Citations de Guy Lobrichon (95)
[Bertrand Fessard de Foucauld]
La dépression n’est pas un état mais une aventure : elle ne met pas l’être humain en dépendance passive, mais bien au contraire, à la rencontre active de lui-même, dans la situation la plus éprouvante qui soit, celle de la suprême tentation.
La mort, la maladie, la déstructuration mentale et la folie sont quelques-unes des épreuves que [le chamane] devra rencontrer afin de parvenir à un détachement total des éléments de sa propre personnalité qui pourraient empêcher la communication avec ces forces.
La descente aux enfers est, dans son ordre, aussi vertigineuse que l’Ascension. Par là nous est fournie une nouvelle mesure jusque-là inconnue de la transcendance, puisque le Christ nous déborde cette fois à partir de nos propres profondeurs.
Le verbe « exorciser » est un hapax dans le Nouveau Testament : il signifie faire prêter serment à quelqu’un : c’est une sommation.
La possibilité de l’enfer permet à l’homme de comprendre quelle est sa liberté de répondre par son amour à l’amour de Dieu.
[A propos de l'Enfer de Dante]
La tradition littéraire des voyages dans l’au-delà est longue, et particulièrement au Moyen Âge (que l’on se rappelle par exemple la Navigation de saint Brendan). Mais aucune n’a cette ampleur. Ce qui frappe, en tout cas, c’est que la fiction n’est pas mise à l’écart du réel et de l’histoire. Dante fait sa traversée avec toute sa mémoire intime (l’amour de Béatrice), et publique (quand il rencontre sans cesse humanistes, hommes d’Eglise ou hommes politiques de son temps ou des temps passés).
La contemplation chrétienne n’est ni une dissolution ni une fusion ; elle est un paroxysme de personne, elle est la matrice de tout amour, en fait de toute relation, et elle donne, selon des sens que les plus grands mystiques eux-mêmes ne surent décrire, une connaissance supérieure, totale, alors que tout semble se produire dans l’inconnaissance et l’obscurité.
Saint Paul emploie deux mots pour désigner les charismes : charismata (qui souligne leur gratuité divine) et pneumatica (qui exprime leur origine : l’Esprit Saint –pneuma, en grec).
Les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance réduisent l’adulte aux conditions de l’enfance ; l’inédie, faculté de vivre sans nourriture –à bien distinguer de l’anorexie mentale-, évoque un retour à l’état fœtal ; la lévitation fait flotter le corps en l’air comme un embryon dans le liquide amniotique, et la grande extase biostatique rappelle le statut de l’œuf à l’instant de la fécondation. En réalité, ce pèlerinage aux sources n’est pas une régression mais un moyen d’échapper à la tyrannie hormonale, à la faim, à la pesanteur, et, par la voie d’émergence de facultés métapsychiques, aux contraintes de l’espace, du temps et du mouvement, non par volonté de puissance mais par vocation spirituelle. L’ascèse mystique double le cycle normal de la vie en lui superposant un second cycle qui progresse en sens inverse pour lui imprimer une tension génératrice d’énergie. […] C’est de l’écart entre le courant normal de la probabilité entropique et le contre-courant ascétique de l’improbabilité syntropique que surgissent les ressources nécessaires à l’éclosion des phénomènes paranormaux de l’anthropologie mystique, signes de l’émergence de mutations vers une bio-psychologie supérieure qui mérite le nom d’ « hagiologie ».
La guérison est un cas intéressant d’autosuggestion.
-Alexis Carrel-
Le péché originel est réinterprété à la lumière du dualisme matière-esprit. Adam est sorti de la conscience divine où il se trouvait car il a cru en la réalité de la matière. Il s’est donné l’intelligence qui a imaginé le monde physique.
Par sa mise en scène du pacte démoniaque, le théâtre sabbatique transforme le sorcier en faisant de l’ignorant superstitieux, victime des prouesses de Lucifer, l’apostat volontaire, criminel de lèse-Majesté divine et terrestre.
La croisade ratée a été –paradoxalement ou extraordinairement- pour Louis IX une croix qui, dans la sensibilité populaire, a fait de lui sinon un vrai Christ, du moins un véritable saint.
La vie individuelle se déroule en trois phases : l’ « embryomorphose qui va de la conception à la naissance, la « biomorphose », de la naissance à la mort fonctionnelle, et la « thanatomorphose », de la mort fontionnelle à la destruction organique ou au trépas.
Le geste de croire peut être caractérisé comme cet acte par lequel l’homme, renouant tous les fils de son existence, la rapporte à Dieu et la transforme dans et par ce rapport même, dans la mesure où Dieu est cette « Réalité » mystérieuse, à la fois tout autre et gracieusement bienveillante à notre égard.
« […] Dans la mort, l’âme ne devient pas acosmique mais, si l’on peut s’expliquer ainsi, pancosmique » (Karl Rahner), c’est-à-dire que loin « d’être privée de tout rapport à notre monde, elle communique avec lui dans une ouverture plus universelle » (Bernard Sesbouë).
La cybernétique ou informatique, ce « carrefour des sciences », réactualise sans l’avoir cherché deux concepts aristotéliciens : l’information comme organisation, et la cause finale : son codage imprime une organisation, son décodage exprime une connaissance. Organisation et connaissance y sont réciproques, cause efficiente et cause finale symétriques –comme dans les équations fondamentales de la physique.
Le botaniste, quand il décrit et classe un ensemble de fleurs réuni dans un vase, ne dit rien de la signification du bouquet d’anniversaire que celui-ci représente. Il passe donc à côté d’un pan entier du réel : le sens humain dont ce bouquet est porteur.
Selon la théologie catholique, le diable a loisir d’intervenir en ce monde par l’intermédiaire de l’humanité (corps et esprit) en profitant d’une blessure affective, d’un déséquilibre psychique ou d’une carence spirituelle, à l’abri desquels il se dissimule. Son but n’est pas de réaliser des prouesses mais de faire obstacle à Dieu.
La magie s’inscrit dans une connaissance du réel tel que le propose l’ésotérisme : le réel –visible et invisible- est né à partir d’un déploiement dans l’espace et le temps, de la substance divine. […] Dès lors, connaître Dieu et le monde, c’est connaître un système de correspondances qui, du microcosme au macrocosme, permet, à partir d’un élément isolé, de connaître celui dont il est la source ou le reflet. […] Cette conception du réel, qui existe ou a existé dans toutes les civilisations, fournit un cadre à la magie : la possibilité, à partir d’une parcelle de l’univers, d’agir sur une autre qui lui correspond.