« 1898 , dans l’ouest australien. Ils s’enfonçaient dans le soleil. Marcher, encore marcher. Ils étaient en route depuis si longtemps. Ils arrivèrent à hauteur d’un eucalyptus solitaire qui se dressait sur la terre aride, ses feuilles étroites étaient grises de poussière. ..Elle se réveilla en sursaut et frotta son visage et ses vêtements pour se débarrasser des mouches. Elle regarda autour d’elle mais ne le vit pas ».
La petite Léonora est abandonnée en plein bush par son père. Les mots de l’auteure sont là pour décrire la souffrance de cette petite fille, on voit bien ses larmes qui coulent sur ses joues. Le soleil tape trop durement sur ce petit corps qui prend la rigidité du bois, elle se déshydrate à vue d’œil. Ghan, l’homme rude au bon cœur, abîmé lui aussi par la vie la voit et l’emmène dans son chariot jusqu’au village le plus proche. Le Dr Carlton la soigne mais ne voulant pas la garder auprès de lui, la petite Léo passe de famille d’accueil en famille d’accueil toujours convoyée par des hommes en uniforme pour enfin atterrir dans un orphelinat. Ce sera pour elle le commencement d’une nouvelle vie auprès du père Mc Intyre et d’un nouvel ami James, petit orphelin comme elle. L’auteure nourrit là une réflexion intense sur l’abandon et ses conséquences. Cet abandon laissera une grande insécurité chez Léonora. On le verra plus tard lorsque Léonora sera adoptée par Eléonor Fairfield, les mots durs qu’elle lui infligera la terrorisera et lui fera revivre ses plus grandes angoisses du passé.
Léonora deviendra peu à peu une belle jeune femme attentive, sensible, toujours blessée au plus profond d’elle-même bien sûr, mais avec un regard aigu sur la réalité avec une grande habileté à arracher les masques autour d’elle . Une personnalité toujours plus forte car elle arrive à apaiser ses peurs intérieures, sagace aussi pour être capable de ressentir et d’analyser avec force l’humanité qui l’entoure, notamment avec le drame des enfants aborigènes.
Toute la vie durant, Léonora et James essayeront de briser leurs chaînes pour vivre pleinement leur destin avec un grand courage et beaucoup d’amour et de passion. Si le destin de James a bien des revers de fortune et le place dans un équilibre précaire, ce n’est pas une force implacable car il est capable de prendre en main sa vie et d’en changer le cours.
Nous découvrons aussi de grands paysages autour du ranch de Wanjarri Downs dans lequel Léonora va devoir vivre avec son mari Alex qui lui, ne respecte que l’argent. On a là un champ de vision élargi avec des paysages grandioses, sauvages, rudes où le soleil étale ses lueurs orangées sur une terre sèche, trop sèche, il y a le feu, les animaux, mais aussi la misère, la faim, la peur, la maladie et la mort avec les mineurs de la mine de Coolgarie, à ce moment-là du récit on découvre deux mondes parallèles, celui des damnés de la terre et celui des nantis. Harmony Verna peint avec beaucoup de réalisme l’Australie. Elle décrit avec précision les paysages brûlés par le soleil et la vie à Wanjarri Downs. Le soleil est omniprésent tout au long du roman. Il provoque une ambiance lourde et accablante. Il cause la souffrance des gens marqués physiquement ainsi que celle de la terre, victime elle aussi de la sécheresse. Ghan était l’un de ces malheureux mais il ne va plus dans la mine à présent à cause de sa jambe de bois. Les animaux et plus particulièrement les chevaux ne sont pas épargnés eux non plus par leur vie de dur labeur.
Quand on lit le roman d’Harmony Verna on se plonge dans un paysage de terre aride, on le parcourt, on revient en arrière pour se rafraîchir la mémoire d’une scène frappante, d’une expression heureuse ou malheureuse. Les sensations, les mots et les émotions résonnent en nous et se font échos tout au long de notre lecture.
C’est un très bon roman avec des personnages qu’on aime et d’autres qu’on déteste. Tous les ingrédients sont là pour passer un excellent moment de lecture : amour – passion – évasion.
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