Hollie McNish

C’est le truc le plus éreintant que j’aie fait de ma vie. Dans ce pays, la simple tâche d’allaiter son enfant pour qu’il ne meure pas donne le sentiment d’être une foutue criminelle. Ça me fatigue plus que n’importe quel autre aspect du rôle de parent.
p. 157

Que ce soit conscient ou pas, les gens sont nerveux lorsqu’ils voient approcher un jeune homme noir comme lui. Ils changent de trottoir. Dans les transports, on part du principe qu’il fraude. À la douane, il se fait arrêter et on le fouille à la recherche de stupéfiants. En vacances, on lui demander s’il en vend et la police le contrôle plus souvent. Ceux qui soutiennent que ces conneries de racisme structurel n’ont plus cours aujourd’hui n’ont qu’à le suivre pendant un mois. C’est moche de grandir dans ces conditions.
p. 140

Je pleure, moi aussi. Je pleure parce que je n’ai pas la moindre idée de ce que je devrais ressentir. Je touche mon ventre. Il est vide et mou. C’est la première fois que j’ai cette sensation. Je pleure parce que je ne reconnais plus du tout mon corps et que personne ne m’avait prévenue. Je pleure parce que je venais tout juste d’accepter mon corps de femme enceinte et que je dois tout recommencer. Je pleure parce que Dee tient dans ses bras un bébé qui est sorti de mon corps. Je pleure parce qu’il y a un bébé sur ma poitrine et qu’il a l’air d’aller bien.
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On a atteint des sommets à la fête de Noël au boulot, avec son cortège de mains avinées qui se posaient sur mon ventre sans y avoir été invitées. Pourquoi vous faites ça ? Vous touchiez pas mon ventre, avant, alors le faites pas maintenant.
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D’après la légende familiale, je suis devenue végétarienne à l’âge de quatre ans. On racoute que, pendant deux semaines, mon frère avait disposé devant moi les jouets de la ferme pour que je puisse les regarder pendant qu’il m’expliquait avec précisions lesquels, parmi mes préférés, j’étais en train de manger. […] J’ai pleuré et je n’ai plus jamais mangé de viande ni de poisson.
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La semaine dernière, un papa a dissuadé son fils de jouer avec la poussette et la poupée de l'air de jeux à côté de la petite maison pour les enfants. Le même papa qui venait de l'amener en poussette au groupe des tout-petits.

Un homme ou un garçon. Ourson, dinosaure ou chien, quel que soit le traitement graphique ou le jouet, sont à priori de sexe masculin. Pour qu'ils soient identifiés féminins, les personnages se voient affubler d'un noeud, d'un serre-tête, d'une robe ou, plus fréquemment, de cils. De longs cils qui les distinguent des hommes.

Donc il m'arrive de prendre des bébés dans les bras. Je contemple leur joli minois, et je pense à quel point le monde se doit d'être meilleur pour eux et que nous devrions tous arrêter d'acheter des jouets de merde en plastique, des pochettes-surprises en plastique remplies de jouets de merde en plastique de plus petite taille qui finissent en moins d'une semaine dans nos poubelles en plastique avec les bouteilles d'eau en plastique qui polluent les sources d'approvisionnement en eau potable, tandis qu'ils grandissent et que de plus en plus de pêcheurs tenteront de subvenir aux besoins de leur famille en repêchant des bouteilles en plastique des fleuves pollués parce qu'il ne reste plus aucun poisson.

Il y a peu de choses que je trouve plus insensées
qu'un rivage envahi par des bouteilles en plastiques

Cette eau empaquetée qui nous est vendue
et qui pollue à présent sa propre source

Vouloir toucher est tout aussi normal que de vouloir entendre et voir. C'est incroyable à quel point nous empêchons les enfants de le faire.

Dans ce pays, la simple tâche d'allaiter son enfant pour qu'il ne meure pas donne le sentiment d'être une foutue criminelle.

Nous assimilons toujours la notion d'exaltation et de nouveauté aux enfants, parce qu'ils passent leurs journées à apprendre à toute vitesse tout plein de choses en même temps. On pourrait en faire de même, si on s'en donnait la peine. Pourquoi ce refus d'apprendre? Pourquoi cette gêne? J'approche à peine de la trentaine et j'entends déjà des gens de mon âge dire qu'ils sont trop vieux pour se lancer dans un nouveau domaine, pour apprendre ou pour démarrer un nouveau passe-temps. Qu'est-ce qui nous arrive? De quoi avons-nous peur? Pourquoi avons-nous honte de courir ou de sautiller dans la rue, de danser sous la pluie ou... de faire quoique ce soit de ludique et gratuit.

Respire. C'est lui, ce n'est pas toi. C'est un connard, c'est tout. Les autres mecs? Pas un n'a bronché.

Je pleure parce que je n'ai pas la moindre idée de ce que je devrais ressentir. Je touche mon ventre il est vide et mou. C'est la première fois que j'ai cette sensation. Je pleure parce que je ne reconnais plus du tout mon corps et que personne ne m'avait prévenue. Je pleure parce que je venais tout juste d'accepter mon corps de femme enceinte et que je dois tout recommencer.

Je comprends que ce soit compliqué pour une boîte, et encore plus pour une association caritative de petite taille, comme celle-ci, mais ce n'est pas ma faute si les femmes sont susceptibles d'avoir des enfants à un moment donné de leur existence. Pourtant, je me sens coupable. Je ne devrais pas, mais c'est comme ça.

S'il s'ennuie un peu ou s'il ne ressent pas la même chose, qu'il le dise. Parce que ça fait partie de la vie, et je déteste l'idée que les gens restent ensemble alors qu'ils n'en ont pas totalement le désir... jusqu'à vieillir et mourir.

On reste là en silence, à échanger des regards, à pleurer, à pousser des jurons et à se prendre dans les bras. Et à rire, aussi. Parce que c'est la merde. À un point si ridicule que ça frôle le comique.