Dans l'eau claire, lumineuse
Lumineuse comme du jade
On voit naturellement jusqu'au fond...
Quand le coeur est libre de toute pensée
Les dix mille circonstances ne peuvent le toucher
Si le coeur ne s'agite pas pour des futilités
Le changement éternel ne saurait le troubler
Si l'on comprend cela
Si l'on comprend bien cela
On sait qu'il n'y a ni dos ni face !...
Je vois les hommes de ce monde,
Perdus, perdus, arpentant les chemins de poussière,
Sans comprendre ce qu'ils sont en train de faire
Comment s'en sortir ?
Les jours fastes, combien en tout ?
Parents et amis ne sont proches qu'un court moment
Mille mesures d'or ?
Incomparable, être pauvre sous un arbre.
Les hommes et les femmes d'aujourd'hui, comme ceux d'hier, cherchent le chemin des nuages
Le chemin des nuages est obscur, nulle trace pour se repérer
Les montagnes sont escarpées, les précipices redoutables
Larges sont les torrents et troubles sont leurs eaux...
Devant, des pics de jade, derrière, d'autres pics de jade
Partout des nuages blancs, à
l'ouest, à l'est
Voulez-vous savoir où se trouve le chemin des nuages ?
Nulle part, le chemin des nuages, c'est le vide !
Ai-je un corps ou n'ai-je pas de corps ?
Est-ce un moi ou n'est-ce pas un moi ?
Ainsi va la pensée consciencieuse
Le temps passe, assis contre la falaise
Les herbes vertes poussent entre mes pieds
Les poussières rouges tombent sur ma tête
Je vois déjà les ouailles offrir
Du vin des fruits sur mon lit de mort
les pics s'accumulent, sans que l'on en connaisse le nombre
la rosée pleure sur mille sortes de plantes
la brise murmure également dans les pins
en ce moment, perdant la trace du sentier
le corps interroge l'ombre : que suis-tu ?
p 57
j'habite la montagne
nul ne me connaît
dans les nuages blancs
toujours seul et en paix
p 27
Depuis que j'habite à Han-shan ("montagne froide"),
Combien de dizaines de milliers d'années ont passé ?
Suivant mon cours, retiré dans la forêt près d'une source,
Je déambule, me repose et contemple à ma guise
La falaise est froide, les hommes ne viennent pas
Les nuages blancs sans cesse s'amoncellent
Les herbes tendres pour couverture,
Joyeux, la tête sur une pierre,
Je laisse ciel et terre poursuivre leur changement
Je me tourne devant le torrent, reflet dans le courant bleu-vert
Où face au bord des pics, assis sur un rocher stable
Le coeur ressemble au nuage isolé , nulle part soutenu
Les si lointaines affaires du monde, pourquoi les rechercher?
Ma vraie demeure est sise aux terrasse du Ciel,
Dont les brumeux sentiers bloquent les visiteurs.
Cent mille pieds d’abrupts protègent ma retraite :
Le palais des rochers que baignent mille rus.
je longent les torrents, affublé de branchages,
je traîne autour des pics dans ma vieille pelisse.
Depuis que j’ai compris que la vie est magie,
Je jouis de flâner ; comme c’est merveilleux !
J’ai pris la route du Mont Froid,
Dont les voies sont sans fin.
Les pierres tapissent les ravins étirés.
L’herbe grasse aborde le torrent vif.
La mousse glisse en dépit de la pluie retirée,
Et les pins chantent sans le concours du vent.