Citations de Ildefonso Falcones (110)
Arnau se souvenait des harangues de Santa Maria del Mar : « La Catalogne a besoin de vous ! Le roi Pierre a besoin de vous ! Partez à la guerre ! » Il n’y avait eu que des massacres, des échauffourées où les seuls perdants avaient été les petites gens, les soldats loyaux…et les enfants, qui souffriraient de la faim l’hiver suivant par manque de grain. Quelle guerre ? Celle qu’avaient livrée évêques et cardinaux, entremetteurs de rois rusés ? Le prêtre poursuivait son homélie, amis Arnau ne l’écoutait toujours pas. Pourquoi avait-il dû tuer ?
Pourquoi la pupille du roi hait-elle son époux ? Quel mal a-t-il bien pu lui faire pour susciter sa haine ? Les femmes sont nées pour servir leurs maris, c’est la loi terrestre et divine. Les hommes battent leurs femmes et elles ne les haïssent pas pour autant. Les hommes enferment leurs femmes. Les femmes travaillent pour leurs époux, s’offrent à eux quand ils le désirent, veillent sur eux et se soumettent à eux. Rien de tout cela n’engendre la haine
- On va lui assigner un avocat… qui n’aura pas le droit de le défendre
.- Comment est-ce possible ? s’exclamèrent les femmes à l’unisson ?
- Les avocats et les notaires qui aident les hérétiques, les conseillent ou les soutiennent, comme ceux qui croient à leur bonne foi ou les défendent sont interdits, récita Joan.[…]
- Ce qui signifie ?
- La tâche de l’avocat est d’obtenir les aveux volontaires de l’hérétique. S’il le défendait, il défendrait l’hérésie.
Les enfants sont souvent capables de distinguer ce qui est invisible aux adultes…
" Si on réussit à vivre à Barcelone un an et un jour sans être arrêté, se souvenait-il d'avoir entendu une fois, on acquiert un certificat de résidence et on obtient la liberté." Tous les serfs avaient gardé le silence. Certains avaient les yeux fermés et les lèvres pincées, ou bien hochaient la tête, d'autres encore souriaient en regardant le ciel.
- Où allez-vous père ? cria-t-il alors qu'il l'avait déjà perdu de vue.
- Chercher la liberté, répondit une femme qui observait la foule s'élancer à l'assaut des rues de la ville.
- nous sommes déjà libres osa, affirmer Arnau
- Il n'y a pas de liberté quand on a faim, mon garçon.
Frère Joaquin, nous les femmes, nous venons au monde pour accoucher dans la douleur, pour travailler et pour souffrir de la dépravation des hommes. Taisez-vous, le pria-t-elle, voyant qu'il allait intervenir. Eux, vous tous..., vous vous révoltez, vous luttez, vous combattez l'infamie. Parfois, les hommes gagnent et ils se transforment en mâles victorieux; le plus souvent, ils perdent, et ils retournent leur colère contre les faibles pour se duper eux-mêmes et vivre avec la vengeance comme seul horizon. Nous, on doit se taire et obéir, ça a toujours été comme ça.
Depuis que Séville avait perdu le monopole du commerce des Indes au profit de Cadix, la richesse avait fondu, les commerçants s'étaient appauvris et le fossé s'était creusé entre ceux qui vivaient dans la plus grande misère - la grande majorité - et une minorité de fonctionnaires corrompus, d'aristocrates prétentieux propriétaires d'immenses domaines et d'ecclésiastiques réguliers ou séculiers qui se comptaient par milliers. Pour ces derniers, le moment était venu de délivrer au peuple la doctrine chrétienne de la résignation au moyen de sermons, messes, rosaires et processions. Jamais il n'y avait eu autant de prêches publics. Ils menaçaient de toutes sortes de punitions et de maux les fidèles se livrant à la débauche.
Nous, (les femmes) nous pouvons seulement lutter pour oublier nos peines et nos souffrances, pour les vaincre, mais jamais pour nous venger d'elles. On peut s'accrocher à un espoir, aussi petit soit-il, et, en attendant, parfois,et seulement parfois, on peut essayer de se sentir à nouveau femmes.
Quand ils avaient contemplé ensemble Barcelone pour la première fois, il avait promis à Arnau la liberté. Son fils ne dépendrait d'aucun seigneur.
- Où allez-vous père ?
- Chercher la liberté, répondit une femme...
- Nous sommes déjà libres, osa affirmer Arnau.
- Il n'y a pas de liberté quand on a faim, mon garçon.
Pourquoi les chrétiens iraient-ils en enfer puisqu'il existe des maures ?
Le trafic de chair humaine était un des commerces les plus prospères et les plus rentables dans la Cordoue de ce siècle, et non seulement pour les marchands professionnels, mais pour quiconque possédait un esclave.
- Je n'aime pas les voir mourir, se rappelait-il avoir dit à Hamid, devant la file de Chrétiens nus et attachés qui se dirigeaient vers leur fin. Pourquoi faut-il les tuer ?
- Moi non plus, lui avait répondu l'uléma. Mais nous devons le faire. Ils nous ont obligés à devenir chrétien sous peine d'exil, ce qui est une autre façon de mourir, loin de sa terre et de sa famille.
Seuls les très riches, les très pauvres ou les fous pouvaient se permettre de tout perdre pour leur honneur.
Sa vie s'était concentrée sur un rêve : réunir les deux religions opposées et démontrer la suprématie du Prophète.
Le seul danger c'est de vivre en se détournant de Dieu.
La mer ne sait rien du passé. Elle est là. Elle ne nous demandera jamais d'explications. Les étoiles, la lune... elles brillent pour nous. Que leur importe ce qui a pu arriver ? Elles nous accompagnent et sont heureuses. Tu vois comme elles brillent ? Elles scintillent dans le ciel; le feraient-elles sinon ? Si Dieu voulait nous punir, il déclencherait une tempête, non ? Nous sommes seuls, toi et moi, sans passé, sans mémoire, sans culpabilité, sans rien qui puis désormais s'opposer à notre ...amour.
Arnau, J'ai quitté tout ce que j'avais pour que tu puisses être libre, lui avait dit récemment son père. J'ai abandonné mes terres, qui ont appartenu aux Estanyol pendant des siècles, pour que personne ne puisse te faire ce qu'on m'a fait à moi, à mon père et au père de mon père... Et aujourd'hui, les caprices de ceux qui se disent nobles nous ramènent au même point. A une différence près, cependant : nous pouvons résister. Mon fils, apprends à utiliser cette liberté qui nous a coûté tant d'efforts. C'est à toi seul de décider.
Arnau, il y a quelque chose qui ne changera jamais : celui qui possède de l'argent en veut davantage. Il ne l'a jamais offert et ne l'offrira jamais.Si vos évêques ne le font pas, pourquoi leurs paroissiens le feraient ? Que cela s'appelle un prêt ou une commanda, quel que soit le nom, les gens ne donnent jamais rien gratuitement. Pourtant, nous les juifs, sommes les seuls usuriers.