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EAN : 9782749172811
156 pages
Le Cherche midi (13/01/2022)
3.5/5   19 notes
Résumé :
Vivienne Kassoka est une brillante Sénégalaise qui vit à Paris où elle prépare une thèse sur Machiavel. Elle vient d’avoir une petite fille avec Emmanuel, un homme beaucoup plus âgé qu’elle, qui connaît bien l’Afrique. Si Vivienne se sent au confluent de deux cultures, elle semble parfaitement intégrée et paraît mener une vie paisible.
Pourquoi alors affirmer à Emmanuel qu’elle envoie leur bébé de quinze mois au Sénégal dans sa famille, puis acheter deux bill... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Ce court livre ne compte qu'un peu plus de 150 pages, mais au niveau des émotions, c'est à la fois fort et puissant. Traitant comme principal sujet un infanticide, Isabelle Stibbe, s'inspire d'un fait divers réel de 2013. Elle apprivoise un choc des cultures entre la France et le Sénégal, qui même s'il n'explique pas le geste maternel, n'en reste pas moins un des facteurs essentiels dans le drame.

Vivienne Kassoka est une jeune fille issue de la bourgeoisie de Dakar. Elle arrive en France en vue de poursuivre ses études et sa thèse. Pourtant, elle y fait la rencontre d'Emmanuel, sculpteur beaucoup plus âgé qu'elle et ils se mettent en couple. Aurore sera le fruit de cette union. Alors que cette famille aurait tout pour vivre un parfait bonheur, Vivienne réserve un jour deux tickets de train pour se rendre à Berck où elle commettra l'irréparable.

Tout comme la couverture l'illustre si bien, ce livre est celui de l'ambivalence entre deux contrées, entre deux cultures, entre deux mondes à appréhender, avec ses us et coutumes si différents et pourtant si importants à comprendre. Les traditions sont ancrées en nous, qu'on le veuille ou non, qu'on reste dans son pays natal ou qu'on s'exile à l'autre bout du monde. Alors que pour nous occidentaux, une part non négligeable du vécu de Vivienne pourrait être considéré comme irrationnel, cette complexité n'est pas omise du récit.

Ce roman glaçant n'est pas là pour justifier le geste sordide mais apporte, petit à petit, des fragments de la vie de cette mère dont l'ancrage du folklore a pris le pas sur sa vie française et sa parfaite intégration. Les bribes d'informations se découvrent timidement dans le comportement de cette mère ainsi que dans celui de son entourage. Les faux-semblants de cette spirale destructrice entourant ce drame ne se révèleront qu'au cours du procès et saisiront effroyablement le lecteur.

Isabelle Stibbe en tire un roman poignant et troublant. Avec un brin de poésie, le côté purement sordide est mis de côté pour se concentrer sur la psychologie des protagonistes.

Vous ne pourrez-vous empêcher de vous rappeler la voix suave de Nina Simone sur cette chanson « I put a spell on you », éponyme au livre. Ici vous en découvrirez plutôt la version originale de 1956 de Screamin' Jay Hawkins que vous entendrez résonner au fil de pages, jusqu'au final révélant bien des secrets.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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S'appuyant sur un fait divers ayant eu lieu en 2013, Isabelle Stibbe nous livre ici l'histoire de Vivienne Kassoka, jeune femme noire d'une trentaine d'années, catholique, née à Dakar dans un milieu aisé.

Elle rêve de Paris depuis toujours et décide de s'y installer pour entamer une thèse sur Machiavel. Elle rencontre Emmanuel, un homme plus vieux qu'elle, sculpteur à la retraite. de leur union nait Aurore. Emmanuel est plutôt prévenant, même s'ils sont tous les deux indépendants, et après avoir craint l'arrivée de sa fille, il est finalement heureux et s'occupe bien d'elle. Vivienne est une mère aimante elle aussi, elle prodigue les soins nécessaires à l'enfant, la câline, la masse, lui parle gentiment...

Mais Vivienne est confrontée à un choc des cultures terrible et se retrouve rattrapée par les croyances de son pays d'origine. Elle est persuadée d'être maraboutée, d'avoir été ensorcelée. Elle sombre peu à peu dans un délire, elle étouffe dans ce tête-à-tête avec sa fille. J'ai souvent fredonné la chanson "I put a spell on you" au cours de ma lecture, mais ici il s'agit de la version hallucinante de Screamin' Jay Hawkins, très bien décrite dans le livre.

Isabelle Stibbe a une écriture poétique et très évocatrice, j'ai voyagé, senti les fragrances et goûté les mets du Sénégal. le thème de la magie noire est plutôt rare en littérature blanche et j'ai apprécié cette incursion, loin des clichés.

L'infanticide est traité avec finesse et pudeur. Mais quel dommage de tout dévoiler sur la quatrième de couverture qui est ni plus ni moins qu'un résumé du livre. J'aurais souhaité sentir monter la pression jusqu'au dénouement. le livre aurait eu encore plus d'impact.

Un roman aussi court qu'intense. La première partie m'a beaucoup plu. On découvre la vie de Vivienne et d'Emmanuel suite à la venue de la petite. On se remémore des scènes de vie du Sénégal. La seconde partie est intéressante aussi mais la partie du procès m'a semblée très courte, les quelques révélations tombent trop rapidement.

Une lecture originale et qui tient en haleine. On est plongé dans la psyché des personnages et j'adore ça. le roman aurait pu être plus détaillé, notamment sur la partie du procès. Mais ça reste une lecture que je conseille, bien qu'elle dérange et remue.



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•MATERNITÉ AMBIVALENTE•

Il suffit de faire défiler ses story instagram pour se rendre compte que la maternité pour certaines mères peut vite dériver. Si elles décident de partager leurs colères car leur enfant pleure constamment ou qu'il rythme leur vie et leur sommeil rayé de la carte, Isabelle Stibbe nous embarque dans la psyché de Vivienne Kassoka. Jeune mère sénégalaise préparant une thèse sur Machiavel, elle n'a de cesse de se parler et de confronter sa dualité à la réalité. Son conjoint bien plus âgé qu'elle, homme blanc tentant bien de la rassurer, il n'aura jamais accès à ce dédoublement de personnalité. Jamais il n'aura pu véritablement comprendre le mal qui sommeille en elle jusqu'à l'irréparable.

Vivienne Kassoka en apparence fait tout pour être une mère modèle pour l'es premiers mois de son enfant. Elle s'appelle Aurore, n'a rien demandé à la vie, encore moins à la mort et pourtant son destin va basculer en dix secondes. Abandonnée à son sort sur une plage de Berck dans ses vêtements chauds mais sans protection divine. Il y a ce déclic chez Vivienne : cette morsure dont elle ne sera pas fière et qui modifiera l'es pensées terribles qu'elle porte en elle. Par ses us et coutumes africains, elle entend des voix, constate des choses inhabituelles, la sorcellerie et le maraboutage entrent en jeu. Peut-elle se retrancher derrière cette pathologie dans un pays où être cartésien demeure la règle ? Que feriez-vous en tant que juré dans cette cour d'assises ? Condamneriez-vous cette femme qui dans son agenda notait de manière froide et implacable ce qu'il venait de se produire.

Ce roman est aussi celui du Sénégal ou l'on retrouve parfum et odeurs, où chaque scène devient réelle car tout au long de cet ouvrage, vous aurez les images de ces personnages. Je pense notamment à ces seconds rôles souvent abandonnés, Isabelle Stibbe entre aussi dans leur quotidien à chaque fois qu'ils ont un rôle à jouer. le cheminot ou l'ancien guide touristique de Bercy rajoutent au parcours de Vivienne, une touche extrêmement sensible et juste.

« Parfois quand tout va bien, vient l'envie de tout saccager. Par ennui ou par défi. Pour voir». Avec un sens de la narration évident, en jouant sur certains champs lexicaux, en insérant des choeurs de fées marraines de manière théâtralisée et poétique, on tient là un roman tout à fait singulier dans sa tentative d'expliquer l'infanticide. Sans jamais être manichéenne, Isabelle Stibbe insère l'humanité là où nous ne la voyons que rarement. Découpé en trois parties volontairement déséquilibrées, nous subissons « l'exil perpétuel » de Vivienne où les cinquante dernières pages en deviennent bouleversantes.

En s'appuyant sur le cas de Fabienne Kabou en 2013 qui écopa en appel de 15 ans de prison, Isabelle Stibbe s'insinue dans les affres de l'âme humaine avec talent.
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Mention spéciale à Emmanuelle Delacomptée qui dirige cette collection Passe-Murailles pour abolir les frontières.
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Isabelle Stibbe a été reçue hier dans une rencontre VLEEL.
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Dès l'exergue la référence à Médée pose le sujet. Ce sera une tragédie. Celle de l'infanticide. On le sait avant même que l'histoire ne commence. Mais peu importe, comme dans toute tragédie c'est le chemin qui mène à l'issue fatale qui compte et c'est celui qu'Isabelle Stibbe a retracé dans ce roman qui avec toute l'intensité et la distance de la fiction revient sur un fait divers sordide en posant un regard en profondeur sur l'intimité d'une mère aux abois.

Un incipit au cadre idyllique, mais au conditionnel… « Ce pourrait être »… qui très vite contraste et nous ramène à la terne réalité quotidienne de Vivienne, grande et belle femme d'origine sénégalaise, élevée dans une myriade de couleurs et d'odeurs près de Dakar qui lorsqu'elle rejoint Paris pour mener de brillantes études, se heurte au premier choc de la grisaille et de la morosité de la capitale, loin bien loin de la chaleur joyeuse et colorée du Sénégal.

Car l'histoire de cet infanticide est d'abord celle d'un déracinement, de celle qui a perdu ses repères et la liberté de son enfance dans une ville aux antipodes des lieux de ses ancêtres. Et quand on quitte ses racines, on les emporte avec soi : la cuisine, l'accent, les berceuses, le wax, les rituels ancestraux mais aussi les superstitions faites de sorcellerie et de maraboutage, capables, même sur un esprit aussi érudit que celui de Vivienne, de la faire basculer de la raison à la déraison, sans aucune forme de lucidité, uniquement basé sur la force de la croyance et l'incapacité à y résister.

Une prophétie.
Et plus rien ne semble pouvoir arrêter le geste de Vivienne, celui d'une mère aimante et possessive, mais toujours distante et surtout soumise aux voix qui l'entourent et l'obsèdent.
Et rien ne pourra agir- ni Emmanuel son compagnon réduit à un rôle subalterne, ni le choeur antique dont le discours a échoué face à une mère mue par un désespoir si profond qu'elle n'a plus qu'à accomplir son destin funeste pour se libérer des chaines de son envoutement.

Un fait divers tristement sordide traité avec beaucoup de pudeur et de justesse par Isabelle Stibbe. Elle retrace sans manichéisme le chemin psychologique, les actes et les gestes d'une mère qui jusqu'au bout sont ceux d'une maternité a priori paisible. Un roman suffisamment distant pour ne jamais tomber dans l'abject et dont les choix narratifs singuliers permettent aux lecteurs de remonter le fil de la tragédie et d'entendre en filigrane les cris déchirants de la version de Jay Hawkins de I put a spell on you
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Elle est brillante, Vivienne. Déjà toute petite, quand elle vivait au Sénégal, ses parents le voyaient bien, ce potentiel intellectuel. Aujourd'hui, la jeune femme vit à Paris avec Emmanuel, un homme beaucoup plus âgé qu'elle, passionné par l'Afrique, et elle prépare une thèse sur Machiavel. Ensemble, ils viennent d'avoir une petite fille et, vu de l'extérieur, ces trois-là semblent mener une vie paisible et pleine d'amour.

Pourtant, la journée, Vivienne semble se débattre contre des démons invisibles, elle panique, pense qu'on veut lui nuire, qu'on cherche à la blesser. Emmanuel, lui, est accaparé par d'autres soucis personnels et ne semble pas mesurer l'ampleur de la souffrance psychologique de sa compagne. Pourtant, ils s'aiment. Et ne dit-on pas que l'amour rend aveugle ?

Un jour, Vivienne lui dit qu'elle envoie leur fille au Sénégal, le temps de quelques mois. Elle a besoin d'espace pour terminer sa thèse. Et puis, là-bas, la petite sera choyée plus que de raison et pourra nouer un lien ténu avec ses origines. Pourtant, au dernier moment Vivienne achète deux billets pour le Nord-Pas-de-Calais. Direction Berck et sa plage. Là-bas, Vivienne commettra l'irréparable.
Puis, vient le temps du procès et Vivienne se défend en invoquant l'ensorcellement. Comment alors, juger cette femme ? Faut-il l'emprisonner, ou la soigner ? Vivienne est-elle saine d'esprit ? Et si derrière cette façade intellectuelle brillante se cachait une personnalité instable, à l'âme malade ?

En quelques pages, Isabelle Stibbe dresse le portrait d'une femme sur le fil de la vie et tente d'apporter des éléments de compréhension face à cet acte aussi atroce qu'incompréhensible qu'est celui d'une mère qui tué son enfant. L'écriture, sans pathos et sans jugement, qui m'a, au départ, semblé assez hermétique, a finalement su me convaincre et m'enivrer au point de ne pas voir le temps passer. Isabelle Stibbe ensorcèle et démontre, à nouveau, que ces histoires d'infanticides ne sont jamais qu'une question dichotomique.

Un roman qui bouscule et que je vous recommande.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La montée de lait l'arrache à ses pensées. Adieu images furtives de sa terre natale, la presqu'île du Cap-Vert et les balades en voiture le long de la corniche est, les "cars rapides" bleu et jaune recouverts d'inscriptions, de fleurs et d'animaux en tous genres - images pittoresques, couleurs criardes -, les séances de cinéma au Paris où se bécotent les amoureux, les plages de la pointe des Almadies. Adieu sensations d'enfance. Ils étaient libres, elle ignorait alors à quel point.
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Au pays, elle était une gazelle libre et vive comme le vent. A son arrivée en Europe, le regards des Blancs lui avait fait comprendre que ce n'était pas sa terre. L'insulte était toujours dans l'air, le " Rentre chez toi si t'es pas contente" ou son exact contraire, les clichés de colonialistes coupables qui essaient de s'en sortir par une trop grande politesse.
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La beauté et la flétrissure. Le miracle et le désastre. Parfois quand tout va bien, vient l'envie de tout saccager. par ennui ou par défi. Pour voir. Voir ce que ça fait de piétiner l'ordonnancement trop parfait des choses, comme ces esprits grincheux qui, dans un groupe plein d'entrain, n'ont de cesse de casser la bonne humeur générale. Salir la beauté, peut-être la punir aussi. salir la beauté - donner corps aux paradoxes, faire boxer les oxymores. Sa grand mère disait parfois d'un homme : Il est si laid qu'il en est presque beau.
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Ce premier jour, elle découvre que les mères sont des vigies. Sentinelles de la nouvelle vie qu'elles ont enfantée, le repos leur est désormais interdit
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Vidéo de Isabelle Stibbe
VLEEL Collection PASSE MURAILLES, Isabelle Stibbe et Charlie Roquin, Éditions Le Cherche midi
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