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Critiques de Harold Pinter (42)
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La collection - l'amant - le gardien

Mais que s’est-il passé lors d’un voyage professionnel entre Stella et Bill, tous deux travaillant dans la mode et le prêt-à-porter ? Le mari de Stella l’affirme son épouse lui a avoué avoir eu une aventure d’un soir avec le jeune homme.



C’est pour demander des explications que James s’invite dans le bel appartement de Belgravia, le quartier chic de Londres. Bill qui vit en couple avec Harry, un quinquagénaire installé et sûr de lui, a tôt fait de lui prouver que les femmes ne sont absolument pas son domaine.



Les habiller oui, coucher avec, même pas en rêve, pourtant les souvenirs deviennent flous, un ascenseur pris ensemble, deux chambres d’hôtel au même étage…alors le doute s’installe...Il s’est peut-être passé quelque chose mais tout est dans ce « peut-être ». Les deux couples vacillent et chacun avance masqué pour essayer d’entrevoir une vérité. Mais, qui se masque se démasque, et au jeu des faux-semblants tout le monde est perdant.



« La collection » est un concentré de l’œuvre d’Harold Pinter le spécialiste de l’épure conjugale, du mensonge et de la trahison. Tout est dans cette pièce de théâtre courte mais d’une grande intensité. Deux couples en présence pour disséquer les rapports humains qui sont comme d’habitude chez le dramaturge : servitude, domination, lutte des classes perdue d’avance, jalousie, hypocrisie, solitude au milieu des autres.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le Gardien

Sur ma route de découverte des Nobel, première incursion dans l'univers de Harold Pinter. Sans clés de lecture évidemment, l'auteur se faisant à la Beckett un malin plaisir de n'en pas donner, sans compter que la lecture "sèche" sans l'aide de la mise en scène et du jeu d'acteur n'a pas aidé la lectrice déroutée que je fus à sortir du brouillard.

Restent des impressions sur cette pièce qui m'aura au final assez plus, bien que je sois bien en peine d'expliquer pourquoi.

Peut-être est-ce d'avoir été bousculée par des sensations mêlées au vu de ressentis contradictoires, tantôt de violence tantôt de fraternité profonde, presque de la tendresse; perturbée aussi par le personnage de Davies qui parait tour à tour écrasé par son sort, vagabond misérable, puis manipulateur démoniaque.

En tout cas il y a quelque chose de l'atmosphère de la chambre dans laquelle se déroule cette pièce qui m'a attrapée, avec son décor sombre, ce bric-à-brac d'objets entassés comme des déchets d'une vie trop lourde à porter, et ces trois hommes qui se livrent à un commerce humain sans objet ni sens.

A relire...
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C'était hier

Anna vient rendre visite à son ancienne amie Kate et son mari... et voilà que tout se brouille.



Malaise et vertige à la lecture de cette pièce à l'étrange climat sensuel, dont les personnages semblent s'adresser à des miroirs, où les frontières du temps semblent se renverser, où il semble que cela soit les morts qui convoquent les vivants, où ce que l'on entend ce sont les silences.



Autant mise en scène et décors m'avaient manqué à la lecture de "Le gardien" du même auteur, autant j'ai aimé me laisser porter par l'épure des mots de cette pièce, cette dernière offrant plus de portes de perception à son lecteur. La préface raconte que l'auteur s'était violemment ému d'une mise en scène italienne vulgairement érotisée de son texte, on le comprend : c'est une porte bien étroite sur son travail.
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C'était hier

Je ne connaissais pas le théâtre de Pinter. A lire la préface, cela m'a fait penser au cinéma de Christopher Nolan. Allez savoir pourquoi, bien que, vu la chronologie, ce serait plutôt Nolan qui aurait pu s'inspirer de Pinter et de son style décalé.



Quoiqu'il en soit, voici un théâtre tout en mise en scène, où le non-dit est tout aussi important, voire davantage, que ce qui est exprimé.



J'aimerais beaucoup voir cela sur scène. Cela doit être un très grand moment.
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Célébration : La Chambre

Une courte pièce créée en 2000 et mise en scène par l’auteur lui-même à cette occasion, accompagnée d’une autre pièce, La chambre.



Nous sommes dans un restaurant à la mode coûteux, et passons régulièrement de la table un, à laquelle dînent deux couples, composés de deux frères ayant épousé deux sœurs ( Lambert et Richard, Julie et Prue) à la table deux où un seul couple dîne, Russell et Suki. Les rapports entre les couples semblent tendus, même si Lambert et Julie fêtent leur anniversaire de mariage. Mais la célébration du titre ne semble pas désamorcer les conflits, et les liens vraiment forts et apaisés semblent n’exister qu’entre les frères, et entre leurs deux épouses sœurs. Rien de grave, en apparence, plutôt une sorte d’agacements portants sur des petits riens. Les femmes sont futiles, voire un peu séductrices, les hommes courent volontiers d’autres terrains de chasse. A un moment les tables se rejoignent, car Lambert et Suki se sont déjà rencontrés, et ont sans doute été amants. Autour de tout ce petit monde gravite le personnel de restaurant, dans une bonhomie un peu factice, de nature surtout commerciale. Mais qui semble plaire aux clients.



J’avoue une petite déception à cette lecture, les personnages ont tout de même un côté un peu impersonnel et stéréotypé. Ces relations de couples sans aucune tendresse, des personnages sans grande épaisseur, sont peut-être une machine dramaturgique efficace, le passage régulier d’une table à l’autre allège quelque chose qui aurait pu provoquer une lassitude, une pointe d’humour féroce, bien exploitée doit faire de beaux effets sur une scène, mais à la seule lecture une frustration pointe. L’anniversaire m’avait beaucoup plus convaincue, car au-delà de la banalité des dialogues du quotidien, une inquiétude, une menace, arrivait à donner une autre dimension à l’ensemble, ce qui n’est pas le cas ici.
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Le Gardien

Première pièce de Pinter pour moi et impression assez indéfinissable. Le théâtre classé comme de l'absurde fait souvent naître en moi cette hésitation: est-ce bon ou ridicule ? du génie ou de la supercherie ? Un peu à l'image de l'art contemporain où on aperçoit les fulgurances mais où on reste par moments totalement insensible.



Les trois personnages qui se croisent dans cette pièce sont le reflet d'une certaine misère humaine. Ils se croisent, ont parfois l'impression de se comprendre, de trouver une oreille où déverser leur histoire. Et quand ils comprennent qu'ils se trompent ou quand ils révèlent qu'ils ont trompé l'autre, ils sont déçus et déçoivent.



C'est un message assez simple, qu'on perçoit parfois comme terre à terre. Certains moments ont sonné juste à mon oreille, d'autres plus creux. Peut-être aussi que la détresse qui sourd de ces pages n'est pas des plus faciles à supporter pour le lecteur.
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Le Gardien

"Suis-je le gardien de mon frère" ? Genèse, IV, 9

Deux frères dans la pièce de Pinter, et un homme, sans abri, que l'un des frères ramène chez eux, dans leur taudis. Les deux frères vivent plus ou moins ensemble et le sans abri tentera d'une drôle de façon de prendre la place de l'un ou de l'autre, juste pour avoir un coin où dormir, pour y vivre ou y mourir.

Qui garde qui dans cette pièce ? Qui est le gardien ? le sans-abri à qui on propose un job de gardien ? le frère qui prend sous son aile, au début, le sans-abri ? L'autre frère qui héberge son frère ?

Le message de fraternité et de solidarité sous-jacent est parasité dans la pièce par des silences répétés, par des bruits gênants comme celui de la goutte dans le seau d'eau, par les bruits suggérés du frère qui bricole tout au long de la pièce, toujours sur la même pièce, parce que le travail ne se fait pas, et du coup, rien n'avance dans les travaux de la maison qui est une maison délabrée, dévastée, encombrée par tout un tas de bric-à-brac sans valeur, et la maison reflète les dialogues de la pièce, qui virent souvent au monologue parce qu'on ne s'écoute pas, qu'on se perd dans les méandres de sa pensée, comme si on se devait de fouiller dans les tiroirs des meubles cachés sous le lit à chaque fois qu'on cherche une phrase à balancer à l'autre. Parfois, on sort un couteau et on s'attend à la reproduction du geste de Caïn sur scène, à un meurtre mais le meurtre reste symbolique dans la pièce, comme si l'on tuait l'autre, si différent, autrement, par son indifférence, peut-être.
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Célébration : La Chambre

Après une journée de coït formidable entrecoupée de pauses chocolats et pâtes de fruits, que peut-on faire de mieux que lire un coup ? Fouillant dans ma pile de livres non-lus, j’extirpai de sa fosse cet ensemble de deux pièces de théâtre d’Harold Pinter. Le programme de la journée semblait pouvoir être favorablement contenu dans « Célébration » (pour les chocolats) et « La chambre » (pour le coït).





Pourquoi est-il préférable de se livrer aux attouchements sexuels la journée plutôt que la nuit ? 1) la fatigue ne culminant pas encore, il est plus facile de battre la durée moyenne des rapports sexuels estimée à 5 minutes ; 2) c’est une bonne excuse pour ne pas aller au travail ; 3) je n’arrive pas à dormir le soir si je n’ai pas pu lire tranquillement au moins trente minutes.





J’eus longtemps coutume de rabattre mes désirs sexuels sur des représentants masculins plus âgés que moi, poussant le vice à les rechercher lorsque leurs gamètes s’étaient déjà matérialisés sous ces formes d’entités physiques que l’on appelle « enfants ». Mais le temps passant, mes possibilités de séduire instinctivement s’étiolant avec l’âge, j’essaie de conjurer le sort du vieillissement en me rabattant sur de petits poussins qui, à part les putes, ne connaissent l’amour qu’à travers le judas. La libération sexuelle des femmes sera un peu moins inaccomplie lorsque celles-ci pourront encore être trouvées séduisantes à trente ans passés. Je ne fus pas déçue de trouver ce jouvenceau sans poils sous mes draps, bien que quelques désagréments survinrent en cours de coït. Ainsi, tandis que j’essayais de regimber le membre fuyant, je ne pus m’empêcher de songer à ce passage de « Malone meurt », livre écrit par Samuel Beckett, un mec qui s’y connaissait en érotisme :





« On voyait alors Macmann qui s’acharnait à faire rentrer son sexe dans celui de sa partenaire à la manière d’un oreiller dans une taie, en le pliant en deux et en l’y fourrant avec ses doigts. »





Mais Macmann était vieux, et que faisait-il lorsque l’essai de pénétration se montrait infructueux ? Il pleurait. Alors qu’avec un enfant sous les draps, il suffit de se replier sur le paquet de papillotes contenant pâtes de fruits et chocolats pour se divertir de l’échec. Notons en outre que ces papillotes achetées à bas prix contenaient des blagues exquises. Et me voilà fouillant au fin fond de la poubelle pour en retrouver quelques-unes : « - Que dit un sapin de Noël qui arrive en retard le soir du réveillon ? – Je vais encore me faire enguirlander » ; « - De quoi le père Noël souffre-t-il s’il est coincé dans une cheminée ? – De Santa Claustrophobie ! » ; « Comment une danseuse étoile rentre-t-elle chez elle tard le soir ? (pas de réponse, le papier est coupé) » ». Ni une, ni deux, le sucre et le rire aidant, le membre regimba pour de nouvelles et cosmiques aventures.





Michel Houellebecq écrivait qu’il fallait lire pour se désennuyer de la vie. S’il n’a pas toujours raison, avouons qu’il est loin de n’avoir pas toujours tort, preuve en est de ces pièces d’Harold Pinter d’une insignifiance rare. Ici, le texte fait pâle figure face au matériau carné de la réalité. Le papier servit cependant à effacer les traces des furieux éjaculats parsemés sur tous les murs à la fin de la journée. La nuit promet d’être sereine.

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La Guerre

Avec ce minuscule recueil ultra court, l'auteur livre en quelques poésies cinglantes, sa vision de la situation géopolitique sur plusieurs décennies. Dans un style percutant, rentre dedans, il condamne sans équivoque les politiques américaines interventionnistes des années 1950-2002, en particulier en Irak, au Proche-Orient, en Asie et en Amérique centrale et du Sud. S'il rend hommage aux victimes des attentats de New-York, il les considère aussi comme des dommages collatéraux, de la politique étrangère américaine agressive, controversée et dévastatrice en matière de morts, d'image et de résultats probants. Pour l'auteur, la guerre à tout prix est une catastrophe sans nom, une monstruosité sans but politique véritable, mais plutôt la marque d'une volonté hégémonique et la défense d'une coalition d'intérêts opaques sous couvert d'intention démocratique.

En des vers simples, mais à l'efficacité redoutable, le poète nous dit :

assez de sang versé inutilement…

Assez de victimes innocentes…

Assez…











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Le Monte plats - la Chambre

Cette pièce (La chambre) a été créée en 2000, en même temps que Célébration, dans une mise en scène de l'auteur lui-même.



Rose, le personnage principal, reste tout le long de la pièce en scène. Au début de la pièce, elle prépare et sert un repas à Bert, son mari sur le point de sortir. Elle est la seule à parler. Rose reçoit plusieurs visites dans la chambre du titre, dont nous réalisons qu'elle est louée dans une maison que le propriétaire a transformé en une sorte de pension. Vient d'abord Mr Kidd, le propriétaire, sous prétexte de petites réparations, mais surtout pour bavarder. Puis un couple qui voudrait louer une chambre dans la maison et qui ne trouve pas le propriétaire. Enfin, Mr Kidd, profitant de l'absence de Budd amène à Rose un homme qui veut lui parler en absence de son mari. Cette dernière est réticente, mais n'a pas trop le choix. L'homme est un vieil aveugle, qui semble surgir d'un passé que Rose semble rejeter. le retour de Budd terminera la pièce de manière tragique.



Cette pièce est extrêmement bien conçue du point de vue dramatique. Après une scène banale, une femme qui sert un repas à son mari, et qui bavarde sur tout et rien, un climat de plus en plus inquiétant s'installe. L'arrivée et la conversation de Mr Kidd ne sortent pas de la banalité, même si quelques petits indices laissent entendre que les choses ne tournent pas si bien que ça, malgré les affirmations, peut-être trop répétées de Rose. le couple voulant louer une chambre est plus inquiétant, Rose a l'impression qu'ils veulent prendre sa chambre, et ils ont exploré toute la maison, d'une manière qui laisse suggérer que de drôles de choses s'y passent. Enfin le mystérieux aveugle qui essaie de ramener Rose à une autre vie, provoque une forte angoisse, avant l'explosion de violence finale, qui donne un autre sens à l'ensemble. La chambre, dont Rose vante à outrance les mérites, ne serait-elle qu'une prison, qu'elle ne peut fuir, où elle est séquestrée ? Comme souvent chez Pinter, il n'y aura pas de réponse claire, à chacun de se forger sa lecture.
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L'Anniversaire

Ecrite en 1957 et créée en 1958 à Cambridge, tout au début de la carrière de dramaturge de Pinter, cette pièce n'a pas été dans un premier temps un succès. Ce sera l'adaptions télévisée, qui en plus de séduire un large public, permettra une reconnaissance critique du texte.



Nous sommes dans une modeste pension de famille, chez la famille Boles. C'est le petit déjeuner, que Meg Boles sert à son mari, Peter, avant d'aller réveiller l'unique pensionnaire, Stanley Webber. Ce dernier arrive, plutôt de mauvaise humeur, un échange s'engage après le départ du mari. La femme minaude, l'homme s'agace. Elle lui fait part de la rencontre faite par son mari de deux hommes sur la plage, qui souhaiteraient venir dans la pension de famille, ce qui semble éveiller une sorte d'inquiétude chez Stanley. Les deux hommes, Goldberg et McCann arrivent en effet, et déclarent vouloir louer une chambre que leur montre Meg. Ils semblent chercher quelqu'un. Ils s'informent sur Stanley, Meg pense que c'est son anniversaire, et ils lancent l'idée d'organiser une fête le soir.



Stanley rencontre McCann qui l'empêche de sortir, sous prétexte de la fête prévue. S'engage une sorte d'interrogatoire, assez vague mais menaçant. L'arrivée de Meg, puis de Lulu, une jeune femme, l'interrompt, pour déboucher sur une sorte de fête, pendant laquelle Goldberg et McCann ridiculisent et maltraitent un peu Stanley, qui tente de s'échapper. Mais ses deux tortionnaires finissent pas remettre la main dessus.



Le lendemain, Stanley reste dans sa chambre, semble-t-il mal en point. Les deux hommes déclarent vouloir l'amener pour le soigner. Peter s'inquiète pour lui, mais ne peut empêcher les deux hommes d'amener un Stanley qui semble avoir perdu la parole, voire la raison, dans leur voiture.



La pièce repose sur le dualité entre un quotidien très banal, presque jusqu'à la caricature, avec l'irruption d'une menace, innommée et imprécise, mais très impressionnante, même si la violence est plus suggérée que montrée. Nous ne saurons pas qui sont Goldberg et McCann, ni ce qui advient de Stanley, même si on peut supposer le pire. Il y a une sorte de terreur qui s'installe au milieu d'un intérieur quelconque, qui en devient métaphorique, le couple sur la scène pourrait être n'importe quel couple, nous savons d'ailleurs presque rien sur eux, les dialogues qui constituent l'essentiel de la pièce semblent relever presque uniquement de la fonction phatique du langage (mise en place et maintient de la communication), tellement ils sont dépourvus de contenu. C'est comme une sorte de bruit de fond, qui empêche la pensée, et rend impossible de poser les problématiques, et rend donc possible les pires horreurs, qui ne peuvent être dites. Il y a aussi, malgré tout, la présence d'une forme d'humour, un peu un humour de l'absurde (les échanges du couple autour des corn-flakes et thé par exemple) qui peut alléger l'ensemble.



C'est incontestablement très efficace, une ambiance s'installe, une menace plane, même si l'aspect désincarné de l'ensemble me pose un peu question, sur les possibles lectures différentes de l'oeuvre.
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Le retour

Le théâtre d'Harold Pinter est à rapprocher du théâtre existentialiste ("L'Enfer, c'est les autres") et du théâtre de l'absurde, du théâtre de Jean Genet par exemple. L'absurde réside chez eux dans les rapports humains, les rapports malsains qu'entretiennent entre eux les personnages, et la situation est tendue, tendue, jusqu'au point de non-retour. Et le spectateur/lecteur sait dès le début que ça va tourner au drame. À la fin, le drame vire non au tragique mais au sordide.

Le sujet abordé dans la pièce dérange, et pas qu'un peu car Harold Pinter s'attaque à ce qui est sacré pour beaucoup. Il s'en prend à la famille. Dès le début, on assiste à un dialogue impossible entre un père et son fils. S'ensuivent d'autres échanges tendus, les souvenirs amers, violents, refont surface, les rancœurs, et on se demande si les jours heureux évoqués par moments ne cachent pas, également, une certaine violence sous-jacente. Quand on voit la liste des personnages, on comprend qu'il y a un conflit d'ordre générationnel, mais les frères non plus ne s'entendent pas. Les vieilles querelles familiales resurgissent à chaque mouvement, à chaque parole, et on se demande, nous lecteurs, à quel moment la sphère familiale va éclater. C'est alors que débarquent l'autre frère, et sa femme, seul personnage féminin de la pièce, seule femme au milieu de tous ces hommes. C'est une femme mariée, mère de trois enfants. Va-t-elle réussir à les apaiser ? Plus ou moins ...

N'oubliez pas que je vous ai prévenus, la fin est sordide ...
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Trahisons

J'ai lu deux pièces de ce recueil d'Harold Pinter : "Trahisons" et "Hot house".

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Si j'ai bien aimé "Trahisons", qui aborde les questions jamais démodées de l'infidélité, du mensonge et de la jalousie dans les couples, je suis largement passée à côté de "Hot House" : histoire d'une institution psychiatrique avec ses rapports de pouvoir et son peu de respect (euphémisme) du petit personnel, des cadres et des patients, répertoriés sous de simples numéros.

Tout le monde manipule tout le monde : je me suis beaucoup ennuyée. Sans doute n'ai-je pas compris Pinter, ou n'ai-je pas commencé par les bonnes oeuvres.

Venant de faire la connaissance de Jon Fosse, j'ai dû passer trop vite de l'un à l'autre. Je m'étais habituée à un laconisme expressif et envoûtant ; par comparaison le théâtre de Pinter m'a paru bavard.
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La Lune se couche / Ashes to Ashes /Langue ..

Découvert lors de la représentation de l'une des pièces (une soirée entre amis). Pièce dont l'univers fantasmagorique, décalé, m'a séduit.

Et, disons le, le titre mis en avant (la lune se couche) sur la couverture de ce recueil de pièces m'a attiré.

Situations banales, menaces plus ou moins révélées, violence suggérée (lit de mort d'Andy dans la lune se couche, rafles dans une soirée entre amis...) absurdité des répliques, dialogues de sourds sur des voies divergentes... qui brusquement se rapprochent..., laissent croire à la création d'un dialogue, d'une explication, et brusquement divergent à nouveau avant que la lumière ne soit atteinte.
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Trahisons

J'ai pris ce livre à la bibliothèque parce que j'ai vu la pièce d'Harold Pinter « Hot-House » fin 2013, au Lucernaire à Paris, avec la Compagnie Adada, dans une mise en scène très originale de Valéry Forestier. J'ai donc voulu lire la pièce pour m'imprégner de toutes les subtilités du texte. Je n'ai donc lu qu'une partie de ce livre (qui présente 9 pièces de Pinter).

Hot House nous plonge d'emblée dans l'univers clos et oppressant d'une institution médicale, sorte de maison de repos où les patients sont désignés par des numéros, comme autant d'impersonnels codes-barres. le directeur Roote semble las de tout ce qui l'entoure, confondant les matricules et les dossiers. Ce qui ne l'empêche pas d'affirmer sans cesse sa position d'autorité à son second, l'ambitieux Gibbs. L'agitation de ces personnages tous issus du personnel médical, de l'alcoolique Lush à la glaçante Miss Cutts, intrigue constamment. On s'interroge : le directeur ne serait-il pas un patient comme les autres à qui l'on fait croire qu'il dirige l'institution ? À moins que ses subordonnés n'aient pris l'ascendant petit à petit, le confortant dans l'illusion du pouvoir ?

Comme souvent chez Pinter, les pistes sont nombreuses. Pour autant, le Prix Nobel de littérature dénonce ici le poids de l'institution, ses règles contraignantes et exorbitantes par rapport au monde extérieur. Un sujet dans l'air du temps, où l'autorité est remise en cause à tous les échelons.





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Le retour

Le Retour a été créé à Londres par la Royal Shakespeare Company à l'Aldwych théâtre, en 1965, et présenté l'année suivante à Paris dans une adaptation d'Eric Kahane, mise en scène par Claude Régy. Moi je l'ai vu au théâtre de l'Odéon à Paris fin 2012 dans une mise en scène de Luc Bondy et une traduction de Philipe Djian et là ça décoiffe. La superbe Emmanuelle Seigner était accompagnée de Bruno Ganz, Louis Garrel, Pascal Greggory, Jérôme Kircher et de l'excellent Micha Lescot.

Je me suis penchée sur le texte pas toujours audible au théâtre (Bruno Ganz a un accent) et le choc des cultures est là dans un style provocateur : Pinter sait grossir les évènements pour rendre les retrouvailles des membres d'une famille anglaise particulièrement grinçantes voire violentes. Pintérien quoi !



Et puis il y a la présentation de la pièce qui permet d'apprécier le texte sur le fond :

« À relire Pinter aujourd'hui, un demi-siècle après la création du Retour et moins d'une décennie après son prix Nobel, sa véritable stature et son originalité prennent un relief nouveau. Il suffit d'entrer chez lui pour passer dans un autre monde au verso de nous-mêmes, du côté de notre part inavouée, en un point où se rejoignent le rêve et l'insomnie. Voyez le Retour, qui s'ouvre sur le silence d'un individu lisant le journal. Homme et espace sans qualités ou presque, banalité d'un jour que rien ne distingue, telles sont les données initiales. En quelques scènes, ce trompe-l'oeil va devenir une toile de Lucian Freud ou de Francis Bacon – « une île de la solitude », dit Luc Bondy – et cela sans qu'aucun élément visible ne soit modifié, sans que soit versée une seule goutte de sang, uniquement par le rapport des corps, le tranchant des paroles, la charge d'une violence comprimée à l'extrême. Car le « retour » est aussi un retournement : tous les jeux sociaux, familiaux, professionnels, matrimoniaux tels qu'ils se jouent couramment sont subvertis sous nos yeux, tantôt par degrés minuscules, tantôt par brèves et brusques saccades (le temps dramatique de Pinter est d'ailleurs inséparable de sa vision : immobile puis jaillissant, c'est un temps venimeux d'animal et de prédateur, un temps de serpent). À une telle partition, il faut des interprètes qui sachent tenir et relancer les mille nuances d'un registre qui s'étend de la vague allusion à la menace la plus précise, du sous-entendu presque anodin à l'attaque frontale. Luc Bondy aime ces oeuvres mystérieuses qui frôlent et puis foudroient, suggérant plus qu'elles n'affirment. Pour aborder la subtile musique de chambre pintérienne, il en a commandé une version nouvelle à un traducteur qui parle couramment tous les dialectes de la tension : Philippe Djian. »





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C'était hier

J'ai beau faire des efforts je ne comprends vraiment RIEN à ce genre de littérature, est ce par snobisme qu'il faut aimer ou comprendre ? c'est la seule la question que je me pose..... surement le dernier livre que j’emmènerai sur une île déserte.
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C'était hier

Il faut à peine une heure pour lire "C'était hier", mais ce texte possède un charme étrange et vénéneux, capable de vous hanter plusieurs jours durant...



La pièce met en scène trois personnages : Deeley et Kate, mari et femme, reçoivent Anna, une amie de jeunesse -et même la seule amie qu'elle ait jamais eue- que Kate n'a pas vue depuis vingt ans.

La discussion qui s'engage entre les protagonistes provoque d'emblée une vague sensation de malaise. Bien que tous trois soient présents presque tout au long du récit, les dialogues n'engagent jamais que deux d'entre eux à la fois, excluant l'autre. Cet autre est souvent Kate, dont le mari et l'amie parle comme si elle était absente, voire comme si elle était morte, ainsi qu'elle le suggère elle-même...



Au fur et à mesure que se déroulent ces curieux échanges, ils deviennent de plus en plus énigmatiques et troublants. Les tirades se font décalées, presque absurdes, se prêtent à de doubles interprétations à connotation sexuelle.

Il se déroule là un jeu de séduction malsain, gouverné par la volonté de maîtriser tout de l'autre, y compris un passé dont on ne sait quasiment rien, en inventant des souvenirs communs qu'on lui impose.



Mais ce qui domine avant tout dans "C'était hier", c'est cette impression que les dialogues sont vains : la communication y est parasitée par les fantasmes des uns et la détresse des autres. A aucun moment les héros ne semblent vraiment se comprendre, chacun restant retranché dans son exclusive logique, n'acceptant de voir en l'autre que le reflet de ses propres désirs.


Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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La collection - l'amant - le gardien

On retrouve dans la pièce de théâtre « La collection » d'Harold Pinter une histoire de couples comme il aime à les raconter autour du thème de la jalousie nourrit de fantasmes, de mensonges et de non-dits. Pinter sait rendre le sujet universel par sa sobriété et l'importance des silences. Car dans ses pièces, ce qui n'est pas dit est aussi important que ce qui est dit.

J'ai eu la chance de la voir jouer au théâtre des Bouffes-du-Nord à Paris dans une mise en scène de Ludovic Lagarde servi par un casting exceptionnel avec, notamment, Mathieu Amalric.



Le dramaturge anglais met en scène deux couples dont un couple d'hommes, ce qui est téméraire pour une pièce qui date du début des années 60. Ce que j'ai apprécié également c'est que l'homme et la femme accusés d'adultère, Stella Horne et Bill Lloyd font le même métier. Certes, ils sont couturiers, dans un milieu plutôt privilégié, mais ils sont bien dans le même monde professionnel.

Bref, James veut savoir la vérité sur ce qui s'est réellement passé une nuit dans un hôtel de Leeds entre Stella, sa femme, et Bill qui vit avec Harry. de multiples pistes sont proposées par l'auteur comme dans un polar dans lequel on a du mal à démêler la vérité du mensonge.

Alors que le moteur de l'action est un téléphone, tous les quatre se révèlent énigmatiques et ambivalents.

C'est drôle car cela fait penser au développement des nouvelles technologies, aux fake-news et a tout ce que l'on peut colporter sur les réseaux sociaux. Pourtant, pas d'internet à l'époque, alors Harold Pinter est-il avant-gardiste ?





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L'Anniversaire

Est-ce le thé ? le brouillard ? la bière ? Décidément, les anglais ont d’excellents dramaturges. Après Shakespeare, mais tout de même quelques siècles plus tard, Harold Pinter écrit des pièces fascinantes, et notamment la première que j’ai connue, L’Anniversaire. L’action prend place dans une petite ville anglaise du littoral où Meg et son mari tiennent une pension de famille. Ils n’ont depuis longtemps qu’un seul client, Stanley, qui apparemment est sans emploi, et qui évoque parfois son passé incertain de pianiste, se lève tard le matin, taquine sa logeuse qui minaude un peu autour de lui. Il tient également à distance une jeune femme, amie de la famille, Lulu.

Mais voilà qu’arrivent deux nouveaux visiteurs qui demandent une chambre, inquiétants, menaçants. Un critique littéraire des années cinquante a d’ailleurs caractérisé le théâtre de Pinter comme étant un « théâtre de la menace ». Nous apprenons par les conversations qu’échangent les deux hommes qu’ils sont ici pour remplir une mission. Et lorsque Stanley apprend leur visite, on perçoit immédiatement son inquiétude. Mais que veulent exactement ces deux individus ? et comment Stanley fera-t-il face à ces deux intrus qui entendent organiser une fête pour son anniversaire ?

L’art de Pinter se déploie dans ces dialogues improbables, absurdes, emplis d’intensité et parfois de violence qui jalonnent la pièce. Nous assistons souvent à un affrontement sourd et pervers, avec des jeux d’escalades, de faux-semblants, avec ces exercices de domination et de résistance.

Je me refuse à dévoiler ici la suite de l’intrigue, si vous en avez l’occasion, tâchez d’aller la voir au théâtre et sinon, lisez-la. Vous pouvez aussi, comme je l’ai fait, la voir et la lire ensuite, ou l’inverse…

L’intérêt réside dans le face à face de deux mondes qui ne peuvent s’entendre, se comprendre, dans le rôle de la langue dont les fonctions sont diverses et l’utilisation parfois dangereuse.

Il y eut, il y a bien longtemps, une première mise en scène très réussie de cette pièce en France, sous la direction du regretté Claude Régy et avec l’excellent Michel Bouquet dans le rôle de Stanley. On peut aussi en voir une version en anglais sur Youtube.

Une excellente pièce de Pinter mais ce n’est pas la seule. Pinter a amplement mérité son prix Nobel de littérature.

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