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Critiques de Isabelle Stibbe (107)
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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Tout juste un mois après les terribles événements qui ont changé la France et ont insufflé un élan citoyen incroyable, Le livre de poche sort ce recueil de textes. 60 écrivains unis avec la même volonté de défendre la liberté d’expression.



L’ensemble des acteurs du livre a donné de son temps et de son argent pour que vive cette belle initiative dont les bénéfices seront reversés à Charlie Hebdo. 5 euros, ce n’est rien pour un tel recueil.



Dans un délai incroyablement court, l’éditeur a réussi à rassembler cette meute d’auteurs, regroupés sous une même bannière et brandissant leurs stylos comme arme. Leur intelligence et leur liberté de penser aussi.



60 textes forcément inégaux, certains se contentant d’une ou deux maigres lignes, d’autres de plusieurs pages. De l’analyse au cri de ralliement, du souvenir au texte très personnel… il y a de tout dans ce recueil.



L’éditeur a eu la bonne idée d’entrecouper les textes des auteurs actuels, d’extraits de Voltaire, Diderot ou encore Hugo. Pour prouver que le sujet de la liberté d’expression n’est pas neuf et qu’il faut défendre cette liberté jour après jour contre l’obscurantisme.



Sans vouloir détailler tous les textes proposés, j’ai une pensée plus particulière pour les mots de Maxime Chattam qui résonnent cruellement par rapport à son roman en cours d’écriture, pour Ian Manook et son texte si touchant, pour Frédérique Deghelt qui pense à la mère de ces terroristes, pour Dominique Fernandez et Marc Lambron qui nous font prendre conscience à quel point cet événement a touché le monde entier, pour Fabrice Humbert et Romain Puértolas avec leur belle idée de parler du sujet à travers une fiction (grave ou drôle), pour Katherine Pancol et son poème enjoué, pour BHL et son texte très juste, pour Eric-Emmanuel Schmitt et son mordant manuel du fanatique…



Quoi que vous cherchiez, et même si vous ne cherchez rien, vous en trouverez un bout dans ce livre. Une lumière contre l’obscurité qui tente de nous éteindre. Voilà ce qu’est ce recueil. Continuons à allumer de telles lumières.
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Bérénice 34-44

Amis téléspectateurs, bonjour !



Au programme d'Un Jour, Un Destin, la trajectoire météorique de Bérénice Capel, tragédienne de caractère qui toute jeune affirma son désir d'émancipation en tentant le conservatoire et ce, malgré l'interdiction péremptoire d'un paternel qui, pourtant, lui donna sciemment le prénom d'une héroïne emblématique de la maison Racine, Carrée de son p'tit nom.



Nous sommes en 1934. A l'Est, toujours rien de nouveau. Une pause, un répit, comme le bêla si gracieusement Garou, Gorille de son p'tit nom.



Je récapépète depuis le bédut.

Bérénice affiche donc une volonté plus qu'affirmée.

D'origine juive et au vu des évènements se profilant à l'horizon, il n'est pas totalement irrationnel, dès lors, de craindre pour son devenir, toute grande tragédienne qu'elle fut alors, regaaaaarde, regaaaaarde un peu...oui, bon,ça va, j'ai compris, vous n'êtes pas mélomane et pis c'est tout...



Je ne verse pas vraiment dans la Comédie Française et pourtant ce roman m'a littéralement transporté.

Faut dire que les master class d'un monstre comme Jouvet - vous remarquerez que je n'insiste pas sur son p'tit nom qui se trouve être Louis - ça vous assoit d'emblée une certaine légitimité.

L'héroïne est touchante d'opiniâtreté. Un caractère volontariste vital qu'elle saura malicieusement solliciter à la carte.

Le contexte guerrier participe grandement à l'intérêt d'une telle épopée.

Bérénice chahutée par l'occupation comme elle le fût dans la Maison de Molière.

Stibbe aura su dépeindre cette institution mythique avec force détails croustillants, préparant ainsi notre toute jeune héroïne à faire face à de vils comparses envieux qui font rien que lui mettre des bâtons dans les trous*.



Bérénice 34 - 44 est un premier roman aussi original que séduisant. Parfaitement abouti, il personnalise la citation du Patron :

" Rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, rien de plus nécessaire que le théatre ".



* trou : ouverture pratiquée dans l'avant d'une scène de théatre et ménageant un espace où se loge le souffleur, what else..





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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

J'ai enfin lu Nous sommes Charlie, après (déjà!) Toutes ces années.

Je me souviens...

Ces soixante textes, certains brefs et d'autres plus longs, me ramènent encore à ce jour funeste, cette matinée maudite du 07 janvier 2015. Matinée de mort, cauchemar éveillé, et ce chagrin, ce chagrin!

Philippe Lançon, Chloé Verlhac, Riss et Patrick Pelloux sont passé avant.

J'avais laissé ce poche collectif noir sur l'étagère huit années entières avant d'enfin, tout de même, de l'ouvrir et de l'enfin lire.

Toute la sidération, l'incompréhension, la colère et la réaction me sont revenues intactes car à peines enfouies et toujours prêtes à ressurgir.

Ces soixante-là ont unis leurs voix, leurs mots, leurs cœurs pour parler et dire... Dire NON à la peur et à l'indicible. Tous.

Soixante voix qui, au final, n'en font qu'une riche et variée dans une cantate à la Liberté.

Horusfonck est Charlie, encore et toujours, à jamais.
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A spell on you

Ce court livre ne compte qu’un peu plus de 150 pages, mais au niveau des émotions, c’est à la fois fort et puissant. Traitant comme principal sujet un infanticide, Isabelle Stibbe, s’inspire d’un fait divers réel de 2013. Elle apprivoise un choc des cultures entre la France et le Sénégal, qui même s’il n’explique pas le geste maternel, n’en reste pas moins un des facteurs essentiels dans le drame.



Vivienne Kassoka est une jeune fille issue de la bourgeoisie de Dakar. Elle arrive en France en vue de poursuivre ses études et sa thèse. Pourtant, elle y fait la rencontre d’Emmanuel, sculpteur beaucoup plus âgé qu’elle et ils se mettent en couple. Aurore sera le fruit de cette union. Alors que cette famille aurait tout pour vivre un parfait bonheur, Vivienne réserve un jour deux tickets de train pour se rendre à Berck où elle commettra l’irréparable.



Tout comme la couverture l’illustre si bien, ce livre est celui de l’ambivalence entre deux contrées, entre deux cultures, entre deux mondes à appréhender, avec ses us et coutumes si différents et pourtant si importants à comprendre. Les traditions sont ancrées en nous, qu’on le veuille ou non, qu’on reste dans son pays natal ou qu’on s’exile à l’autre bout du monde. Alors que pour nous occidentaux, une part non négligeable du vécu de Vivienne pourrait être considéré comme irrationnel, cette complexité n’est pas omise du récit.



Ce roman glaçant n’est pas là pour justifier le geste sordide mais apporte, petit à petit, des fragments de la vie de cette mère dont l’ancrage du folklore a pris le pas sur sa vie française et sa parfaite intégration. Les bribes d’informations se découvrent timidement dans le comportement de cette mère ainsi que dans celui de son entourage. Les faux-semblants de cette spirale destructrice entourant ce drame ne se révèleront qu’au cours du procès et saisiront effroyablement le lecteur.



Isabelle Stibbe en tire un roman poignant et troublant. Avec un brin de poésie, le côté purement sordide est mis de côté pour se concentrer sur la psychologie des protagonistes.



Vous ne pourrez-vous empêcher de vous rappeler la voix suave de Nina Simone sur cette chanson « I put a spell on you », éponyme au livre. Ici vous en découvrirez plutôt la version originale de 1956 de Screamin’ Jay Hawkins que vous entendrez résonner au fil de pages, jusqu’au final révélant bien des secrets.
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Le roman ivre

Le lecteur est un rêveur.

L'écrivain  lui donne matière à fantasmer.

Dans Le roman ivre, Isabelle Stibbe offre un merveilleux moment à son héroïne.

Un moment dont tout lecteur à rêvé.

Camille est avocate.

Un soir, en rentrant chez elle Camille est agressée.

Et qui vient à son secours  ?

Non, mais, même  elle n'en croit pas ses yeux.

Athos.

Le mousquetaire de Dumas.

Son préféré.

Et la voici plongé au côté  de D'Artagnan dans une aventure incroyable.

Camille vit deux vies.

Tantôt au présent et son quotidien qu'on pourrait croire monotone, tantôt dans la peau d'une héroïne  de roman.

C'est magique.

Et l'auteure de jongler avec deux langues, celle de notre XXIÈME siècle et celle chère à Alexandre dans son récit.

On se prend donc à  rêver, nous aussi.

On l'envie Camille, on la jalouse.

Quelle chance !

J'ai eu du mal à démarrer cette lecture et puis je me suis peu à peu laissé embarquer.

Mais au fait, Camille, personnage réel ou de fiction ?

Elle s'amuse bien Isabelle Stibbe quand elle écrit.

En même temps il semble y avoir de petites voix à l'affût de la moindre erreur ou du moindre anachronisme.

Au fait, et vous, de quel héros (héroïne) aimeriez-vous partager la vie ne serait-ce qu'un moment ?
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A spell on you

S'appuyant sur un fait divers ayant eu lieu en 2013, Isabelle Stibbe nous livre ici l'histoire de Vivienne Kassoka, jeune femme noire d'une trentaine d'années, catholique, née à Dakar dans un milieu aisé.



Elle rêve de Paris depuis toujours et décide de s'y installer pour entamer une thèse sur Machiavel. Elle rencontre Emmanuel, un homme plus vieux qu'elle, sculpteur à la retraite. De leur union nait Aurore. Emmanuel est plutôt prévenant, même s'ils sont tous les deux indépendants, et après avoir craint l'arrivée de sa fille, il est finalement heureux et s'occupe bien d'elle. Vivienne est une mère aimante elle aussi, elle prodigue les soins nécessaires à l'enfant, la câline, la masse, lui parle gentiment...



Mais Vivienne est confrontée à un choc des cultures terrible et se retrouve rattrapée par les croyances de son pays d'origine. Elle est persuadée d'être maraboutée, d'avoir été ensorcelée. Elle sombre peu à peu dans un délire, elle étouffe dans ce tête-à-tête avec sa fille. J'ai souvent fredonné la chanson "I put a spell on you" au cours de ma lecture, mais ici il s'agit de la version hallucinante de Screamin' Jay Hawkins, très bien décrite dans le livre.



Isabelle Stibbe a une écriture poétique et très évocatrice, j'ai voyagé, senti les fragrances et goûté les mets du Sénégal. Le thème de la magie noire est plutôt rare en littérature blanche et j'ai apprécié cette incursion, loin des clichés.



L'infanticide est traité avec finesse et pudeur. Mais quel dommage de tout dévoiler sur la quatrième de couverture qui est ni plus ni moins qu'un résumé du livre. J'aurais souhaité sentir monter la pression jusqu'au dénouement. Le livre aurait eu encore plus d'impact.



Un roman aussi court qu'intense. La première partie m'a beaucoup plu. On découvre la vie de Vivienne et d'Emmanuel suite à la venue de la petite. On se remémore des scènes de vie du Sénégal. La seconde partie est intéressante aussi mais la partie du procès m'a semblée très courte, les quelques révélations tombent trop rapidement.



Une lecture originale et qui tient en haleine. On est plongé dans la psyché des personnages et j'adore ça. Le roman aurait pu être plus détaillé, notamment sur la partie du procès. Mais ça reste une lecture que je conseille, bien qu'elle dérange et remue.







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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Ce 7 janvier 2015, il y a eu un événement horrible, innommable et profondément choquant. Mais heureusement face à cela, on a vu une levée, une solidarité forte qui s’est opposée clairement aux actes de barbarie qui se sont produits . Et ce livre est né!60 écrivains unis sous la bannière de Charlie Hebdo… Pour ne jamais oublier ce jour si noir, pour rappeler à nos cœurs que tant de sang a déjà été versé pour nos libertés…



C’est avec une certaine émotion que j’ai lu ses textes, le cœur serré, les larmes au bord des yeux. Chaque auteur voit cet événement avec son expérience, et c’est intéressant de voir les mots qui en découlent. Les textes de certains sont plus vifs, d’autres plus philosophes, et du coup, ce recueil de textes est un fort et émouvant imbroglio d’émotions fortes et vibrantes. Personne n’a pu rester insensible face à cette barbarie, et chacun le démontre avec plus ou moins de force.



J’ai particulièrement été touchée par le texte de Christel Noir, je me suis sentie proche des mots de Fredéric Lenoir, j’ai aimé le ton de la poésie de Katherine Pancol, l’humour inversé de Eric Emmanuel Schmitt, et je me dis qu’il faudrait suivre les conseils avisés de Claude Halmos. Je ne cite qu’eux, mais en fait chaque auteur a su me faire ressentir une émotion, je n’ai gardé que les plus fortes, ce recueil a de quoi vous prendre aux tripes, c’est certain!



En plus, d’être un formidable élan de compassion et de solidarité de la part de ses auteurs contemporains , tous plus intéressant les uns que les autres, nous avons la chance de relire, de redécouvrir des textes forts de Victor Hugo, Diderot, Voltaire, qui sans leur courage et leur soif de liberté, n’en serions pas surement là aujourd’hui, à prôner haut et fort la Liberté d’expression.



Je voulais donc remercier les éditions Le livre de poche pour cette belle initiative.


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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

De Jacques Attali à Voltaire en passant par Denis Diderot, Bernard Pivot, Katherine Pancol, ce recueil regroupe les écrits de soixante auteurs sur les évènements de janvier 2015. Ceux-ci ont le plus souvent été composés à chaud, avec les tripes. Cet engagement se ressent de manière variable mais avec une intensité plutôt étonnante.



En elles-mêmes les compositions sont variées : fictions, lettres, citations, articles de presse mais elles véhiculent le même message, sans pour autant verser dans des répétitions ou un pathos malvenus. Il est toutefois recommandé d'éviter la lecture "d'une seule traite" qui laissera un sentiment de lassitude. Le recueil doit être compris dans la même perspective que le célèbre Indignez-vous ! de Stéphane Hessel. Il s'agit ici d'un éloge de la République, des valeurs qui lui sont attachées, des idées des Lumières, de l'esprit français. Chacun à sa manière tente d'apporter sa pierre à l'édifice mais la philosophie est la même : être fier de nos valeurs et les défendre.



Certains textes sont de véritables pépites. A cet égard, la fiction humoristique de Romain Puértolas est une véritable bombe de table. Ce fruit d'une imagination fertile est immédiatement suivi par un hommage à un autre Charlie composé par Serge Raffy. Au titre des découvertes intéressantes, l'analyse faite par Maxime Chattam doit être signalée, car il nous apprend au passage une nouvelle qui attristera ses fans.



Écrire est une forme d'engagement... mais qu'en est-il des actes ? S'il est impératif de saluer cette initiative littéraire (profits reversés au journal, délais de parution très courts) il est difficile de donner un avis sur la suite. A lire les quelques pages de ce corpus, tout le monde est d'accord sur la nécessité d'agir. Mais concrètement, nos chers penseurs ne nous livrent pas forcément leur manière d'agir. Écrire et participer aux rassemblements républicaines, certes... mais encore ? Cette impression de manque (aisément compréhensible) porte toutefois un grand préjudice à cette initiative, pourtant emplie d'une bonne dose d'émotion.
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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Ce recueil est parut suite aux attentats du journal "Charlie Hebdo" . Je ne reviendrai pas sur ce dramatique événement, nul ne peut ignorer ce qu'il c'est passé, vu le soulèvement populaire national et international.



Les bénéfices de ce roman vont directement au journal, alors oui on sait que depuis ils ont ramassé suffisamment d'argent pour tenir plusieurs années donc je n'insisterai pas sur ce point. Par contre la lecture de ce roman est un combat pour la liberté d’expression. Liberté qui nous est chère. Liberté qui m'est essentielle. Liberté qui me permet de me sentir moi-même et de dire ce qu'il me passe par là tête, même si ce sont des inepties.



Donc ce recueil regroupe les textes de 60 auteurs. Dont, parsemés, des extraits de Beaumarchais, Diderot, Hugo et voltaire qui se sont battus aussi, autre époque et combat égal.



Tous les autres ont réagit et fait parler leurs plumes, leurs armes, leurs cœurs. Pour certains ce sont des courriers ou un constat, des réactions car nul ne pouvait rester muet sinon tout était perdu (pourquoi d'ailleurs mettre cette phrase au passé !) . Pour d'autres c'est ce qu'ils savent faire de mieux, un conte une histoire (j'ai une préférence pour cette forme de manifestation).

Alors j'ai des auteurs de prédilection bien évidement. L'histoire Fabrice Humbert me touche particulièrement ( en même temps j'ai un attachement pour cet auteur.) Une grande tendresse pour le texte de Ian Manook car je vois ma grand-mère dans les traits de sa mère. Sans oublier Romain Puertolas qui me fait sourire malgré l'horreur et ça chapeau Monsieur !



Et malgré les 3 mois de passés je peux vous garantir que l'émotion reste la même en lisant ces lignes. Les larmes ne sont pas loin.





Je terminerai cette chronique par une citation de la réaction de Frédéric Beigdeger car elle me fait penser à la dernière boucherie au Kenya qui vient de perdre ses étudiants .

"A ce violent malaise que cette sensation procure, aux larmes du chagrin, à la culpabilité d'être plus troublé par ces morts si proches que par les milliers de victimes à deux heures de chez nous. Si, ne soyons pas hypocrites, c'est une règles journalistique bien connue, les massacres géographiquement éloignés nous perturbent moins que deux ou trois morts dans notre ville, notre pays. Pourtant, une certaine souffrance est là. A des degrés divers selon sa sensibilité, son empathie, son fatalisme."
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Bérénice 34-44

On pourrait croire, selon moi, à tort, qu'il est plus aisé pour un écrivain de choisir un univers qui le passionne. Si l'inspiration, certes, ne fait alors pas défaut, il n'en reste pas moins que l'auteur doit veiller à ne pas étouffer son lecteur avec cette nourriture presque trop abondante. Il faut convaincre et non gaver (sans jeu de mots, je reste sur ma (tentative) de métaphore).

En s'emparant d'un sujet comme l'amour du théâtre qui, à en juger par son parcours professionnel _ elle est actuellement secrétaire de l'Athénée Théâtre Louis Jouvet_ l'intéresse au plus haut point, Isabelle Stibbe aurait pu être assommante par excès de lyrisme (le sujet s'y prête tellement !) ou de valeurs imposées. Mais elle n'est pas tombée dans le piège, ce qui constitue une belle prouesse pour un premier roman, surtout quand il fait 350 pages.

La vocation absolue de Bérénice pour le théâtre est présentée de manière maîtrisée avec une montée en puissance qui invite le lecteur à se joindre progressivement au cercle que l'auteur forme avec son sujet d'inspiration et l’héroïne qui l'incarne.

Cela commence par une conviction naïve et mal dégrossie d'une enfant de 8 ans, dont le père, émigré juif de Russie a choisi le prénom par amour de la langue française. Six ans plus tard, l'enfant est devenue une adolescente à la détermination farouche, prête à se mettre en rupture avec sa propre famille pour tenter le concours d'entrée au Conservatoire et qui décide d'acter sa décision, dans un désir têtu de congruence. Une protectrice inespérée lui sert de prête-nom : De Lignières, en voilà une belle consonance pour les affiches ! Elle a cependant tout à apprendre et trouvera en Jouvet, un maître exigeant tout autant que novateur et qui prend parfois plaisir à se moquer de son amour pour cette vieille maison qu'est la Comédie-Française car Bérénice n'en démord pas, c'est dans ce velours là qu'elle veut jouer. Venant de loin, il lui faut la légitimité de la maison de Molière, cette institution pourtant un peu poussiéreuse au milieu des années 30 où les sociétaires sûrs de leurs "emplois" (terme de théâtre) bloquent souvent les velléités de modernisation de l'administrateur général. L'auteure est parfaitement documentée sur l'histoire de la maison, se basant notamment sur les rapports précis établis par Jean Knauf pour les saisons allant de 1938 à 1943 (en lecture sur le site de la Comédie-Française).

Bérénice qui ne vit que par et pour le théâtre (un peu aussi pour son homme, un musicien allemand exilé pour cause de convictions anti-nazies), qui passe du statut de pensionnaire à celui de sociétaire en un temps record, se préoccupe assez peu de la guerre que l'on devine imminente. Pourtant, dès 1939, elle est bien obligée d'être en prise avec la réalité. C'est d'abord son homme qui est arrêté, suspect parce qu'Allemand puis, en 1940, avec la défaite et la situation d'Occupation, c'est elle-même qui est menacée. La Comédie-Française, symbole par excellence de culture fait l'objet de toutes les attentions des services de propagande allemande et le nouvel administrateur général est prié de donner les noms des membres juifs de la troupe. La délation fait craquer le vernis de sa nouvelle identité de comédienne, Bérénice de Lignières s'efface et laisse réapparaître Bérénice Kapelouchnik, fille de Moïshe, émigré juif russe ayant fui les pogromes, engagé volontaire en 1914 pour servir la France. Cette judéité qu'elle a reniée car rien ne devait venir s'intercaler entre elle et son désir de théâtre lui revient en fait comme la seule identité possible. Pourtant, elle ne se soumet pas au recensement pas plus qu' au port de l'étoile jaune, refusant d'accréditer des lois qu'elle estime iniques, refusant de quitter la France pour rejoindre son mari en Espagne, refusant la défaite tout simplement et choisissant, avec d'autres, les formes de combat possible, faisant sienne à nouveau la devise de la vieille maison, "Simul et singulis", "être ensemble et être soi-même". On la savait déterminée et volontaire, on va la découvrir courageuse voire héroïque. Elle est magnifique, portée par une écriture qui l'est tout autant mais ce n'est pas un rôle cette fois et personne, exceptés les lecteurs de cette histoire, ne viendra l'applaudir.


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Les maitres du printemps

Je ne me doutais pas en m'emparant de ce livre couleur safran, maison d'édition oblige, je suppose, en le choisissant justement pour son orangé qui invariablement chez moi ravive le doux souvenir d'un célèbre dinosaure télévisuel (tant pis, j'assume), je ne me doutais pas, disais-je, à sa couverture soyeuse et à son titre fleuri (tiré d'une magnifique citation de Pablo Neruda) que l'auteure allait proposer de nous plonger à l'opposé du doux, du soyeux et du fleuri, dans un univers d’acier, de bruit, d’incandescence et de métal en fusion, le tout avec un arrière-plan de crise et de lutte ouvrière.

En Moselle, la vallée de la Fensch déroule ses usines sidérurgiques et ses menaces de fermeture. Des logiques financières de grands groupes sont à l’œuvre, dépassant complètement voire méprisant la volonté farouche de centaines d’ouvriers de maintenir l'activité du dernier haut-fourneau d’Aublange, la volonté de poursuivre un métier qui avait été garanti à vie aux générations précédentes, récompense attendue, telle un accord tacite inoxydable pour prix de la dureté et du danger. Des logiques qui font fi d’une rentabilité pourtant immédiate et d’une demande mondiale évidente sur l’acier. Derrière l'histoire d'Aublange, c'est celle, réelle, mouvementée, douloureuse de Florange (son usine, son projet de nationalisation temporaire, sa loi du même nom) qui nourrit l'inspiration de l'auteure.

Trois hommes vont se retrouver au cœur de la lutte et donner une dimension chorale au roman.

Pierre Artigas, fils d’immigrés espagnols venus tenter leur chance en Lorraine à l’époque où elle embauchait, est tombé amoureux du métier à la minute où il a assisté au spectacle de la fonte en fusion (le lecteur aussi est fasciné tant l'auteure sait magnifiquement le décrire et le faire partager). D’abord ouvrier « par défaut », pour cause d’ascenseur social bloqué, Pierre s’est efforcé de devenir un excellent fondeur, fier de ses gestes et de son expérience, conscient du savoir-faire hérité. Le syndicalisme est une affaire de famille chez les Artigas (parfois payée au prix fort). Lorsque la menace de fermeture de l’usine à chaud se concrétise, Pierre s’implique sans compter pour l’empêcher. Avec sa bouille charismatique et son verbe haut, il devient vite le chouchou des médias tout autant qu’un symbole. C’est l’ouvrier qui refuse de se soumettre tandis qu’Aublange et son avenir incertain font figure de miroir du déclin industriel français.

Daniel Longueville, fils d’ouvriers lui aussi mais pas spécialement fier de l’être. A eu très vite la volonté chevillée au corps de s’extirper de son milieu, est devenu avocat d’affaires puis est entré dans la carrière politique : député, ministre et ne compte pas s’arrêter là. A le verbe haut lui aussi mais ne le met pas au service des mêmes causes. Vivait assez bien son statut de transfuge social (pour employer un terme cher à Annie Ernaux) jusqu'à ce que le dossier Aublange et ses enjeux lui rappellent que dignité ouvrière ne forme pas un oxymore.

Max Oberlé, sculpteur coté dont les œuvres monumentales sont commandées par les salles d'exposition les plus prestigieuses. Issu de la grande bourgeoisie, il n'a jamais eu à se préoccuper du sort des ouvriers, a accompli son parcours professionnel en solitaire en rencontrant certes reconnaissance et notoriété mais sans jamais éprouver la joie de la fraternité, de l'appartenance au groupe et des "espoirs partagés". Âgé et malade, il est ému par le combat des "Aublanges" et aimerait que son Monumenta, tout en acier lorrain, témoigne de leur savoir-faire et serve leur cause.

C'est avec une très belle qualité d'écriture qu'Isabelle Stibbe rend compte de l'âpreté de cette lutte et des enjeux humains qui lui sont attachés. Le vocabulaire est juste, pertinent, riche ; le style s'autorise quelques envolées lyriques ou musclées mais toujours bien dosées. L'auteure semble à l'aise dans la pugnacité (des réflexions bien senties sur les dommages du libéralisme et de la mondialisation) comme dans l'évocation poétique, presque nostalgique déjà d'un monde ouvrier appelé à se justifier d'exister encore. Mais l'on perçoit que, tel un chevalier, elle bataille justement contre une nostalgie possible qui signifierait que cette activité se conjugue au passé, activité qu'elle veut présente, réelle et non masquée par des parcs d'attraction ou des musées, des ouvriers qu'on laisse travailler, tout simplement.


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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Suite aux terribles événements qui ont endeuillé notre pays en janvier 2015, "Le livre de poche" a pris l'initiative de publier plusieurs textes d'auteurs et de reverser le bénéfice de la vente à Charlie Hebdo.



60 textes d'auteurs contemporains et d'auteurs des siècles passés composent ce recueil.



Autant d'auteurs, autant de points de vue, autant de manières de réagir face à la barbarie.



Certains textes apportent des pistes de réflexions, d'autres écrits à chaud sont davantage empreints d'émotion. Les textes d'auteurs des siècles passés nous apprennent que certaines problématiques ont la vie dure, que la liberté de pensée est un combat.



Autant d'auteurs, autant de points de vue, écrivais-je plus haut. Donc difficile d'adhérer à toutes les opinions publiées, question de sensibilité, de vécu, de personnalité. Mais je ne peux que louer l'élan de solidarité suscité par cette belle initiative.
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Bérénice 34-44

La voie de Bérénice, ne serait-ce qu’en raison de son prénom, était toute tracée : sa vie serait consacrée au théâtre. Et elle y brille sur les planches, jusqu’à être admise à la Comédie Française. En 1937, malheureusement pour elle. Car Bérénice va être rattrapée par son passé, qu’elle a pourtant cherché à dissimuler : elle est juive…

Ce roman est particulièrement remarquable par sa capacité à mêler fiction et réalité : la façon dont Bérénice évolue auprès des personnalités de l’époque (Jouvet, Gabin,…) est si crédible qu’on est tenté de croire que Bérénice a réellement existé. Les heures sombres de l’occupation, ses incidences sur la vie de cette institution qu’est la Comédie Française, l’exclusion brutale des juifs de la société, tout ceci est très bien évoqué, et permet à mon sens de rattraper une première partie de roman où l’histoire et les personnages manquent un peu d’épaisseur.

Bérénice, en particulier, va évoluer, contrainte et forcée par les évènements : elle qui avait sacrifié ses parents et ses origines à sa vocation, va subitement devoir renoncer à ce qui était toute sa vie, le théâtre. Elle va quitter la scène, rentrer dans le rang, pour progressivement, face aux injustices et à la barbarie, trouver une nouvelle voie, un nouveau rôle presque.

Mais le titre du roman (cette période accolée au prénom de l’héroïne, signifiant un début… et une fin) ne laissait finalement que peu de doute, tout comme l’allusion régulièrement distillée au fil des pages sur ce que Bérénice ne pourra dire à ses enfants ou à ses petits-enfants : la destinée de Bérénice serait tragique, c’était inéluctable.

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Bérénice 34-44

Un angle original pour ce roman : les années d'occupation vues à travers le prisme du milieu des artistes, et plus particulièrement des auteurs et comédiens rattachés à La Comédie Française. Très bien documenté, il montre toute la complexité et l’ambiguïté de la situation de ces "saltimbanques" exclusivement voués à leur art, soudain obligés de s'éveiller à la politique. On retrouve bien sûr des thèmes souvent abordés dans les romans qui traitent de cette époque : les différences de comportement face aux restrictions imposées aux Juifs, la difficulté de discerner le vrai du faux, les petites mesquineries et les grandes trahisons. Mais on ne peut s'empêcher d'être touché par ces personnages qui, encore moins que les autres, n'étaient absolument pas faits pour la guerre.



Voici donc dix années dans la vie de Bérénice de Lignières. Passionnée de théâtre depuis l'âge de huit ans, elle est admise première au concours d'entrée du Conservatoire en 1934, contre l'avis de ses parents qui la bannissent. Grâce au soutien d'une cliente de son père, elle poursuit son apprentissage dans la classe de Louis Jouvet et entre à la Comédie Française en 1937 sous ce nom de scène. Bérénice ne vit que pour sa passion du théâtre et des grands auteurs classiques, elle apprécie par dessus tout l'esprit de troupe qui règne dans la grande maison et gravite dans un milieu artistique qui l'amène à rencontrer deux hommes qui compteront particulièrement pour elle : Nathan Adelmann, célèbre compositeur juif allemand en exil et Alain Béron, son librettiste, poète et avocat.



Bérénice et Nathan se marient, leurs carrières respectives sont en plein essor lorsque la guerre éclate. Échaudé par son expérience allemande, Nathan choisit de partir pour l'Espagne tandis de Bérénice, aveuglée par son amour de la scène choisit de rester. Sauf que Bérénice de Lignières cache en réalité Bérénice Capel, fille de Moïshe Kapelouchnik réfugié juif de Russie dont le nom sera francisé au moment de sa naturalisation en 1892. Dénoncée, elle sera exclue de la Comédie Française comme tous les acteurs juifs, à la demande des autorités allemandes. Réfugiée chez Alain Béron, sa conscience politique s'éveillera peu à peu l'amenant à passer à l'action autrement que sur une scène de théâtre. Et à comprendre cette phrase longtemps répétée par son père : "Etre juif, ça se porte"



Si les trois principaux protagonistes de cette histoire sont des personnages créés de toutes pièces, ils croisent la route de toutes sortes de gens bien réels. Louis Jouvet, Pierre Dux, Robert Manuel, Jean-Louis Barrault, Madeleine Renaud, Véra Korène ou encore Jacques Copeau l'administrateur de la Comédie Française au moment de l'exclusion des acteurs Juifs. Ce qui fait de ce roman une mine d'information sur ce milieu, autant qu'un hommage émouvant à toutes les victimes de cette terrible époque.
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Le roman ivre

Ce petit roman jubilatoire fait la part belle à l'imagination et rend un hommage malicieux au grand Alexandre Dumas et à ses Mousquetaires.

Tout part de la rue Férou, proche du jardin du Luxembourg qui présente un double atout : avoir abrité le logis d'Athos et posséder de nos jours un mur sur lequel a été peint une strophe du célèbre "Bateau Ivre" de Rimbaud. Un soir, la jeune avocate Camille, qui habite cette rue, est agressée par deux voyous, perd connaissance et se réveille face à...Athos.

Elle s'aperçoit qu'il lui suffit de toucher le mur Rimbaud pour se retrouver au XVIIe siècle au cœur du roman de Dumas.

Il s'en suit une aventure échevelée de Paris à Venise en passant par Lyon avec chevauchées, coups de mousquets, affrontements à l'épée...

Les amoureux de Dumas et des romans et films de capes et d'épées se régaleront. Isabelle Stibbe, outre une écriture dynamique, ajoute son regard d'écrivaine penchée au-dessus de son manuscrit (aidée par les remarques de sa petite fille) et ce brin d'humour qui fait de son roman une agréable friandise qui se déguste avec grand plaisir.
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Les maitres du printemps

La vallée de la Fensch en Moselle n’est plus la vallée des anges, elle va devenir la vallée de la mort. La mort de la sidérurgie, l’arrêt des hauts-fourneaux pour une vile question d’argent. Il faut le savoir, à Florange, pardon Aublange dans le livre, il y a des commandes, il y a du travail, mais l’indien comme ils l’appellent en a décidé autrement.

« Cette journée qui aurait dû être radieuse sous le soleil aguicheur mais non, putain de journée de juin, se lever et entendre ça, se prendre ce coup de poing dans la gueule qui les laisse là, sonnés, au bord de l’asphyxie, avec ce sentiment de vide qui doivent connaître au réveil les soldats amputés ». Le ton est donné, ce sera brut du côté du syndicaliste. Il parle avec ses tripes, avec sa peur au ventre, son désir de continuer ce travail si dur, si rude, mais qu’il aime, le mot est presque faible « C’est extraordinaire, quand tu vois la fonte en fusion qui jaillit, ce feu qui se déverse avec une puissance incroyable et que tu assistes à ça, c’est tellement plus grand que toi que tu ne voudrais être ailleurs pour rien au mode, et là tu l’aimes ton usine, tu l’as dans la peau. Après tu as beau revoir ce spectacle cent mille fois, tu ne t’en lasses jamais »

Alors, ils se battent et Isabelle Stibbe nous raconte cette bataille.

Ce livre écrit à partir de faits réels est ancré dans la réalité politique de l’élection présidentielle, la victoire du parti socialiste et, surtout, les espoirs que cette élection, suite aux promesses faites, a induit.

Livre à 3 voix et 3 couleurs.

Max (gris), le sculpteur au vocabulaire plus littéraire, plus sensuel « J’applique mes paumes contre la surface cimentée, comme un pianiste plaquerait un accord final. Je plonge dans le gris, m’en imbibe, deviens gris moi-même, m’étonne que ce soit si simple ». Son cœur est à gauche, mais, venant d’un milieu privilégié, il ignore le monde ouvrier, non pas par mépris, mais simplement parce que cela ne fait pas partie de son environnement. Il découvre Pierre « … quand un homme d’une cinquantaine d’années a accroché mon attention…. Ce type se bat pour sa peau. » et décide de créer sur le site d’Aublange sa sculpture gigantesque

Avec Pierre, le syndicaliste (rouge), c’est du brut, ça cogne mais ça pleure aussi. Ce fils d’immigré espagnol, syndicaliste dans l’âme, est l’incarnation de l’ouvrier selon Saint Media. « Ils viennent tous là pour nous interviewer, nous filmer, nous photographier, mais ils ne regardent pas l’usine comme nous. » Il se bat, avec ses camarades et les autres, pour sauver leur outil de travail, pour sauver leur vie, leur peau.

Daniel (blanc), ministre est souvent dans l’introspection, dans le doute. Fils d’ouvriers, il a tout fait pour oublier ses origines mais ressent dans ses fibres la fermeture des aciéries. Il est chargé de trouver une solution au problème d’Aublange.

Isabelle Stibbe nous raconte cette bataille. Son tour de force ? Changer de ton, de vocabulaire, de style pour chacun des trois intervenants, d’y avoir mis de la tripe, de l’humanité, de la poésie, de la beauté, de la vraisemblance.

J’ai vu vivre ces 3 personnages si différents qui, chacun à sa façon, lutte t pour ne pas que « l’Indien de mes couilles » ferme les hauts-fourneaux. Max, Pierre, Daniel nous livrent leurs états d’âme, leurs combats, le cheminement, la maturation de leurs pensées.

Un sacré bouquin, une belle écriture. Isabelle Stibbe se fait peintre, poète lorsqu’elle décrit le fer en fusion, se fait journaliste, polémiste, conteuse.

Une lecture passionnante où j’ai ressenti l’urgence, le temps de la lutte, de l’espoir. Le temps de l’analyse viendra plus tard.

« Tout à coup le silence. La boucheuse a injecté la masse d’argile réfractaire dans le trou de coulée. Un couvercle sur leur tombe. Cette fois, c’est vraiment la dernière coulée. »



Isabelle Stibbe écrit en exergue de son livre une très belle phrase pleine d’espoir de Pablo Neruda : « Nos ennemis peuvent couper toutes les fleurs mais ils je seront jamais les maîtres du printemps ».



J’aime le toucher de la couverture de ce livre tout de douceur dans sa couleur orange. Oui, comme le dit la 4ème de couverture, ce livre a du Zola, du Victor Hugo dans les veines. Quelles descriptions, quelles envolées ! C’est beau car vivant.

Vous l’avez compris : C’est un coup de coeur


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Bérénice 34-44

Depuis toute petite, et sans doute parce que son prénom l'y prédestinait, Bérénice sait qu'elle veut devenir comédienne. Mais ses parents, juifs, ne souhaitent pas d'un saltimbanque à la maison. Qu'à cela ne tienne, Bérénice préfère quitter sa famille et tenter le Conservatoire... La jeune étoile va vite monter, briller fort, avant de voir le ciel s'assombrir sous l'occupation allemande...



Quel dommage que ce livre ne soit pas plus connu ! L'auteur, pour un premier roman, fait montre d'un talent certain et nous dévoile les coulisses d'un monde peu relaté et très discret qui attire pourtant les regards de tous les professionnels, j'ai nommé la Comédie Française.

Les envies de monter sur les planches pour la vie de la jeune Bérénice ont fortement résonné en moi, moi qui, à une époque, ai aussi passé le dur concours du Conservatoire et n'ai pas dépassé le premier tour ; moi qui ai sacralisé, tout comme les jeunes comédiens du livre (et du monde réel), la Maison de Molière.

Toute la première partie décrit admirablement les concours, les sensations, les enjeux, la jeunesse, la naïveté sans doute, l'amour du théâtre et la vie à la Comédie. Stibbe réussit à transcrire ce charme de la scène, des rideaux rouges, de la dévotion pour un rôle ; à partager sa passion pour le théâtre et l'art en général.

Puis, la mise en contexte de la vie de la Maison sous l'occupation est saisissante. On vit la guerre de l'extérieur, de loin. C'est fort, c'est presque rare en littérature, surtout de ce côté-là du rideau, en coulisses. Comment le destin, les évènements, l'Histoire peuvent changer une vie qui n'avait rien prévu de cela...

Ce n'est pas un hasard si je parle de Bérénice, jeune première, comme d'une étoile, ce même symbole qui viendra changer l'avenir de millions de Juifs, condamnés à l'afficher sur leurs blazers, pire que des cibles prêtes à être percées par des flèches nazies...

C'est un très beau roman. Précis, à la fois lumineux et grave, qui se termine par un beau témoignage douloureux, après une fin de récit coup de poing.

Rendez à ce roman le juste retour qu'il mérite : lisez-le, tout simplement.
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Les maitres du printemps

Petite découverte de ce livre à l'écriture ciselée, au charme poétique, d'humeur familière, aux cris Cyniques, d'un sujet brulant touchant notre société présente, notre quotidien, c'est le combat entre l'humanité et le pouvoir de l'argent.

Les maîtres du printemps, d'Isabelle Stibbe, est un roman qui retrace le combat d'une région, la Lorraine, d'une ville, Aublange, de ces ouvriers, des Hauts fourneaux d'Aublange, et de l'histoire de ces trois hommes que tout oppose. Un métallurgiste syndicaliste d'origine espagnol, un politicien socialiste ministre de l'Industrie issu d'une famille ouvrière et un Sculpteur de renom octogénaire atteint d'un cancer dans sa dernière œuvre Antigone... Un chassé-croisé entre ses trois personnages où leurs pensées tissent la toile de l'intrigue de ce roman. Isabelle, dans cette recherche de proximité, entremêlent les diverses émotions de ces trois hommes entre réflexions, réponses à des questions, discours, lettres, avec cette écriture plus intime. Le sujet fait écho à celui de Florange et de la lutte des ouvriers pour garder en vie cette région avec la préservation de ses emplois…

Nous pénétrons dans les coulisses et les états d'âme de tous ses protagonistes dans la lutte humaine face au pouvoir des finances, ce combat de certains hommes face à leur destin et leur passé, source d'un avenir marqué au fer rouge, prisonnier incertain de cette enfance perdu dans l'abime de leur carrière...

Ce roman court pose cette question sociétale de l'argent, du chômage, du choix, d'avenir, de l'espérance, de la lutte, des ambitions, de la politique, de ces maux qui gangrènent la vie.

La poésie du portrait de ces hauts fourneaux où la lave chante, où la mélodie prosaïque d'Isabelle Stibbe caresse avec émotion la chaleur fusionnelle de cette naissance de l'acier. Un roman juste à la saveur légère du roman d'Émile Zola, Les Rougon-Macquart, tome 13 : Germinal.
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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Il s'agit d'un recueil de textes de 60 écrivains classiques et surtout contemporains unis pour défendre la liberté d'expression suite aux attentats de janvier.

Certains textes sont ecrits à chaud et se situent plutôt dans le registre de l'émotion, d'autres se situent plus dans la réflexion.

Si tous sont intéressants, ils sont de styles et de longueurs variables , et il y a sans doute moins d'unité et de cohérence que dans la BD car les événements sont abordés sous des angles très différents. L'initiative n'en reste pas moins à encourager.

Pour ma part, j'ai été plus particulièrement sensible aux textes d'Eric-Emmanuel Schmitt, Bernard Pivot, Gérard Mordillat et Julien Blanc-Gras pour ne citer qu'eux.
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Bérénice 34-44

François Truffaut dans son film le dernier métro évoquait déjà l'histoire du théâtre français sous l'occupation. Bérénice 34-44 de'Isabelle Stibbe, secrétaire générale de l'Athénee Théâtre Louis Jouvet, nous ouvre les portes du temps de la Comédie Française. « Certaines préoccupations sont communes aux Allemands et au régime de Pétain : maintenir l'ordre, assurer une censure stricte, "désenjuiver" le théâtre français... Tout un ensemble de mesures, générales ou plus particulières à la culture, encadre désormais l'activité théâtrale.Ainsi, dès septembre 1940, les Allemands publient la fameuse "liste Otto" (du nom de l'ambassadeur d'Allemagne, Otto Abetz), complétée par une seconde en 1942: au total, 1200 titres, "qui empoisonnent l'opinion publique", sont interdits et de nombreux auteurs sont mis à l'index : tous les écrivains juifs, les opposants allemands, les Français "douteux", les Anglo-saxons postérieurs à 1870... » comme l'explique Pascal BAUCHARD dans l'educiné.

Fallait il jouer, fallait il continuer de jouer, et si oui, à quelle condition, à quel prix, au nom de qui, pour qui et devant qui ?

Entre purge, rafle et censure, entre la Propaganda Staffel et la presse collaborationniste fallait il sauvegarder « les emplois » , continuer de vivre de son art, ou faire le choix de ne rien concéder au nom de l'Art lui même ? C'est la question de l'engagement et du devoir de l'artiste qui est posée vraisemblablement à travers ce livre. Pourquoi l'ensemble des sociétaires de la Comédie-française n'a-t-il pas démissionné lorsque le régime nazi a demandé l'exclusion des comédiens juifs ? Pourquoi les héritiers de la maison de Molière à ce moment de l'histoire ont ils fait le choix de rouvrir le théâtre ? Quelles responsabilités incombaient aux artistes ?

Claudel, Vidal, Cocteau, Barrault, Dux, Anouilh, Sartre et bien d'autres continuèrent de jouer, d'écrire et de mettre en scène. Résister, contourner la censure, entretenir coûte que coûte la flamme?

Quant à elle , la Comédie-Française entre symbole et patrimoine, entre honneur et mémoire, quel choix devait elle faire ?



Astrid Shriqui Garain
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