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Citations de Ivan Illich (235)


Ivan Illich
"La modernité a tué la gratuité."
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Sans y réfléchir, nous avons accepté l’idée qu’il existe des « enfants », et nous décidons qu’ils doivent aller à l’école, qu’ils sont soumis à nos directives, qu’ils n’ont pas de revenus personnels et ne peuvent en avoir. Nous attendons d’eux qu’ils restent à leur place et se conduisent en « enfants ». Il nous arrive, d’ailleurs, de nous souvenir avec nostalgie ou amertume, du temps où nous étions enfants, nous aussi. Il nous faut donc considérer avec tolérance, sinon envie, leur conduite « enfantine ». L’espèce humaine, selon nous, est celle qui a la lourde responsabilité et le privilège de s’occuper de ses petits. Nous oublions, ce faisant, que l’idée que nous nous faisons de l’enfance n’est apparue que récemment en Europe occidentale, et qu’elle est encore plus récente dans les deux Amériques(1).

L’enfance, que nous distinguons de la petite enfance, de l’adolescence ou de la jeunesse, n’apparaît pas en tant que notion distincte au cours du développement historique de la plupart des civilisations. Au cours de l’ère chrétienne, on semble souvent ne pas avoir eu une vision exacte des proportions du corps de l’enfant. Voyons, par exemple, ces représentations d’adulte miniature dans les bras de leur mère. Les « enfants » apparurent en Europe à la même époque que la montre de gousset et le prêteur d’argent chrétien. Vêtements d’enfant, jeux d’enfant, protection légale de l’enfance, voilà des choses que ne concevaient autrefois ni les pauvres, ni les riches. Ces idées commencèrent d’apparaître avec le développement de la bourgeoisie. Garçons et filles du tiers état et de la noblesse s’habillaient tous de la même façon que leurs parents, jouaient aux mêmes jeux, et les fils pouvaient, comme leur père, être décapités ou pendus haut et court ! La bourgeoisie découvrit l’ « enfance », et tout allait changer. Seules, quelques Églises continuèrent de respecter quelque temps encore la dignité et la maturité des enfants. Jusqu’au deuxième concile du Vatican, on continuait d’enseigner qu’un chrétien accède au discernement moral et à la liberté dès l’âge de sept ans, et qu’ensuite certains péchés l’exposent à la damnation éternelle. De nos jours, les parents veulent épargner à leurs enfants la sévérité d’une telle doctrine, et la catéchèse de l’Église aujourd’hui reflète ce sentiment.

(1) Dans son ouvrage l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Seuil, 1973, Philippe Ariès établit un parallèle entre le développement du capitalisme moderne et celui de la conception de l’enfance. (pp. 53-54)
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L'école prétend séparer le savoir en matières distinctes, puis de ces blocs préfabriqués bâtir, conformément à un programme donné, enfin mesurer le résultat par quelque mètre-étalon universel. Les hommes qui s'en remettent à une unité de mesure définie par d'autres pour juger de leur développement personnel, ne savent bientôt plus que passer sous la toise. Il n'est plus nécessaire de les mettre à une place assignée, ils s'y glissent d'eux-mêmes, ils se font tout petits dans la niche où leur dressage les a conduits. Au reste, ils n'imaginent plus qu'ils puissent en aller autrement pour leurs semblables : tout doit trouver sa juste place, toute chose et tout être s'assembler sans heurts.
Une fois rabaissés à cette taille médiocre, comment pourraient-ils saisir l'expérience non mesurable ? Elle leur glisse entre les doigts. Ce qui ne peut se mesurer, d'ailleurs, ils ne s'y intéressent pas, ou ils y voient une menace. Inutile maintenant de les dépouiller de leur possibilités créatrices, ils ont retenus la leçons, ils ont désappris à faire ou à être eux-mêmes; ils n'accordent plus de valeur qu'a ce qui est fabriqué ou le sera.
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Je connais un homme qui a vécu cette peur, cette réprobation de la société face à des possibilités nouvelles d'éducation, je veux parler de Paulo Freire. Il s'aperçut qu'il suffit d'une quarantaine d'heures pour que la plupart des analphabètes commencent à savoir lire et écrire, à condition que les mots qu'ils déchiffrent en premier aient pour eux une résonance profonde, j'entends qu'ils les fassent réflechir sur les problèmes de leur vie immédiate (constatons également que ces mots expriment le plus souvent une réalité politique) (...) Freire organise des réunions le soir où l'on parle de ces mots clefs, où il les fait apparaître sur un tableau noir et chacun de s'apercevoir que le vocable ne résonne plus, mmais qu'il est encore là présent devant eux, comme siles lettres permettaient de saisir la réalité et de la faire apparaître en tant que problème qu'il convient de résoudre. J'ai assisté moi-même à de telles séances, au cour desquelles on sentait se préciser chez les participants une conscience sociale qui les pousse à une action politique, en même temps qu'ils apprennent à lire. C'est commme s'ils prenaient la réalité en charge, à mesure qu'ils la déchiffrent et l'écrivent.
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Notre société force ses victimes à coopérer à leur propre oppression, qui prend la forme d’une tutélaire sollicitude.
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Aucune société, assurément, n’a continué de vivre sans avoir recours à un code rituel ou à un mythe, mais la nôtre est la première à qui il faille une initiation aussi interminable, abêtissante et coûteuse. Notre civilisation contemporaine est encore la première à juger nécessaire de fonder sa croyance sur la raison et de donner à ce rite initiatique fondamental le nom d’ « éducation ».
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La disparition de l'école pourrait conduire au triomphe du pédagogue, à qui l'on donnerait mandat d'agir en dehors de l'école sur la société tout entière.
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L'instruction ne peut être qu'une activité personnelle.
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Ivan Illich
Le vide du désert rend possible l'apprentissage de ce qui est le presque impossible : la joyeuse acceptation de notre inutilité.

Préface de Lettres du désert de Carlo Carletto

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L'homme moderne a du mal à penser le développement et la modernisation en termes d'abaissement plutôt que d'accroissement de la consommation d'énergie. Pour lui, une technique avancée rime avec une profonde intervention des processus physiques, mentaux et sociaux. Si nous voulons appréhender l'outillage avec justesse, il nous faut quitter l'illusion qu'un haut degré de culture implique une consommation d'énergie aussi élevée que possible. Dans les anciennes civilisations, les ressources en énergie étaient très équitablement réparties. Chaque être humain, par sa constitution biologique, disposait de toute l'énergie potentielle nécessaire sa vie durant pour transformer consciemment le milieu physique, selon sa volonté, puisque la source en était son propre corps à la leur condition d'être maintenu en bonne santé.
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Plus que la soif de carburant, c’est l’abondance d’énergie qui mène à l’exploitation. Pour que les rapports sociaux soient placés sous le signe de l’équité, il faut qu’une société limite d’elle-même la consommation d’énergie de ses plus puissants citoyens.
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Ivan Illich
“La condition du pauvre peut être améliorée si le riche consomme moins, tandis que celle du riche ne peut l’être qu’au prix de la spoliation mortelle du pauvre. Le riche prétend qu’en exploitant le pauvre il l’enrichit puisqu’en dernière instance il crée l’abondance pour tous. Les élites des pays pauvres répandent cette fable.”
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Dans le temps présent [1973], les critères institutionnels de l'action humaine sont à l'opposé des nôtres, y compris dans les sociétés marxistes où la classe des travailleurs se croit au pouvoir. Le planificateur socialiste rivalise avec le chantre de la libre entreprise, pour démontrer que ses principes assurent à une société le maximum de productivité. La politique économique socialiste se définit bien souvent par le souci d'accroître la productivité industrielle de tout pays socialiste. Le monopole de l'interprétation industrielle du marxisme sert de barrage et de moyen de chantage contre toute forme de marxisme hétérodoxe. Reste à savoir si la Chine, après la mort du président Mao Tsé-toung [1976], abandonnera elle aussi la convivialité productive pour se tourner vers la productivité standardisée. L'interprétation exclusivement industrielle du socialisme permet aux communistes et aux capitalistes de parler le même langage, de mesurer de semblable façon le degrè de développement atteint par une société. Une société où la plupart des gens dépendent, quant aux biens et aux services qu'ils reçoivent, des qualités d'imagination, d'amour et d'habileté de chacun, est de la sorte considérée comme sous-développée. En retour, une société où la vie quotidienne n'est plus qu'une suite de commandes sur le catalogue du grand magasin universel est tenue pour avancée. Et le révolutionnaire n'est plus qu'un entraîneur sportif: champion du Tiers Monde ou porte parole des minorités sous-consommatrices, il endigue la frustration des masses à qui il révèle leur retard; il canalise la violence populaire et la transforme en énergie de rattrapage.
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Chacun d'entre nous demeure responsable de ce qui a été fait de lui, même s'il ne peut rien faire d'autre que d'accepter cette responsabilité et de servir d'avertissement à autrui.
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« La majorité de la population appartient à ce néo-prolétariat post-industriel des sans-statut et des sans-classe […] Surqualifiés […], ils ne peuvent se reconnaître dans l’appellation de « travailleur », ni dans celle, symétrique, de « chômeur » […]. La société produit pour faire du travail […]. Le travail devient astreinte inutile par laquelle la société cherche à masquer aux individus leur chômage […] Le travailleur assiste à son devenir comme à un processus étranger et à un spectacle. »

André Gorz
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Un quatrième masque est placé sur le travail fantôme par la majorité des féministes qui se penchent sur les tâches ménagères. Elles savent que c’est un travail pénible, elles fulminent parce qu’il n’est pas payé. A l’inverse de la plupart des économistes, elles considèrent que le salaire perdu, loin d’être insignifiant, est considérable. De plus, certaines d’entre elles croient que le travail des femmes a beau être « non productif », il est cependant la principale source du « mystère de l’accumulation primitive » -contradiction sur laquelle même Marx avait buté. Elles ajoutent des verres teintés féministes aux lunettes marxistes. Dans leur optique, la ménagère est mariée à un patriarche salarié dont la paye, et non le pénis, est le premier objet d’envie. Elles ne semblent pas avoir remarqué que la redéfinition de la nature de la gemme, après la Révolution française, allait de pair avec celle de l’homme. Ainsi sont-elles doublement aveugles à la conspiration des ennemis de classe du XIXe siècle au service de la croissance et à sa réactivation par un genre inédit de guerre entre les sexes au sein du foyer.
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L’école est devenue la religion mondiale d’un prolétariat modernisé et elle offre ses vaines promesses de salut aux pauvres de l’ère technologique. L’Etat-nation a adopté cette religion, enrôlant tous les citoyens et les forçant à participer à ses programmes gradués d’enseignement sanctionnés par des diplômes. Ne retrouvons-nous pas là les rites initiatiques et les hiérarchies d’autrefois ?
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Prisonnier de l'idéologie scolaire, l'être humain renonce à la responsabilité de sa propre croissance et, par cette abdication, l'école le conduit à une sorte de suicide intellectuel.
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Aujourd'hui, figée dans le monopole d'une hiérarchie monolithique, la médecine protège ses frontières en encourageant la formation de paraprofessionnels auxquels sont sous-traités les soins autrefois dispensés par l'entourage du malade. Ce faisant, l'organisation médicale protège son monopole orthodoxe de la concurrence déloyale de toute guérison obtenue par des moyens hétérodoxes. […] Dans une société où l'on naîtrait et mourrait chez soi, où l'infirme et l'idiot ne seraient pas bannis de la place publique, il se trouverait des gens pour aider les autres à vivre, à souffrir et à mourir.
L'évidente complicité du professionnel et de son client ne suffit pas à expliquer la résistance du public à l'idée de déprofessionnaliser les soins. À la source de l'impuissance de l'homme industrialisé, on trouve l'autre fonction de la médecine présente qui sert de rituel pour conjurer la mort. Le patient se confie au médecin non seulement à cause de sa souffrance, mais par peur de la mort, pour s'en protéger. L'identification de toute maladie à la menace de mort est d'origine assez récente. En perdant la distinction entre la guérison d'une maladie curable et la préparation à l'acceptation du mal incurable, le médecin moderne a perdu le droit de ses prédécesseurs à se distinguer clairement du sorcier et du charlatan ; et son client a perdu la capacité de distinguer entre le soulagement de la souffrance et le recours à la conjuration. Par la célébration du rituel médical, le médecin masque la divergence entre le fait qu'il professe et la réalité qu'il crée, entre la lutte contre la souffrance et la mort d'un côté et l'éloignement de la mort au prix d'une souffrance prolongée de l'autre. Le courage de se soigner seul n'appartient qu'à l'homme qui a le courage de faire face à la mort.
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L’invasion médicale ne connait pas de bornes.
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