Après s'être rafraîchi avec un peu d'eau, il alla mettre la télé sur la chaine musicale. Un air de jazz emplit la pièce, et l'écran afficha 18:47, avec 6:47 marqué en dessous en plus petits chiffres pour les dégénérés incapables de compter jusqu'à vingt-quatre.
Quand elle parlait, ses lèvres s'ouvraient en une fente étroite qui vomissait ses invectives comme du métal embouti par une presse, pour aussitôt se refermer de peur de révéler davantage que nécessaire à son interlocuteur.
« Plus la population augmente, moins il y a de place pour les cultures. J'ai même entendu dire qu'on avait dû transférer les plantations d'herbes encore plus loin. Plus long est le voyage, plus le prix est élevé. »
Il n'avait rien à faire, aucun endroit où aller; la ville se refermait sur lui, chaque mètre carré de bitume se ressemblait autour de lui : lourd de gens, d'enfants, de bruit, de chaleur.
La lumière verdâtre de l'écran de télé qui illuminait les visages ahuris de sa mère, de sa soeur et de ses deux frères leur donnait l'air de récents noyés.
La cinquantaine fatiguée, abruti de chaleur, il avait l'air d'en vouloir au monde entier pour toutes les promesses non tenues qu'on lui avait faites.
« Les autorités ont veillé á ce que nous ne puissions plus travailler, quand bien même nous en serions encore capables ; elles nous versent une allocation minuscule, presque insultante, avec laquelle nous sommes censés vivre malgré l'augmentation annuelle, mensuelle, presque quotidienne des prix... »
En 1950, les Etats-Unis - avec tout juste 9,5 % de la population mondiale - consommaient 50% des matières premières de la planète. Ce pourcentage ne cesse de s'accroître, et d'ici quinze ans, au rythme de croissance actuel, ils en consommeront plus de 83 % par an. D'ici la fin du siècle, si notre population devait continuer à augmenter au même rythme, ce pays aura besoin de plus de 100 % des ressources de notre monde pour conserver notre niveau de vie présent. C'est une impossibilité mathématique- sans compter le fait qu'il y aura environ sept milliards de personnes sur cette Terre à ce moment-là, des personnes qui, peut-être, auront elles aussi envie de profiter un peu de ces matières premières. Dès lors, à quoi le monde ressemblera-t-il ?
Le steak était indescriptiblement bon ; Andy le trancha en minuscules morceaux pour bien savourer lentement chacun d’eux. Il ne se rappelait pas avoir aussi bien mangé de toute son existence. Après en avoir fini, il se cala au fond de sa chaise et soupira de contentement.
L'après-midi, il fit ses premières armes dans une cellule d'entraînement. Son instructeur était un garçon de treize ans, dont la voix froide ne cachait pas le mépris pour le faible étranger.
- Toutes les cellules d'entraînement sont des reproductions de la surface de la planète, constamment mises à jour en fonction des changements des formes de vie. La première cellule avec laquelle vous ferez connaissance est naturellement celle dans laquelle on introduit les tout petits.
- Trop aimable. Vos flatteries me submergent.
L'instructeur continua, insensible à l'interruption :
- … dès qu'ils peuvent ramper. Les dangers sont réels bien que complètement neutralisés.
Ce monde ne peut continuer comme ça mille ans de plus ! Comme ça ! (p.314)