette agressivité à des fins socialement utiles. Et c'est pourquoi les jeux que nous organisons sont à la fois violents et utiles. Venez voir."
Ce ne fut qu'avant de disparaître dans le jardin qu'il regarda un moment son géant de fils. Dans son regard, il y avait de tout, plus que dans un supermarché : de la compassion, de la haine, de l'ironie, du mépris, la voix du sang, et une douloureuse affection paternelle.
On est trop sensibles, enfin, on est ridiculement divisés en deux catégories bien distinctes : les cœurs de pierre et les sensibles. Certains massacrent leurs famille, femme, mère et enfants, à la hache puis, en prison, demande tranquillement un abonnement à la Settimana enigmitica pour faire les mots croisés. Et il y en a d’autres a l’inverse, qu’il faut interner parce qu’ils ont laissé la fenêtre ouverte, que leur chat a sauté sur le rebord et qu’il est tombé du cinquième étage : ils se sentent responsables et ça les rend fous.
Il regarda le vieil homme, lui tenant toujours le poignet : il était sur son lit, immobile et sans ressort, comme démoli de l'intérieur, les yeux vides, ni mort ni mourant, mais bien évidemment détruit, telle une radio aux transistors grillés. Intacte en apparence et pourtant irrémédiablement muette.
La nouvelle qu'on a gagné au loto semble bonne mais si l'on passe sous l'autobus en allant encaisser les gains, ce n'est plus vraiment une bonne nouvelle.
L'effet d'une absorption de bolder – hallucinogène dont le nom dérive d'une formule chimique qui demanderait de trop longues explications – cet effet-là dure environ deux heures. Deux heures durant lesquelles un homme se sent tout-puissant à tout point de vue : il lui semble de vivre dans un monde en cinérama, en couleur, et qu'accompagne un grand, un très grand orchestre. Physiquement – mais peut-être n'est-ce là qu'une sensation illusoire – il se sent capable d’assommer un bœuf à coup de poing. Sexuellement, il a l'impression de ne devoir plus rien envier, bien au contraire, au coq andalou -lequel est réputé non seulement pour sa férocité au combat, mais, plus encore, pour le nombre incroyable de poules qu'il parvient à séduire. Le bolder vous rend, autant dire, plus gaillard, plus apte au déduit, vous transformant en Superman, en Nembo Kid et même un peu en Diabolik ou en marquis de Sade.
Beau gosse. P74
Oh, en prison il avait aussi appris à écouter, ses compagnons de cellule avaient de longues histoires mensongères à raconter, des histoires sur leur innocence, des histoires de femmes qui avaient causé leur perte, des Abel tués par des Caïn, des Adam corrompus par des Eve, tous autant qu’ils étaient.
Il devait y avoir tout un régiment de flics. Il ne lui vint même pas à l'idée d'essayer de fuir ; il sentait bien que tout le quartier était cerné. Il se contenta de répéter :
-Alors t'es morte, ma petite.
Et ses dix doigts se resserrèrent inexorablement autour du cou de Christina.
Puis il commença de s'habiller, tandis que s'amplifiait le tintamarre des sirènes de la police, car il lui aurait souverainement déplu d'être arrêté tout nu.
Beau gosse. P84
Elle n'était pas tellement fière, pas tellement contente non plus, d'envoyer en taule un si beau gosse. Mais on n'a pas idée aussi de proposer le mariage à la première pute venue, laquelle se trouve justement en cheville avec les flics.
Seulement depuis hier, page 62
C'est ainsi que Davide put lire tout ce qu'il appréhendait en première page d'un de ces journaux, un titre sur cinq colonnes: ELLE S'OUVRE LES VEINES A METANOPOLI, ce qui donnait à la nouvelle une saveur de topologie dramatique, comme si le fait de s'ouvrir le veines à Metanopoli était l'annonce des mœurs à venir, un signe des temps; aujourd'hui on ne s'ouvre plus les veines platement chez soi, dans des villages ou des cités vieillottes, ou au nom vieillot, Pavie, Livourne, Udine; aujourd'hui, on s'ouvre les veines dans les nouveaux complexes pétroliers, ceux de l'industrie lourde, esclave au fond, jusque dans cet ultime acte de volonté ou de désespoir, de la marche impitoyable vers l'avenir.